Les capteurs et autres appareils IO-Link

Le 25/02/2020 à 0:00
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On ne cesse de promouvoir, à longueur d'ar-ticles, de salons ou de journées techniques, l'usine du futur, à savoir une industrie connectée à tous les niveaux. Si les standards et les outils ne manquent pas en ce qui concerne les automates – avec notamment l'Ethernet industriel –, la supervision et le MES ( Manufacturing Execution Systems ), la réalité est toute autre sur le terrain au niveau des capteurs et des actionneurs. Parmi les possibilités disponibles sur le marché (4-20 mA Hart, AS-Interface ou AS-i, etc.), IO-Link a réussi à se faire une place de choix en tant que protocole de communication pour les appareils de terrain, en dépit d'un lancement en 2009.

Que ce soit pour la maintenance préventive, voire prévisionnelle, ou pour contribuer à la flexibilité des lignes de production, le protocole de communication numérique IO-Link joue désormais un rôle essentiel dans la remontée des données du terrain vers les automates ou les couches supérieures (« cloud »).

ifm electronic

« À l'origine, les fabricants s'en servaient en interne pour paramétrer très simplement les capteurs en sortie de production, avant leur mise sur le marché. Ces fabricants de capteurs ont ensuite été intégrés au groupe de travail normatif de Profinet. Le protocole est devenu un sous-groupe du consortium PI (Profibus & Profinet International), qui a implémenté cette communication série en vue de la standardiser », rappelle Thierry Lecoeur, chef de produits réseaux et contrôle chez ifm electronic France.

C'est ce que confirment David Ecobichon, Market Product Manager, Global Business Center Presence Detection chez Sick France, et Patrick Goudou, Managing Director de Balluff France, ce dernier précisant que « l'indépendance de ce protocole vis-à-vis des fabricants a permis de définir une norme internationale, référencée IEC 61131-9 et publiée en septembre 2013 dans sa version 1.0. » « Cette communication numérique point-à-point a d'abord été mise en œuvre dans la factory automation (automatisation d'usines), pour les capteurs TOR. Mais il s'agit d'un protocole parmi d'autres, tels qu'EtherNet/IP ou le signal Hart superposé au 4-20 mA omniprésent dans les procédés », indique Benoît Blachez, chef de marché sciences de la vie chez Endress+Hauser France.

« Comme ils embarquent désormais un microprocesseur et de l'“intelligence”, les capteurs créent beaucoup de données, une information qui n'est toutefois pas partagée. IO-Link permet de rendre disponibles la fonction primaire et des données secondaires », constate Jacques Apaloo, responsable produits et marketing France et Espagne chez Baumer. « En plus du signal TOR ou de la valeur de process [la fonction primaire, NDR], les capteurs fournissent des données d'identification et de services (paramètres, événements, diagnostics) [toutes les informations sont décrites dans le fichier IODD ( IO-Link Device Description ) fourni par le fabricant, NDR]. C'est là que réside la valeur ajoutée d'IO-Link », poursuit Christian Knecht, responsable marketing industries chez Endress+Hauser France.

Une communication de type maître-esclave

Dans une architecture numérique, les maîtres IO-Link sont la pierre angulaire, assurant les communications jusqu'aux derniers mètres, au plus proche des détecteurs et capteurs. Les maîtres fonctionnent ainsi en symbiose avec les réseaux Ethernet industriels (Profinet, EtherNet/IP, EtherCAT, etc.).

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Comme le présente le collectif IO-Link français sur son site Internet, « IO-Link n'est pas un bus de terrain, mais l'évolution naturelle de la technologie de connexion existante et éprouvée pour capteurs et actionneurs ». « C'est une communication série bidirectionnelle s'appuyant sur trois composants fonctionnant en maître-esclave, à l'instar de l'USB : un device (capteur ou actionneur), un câble 3, 4 ou 5 fils (M12, M8 ou M5) et un master . Dans 99 % des cas, le capteur ou l'actionneur est raccordé à un hub ou à une passerelle, dont la fonction est d'envoyer les données sur un protocole réseau », explique Thierry Lecoeur (ifm electronic France).

