Les spectroscopies ICP affichent tous leurs potentiels

Le 20/03/2017 à 14:00

Quelle que soit la technique, «optique » (ICP-OES) ou « de masse » (ICP-MS), la spectroscopie àplasma à couplage inductif est devenue incontournable dans de nombreux secteurs et laboratoires d'analyses, succédant bien souvent àla spectroscopie d'absorption atomique.

Ametek

L e petit monde de la spectroscopie élémentaire, et en particulier celui de la spectroscopie à plasma à couplage inductif (ICP), connaît ces derniers temps une certaine effervescence,toutes proportions gardées évidemment comparée à la taille du marché global de l'instrumentation analytique. Si l'on remonte aux deux dernières années seulement, la majorité des fabricants ont en effet introduit des nouveaux modèles, à l'image de l'américain PerkinElmer et son ICP-MS NexION 2000 il y a quelques semaines ou de son compatriote Spectro (groupe Ametek) qui a lancé, en janvier 2017, la nouvelle version de son ICP-OES Spectroblue et, en janvier 2015, le spec-tromètreICP-OES Arcos.

Le japonais Shimadzu, lui, a complété son offre en analyse élémentaire, qui comprend les spectromètres àplasma à couplage inductif (ICP-AES), d'absorption atomique (AAS) et de fluorescence des rayons X par analyse dispersive en énergie (ED-XRF), avec l'ICP-MS ICPMS-2030. Cette technique, que le japonais commercialise depuis le début des années 1990 en Asie, est en fait désormais certifiée pour le marché européen.Quant aux américainsAgilent Technologies et Thermo Scientific, ils ont également profité de l'édition 2016 du salonAnalytica pour dévoiler respectivement l'ICP-OES 5110 et l'ICP-MS iCAP RQ, sachant qu'Agilent Technologies avait déjà lancé un an plus tôt le spectromètre ICP-MS quadripôle 7800 pour les analyses de routine. Signalons encore l'introduction du logiciel ICP Neo du japonais Horiba Scientific.

Mais qu'est-ce qui peut bien expliquer cet engouement pour les techniques de spectroscopie à plasma à couplage inductif ? Pour répondre à cette question et mieux comprendre ce qu'est l'ICP ( voir encadré page 40 ) –tout le monde n'est pas forcément familier de cette technique analytique de laboratoire–, il est judicieux de faire un peu d'histoire. « La technique d'analyse élémentaire la plus ancienne, et sûrement la plus connue, est la spectroscopie d'absorption atomique.Cette méthode,à laquelle on se réfère encore aujourd'hui,permet de réaliser des analyses mono-élémentaires – un seul composé est analysé à la fois, d'où l'obligation de repasser l'échantillon pour mesurer un autre composé –, avec des niveaux de sensibilité et une vitesse d'analyse assez limités »,explique MichelAlric, directeur général d'Analytik Jena France.

AgilentTechnologie Le marché de la spectrométrie ICP connaît de temps en temps des grandes manœuvres, durant lesquelles les fabricants se rachètent les uns les autres. Ce fut par exemple le cas avec l'acquisition de Varian par Agilent Technologies qui a depuis renouvelé complètement sa gamme de spectroscopie atomique et développé de nouvelles technologies.

AgilentTechnologies

L'apparition de la spectroscopie d'absorption atomique remonte en effet à la fin des années 1950. « Les premiers spectromètres ICP-OES, qui associaient le montage optique et le mode de détection d'un modèle d'absorption atomique avec un générateur de plasma, font leurs débuts une bonne dizaine d'années plus tard, entre 1971 et 1973 selon les sociétés. Et il faut attendre encore une décennie pour voir apparaître les premiers spectromètres ICP-MS. L'histoire veut que ce soit AB Sciex [la société américaine cède son activité ICP-MS à PerkinElmer en 2010] qui ait lancé le premier ICP-MS quadripôle en 1981 », poursuit Pierre-Luc Dupont, respon-sable de la ligne «Inorganique» et référent du laboratoire d'applications des Ulis chez PerkinElmer France.

