Les sondes de pH industrielles

Le 01/03/2015 à 13:30

Certains l'ignorent peut-être, mais le corps humain constitué à 65 % d'eau fonctionne grâce notamment à de très subtils équilibres acido-basiques, ou homéostasie du pH. Il s'agit de la régulation entre les substances acides et alcalines présentes dans le corps humain. Chaque organe requiert une valeur de pH optimale pour remplir son rôle: entre 7,35 et 7,40 pour le sang, entre 6,5 et 7,5 pour la salive, 1,7 pour l'acide gastrique, etc. A l'image du corps humain, de nombreux procédés industriels mettent en œuvre de l'eau et requièrent donc le contrôle et la régulation du pH afin d'atteindre les conditions optimales de fonctionnement ou de rester dans des limites acceptables vis-à-vis de l'environnement par exemple. L'analogie entre le corps humain et les procédés industriels s'arrête ici parce que les utilisateurs disposent d'un large panel de moyens pour connaître en temps réel la valeur de pH, bien plus large en tout cas que les médecins…

Le potentiel hydrogène (pH) est, malgré ce que l'on pourrait penser, l'une des premières grandeurs physiques mesurées dans les procédés industriels, en nombre de points de mesure. Et pourtant les électrodes de pH pour les process sont considérées par les utilisateurs comme des consommables…

Endress+Hauser

Que ce soit en laboratoire, sur le terrain et au sein même des process, les industriels ont à leur disposition une grande variété d'électrodes de pH associées à des appareils portables ou de paillasse, à des transmetteurs. Dans la suite de cet article, nous allons nous intéresser principalement aux électrodes destinées aux applications de process et hors laboratoire. Et cela représente un très grand nombre d'industries… « Il s'agit aussi bien du traitement de l'eau tertiaire,des stations d'épuration, de l'agroalimentaire (jusqu'à la pisciculture, par exemple) et de toutes les industries rejetant des eaux usées (bassin de décantation en mécanique) que de l'industrie des peintures, des usines chimiques et pétrochimiques, des sucreries, etc. Certains disent que le pH est même le deuxième paramètre industriel mesuré, après la température », affirme Samuel Samouélian, directeur commercial de Knick France.

Ce que confirme Bernard Kieffer, responsable Produits chez Jumo Régulation, précisant: « Le marché en général, et dans l'industrie en particulier, est en croissance. Des organismes imposent en effet de plus en plus de contrôles, et des entreprises qui ne mesuraient pas jusque-là des paramètres physico-chimiques sont donc obligées de le faire maintenant.» S'il cite également les usines de production d'eau potable, les laboratoires pharmaceutiques, la neutralisation de l'eau en sortie d'usine, les laiteries et les usines de production de boissons, Bernard Kieffer mentionne que le secteur où Jumo Régulation vend le plus d'électrodes de pH est celui des piscines. « Il est vrai qu'il y a une demande croissante de la part des industriels pour les mesures de pH et d'autres paramètres (conductivité, oxygène dissous, etc.). Ils recherchent en effet une meilleure visibilité de leurs procédés pour mieux produire », constate Cyrille Nolot,directeur de la LBU Measurement and Analytics - Division Process Automation d'ABB France.

L'essentiel

Le pH est l'un des premiers paramètres mesurés dans l'industriel, et toutes les industries mettent en œuvre des électrodes de pH pour contrôler la production de produits, les rejets d'eaux usées, etc.

La grande évolution du marché est la démocratisation, ces dernières années, des sondes numériques.

Les fabricants travaillent également sur le système de référence.

Mais les électrodes de pH restent des consommables, ce qui impose de soigner tout particulièrement les précautions d'installation et de maintenance.

Guillaume Schneider, chef des ventes de Swan Instruments analytiques France est toutefois un peu plus nuancé: « Tout dépend des secteurs industriels : le marché de l'eau potable est par exemple stable, la grande majorité des acteurs sont présents sur celui des eaux usées, et de nouveaux points de mesure se créent dans le secteur de l'eau pure. Même s'il y en avait déjà en place, les points de mesure deviennent maintenant cri-tiques, d'où l'installation dans des systèmes d'alar-me. Les assureurs se renseignent d'ailleurs sur ce qui est mis en place pour la sécurité ! » Pour PatrickEberlé,respon-sable marché Electrochimie chez Chauvin Arnoux, qui vient d'annoncer le rachat de l'activité électrochimique d'Heito, « la légère croissance s'explique, dans les process industriels, par une demande de stabilité dans les productions et, en environnement, par le besoin de plus en plus fort de mesures en continue (capteurs in situ avec télétransmission), de systèmes d'alerte pour traiter les pollutions en amont.»