Pour le maître, la spécification définit deux classes de ports : la classe A, pour laquelle l'affectation de la broche 2 n'est pas détaillée et peut être librement définie par le constructeur, et la classe B pour les appareils nécessitant une alimentation spéciale. Avec un port de classe A, qui accepte un capteur 3 ou 4 fils, les données de process, des seuils (au nombre supérieur à deux), des événements, mais aussi les paramètres et l'identification sont disponibles.

Vers une interopérabilité totale ?

L'un des avantages souvent mis en avant par les fabricants est l'interopérabilité des capteurs et actionneurs IO-Link. Il est vrai que rien n'est plus simple que de déconnecter un capteur de pression puis d'en installer un autre avec la technologie IO-Link, pourvu que les deux capteurs soient du même type et proviennent du même fabricant. Toute la configuration, qui est enregistrée dans le maître ou l'automate auquel il est connecté, est automatiquement chargée dans le nouveau capteur, une fois ce dernier identifié. Cette fonctionnalité Plug & Play n'est toutefois pas totale, si l'on procède avec deux capteurs issus de fabricants différents. Toutes les caractéristiques d'un détecteur, capteur ou actionneur sont décrites dans son fichier IODD ( IO-Link Device Description ). « C'est ce fichier, propre à chaque capteur, qui sert au maître IO-Link pour configurer le capteur. S'il est encore nécessaire d'aller sur le site du fabricant ou sur celui du consortium IO-Link pour télécharger les fichiers IODD, cela ne sera plus le cas à l'avenir, avec les fichiers intégrés dans les capteurs », indique Claude Nait, Technology Consultant Components Safety/Sensor chez Rockwell Automation France. À côté de la fonction de base et d'autres données essentielles, le fichier IODD regroupe aussi des fonctions apportées par chaque fabricant. Si l'on veut utiliser ces fonctions supplémentaires, c'est plus compliqué : les utilisateurs doivent le programmer et le prévoir en amont dans l'automate. « La norme IEC 61131-9 ne précise pas tout ce qu'il faut mettre à disposition dans le fichier IODD, ni où se trouvent les informations. Il faudrait donc y apporter une certaine harmonisation », explique Jacques Apaloo, responsable produits et marketing France et Espagne chez Baumer. Des progrès ont déjà été faits avec la version 1.1 et la fonction Data Storage (DS).

Le premier avantage mis en avant par les fabricants est la facilité de câblage. Il n'y a pas besoin d'utiliser de câbles spéciaux, des câbles standards dotés de connecteurs M12 par exemple, suffisent amplement. En plus de réduire le risque d'erreur de câblage, les clients bénéficient de gains en termes de temps de montage et de coût.

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Certaines fonctionnalités accessibles avec IO-Link permettent de modifier à la volée des paramètres des capteurs installés, via une simple commande de l'automate, sans modifications d'outils ni intervention sur site. Les industriels peuvent ainsi réduire leurs stocks et améliorer la disponibilité de leurs machines.

Baumer

« Dans cette configuration en monocanal, la norme IO-Link définit deux modes de fonctionnement : le mode SIO (mode d'entrée/ sortie standard) ou le mode IO-Link. Dans ce cas, l'utilisateur doit choisir entre le paramétrage ou la remontée d'informations. Il existe également le mode Dual Channel , via la broche 2, ce qui permet de disposer de deux sorties », explique Jacques Apaloo (Baumer France). Un port de classe B est une liaison bidirectionnelle et propose une alimentation 24 V pour les actionneurs en option. Dans le mode IO-Link, la norme IEC 61131-9 définit trois vitesses de communication possibles : 4,8 kbit/s (COM1), 38,4 kbit/s (COM2) et 230,4 kbit/s (COM3).

On retrouve deux formes de transmission avec IO-Link : la transmission cyclique des données de process et des autres données – ce mode est disponible par défaut –, et la transmission acyclique, qui concerne l'échange des paramètres de configuration (à la demande du maître), des données de diagnostic (à la demande du maître ou spontanément) et des événements tels que les erreurs, les avertissements et les notifications (spontanément). Les si-gnaux sont transmis en 24 V en modulation d'impulsions au travers d'un UART ( Universal Asynchronous Receiver Transmitter ) standard, aucune alimentation spécifique n'étant nécessaire.