Jérôme Darrouzès, responsable des ventes Spectroscopie atomique EMEAI d'AgilentTechnologies, précise, quant à lui, que « c'est d'abord dans les laboratoires de recherche que l'on a mis en œuvre les spectromètres ICP-MS, puis ensuite dans l'industrie .» Les technologies des spectromètres ICP ont atteint leur maturité entre le milieu des années 1980 et le milieu des années 1990 selon les fabricants, avec les systèmes ICP-OES séquentiels simultanés et le remplacement des photomultiplicateurs par des détecteurs à état solide (barrettes de diodes). C'est ainsi que, depuis cette époque, soit une vingtaine d'années, les spectromètres d'absorption atomique ont été largement supplantés par les spectromètres ICP-OES, voire ICP-MS, dans les laboratoires.

Des spectromètres aptes à tous les milieux

Quelle que soit la technique,«optique» ou « de masse », la spectroscopie à plasma à couplage inductif est devenue incontournable dans de nombreux secteurs et laboratoires d'analyses (publics et privés). « Les instruments ICP-OES et ICP-MS sont aptes à travailler dans n'importe quel domaine : l'environnement – le contrôle de l'eau potable ou des rejets dans les stations d'épuration –, l'agronomie avec l'analyse des sols par exemple, l'agroalimentaire, le biomédical avec les analyses sanguines, l'industrie (métallurgie, sidérurgie, traitement de surfaces), la recherche, la géologie, la spéciation avec les couplages, le nucléaire, les nanoparticules qui sont le nouvel Eldorado », énumère Pierre-Luc Dupont (PerkinElmer France).

Ce que confirme d'ailleurs Jérôme Darrouzès (Agilent Technologies) : « Parmi les marchés émergents où la notion de risque peut être importante, on trouve effectivement les nanoparticules qui sont par exemple utilisées de plus en plus souvent en agroalimentaire, ce qui peut avoir un impact sur l'être humain. Même s'il n'existe pas encore de normes,nous sommes de plus en plus fréquemment consultés pour évaluer la présence, la teneur et la taille des nanoparticules. » Et tous les fabricants mentionnent l'existence de normes toujours plus strictes dans les domaines réglementés (agroalimentaire, environnement, semi-conducteurs, pharmaceutique). « En pharmacopées américaine, européenne, etc., la directive ICH Q3D est une nouvelle réglementation qui impose le contrôle des impuretés métalliques dans les matières premières (molécules de base) jusqu'aux produits finis (médicaments), par la technique d'ICP », indique Jérôme Darrouzès.

Contrairement à ce que l'on pourrait imaginer, compte tenu des applications parfois très importantes dans lesquelles la technique est mise en œuvre, le marché des spectromètres ICP ne représente que quelques milliers d'unités vendues par an, pour chaque méthode (ICP-OES et ICP-MS). En 2010, le marché mondial de la spectrométrie ICP et ICP-MS représentait un montant de 700 millions de dollars (étude de la société américaine Strategic Design). Pour le cabinet d'études américain Market Research Hub (MRH), le marché mondial des spectromètres ICP-OES passerait de 1,201 milliard de dollars en 2016 à 1,331 milliard de dollars cinq ans plus tard, soit un taux de croissance annuel moyen (CAGR) de 2,08% sur la période. Selon une autre société d'analyses, l'indienne Markets & Markets, le marché mondial de l'analyse élémentaire, qui regroupe les techniques destructives (ICP-OES et ICP-MS) et non destructives (diffraction de poudre par rayons X, ou XRD, et spectrométrie d'émission optique, ou OES), représen-terait un montant de 6,213 milliards de dollars en 2020, en progression de 6,3% (CAGR) sur la période comprise entre 2015 et 2020.

Les deux leitmotivs récurrents dans l'analyse élémentaire, et donc en spectroscopie ICP, sont la couverture du tableau périodique de Mendeleïev, qui doit être la plus large possible, et la vitesse d'analyse. Sans oublier la sensibilité (de l'ordre du ppb, voire du ppt) et la consommation réduite en gaz.

