La mesure de niveau

Le 21/02/2019 à 13:30

C onnaître le niveau d'un hydrocarbure dans un réservoir, d'un mélange dans un bioréacteur ou de blé dans un silo revêt une importance bien plus grande qu'il n'y paraît. Les industriels ne peuvent, par exemple, pas se permettre de manquer de matière première au risque de devoir arrêter leur procédé. Et les produits en question sont aussi variés et différents que le sont du lait, du sable, du gaz naturel liquéfié (GNL), de l'eau, etc. Pour mesurer le niveau dans toutes ces applications –et il ne s'agit ici que d'un tout petit aperçu–, les industriels ont à leur disposition un très large éventail de technologies (jusqu'à une bonne dizaine en prenant en compte les plus rares).

Aux côtés des contrôleurs de niveau,tels que les lames vibrantes ou les contacteurs à plongeur, il y a également tous les types de transmetteurs permettant de réaliser la mesure continue d'un niveau. Cet article n'abordera «que» l'offre pour la mesure continue, et non pour la détection de niveau. « Il est toujours possible de réaliser une mesure plus ou moins continue en installant plusieurs détecteurs plus ou moins espacés les uns des autres », fait toutefois remarquer Max Stellmacher, directeur général délégué d'Engineering Mesures.

Connaître le niveau d'un hydrocarbure dans un réservoir, d'un mélange dans un bioréacteur ou de blé dans un silo revêt une importance bien plus grande qu'il n'y paraît. Pour mesurer le niveau dans toutes ces applications, les industriels ont à leur disposition un très large éventail de technologies.

Vega

Lorsque l'on s'intéresse au marché de la mesure continue du niveau dans les applications industrielles, la première caractéristique qui saute aux yeux est la profondeur en termes de technologies du catalogue de la grande majorité des fabricants. Certains proposent en effet jusqu'à sept grandes technologies différentes, tels que les américainsAmetek DrexelBrook, distribué en France par Dimelco, Aplus Finetek Sensor et Emerson Automation Solutions, le suisse Endress+Hauser ou l'allemand Kobold.

Il faut chercher un début d'explication du côté des industries utilisatrices. « On retrouve en effet des transmetteurs de niveau dans toutes les applications où il y a des réacteurs, des cuves, des systèmes de lubrification (un carter de machine-outil,par exemple),etc. – de nombreux fournisseurs sont présents sur ces marchés –, ainsi que dans les industries de la chimie, du pétrole et du gaz, du nucléaire, à savoir des marchés beaucoup plus exigeants et faisant appel à des compétences spécifiques. Il y a ici beaucoup moins d'acteurs.Wika veut ainsi se présenter comme expert pour les appli-cations spéciales en mesure de niveau », explique Thomas Meiller, responsable produits pour la mesure de niveau chez Wika Instruments.

E Lorsque l'on s'intéresse au marché de la mesure continue du niveau dans les applications industrielles, la première caractéristique qui saute aux yeux est la profondeur en termes de technologies du catalogue de la grande majorité des fabricants. Certains proposent en effet jusqu'à sept grandes technologies différentes.

Endress+Hauser

« C'est donc le process qui fait le choix de la technologie », affirme Luc Heusch, responsable des ventes chezVegaTechnique. Ce que confirment Benoît Blachez, chef de marché Sciences de la vie chez Endress+Hauser France, et Xavier Buire, responsable Produits Niveau et Température chez EmersonAutomation Solutions France: « c'est tellement dépendant du produit, dont on veut mesurer le niveau,et de l'application. » Pour Max Fossey, responsable Produits et Marchés chez Krohne France, un autre facteur entre en jeu: « il faut également prendre en compte les habitudes de chaque instrumentiste. » Et enfin, comme nous le verrons au cours de cet article, il n'existe aucune technologie «universelle», « aucune technologie qui couvre tous les défis des différentes applications.On ne peut d'ailleurs pas affirmer que les transmetteurs radar filoguidé savent tout faire », constate Jan Haerynck, Export Manager chez Magnetrol.

La bonne vieille poussée d'Archimède

Passons maintenant en revue les principales technologies de mesure de niveau rencontrées sur les sites industriels, ainsi que leurs avantages et leurs inconvé-nients. Commençons par les transmetteurs à flotteur. « On utilise ici le principe de la poussée d'Archimède pour faire monter, ou descendre, un flotteur le long d'un tube ou alors un flotteur libre dans une chambre en bypass. Ce que recherchent les industriels est la visibilité et la simplicité de mise en œuvre et de maintenance », explique Thomas Meiller (Wika Instruments). Avec une chambre en bypass, on ne voit pas directement le niveau. « Il faut alors recourir à un niveau à glace, qui permet la vue directe de l'interface.Dans les chaudières,par exemple, une norme impose ce type de solutions. Mais les risques sont plus élevés qu'avec une chambre soudée », précise-t-il.

Le choix de la technologie de mesure de niveau dépend tellement du produit dont on veut contrôler le niveau (eau, hydrocarbures, pulvérulants, etc.), et de l'application, comme les conditions de process, la présence d'un agitateur.