« Comme il s'agit d'un chip mature, bien moins cher qu'un chip Profinet par exemple, l'implémentation d'IO-Link dans un capteur est très économique, ce qui contribue à l'élargissement de l'offre et à l'intérêt des clients », indique Thierry Lecoeur (ifm electronic France). Et Benoît Blachez (Endress+Hauser France) de poursuivre : « Comme IO-Link peut être intégré dans des capteurs économiques et alimentés par la boucle – un chip IO-Link est également bien moins cher qu'un chip Hart –, il est donc très simple de déployer ce protocole dans les procédés, en particulier en agroalimentaire – une industrie grosse consommatrice de capteurs –, dans les skids , etc. »

La différence de coût entre un capteur standard et un capteur IO-Link étant bien souvent faible – chez certains fabricants, tous les nouveaux capteurs sont désormais disponibles en standard en IO-Link –, la majorité des industriels ne réfléchissent pas en termes économiques. « Nous distinguons deux niveaux de prix : les modèles utilisant la communication IO-Link pour récupérer les informations n'affichent pas de surcoût ; les modèles aux-quels est ajoutée de l'intelligence (comptage, mesure de longueur) s'en voient appliquer un », indique toutefois David Ecobichon (Sick France).

Des gains très importants en câblage

Mais les avantages du protocole de communication IO-Link ne s'arrêtent pas au seul coût des capteurs. « Lorsque l'on parle d'IO-Link, les avantages tournent autour de cinq axes : connecter, communiquer, prédire, remplacer et contrôler. C'est une approche qui couvre les gains que peuvent en retirer les clients en termes de productivité, de maintenance prévisionnelle, etc. », résume Jean-Baptiste Robert, responsable marketing chez Turck Banner. En ce qui concerne la connexion, toutes les personnes interrogées ont mis en avant la facilité de câblage. « Il n'y a en effet pas besoin d'utiliser de câbles spéciaux, des câbles standards dotés de connecteurs M12 par exemple, eux aussi standard, suffisent amplement. En plus de réduire le risque d'erreurs de câblage, les clients bénéficient de gains en termes de temps de montage et de coût », poursuit Jean-Baptiste Robert.

Avec ses hubs et ses maîtres, une architecture simplifiée IO-Link contribue également à réduire le nombre de connecteurs et les longueurs de câbles vers les armoires électriques (rationalisation du câblage). « Comme les communications sont numériques, le protocole IO-Link n'est pas sensible aux perturbations électromagnétiques, ce qui évite d'investir dans des câbles blindés », ajoute David Ecobichon (Sick France). « Les câbles non blindés sont bien moins onéreux, en particulier sur de grandes distances, et rendent les clients moins dépendants vis-à-vis des fournisseurs », renchérit Patrick Goudou (Balluff France). Autre avantage d'une transmission numérique, elle est plus précise, car il n'y a plus besoin de (re)convertir le signal. Le seul bémol mentionné par tous les fabricants concerne la distance entre un maître et son esclave. « On ne peut pas dépasser une distance de 20 mètres, sans ajouter de répéteurs », précise Thierry Lecoeur (ifm electronic France).

Le deuxième axe, en termes d'atouts, mentionné par Jean-Baptiste Robert (Turck Banner), porte sur les informations susceptibles d'être échangées entre les capteurs et actionneurs et les couches supérieures. « En établissant une communication directe avec le microprocesseur embarqué dans le capteur, IO-Link donne accès à d'autres informations (température, encrassement, etc.) que la seule valeur de process », rappelle Thierry Lecoeur (ifm electronic France). Contrairement à une solution mettant en œuvre un capteur et une carte d'entrée/sortie d'automate, l'utilisateur peut savoir si le signal 0 reçu correspond bien à une vraie non-détection ou s'il y a une coupure ou un court-circuit, au niveau du câblage, par exemple.