PerkinElmer

« Depuis quelques années,le marché de la spectroscopie ICP-OES connaît des baisses et des hausses, comme en 2010/2011 où l'on a enregistré un pic des ventes. Mais l'essor des spectromètres ICP-MS et les réorganisations importantes dans le monde du laboratoire,avec la réduction du nombre de laboratoires d'analyse départementaux (rachetés par Eurofins Scientific et le groupe Carso, ou purement et simplement fermés) et dans l'industrie aussi, poussent plutôt vers l'utilisation des spectromètres ICP-MS », constate Pierre-Luc Dupont (PerkinElmer France). Sans oublier non plus le rôle des réglementations qui imposent des niveaux de détection toujours plus faibles.

Un vrai jeu de chaises musicales

« Le marché est plutôt stable, voire en légère hausse (de l'ordre de 2 à 3 %),depuis quelques années. Cela s'explique notamment par un nombre d'unités en hausse, même si les prix sont en baisse. Hormis se racheter les uns les autres,les fabricants ont,pour compenser cette tendance, la possibilité de développer des innovations et de se diversifier sur le secteur du biomédical,par exemple,ou des marchés autres que l'Europe et l'Amérique du Nord (Amérique du Sud, Moyen-Orient) », précise Pierre-Luc Dupont (PerkinElmer France). Le marché de la spectrométrie à plasma à couplage inductif se caractérise également par un petit nombre d'acteurs. Les trois principaux fabricants sont Agilent Technologies, PerkinElmer, distribué en France notamment par HTDS, et Thermo Fisher Scientific, aux côtés desquels on retrouve également Analytik Jena, Ametek (marque Spectro), l'australien GBC Scientific Equipment, distribué en France par Analytic Service, le japonais Hitachi, Horiba Scientific, Shimadzu, le chinois Skyray Instrument et l'américain Teledyne Leeman Labs, distribué en France par SerlaboTechnologies.

« Ces derniers temps,nous assistons de nouveau à de grandes manœuvres dans le domaine de l'ICP », affirme Pierre-Luc Dupont (PerkinElmer France). Ces derniers mois, le groupe Ametek a en effet finalisé, en août 2016, le rachat du britannique Nu Instruments pour sa division MaterialsAnalysis au sein de l'Electronic Instruments Group (EIG), Shimadzu a donc fait son entrée sur le marché européen il y a un an, et Analytik Jena a repris, en 2014, l'activité ICP-MS de l'américain Bruker. « Le rachat en 2015 par le groupe suisse Endress+Hauser nous permet de conforter notre position sur un marché très concurrentiel,où le ticket d'entrée est élevé pour être en mesure de proposer à nos clients des services complets. Notre approche du marché est basée à la fois sur le laboratoire et le process, certaines technologies de laboratoire pouvant être mises en ligne sur le process », explique MichelAlric (Analytik Jena France).

Mais ces «grandes manœuvres» sont loin d'être nouvelles. Pour ne citer que quelques-uns des rachats qui ont eu lieu depuis les années 1980, rappelons les rachats d'ARL, de l'italien Carlo Erba Strumentazione (1985) et du britanniqueVG Systems (1996) parThermo, via le rachat de certaines activités de la division Instruments scientifiques du groupe Fisons, ou le rachat en 1997 de Micromass par Waters, qui l'a ensuite revendu au britannique GV Instruments six ans plus tard, lui-même repris par Thermo en 2006. Ou encore le rachat de l'allemand Specto Analytical Instruments par Ametek en 2005, la reprise en 2010, par PerkinElmer, de la part du conglomérat américain Danaher dans leur joint-venturespécia-lisée en ICP-MS et issue notamment de l'acquisition par Danaher de l'activité Technologies analytiques de son compatriote MDS. Une autre acquisition entre américains en 2010 fut celle de Varian par Agilent Technologies, pour 1,5 milliard de dollars, qui a depuis renouvelé complètement sa gamme de spectroscopie atomique et développé de nouvelles technologies comme le MPAES et l'ICP-MS QQQ.

Parallèlement à ces différentes périodes de «grandes manœuvres», les fabricants n'en ont pas moins fait évoluer d'une manière continue leurs spectromètres ICP, comme on l'a déjà évoqué précédemment. Et, ces dernières années, les évolutions ont porté sur plusieurs points. « Même s'il s'agit d'un marché relativement mature, la technologie a connu des évolutions depuis 40 ans, les appareils devenant par exemple de plus en plus sensibles », confirme Laurent Girbal, directeur de la division Spectro d'Ametek France. Et Michel van den Berge, directeur Nouvelles technologies et produits de la division Spectroscopie et solutions de vide d'Agilent Technologies France, de renchérir : « La technologie évoluant, les spectromètres ICP permettent d'en faire toujours plus, comme d'analyser plus d'éléments et d'une manière plus précise. Les utilisateurs veulent en effet savoir plus d'informations sur leurs produits ».