Les industries utilisatrices d'électrodes de pH sont très variées : on trouve aussi bien le traitement de l'eau tertiaire, les stations d'épuration, l'agroalimentaire et toutes les industries rejetant des eaux usées que l'industrie des peintures, les usines chimiques et pétrochimiques, les sucreries, etc.

Schneider Electric

Quelques mouvements de concentration…

Comme nous le verrons plus tard de par le principe de mesure même, les électrodes de pH dérivent plus ou moins rapidement et requièrent une intervention humaine plus importante que d'autres grandeurs physiques. Cyrille Nolot (ABB France) et Philippe Dejour, chef de produits chez Mettler-Toledo Analyse industrielle France, s'accordent d'ailleurs sur le fait suivant: « Le nombre de boucles de mesure de pH est en augmentation, en raison aussi du manque de personnels et de la charge accrue de travail à faire pour ceux qui restent.S'ils s'orientaient auparavant plus volontiers vers des mesures de pH par prélèvement, les industriels privilégient maintenant les contrôles en ligne, sachant les procédés fonctionnent en continu et non plus en batch.»

Le nombre de boucles de mesure de pH est en augmentation, en raison du manque de personnels et de la charge accrue de travail à faire pour ceux qui restent. Les mesures par prélèvement font de plus en plus place à des contrôles en ligne.

ABB

Il n'est malheureusement pas simple de se faire une idée un peu plus précise et quantifiée de ce que peut représenter le marché des sondes de pH. Dans l'une des rares études dénichées sur Internet et réalisée par le cabinet américain Process Analytics Consulting, le marché mondial des capteurs pour les process liquides atteignait en 2007 un montant d'environ 655 millions de dollars, avec un taux de croissance annuel pondéré (CAGR) de 3,1% entre 2002 et 2007. Etaient pris en compte dans cette analyse les capteurs de pH, de conductivité, d'oxygène dissous, les autres types de capteurs électrochimiques et leurs transmetteurs associés. « Pour l'année 2013,le chiffre d'affaires réalisé par les fabricants de sondes de pH dans le monde a atteint environ 600 millions de dollars,en progression permanente. Et il s'agit de consommables, ce qui rend le marché très intéressant », ajoute Patrick Bret, responsable produits chez Krohne France, fabricant qui a fait son entrée dans le domaine de l'analyse physico-chimique il y a tout juste deux ans ( voir Mesures n°855 ). Parmi les principaux acteurs du marché, selon les secteurs industriels, on peut citer les américains Emerson Process Management et Hach Lange, les helvético-américains Hamilton et Mettler-Toledo, les suisses Endress+Hauser et Swan, le japonais Yokogawa, les allemands Knick, Jumo et Prominent, l'helvético-suédoisABB… Il faut d'ailleurs compter un nouvel acteur sur le marché de l'analyse physico-chimique, à savoir le groupe français Chauvin Arnoux. Reconnu notamment pour son savoir-faire en mesures électriques et de température, le groupe vient en effet d'annoncer, au début du mois de février dernier, la reprise de l'activité électrochimique de son compatriote Heito, pour un montant non dévoilé. « Nous avons une expérience d'une soixantaine d'années dans le domaine de l'analyse physicochimique (pH/redox, conductivité,oxygène dissous et chlore) pour l'enseignement, les laboratoires de R&D, le contrôle qualité, les organismes de contrôle environnementaux, les industries (applications en ligne en chimie, pour les effluents, etc.).Au-delà de la cession de l'activité électrochimique, cet accord est un partenariat de transfert de savoir-faire et d'expertise entre les deux sociétés, la fabrication des électrodes par un souffleur de verre étant une de nos grandes forces », explique Patrick Eberlé (Chauvin Arnoux). Il faut déjà remonter quelques années en arrière pour voir le groupe Hach étoffer son portefeuille avec le rachat du catalan Crison Instruments en 2009, le français Radiometer Analytical en 2005, etc. « Le groupe, reconnu dans le domaine de l'instrumentation de laboratoire, a la volonté depuis quelques années de se développer dans l'industrie, notamment en environnement (eaux usées, eau potable) », explique Frédéric Soumet, directeur des ventes Lab de Hach Lange France. Hormis les quelques acquisitions ces dix dernières années, le marché de la mesure électrochimique a surtout connu la grande révolution du côté technologique, à savoir le passage de l'analogique au numérique. Pratiquement tous les fabricants interrogés proposent, ou vont introduire cette année, des sondes d'analyse (pH, conductivité, oxygène dissous, etc.) dites numériques. « La mesure du pH repose sur un principe potentiométrique, et qui dit mesure potentiométrique dit mesure de potentiel à courant nul. Il y a donc un courant quasi nul [et une tension de quelques millivolts, NDLR] entre le capteur et le transmetteur d'où l'utilisation d'un câble coaxial à impédance très élevée. Si par malheur apparaît de l'humidité ou un point de corrosion, un court-circuit se crée et altère alors la mesure », rappelle Olivier Pichon, Marketing Products chez Endress+Hauser France.