Une offre des plus variée et étoffée

Le moyen le plus rapide et le plus facile de savoir si un fabricant de détecteurs, de capteurs et/ou d'actionneurs propose des modèles IO-Link est de consulter le site du consortium IO-Link (www.io-link.com) ou celui du collectif IO-Link (https: //io-link.fr) pour la France. On dénombre pas moins de 270 membres au sein du consortium international, dont des fabricants de composants et des acteurs pas forcément actifs – ils ne proposent pas d'offre pour l'instant – et 16 fournisseurs dans le collectif français. Dans l'offre IO-Link globale, on retrouve aussi bien des maîtres, hubs et autres accessoires (alimentations électriques, convertisseurs, modules mémoires, etc.), des détecteurs (cellules optiques, détecteurs capacitifs, inductifs et magnétiques, détecteurs de couleur, de position, de proximité, etc.), que des codeurs et des capteurs (conductivité, débit, niveau, pression, température, turbidité). « Un hub permet également d'intégrer des capteurs basiques non IO-Link dans la chaîne IO-Link », indique Claude Nait, Technology Consultant Components Safety/Sensor chez Rockwell Automation France.

Certains acteurs proposent par ailleurs des actionneurs et îlots de distribution, voire d'autres périphériques, tels que des capteurs pour vérins, des contrôleurs de moteurs, des éjecteurs à vide, des têtes de lecture/écriture RFID, ainsi que des kits de développement, des logiciels et des services. Quelques fabricants proposent des caméras, mais « les vitesses de transmission que propose IO-Link ne sont pas assez rapides pour ce type de systèmes, comme d'ailleurs nos capteurs de distance laser les plus avancés », regrette Jacques Apaloo, responsable produits et marketing France et Espagne chez Baumer.

Exploiter les diagnostics

Pour David Ecobichon (Sick France), « l'un des intérêts d'IO-Link au niveau de la remontée des informations est de proposer une communication permanente entre le capteur, ou l'actionneur, et la tête de ligne (le maître IO-Link). Il est ainsi très facile de savoir ce qui se passe sur le process, comme une dérive de la distance entre le détecteur et les pièces qui défilent (1,9 mm au lieu de 2 mm). » Au-delà d'autres grandeurs physiques, les capteurs IO-Link peuvent aussi embarquer des fonctions avancées de diagnostic. Toutes ces informations sont ainsi accessibles à distance, voire à l'autre bout du monde.

Les utilisateurs ont alors les outils pour mettre en œuvre une maintenance proactive, voire prévisionnelle. « Les techniciens de maintenance peuvent en effet intervenir dès l'identification de la dérive, et ceci avant que survienne la casse du système de détection et donc l'arrêt inopiné de la production », poursuit David Ecobichon. « Vouloir “prédire” (3 e  axe des avantages) est une tendance de plus en plus forte constatée chez les industriels. Chaque fabricant de capteurs IO-Link apporte ainsi ses propres fonctionnalités pour permettre de planifier la maintenance », constate Jean-Baptiste Robert (Turck Banner).

« L'utilisation de capteurs IO-Link peut se résumer aux trois atouts suivants : “facilité” en termes de maintenance, “intelligence” – l'accès en temps réel à des diagnostics détaillés et la sauvegarde interactive des informations –, et “universalité”. Il s'agit dans ce dernier cas du remplacement Plug & Play automatique, interopérabilité définie par la norme IEC 61031-9 », avance Patrick Goudou (Balluff France). Plusieurs personnes interrogées ont toutefois nuancé le concept d'interopérabilité avec le protocole IO-Link ( voir encadré page 37 ).

« Une fois le détecteur en défaut identifié, l'utilisateur va simplement le remplacer et l'automate va immédiatement charger le réglage dans le nouveau modèle. Il suffit d'être un personnel non qualifié pour effectuer l'opé-ration », décrit Jacques Apaloo (Baumer France). « Tout est mémorisé dans le port IO-Link, ce qui évite par exemple d'essayer de mettre un capteur de pression au lieu d'un capteur de température et, plus généralement, d'assurer une traçabilité. Avec un capteur analogique traditionnel, il fallait remettre à l'échelle le signal 4-20 mA et reprogrammer l'automate, et forcément le capteur tombait en panne à trois heures du matin », indique Thierry Lecoeur (ifm electronic France).