Des améliorations en termes de sensibilité

Il s'agit par exemple d'obtenir une meilleure connaissance de matrices complexes, ou alors, comme évoqué précédemment, de répondre à des réglementations environnementales ou des pharmacopées toujours plus strictes en termes de concentrations à détecter. « Les spectromètres ICP-MS sont souvent utilisés en environnement pour chercher des impuretés dans l'eau, par exemple – c'est la réglementation qui fait foi – ou dans le domaine hospitalier qui représente un marché intéressant », explique Michel Alric (Analytik Jena France).

C'est ainsi que le fabricant allemand a notamment axé ses développements en ICP-OES sur la sensibilité (de l'ordre du µg/l, ou ppb, au lieu du ppm en absorption atomique à flamme) et la résolution, qui est par exemple d'une dizaine de pm à seulement 2 pm. « D'autres progrès ont été réalisés sur la haute résolution en ICP-MS, avec des spectromètres de masse multicollecteurs. Mais on ne parle plus des mêmes budgets : de tels modèles peuvent coûter entre 500 000 e et 1 Me, au lieu de 100 000 e à 130 000 e pour un modèle ICP-MS simple quadripôle », poursuit Michel Alric.

Pour Pierre-Luc Dupont (PerkinElmer France), « les deux leitmotivs récurrents dans l'analyse élémentaire sont la couverture du tableau périodique de Mendeleïev,qui doit être la plus large possible, et la vitesse d'analyse. Les méthodes ICP sont plus sensibles que l'absorption atomique à flamme, pour analyser des composés tels que le bore, le soufre ou le phosphore, mais moins sensibles que l'absorption atomique à four. L'ICP est toutefois bien plus rapide que l'absorption atomique. » D'autant plus avec l'analyse multi-élémentaire ( screening ) disponible dans les ICP-OES, qui permet d'identifier tous les composés à partir d'un seul échantillon.

En ce qui concerne la couverture du tableau périodique, la spectrométrie ICP permet d'analyser la quasi-totalité des éléments. « Nos spectromètres ICP-MS assurent l'acquisition simultanée de l'ensemble des masses comprises entre le lithium 6 et l'uranium 238, ce qui est unique », affirme Laurent Girbal (Ametek France). Mais l'ICP-MS diffère de l'ICP-OES du point de vue des concentrations analysables. « Même si des améliorations ont été apportées à l'ICP-MS, elle est toujours cantonnée aux matrices très peu chargées (0,2 ou 0,3 % au maximum). Par exemple, il est possible d'injecter directement un échantillon de saumure en ICP-OES, alors qu'il faut diluer l'échantillon par 100, voire 1 000 en ICP-MS, d'où une perte en sensibilité. Les performances en termes de sensibilité n'ont été augmentées que pour certaines applications », explique Michel Alric (Analytik Jena France). « Nous avons développé des technologies pour pallier la difficulté à mesurer de fortes concentrations en ICP-MS (phénomènes d'interférentiels isobariques par exemple) », indique, quant à lui, Pierre-Luc Dupont (PerkinElmer France).

Torche verticale et double vue

Que ce soit pour améliorer la vitesse d'analyse et/ou la sensibilité, le cœur des spectromètres ICP a connu quelques transformations ces dernières années. « Il y a d'abord eu les modèles séquentiels,avec une torche verticale,puis sont apparus dans les années 2000 les appareils simultanés : ils fournissaient une photographie instantanée du plasma et séparaient dans un deuxième temps les longueurs d'onde,et ce en quelques minutes, pour chaque échantillon (autour de 10 min en séquentiel) », explique Michel Alric (Analytik Jena France). La torche verticale a par la suite laissé sa place à une torche horizontale pour des mesures axiale et verticale, ce qui a permis de réduire la sensibilité. Aujourd'hui, des modèles intègrent une torche verticale et assurent des mesures axiales et radiales, d'où un meilleur compromis pour s'affranchir des problèmes.