En électrochimique, la grande révolution est le passage de l'analogique au numérique. Pratiquement tous les fabricants proposent, ou vont introduire cette année, des sondes d'analyse (pH, conductivité, oxygène dissous, etc.) intégrant de l'électronique.

Knick

A l'image de la tecLine HD de Jumo, les améliorations apportées aux électrodes de pH portent sur le système de référence : tenue à des conditions sévères (0 à +130 °C, jusqu'à 13 bar) via différents diaphragmes, une chambre double, etc.

Jumo

Pour s'affranchir de la majeure partie des problèmes liés à la connectique et aux longueurs de câble, certains constructeurs ont chacun développé une technologie numérique, à l'instar de Mettler-Toledo depuis 2006 avec l' Intelligent Sensor Managament (ISM) ou du regroupement des sociétés Endress+Hauser, Hamilton, Knick et Schott Instruments (devenu SIAnalytics en 2009 et racheté l'année suivante par le groupe américain ITT devenu Xylem), qui a amené au développement de Memosens. « C'est ainsi qu'en 2005, nous avons introduit la technologie Memosens dans laquelle la tête de la sonde intègre l'électronique nécessaire à l'établissement d'une liaison numérique avec le transmetteur.On s'affranchit ainsi des perturbations liées aux champs électriques et électromagnétiques », poursuit Olivier Pichon. L'autre originalité de la technologie réside dans la mise en œuvre d'un contact plastique, et non plus électrique, au niveau du connecteur de l'électrode. « La connexion entre la sonde et le câble se fait selon un principe d'induction magnétique, via deux petites bobines. Il n'y a donc plus de risques liés à un problème d'humidité (connecteur étanche) et les contraintes d'utilisation sont bien moindres », ajoute Samuel Samouélian (Knick France).

En plus d'une bien meilleure transmission de données, surtout dans des environnements fortement perturbés, les fabricants de sondes de pH mettent en avant bien d'autres avantages. «Véhiculer un signal numérique permet de déporter une électrode de son transmetteur à une distance bien supérieure. Si l'on est limité à 30 m environ en analogique,il est possible d'atteindre une distance au moins 100 m en numérique,si la puissance d'alimentation est suffisante.Il reste toutefois l'obligation de disposer d'un transmetteur au plus proche de l'électrode pour son étalonnage », explique Frédéric Connan, chef de produits Analyse chez Yokogawa France. Le fait de pouvoir déporter capteurs et transmetteurs permet de répondre aux contraintes des zones explosives (Atex) ou de monter une électrode sur une cuve difficile d'accès, par exemple. D'autres constructeurs ont même résolu, d'une manière radicale, la question du transmetteur associé à une sonde de pH. Hamilton (technologieARC) ou plus récemment Krohne proposent en effet des modèles intégrant une liaison 4-20mA. « Grâce à leur interface 2 fils Hart, nos sondes Smartsens, dont l'offre s'étoffe petit à petit, sont directement connectables au process du client (un automate, par exemple) », indique Patrick Bret (Krohne France).

Quelques bonnes questions à se poser…

Quel est le type d'application (station d'épuration, production d'eau potable, pharmaceutique…)?

Quelles sont les caractéristiques du fluide à mesurer: sa conductivité, la qualité de l'eau, son agressivité chimique, son degré de salissure (diaphragme annulaire en céramique, en PTFE…)

Quelles sont les conditions de process de l'application (la température maximale et les variations/chocs de température, la pression, la compatibilité au NEP/SEP, certifications Atex, EHEDG, 3A, etc.), afin de prévoir un système de conditionneur?

Quel est le type de montage (mesure en ligne, en immersion, en by-pass …), de raccord process, de support (installation dans une cuve, dans une canalisation)?