IO-Link pour les derniers mètres

C'est ce qui fait dire à Claude Nait, Technology Consultant Components Safety/Sensor chez Rockwell Automation France, qu'« en connaissant tout sur les capteurs (température, nombre de fois utilisés, etc.), il est par ailleurs possible d'améliorer la disponibilité des machines et de répondre aux exigences de l'usine du futur. Avec l'association d'IO-Link et de notre architecture EtherNet/ IP, la modification à la volée des paramètres des capteurs (profils dédiés) assure la fabrication de produits personnalisables, via une commande de l'automate, sans modifications d'outils ni intervention sur site. »

Ce que confirme Jean-Baptiste Robert (Turck Banner), en ajoutant que « le changement des paramètres à la volée et en fonctionnement garantit un basculement immédiat entre deux lots différents, alors qu'il fallait de l'ordre de deux heures, par exemple, pour le faire manuellement. Un autre avantage est la réduction des stocks : l'industriel peut ne conserver qu'un même type de détecteurs capacitifs, selon le diélectrique du fluide, quel que soit l'endroit où ils seront installés. » Au-delà de la réduction des coûts liés aux machines, les industriels bénéficient également de coûts d'ingénierie réduits, notamment grâce à la génération automatique de documentation.

Certains fabricants, comme Sick, pratiquent deux niveaux de prix : les modèles utilisant la communication IO-Link pour récupérer les informations n'affichent pas de surcoût ; les modèles auxquels est ajoutée de l'intelligence (comptage, mesure de longueur) s'en voient appliquer un.

Sick

En plus du signal TOR ou de la valeur de process, les détecteurs et capteurs IO-Link fournissent des données d'identification et de services (paramètres, événements, diagnostics), toutes les informations étant décrites dans le fichier IODD fourni par le fabricant. C'est là que réside la valeur ajoutée de la technologie.

ndress+Hauser

Mais IO-Link n'intervient qu'au niveau des appareils de terrain. Pour exploiter les possibilités d'une architecture numérique au niveau d'une usine, les uti-lisateurs peuvent compter sur les maîtres IO-Link. « Ils servent de passerelle entre des capteurs IO-Link et/ou standard et un bus de terrain (Profinet, EtherNet/IP, OPC UA, USB, etc.), pour remonter les données vers un automate ou un cloud . Si IO-Link n'est pas une communication propriétaire, les utilisateurs doivent toutefois choisir le maître selon le type de bus de terrain et/ou d'automate déployé dans leur application », précise Jacques Apaloo (Baumer France).

David Ecobichon (Sick France) fait le même constat : « IO-Link et les bus de terrain (Profinet, EtherNet/IP, EtherCAT, etc.) fonctionnent en symbiose, et le maître est la pierre angulaire de ce système. Nous savons d'ailleurs qu'un client a basculé en technologie IO-Link par l'achat des maîtres. » C'est ainsi que l'on présente souvent IO-Link comme le protocole de communication pour les derniers mètres d'une architecture numérique, en complément des Ethernet indus- Rockwell Automation triels. « Il existe déjà d'autres protocoles de communication, comme AS-i, mais IO-Link va plus loin en termes de simplification », souligne Jean-Baptiste Robert (Turck Banner). Le Hart, lui, n'est pas réellement déployé en agroalimentaire ni dans l'industrie manufacturière, mais on le retrouve dans les procédés de pétrole et de gaz, de pétrochimie, de chimie, etc.

Des limitations existent néanmoins i

Comme toute technologie, le protocole de communication IO-Link a quand même quelques inconvénients : l'interopérabilité, la distance limitée entre maître et capteur, la vitesse de transmission de seulement une centaine de kilobits par seconde, ainsi que le sans-fil, la sécurité et les agréments pour les atmosphères explosibles.