Le principe de fonctionnement des ICP-OES et ICP-MS

À l'instar de la spectrométrie d'absorption atomique, les spectrométries à plasma à couplage inductif ( Inductively Coupled Plasma ou ICP), ou torche à plasma, sont mises en œuvre pour l'analyse élémentaire simultanée de la quasi-totalité des éléments –l'analyse prend quelques minutes (hors préparation). Le principe consiste à ioniser un échantillon– sous une forme condensée (liquide ou solide), d'où le recours à une dissolution ou une fusion, pour les solides, avant– en l'injectant dans un plasma d'argon, ou parfois d'hélium. Les atomes de la matière à analyser sont alors transformés en ions par une sorte

de flamme extrêmement chaude (jusqu'à 8000 ou 9000 K). L'échantillon sous forme d'aérosol est généré par un dispositif pneumatique (nébuliseur), ultrasonique ou physicochimique (électrospray).

Des nébuliseurs dits «à injection directe» ont été développés, permettant la formation de l'aérosol directement au sein du plasma et l'économie d'une partie de l'échantillon perdue dans la chambre de nébulisation. Depuis quelques années, une autre méthode permet l'échantillonnage direct des solides, avec l'avantage d'une bonne résolution spatiale. Il s'agit de l'ablation laser, qui consiste à focaliser sur la surface de l'échantillon un faisceau laser de longueur d'onde UV, pour obtenir un aérosol très fin. Ce dernier est ensuite entraîné depuis le point d'ablation jusqu'au plasma par un flux constant de gaz plasmagène. Quelle que soit la préparation utilisée, les ions sont injectés dans l'analyseur, puis détectés. Les deux principales techniques mises en œuvre sont la spectrométrie d'émission optique (OES) et la spectrométrie de masse (MS). Dans le cas de l'ICP dite «optique», à savoir ICP-OES ( Optical Emission Spectrometry ) ou ICP-AES ( Atomic Emission Spectrometry ), les atomes excités (ionisés), lorsqu'ils quittent le plasma, se recombinent avec un électron, en émettant un photon dont l'énergie (la longueur d'onde) est caractéristique de l'élément. La lumière ainsi émise est analysée par un ou plusieurs monochromateurs, par un réseau polychromateur ou une combinaison des deux, l'intensité de la lumière étant comparée à celle émise par le même élément contenu dans un échantillon de concentration connue analysé dans les mêmes conditions. Avec l'ICP couplée à une spectrométrie de masse (ICP-MS), des ions peuvent être séparés les uns des autres par applications de champs électromagnétiques, en fonction de leur masse atomique, de leur charge électrique et de leur vitesse.

Les appareils couramment utilisés font appel à deux technologies différentes: le secteur magnétique et le quadripôle. Depuis le milieu des années 1990, grâce à l'évolution des électroniques d'acquisition de données, sont apparus sur le marché des spectromètres à temps de vol ( Time-of-Flight ou TOF).

Source : Fanny Demay

Synoptique d'un ICP-OES

Synoptique d'un ICP-MS

Du côté d'Ametek, la société a développé, avec le modèle d'ICP-OESArcos, un système axial, radial et multivoies. « L'approche d'une position de la torche horizontale (axiale), pour les matrices peu chargées, et verticale (radiale), pour les solutions organiques, assure les meilleures performances des observations radiale et axiale, sans compromis, mais pas d'une manière continue », affirme Laurent Girbal (Ametek France). Il faut en effet qu'un technicien intervienne pour changer physiquement la position de la torche (débrancher les interfaces, tourner la spire et remonter le système), une opération qui ne prend que 1 min 20s. « L'intérêt est de pouvoir s'affranchir de toutes les interfaces optiques », précise-t-il. Agilent Technologies va même encore plus loin avec sa technologie DualView. « Il s'agit d'une conception de torche verticale unique où l'observation se fait en même temps dans l'axe de la torche (axial) et dans l'axe latéral (radial) via un miroir spécial ( Dichroic Spectral Combiner ou DSC), et non l'une après l'autre. D'où un gain de productivité de l'ordre de 40 % », explique Michel van den Berge (AgilentTechnologies France). La présence d'une torche verticale pour une double visée se retrouve dans les spectromètres ICP d'autres constructeurs. Les spectromètres ICP-MS, eux, intègrent aujourd'hui des spectromètres de masse simple quadripôle (Quad), mais aussi triple quadripôle (QQQ).