De quel type de signal de sortie a-t-on besoin (analogique ou numérique), ce qui a une incidence sur la longueur de câble, l'utilisation d'un adaptateur d'impédance ou un préamplificateur en analogique, la présence d'afficheur ou non?

Vers une maintenance préventive et/ou centralisée

Autre avantage des électrodes de pH numériques, elles facilitent la vie des opérateurs et vont jusqu'à améliorer les pratiques des industriels. Grâce à la présence d'une mémoire dans la tête de sonde, il est possible de stocker dans l'électrode, et non dans le transmetteur, un ensemble d'informations (constructeur, date de fabrication, numéros de série et de référence, données d'étalonnage, etc.). « Le transmetteur associé ne vient plus que récupérer les informations nécessaires, ce qui évite ainsi d'envoyer un chimiste sur site pour intervention. Il suffit de dévisser l'électrode en place, d'en mettre une opérationnelle et de revenir en atelier pour la maintenance ou l'étalonnage », précise Samuel Samouélian (Knick France). Et il n'est plus nécessaire d'étalonner la boucle de mesure complète (électrode, câble et transmetteur) sur place ; auparavant, si l'on changeait d'électrode analogique, il fallait refaire l'étalonnage.

En ce qui concerne l'amélioration des pratiques des industriels, ces derniers peuvent s'appuyer sur ces électrodes à l'« intelligence» accrue pour mettre en place une véritable maintenance prédictive, et non curative. « En suivant et accumulant les informations sur les résistances de la membrane et du diaphragme, les dérives de la pente et du zéro, il est possible d'établir des statistiques qui permettent ensuite de déterminer un indicateur de durée de vie dynamique (DLI), selon le type de process, et d'autres outils », explique Philippe Dejour (Mettler-ToledoAnalyse industrielle France). La société travaille d'ailleurs en permanence sur les algorithmes au cœur de ces outils pour disposer d'une meilleure prédiction encore (le temps restant avant le prochain étalonnage, par exemple) et d'une «réactivité» accrue de l'électrode (un lissage de l'algorithme, issu des retours d'expérience sur le terrain, vis-à-vis des variations de température et/ou de pression qui peuvent réduire la DLI des électrodes).

«Avec la version 2 du logiciel d'étalonnage en laboratoire sur PC iSense,les utilisateurs ont accès à plus de diagnostics,à des tutoriels expliquant la démarche de maintenance,au support des smartphones Android et iOS pour lire via Bluetooth les caractéristiques d'une électrode,ainsi qu'à une analyse améliorée.En plus d'une base de données générale, ils disposent en effet d'une base de données par applications, ce qui permet aux capteurs de véritablement apprendre des process », poursuit Philippe Dejour. Olivier Pichon (Endress+Hauser France) voit même plus loin: « Comme l'étalonnage des sondes de pH peut être fait en atelier,où tout le matériel est déjà présent, il est possible de centraliser la maintenance d'un parc entier d'électrodes en un seul endroit. Mais cela nécessite une organisation différente avec un seul opérateur au lieu d'opérateurs spécialisés sur site, par exemple.»

Avec des sondes de pH analogiques, il est nécessaire d'étalonner la boucle de mesure complète (électrode, câble et transmetteur) sur place. Avec des sondes numériques, l'installation et l'étalonnage en sont grandement facilités.

Emerson Process Management

Si l'on fait la liste de tous les avantages des sondes numériques, on peut alors se demander quel est encore l'intérêt d'utiliser des sondes analogiques. Pour Frédéric Soumet (Hach Lange France), « les sondes de pH analogiques se distinguent par une certaine souplesse en termes de support de protocoles spécifiques,et les clients ne se sentent pas enfermer avec une marque donnée.» Et les sondes numériques ont quand même un ou deux inconvénients. « Leur principal défaut est qu'il s'agit d'électrodes trop chères pour des consommables, selon certains industriels. Même si elles leur font économiser l'achat d'un transmetteur », indique Samuel Samouélian (Knick France). Et Patrick Bret (Krohne France) d'aller même encore plus loin: « Nous sommes souvent confrontés à des habitudes de travail qui font que les utilisateurs sont encore frileux à passer aux sondes numériques.Et ce sont les personnes du process qui sont les plus réticentes à supprimer les convertisseurs ! » Il ne faut garder à l'esprit qu'une sonde analogique, quelle qu'elle soit, est compatible avec n'importe quel convertisseur du marché, ce qui n'est pas le cas avec un modèle numérique.