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Cependant, tous les équipements ne s'y prêtent pas forcément. Certains détecteurs ou capteurs sont trop petits pour que l'on puisse implémenter les composants IO-Link. Par ailleurs, « si IO-Link convient bien à des blocs d'électrovannes, l'Ethernet industriel convient mieux à des variateurs de vitesse », poursuit Jean-Baptiste Robert. Ce que confirme Christian Knecht (Endress+Hauser France) : « Des vannes et des actionneurs IO-Link (ou AS-i) peuvent bénéficier d'informations supplémentaires, tout comme des capteurs fournissant peu de données (détecteurs TOR, capteurs de température, etc.) et ne requérant pas une grande bande passante. Pour les capteurs générant beaucoup de données, tels que les débitmètres, nous les connectons directement en EtherNet/IP ou Profinet. De toute façon, lorsque l'on discute avec les clients, tout ce qu'ils veulent est de pouvoir connecter leurs appareils de terrain sur un bus numérique. »

Comme toute technologie, s'il présente de nombreux avantages, le protocole de communication IO-Link a quand même quelques inconvénients. Nous avons déjà mentionné l'interopérabilité et la distance limitée entre maître et capteur, un inconvénient qui peut toutefois être contourné. « Si nous sommes en face d'une installation plus grande qu'un skid ou d'une petite unité – là où il est possible de tirer un câble directement du maître IO-Link à l'automate –, il est envisageable de démultiplier les masters à proximité de chaque équipement de l'installation, pour retransmettre les signaux via un Ethernet industriel », explique Benoît Blachez (Endress+Hauser France).

On peut également citer la vitesse de transmission d'une centaine de kilobits par seconde, qui ne permet pas de mettre en œuvre le standard dans des applications un tant soit peu rapides, sans même évoquer les applications temps réel, ni le sans-fil, la sécurité ou les agréments pour les atmosphères explosibles (Atex). Dans ce domaine-ci, il faudrait revoir toute la norme, car IO-Link n'a pas été défini à l'origine pour prendre en compte ces aspects liés à l'Atex, contrairement au protocole Hart (technologie 2 fils). « Nous proposons des capteurs de pression IO-Link conformes Atex II3G et 3D (série PS) dans notre catalogue », annonce néanmoins Jean-Baptiste Robert (Turck Banner). Les capteurs de niveau CleverLevel LBFH et LBFI du suisse Baumer affichent également des agréments Atex/IECEx.

À noter que le consortium PI a annoncé l'année dernière être dans la dernière ligne droite pour publier la spécification d'une couche physique avancée ( Advanced Physical Layer ou APL) pour un Ethernet 2 fils. La future norme IEEE 802.3cg (10Base-T1L) constituerait la base d'Ethernet-APL, et le groupe de travail ad hoc annonce des longueurs de câble allant jusqu'à 1 000 mètres à une vitesse de transmission de 10 Mbit/s en full duplex . Il serait alors possible de définir notamment un Ethernet-APL à sécurité intrinsèque. Est-ce que cette nouvelle norme viendra concurrencer IO-Link, ou est-ce que les deux technologies cohabiteront pour le meilleur ?

Les premiers maîtres IO-Link OPC UA

Dans le domaine du sans-fil, plusieurs sociétés proposent des solutions, à l'instar de l'allemand Kunbus, distribué en France par Resolucom (kits de développement pour maîtres et appareils), ou de l'israélien CoreTigo et son offre de maîtres et d'adaptateurs. L'américain SMC, lui, a présenté un module de base sans fil et compact pour le contrôle de mouvement à distance, lors du salon Pack Expo 2019, qui s'est tenu fin septembre à Las Vegas (États-Unis). « Pour étendre notre offre, nous sommes en train de développer un IO-Link sans fil, qui permettrait de communiquer directement entre les maîtres et les couches supérieures, via OPC UA », ajoute, pour sa part, Claude Nait (Rockwell Automation France).