Même si certains constructeurs affirment que l'ICP-MS serait la technologie d'avenir, on revoit néanmoins, depuis deux ans, un regain d'intérêt pour les ICP-OES, en particulier pour l'analyse de matrices complexes.

Analytik Jena

Réduire la consommation en gaz et les coûts

Tous les fabricants ont fait des efforts significatifs en ce qui concerne la taille des spectromètres ICP. Si, dans les années 2000, un ICP-MS était monté sur roulettes, la réduction de ses dimensions a permis de l'installer sur les paillasses (encombrement inférieur à 1m 2 ). Chaque société a ses recettes pour réussir cette «miniaturisation», telles qu'une conception verticale et non horizontale. Au-delà de cet aspect, la facilité d'utilisation revêt d'autres formes: la robustesse et la fiabilité, la maintenance qui est désormais réduite à sa plus simple expression, la consommation en gaz. « À l'image du modèle Spectroblue introduit en 2013 et d'ailleurs distingué pour ses innovations, les spectro-mètres ICP consomment de moins en moins d'argon, gaz utilisé pour la plasmagène (création du plasma) et la purge de l'optique – l'argon, ou l'azote, assure la transparence de l'optique aux longueurs d'onde inférieures à 190 nm », explique Laurent Girbal (Ametek France).

« Nos modèles 4200 et 4210 (MP-AES) fonctionnent avec un générateur de plasma micro-ondes et de l'air, en lieu et place d'un gaz inflammable. Cette alternative entre spectromètres à absorption atomique et ICPOES est également utilisable hors laboratoire », explique Michel van den Berge (AgilentTechnologies France). D'autres développements encore permettent de réduire la consommation de gaz: « Le refroidissement par air, et non par eau, de l'appareil permet de s'affranchir d'un groupe froid, ainsi que du bruit et de la chaleur dissipée associés », poursuit Laurent Girbal (Ametek France). La société Analytik Jena, elle, a développé un nouveau générateur RF, dont le fonctionnement nécessite moins d'argon, mais avec les mêmes caractéristiques.

« Mais il faut raison garder car la consommation d'argon peut certes représenter un coût important, mais pas tant que cela s'il est ramené au coût de préparation d'un échantillon par exemple. Ce qui coûte cher est l'humain et la machine.Le coût d'un ICP (100 000 e) ramené sur dix ans,soit 10 000 e,correspond environ au coût d'un contrat de maintenance, mais pas à la consommation en gaz, hormis pour des analyses de routine », rappelle Pierre-Luc Dupont (PerkinElmer France). Ce que confirme Michel van den Berge (Agilent Technologies France) en ajoutant qu'« en facilitant la disponibilité des échantillons (5 min au lieu de 5 j) et en éliminant certaines étapes, les analyses peuvent être réalisées en laboratoire de contrôle qualité et non de R&D, ce qui permet de libérer un jour plus tôt la production ».

Avec le temps, la technologie ICP s'est donc démocratisée dans les laboratoires, l'ICP-OES étant même mise en œuvre pour les analyses de routine. « Même si certains constructeurs affirment que l'ICPMS serait la technologie d'avenir, nous revoyons néanmoins, depuis deux ans, un regain d'intérêt pour les ICP-OES, en particulier pour l'analyse de matrices complexes », affirme Michel Alric (Analytik Jena France). Quant à l'ICP-MS, la technique a atteint une limite liée à son environnement, et non à ses performances : travailler désormais sous le ng/l oblige d'être sûr de toute la chaîne analytique, des contraintes qui ne pourront être garanties qu'en salle blanche, comme c'est déjà le cas dans les semi-conducteurs. Et à la mort annoncée de la spectrométrie d'absorption atomique, nombre d'acteurs rétorquent que cette technique a encore toute sa place dans les applications où l'on ne veut analyser qu'un ou deux éléments (traitement de surface) ou lorsque des normes imposent son utilisation.

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