Si les électrodes de verre sont la très, très grande majorité des sondes de pH industrielles, les utilisateurs ont également à leur disposition des électrodes émaillées, comme celle du fabricant Pfaudler, et des électrodes ISFET.

Pfaudler

Des améliorations au niveau du système de référence

Intéressons-nous maintenant aux avantages et inconvénients des différents types de sondes de pH, et donc aux bonnes questions à se poser lors de l'achat d'un modèle. Comme certaines des personnes interrogées l'ont bien mentionné, les électrodes sont considérées, dans la quasi-totalité des applications,comme un consommable. Cela vient en fait du principe même de mesure qui se caractérise notamment par une dérive rapide de l'électrode en termes de pente et de zéro. Une dérive qui limite fortement la durée de vie d'une électrode (de quelques semaines à plus d'un an, en général), en plus d'imposer un étalonnage plus ou moins très fréquent (toutes les semaines, voire tous les jours dans certains process). La mesure de pH est d'ailleurs la seule ou en tout cas l'une des rares grandeurs physiques qui requiert des capteurs industriels jetables…

Parmi les différents types d'électrodes existant sur le marché, celui qui est le plus utilisé est l'électrode de verre. Pour réaliser une mesure de pH, il faut une électrode en verre (couple Ag/AgCl dans une solution de KCl et membrane en verre) –c'est le système de mesure–, une deuxième électrode (coupleAg/AgCl dans une solution de KCl et diaphragme) –c'est le système de référence– et une sonde de température pour la compensation. Si la mesure de pH permet de déterminer le potentiel hydrogène, à savoir l'activité chimique des ions hydrogènes H + en solution, il existe également des sondes redox (pour potentiel d'oxydoréduction) où la bulle de verre est remplacée par une coupelle en or ou en platine. Si l'on rencontre les électrolytes liquides essentiellement en laboratoire et/ou pour des mesures très précises (dans des milieux à très faible conductivité, par exemple) –il faut veiller à ce que la pression dans le système de référence soit supérieure à celle du milieu à mesurer –, les électrolytes KCl (chlorure de potassium) sous forme de gel plastique ou polymère sont plus robustes pour les applications portables et de process. Quel que soit le type de diaphragme (annulaire en PTFE, céramique, jonction ouverte, etc.), il est poreux afin d'assurer la diffusion de KCl dans le process. Il se peut déjà que la diffusion ne soit pas constante, si la pression dans le système de référence n'est pas suffisante, voire que des ions migrent du process dans la référence. Tout peut alors arriver: encrassement du diaphragme, contamination par des sulfures ou des cyanures, d'où une réaction avec l'argent et donc dérive de la mesure… Il est donc impératif de maintenir une pression suffisante dans le système de référence pour éviter une migration de l'extérieur vers l'intérieur de l'électrode. Auparavant, les électrodes dites à écoulement de KCl requéraient un montage très efficace mais nécessitant d'amener l'air comprimé pour appliquer une pression sur le KCl (attention au risque de fuites de KCl).Avec un électrolyte gel, en fait un polymère saturé en KCl, il peut (doit) être suffisant compact pour assurer une contre-pression suffisante vis-à-vis du milieu.

Avec le logiciel iSense 2 de Mettler-Toledo, les utilisateurs ont accès à une analyse améliorée (par applications désormais), au support des smartphones pour lire via Bluetooth les caractéristiques d'une électrode, etc.

Mettler Toledo

Les fabricants améliorent ainsi en permanence les performances du système de référence… mais ce sont des secrets jalousement gardés par chaque fabricant au niveau des différents éléments (membrane de verre, diaphragme, supports, etc.). « Il y a une dizaine d'années en arrière, les électrodes de référence sont d'abord passées de systèmes simples à des modèles avec diaphragme et pont KCl, puis plus récemment à des systèmes à double pont qui sont aujourd'hui devenus standard. Du côté des électrodes de mesure, il n'y a pas vraiment eu de révolution depuis une centaine d'années », constate Frédéric Connan (Yokogawa France). « Notre nouvelle électrode tecLine HD,par exemple,a été développée pour tenir à des conditions sévères, à savoir des températures comprises entre 0 et +130 °C,des pressions jusqu'à 13 bar et de l'eau bien sale. En plus des différents diaphragmes,il y a une chambre double (seule l'une étant polluée) qui évite à une pollution de remonter jusque dans la cellule de référence et ainsi à cette dernière de se dégrader très rapidement », indique Bernard Kieffer (Jumo Régulation).