On retrouve le même axe de développement (maîtres IO-Link compatibles OPC UA) du côté de Balluff et de l'allemand Pepperl+Fuchs. Si, dans le cas du premier, les produits ne sont prévus que dans deux ans, l'activité Factory Automation du second a dévoilé, lors du salon SPS IPC Drives qui s'est déroulé du 26 au 28 novembre 2019 à Nuremberg (Allemagne), les premiers maîtres IO-Link du marché dotés d'une interface compatible OPC UA. « Ils ouvrent ainsi la voie à une communication de bout-en-bout, transparente du terrain vers le cloud », affirmait la société lors de l'événement. Cette annonce faisait en réalité suite au rachat, début 2019, de l'américain Comtrol, un spécialiste des communications industrielles basées sur Ethernet et des maîtres IO-Link.

En ce qui concerne la sécurité, « la norme IEC 61131-9 évolue pour pouvoir prendre en compte cet aspect-là. Des fabricants proposent d'ores et déjà Profisafe dans un module IO-Link », signale Thierry Lecoeur (ifm elec-tronic France). Parmi les modèles disponibles sur le marché, on trouve le module d'entrées/sorties BNI IOF de l'allemand Balluff, le module MVK Fusion de l'allemand Murrelektronik et le module hybride TBPN de Turck Banner – la joint-venture entre l'américain Banner Engineering et l'allemand Turck.

Améliorer encore l'exploitation des données

« Notre concentrateur, qui peut être utilisé jusqu'à PLe/SIL 3, dispose de quatre entrées de sécurité pour les signaux issus de barrières immatérielles ou de capteurs inductifs de sécurité, de deux sorties de sécurité, pour désactiver des actionneurs, et de deux ports multicanaux. On sait traiter la sécurité avec IO-Link, si le client travaille avec des systèmes Siemens », précise toutefois Patrick Goudou (Balluff France). Mais certaines personnes interrogées émettent des réserves, ce qui fait dire à Claude Nait (Rockwell Automation France) que « nous avons fait le choix de ne pas nous posi-tionner sur IO-Link Safety, mais de privilégier un réseau de capteurs de sécurité, basé sur IO-Link et associé à une passerelle EtherNet/IP ». Enfin, plusieurs fabricants ont mentionné un dernier axe de développement dans le domaine de la technologie IO-Link. « Avec l'industrie 4.0, il y a de plus en plus de données à remonter et à générer en temps réel pour la maintenance ou pour adapter la ligne de production. Les industriels doivent alors se poser des questions comme “Faut-il traiter les données ?”, “Faut-il les archiver, et si oui sous quelle forme ?” », constate Patrick Goudou (Balluff France). « Si la technologie IO-Link est simple, elle n'est pas magique. Nous devons donc accompagner nos clients. Mais un client qui passe à IO-Link ne revient plus en arrière », affirme Thierry Lecoeur (ifm electronic France). « Les constructeurs de machines, qui ont mis en œuvre IO-Link pour un utilisateur final, peuvent ainsi mettre en avant tous les avantages du protocole. C'est d'ailleurs un bon déclencheur pour passer à IO-Link », constate Claude Nait (Rockwell Automation France).

Endress+Hauser

On connaît les bénéfices d'IO-Link, mais les fabricants portent leurs efforts de développement sur une plus grande facilité d'intégration des composants IO-Link dans un environnement logiciel, ainsi que sur l'exploitation des données.

Baumer Rockwell Automation Wika

« Avec le numérique, les clients se retrouvent avec une très grande quantité de données, mais on peut leur fournir des outils pour les aider à prendre des décisions. Au-delà des briques que sont Heartbeat et Netilion, par exemple, la démarche ne peut être que complète, avec aussi l'analyse des données », confirme Benoît Blachez (Endress+Hauser France). « Tout le monde connaît les bénéfices d'IO-Link, mais nous travaillons d'arrache-pied pour faciliter encore davantage l'intégration des composants IO-Link dans un environnement logiciel, ainsi que l'exploitation des données. Le marché de l'IO-Link ne peut que prendre de l'ampleur, et la standardisation de l'offre est une étape essentielle », renchérit David Ecobichon (Sick France).

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