Dans les applications d'eaux pures et ultrapures, la difficulté réside dans la capacité à réaliser des mesures de pH sur des produits à très faible conductivité (inférieure à 150 µS/cm, voire 3 µS/cm). Rares sont les fabricants proposant de telles solutions de mesure.

Swan

Une question de compromis, comme toujours…

Yokogawa, lui, propose les sondes de pH de la série SC (pour Super Combination ), qui sont des électrodes différentielles. Sur le plan mécanique, le capteur se compose d'une électrode de mesure, d'une électrode de verre sensible au sel, ou électrode au sodium (le système de référence dans les autres modèles), d'une sonde de température et d'un dispositif liquide de mise à la terre. « Nous distinguons les électrodes absolues standard des électrodes différentielles. Ces dernières, s'il faut en plus les recaler par rapport au process de par leur fonctionnement,ne peuvent pas être empoisonnées et ne nécessitent aucune maintenance, parce qu'il n'y a pas de diaphragme.Leur durée de vie peut atteindre dix ans - les constructeurs ne le garantissent toutefois pas », explique Frédéric Connan (Yokogawa France).

Dans un autre registre, celui des eaux pures et ultrapures, la difficulté est tout autre: il s'agit en effet d'être capable de réaliser des mesures de pH sur des produits à très faible conductivité. « Si tout le monde sait mesurer des eaux dont la conductivité est à supérieur à 150 µS/ cm, les problèmes apparaissent en dessous de cette valeur. Comme la conductivité n'est plus suffisante pour que les ions H+ entrent dans l'électrode de verre, les électrolytes gel fonctionnent plus ou moins bien jusqu'à 100 µS/cm et doivent ensuite être remplacés par un électrolyte de référence KCl liquide », rappelle Guillaume Schneider (Swan Instruments analytiques France). En dessous de 3µS/cm, il faut alors mettre en œuvre des électrodes de mesure et de référence séparées, et non une électrode combinée –son avantage est purement économique car il y a une seule sonde à changer– pour que le pont salin se fasse bien. « Malheureusement il arrive assez souvent que les appels d'offres n'indiquent qu'“eau pure”et la valeur de pH, sans préciser de valeur de conductivité », poursuit-il.

Parmi les autres atouts du numérique, la longueur des câbles n'est plus vraiment un souci, car les signaux ne risquent plus d'être perturbés, et les sondes deviennent véritablement « intelligentes ».

Yokogawa

A côté de la très grande majorité des sondes de verre, qui se distinguent par une large variété de types de verre, par des modèles à pénétration, etc., les lecteurs perspicaces auront identifié, dans le tableau sur l'aperçu de l'offre en sondes de pH industrielles, l'existence d'électrodes émaillées et ISFET. L'un des inconvénients des électrodes de verre est le risque de la casse de la bulle (la membrane de verre). C'est pour cela que des industriels comme l'agroalimentaire ou les cosmétiques bannissent la moindre présence de verre dans leurs procédés, voire même à proximité. Les électrodes émaillées sont ainsi suffisamment résistantes mécaniquement et surtout très stables dans le temps d'où une période entre deux étalonnages bien plus grands.

Quant aux électrodes Ion Sensitive Field Effect Transistor (ISFET), elles s'accommodent très bien des basses températures et des médias organiques. L'inconvénient majeur de ce type d'électrodes est qu'elles ne supportent pas la soude chaude. Ce qui est légèrement embêtant lorsque l'on sait que les process agroalimentaires mettent en œuvre des phases de nettoyage en place (NEP) et de stérilisation en place (SEP) qui font intervenir de la soude… C'est peut-être aussi ce qui explique que les électrodes de pH ISFET restent très confidentielles même si la technologie existe depuis une vingtaine d'années. D'autant qu'une électrode de verre ne casse pas aussi facilement que beaucoup le disent et que les transmetteurs actuels sont capables de détecter et d'avertir si une électrode se fêle. Ce qui fait dire à Cyrille Nolot (ABB France) que « c'est important de se poser les bonnes questions car le choix d'une sonde de pH est toujours un compromis entre la précision, la répétabilité (le plus souvent) et la fiabilité,sachant que tout instrument de mesure requiert de bonnes conditions d'installation, sous peine de n'obtenir que de mauvaises mesures.Mais il faut surtout prendre en compte le process dans sa globalité.Notre culture de généraliste venant du monde du contrôle commande et une philosophie de produits modulaires permettent de proposer à chaque client une solution globale personnalisée et clé en main, quelle que soit l'industrie.»

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