EmersonAutomation Solutions

Parmi les avantages, les opérateurs n'ont pas besoin d'aller consulter un afficheur

au pied d'une cuve et s'affranchissent des éventuels problèmes liés à l'électronique. Si elle ne fonctionne ni sur les liquides très chargés, ni sur les solides –le flotteur risque de se coincer–, cette technologie assure la visualisation du niveau même en cas de panne d'alimentation électrique. « On distingue les transmetteurs à flotteur associés à une chaîne Reed et ceux magnétostrictifs (ou magnétorésistifs) », précise Jacques Marionneau, directeur général de Kobold Instrumentation.

Dans le cas d'une chaîne de mesure Reed, ce sont des contacteurs espacés tous les 5mm, par exemple, qui font bouger les rouleaux servant à l'indication visuelle du niveau; il ne s'agit donc pas à proprement parler d'une mesure en continu, mais par pas. Quant à la technologie magnétostrictive, un aimant permanent placé dans le flotteur déclenche,avec son champ magnétique, la chaîne de mesure de résistance placée dans le tube de guidage, le signal de résistance mesuré étant proportionnel au niveau. « La précision d'un transmetteur magnétostrictif, qui est de l'ordre de 1 mm, peut être meilleure que celle d'un transmetteur radar. Si l'on cherche la précision, le choix se portera vers la technologie magnétostrictive ;si c'est la robustesse, la chaîne de mesure Reed (Suite page 45) (Suite de la page 41) sera privilégiée », indiqueThomas Meiller (Wika Instruments).

Technologie mature depuis des décennies, la mesure de niveau par flotteur, parfois également appelé plongeur, bénéficie toutefois de quelques améliorations. « Nous avons par exemple développé un flotteur d'un diamètre de 40 mm, au lieu de 60 mm auparavant,ce qui permet de réduire la masse et le coût », signale Jacques Marionneau (Kobold Instrumentation). Ce que confirme d'ailleurs Thomas Meiller (Wika Instruments),en ajoutant « le développement de flotteurs plus précis afin de réduire le pas et l'éclairage des rouleaux avec des Led Atex, car les rouleaux blancs et rouges sont peu visibles la nuit. Le savoir-faire de Wika nous permet de répondre à des applications complexes, mettant en jeu des produits corrosifs, comme des procédés d'activation, en construisant des chambres en Hastelloy ou en inox avec revêtement en PTFE à l'intérieur et flotteur en titane, des chambres supportant de très fortes pressions ou des températures très élevées, ou encore des chambres à double enveloppe avec circulation de vapeur ou traçage électrique pour des produits risquant de cristalliser ».

Parmi les différentes technologies de mesure disponibles sur le marché, on retrouve celles qui nécessitent qu'un élément soit en contact avec le fluide ou le solide à mesurer : le flotteur, le capacitif, les mesures hydrostatiques, le radar filoguidé.

Magnetrol

Le capacitif, une technologie anti-colmatant

Les représentants de plusieurs fabricants ont également cité, comme évolution, l'ajout d'une seconde technologie dans la chambre bypass. « Il y a en effet un grand intérêt de la part d'industriels pour disposer de deux instruments en un, à savoir un flotteur et un transmetteur radar filoguidé dans une seule chambre (Aurora), pour des raisons de compacité et/ou de sureté », constate Jan Haerynck (Magnetrol). Pour Max Fossey (Krohne France), « la tendance de mettre en redondance une autre technologie avec un appareil mécanique se développe pour la bonne raison que,si l'on veut ajouter un piquage supplémentaire, il faut de nouveau certifier la cuve d'un point de vue métallurgique. » Ce qui fait dire àThomas Meiller (Wika Instruments) que, si un industriel recherche une solution de mesure de niveau évolutive, il a tout intérêt à choisir une technologie mécanique.

À côté des transmetteurs à flotteur, il existe une autre technologie de mesure de niveau qui a fait ses preuves depuis longtemps. Il s'agit de la technologie capacitive, où le capteur capacitif et la paroi de la cuve forment les deux électrodes d'un condensateur. Une modification de la capacité provoquée par une modification du niveau est convertie en signal de mesure. « Cette technologie économique, qui est d'ailleurs à l'origine de la création d'Endress+Hauser, fonctionne très bien en agroalimentaire, sur de petites cuves, avec des fluides visqueux (via une compensa-tion), à des températures jusqu'à +100 °C grâce à des tiges revêtues »,affirme Christian Knecht, responsable marketing Industrie chez Endress+Hauser France. La technologie capacitive se caractérise également par des temps de réponse très rapides (100ms), ce qui permet de l'intégrer dans des machines de remplissage, ainsi que par l'absence de plage morte sur toute la longueur de la sonde. Edil Alvarez, nouveau chef de projets Systèmes vibratoires pour les pays francophones et hispaniques chez ifm electronic, cite un autre avantage: « l a technologie capacitive présente une bonne insensibilité vis-à-vis du colmatage, ce qui permet de savoir ce qu'il y a après, et donc s'il s'agit bien d'un colmatage, ou non. » Cet avantage des capteurs capacitifs par rapport aux transmetteurs radar filoguidé s'estompe, en raison de l'amélioration de la technologie radar en termes de précision. « Les sondes capacitives sont les plus souvent mises en œuvre dans les applications mécaniques, pour connaître le niveau d'un lubrifiant par exemple », constate-t-il. La technologie capacitive pêche néanmoins sur plusieurs aspects, tels que le fait de devoir insérer une sonde dans la cuve, ce qui peut poser un problème dans certaines applications, ou le fait de travailler avec deux produits différents ou un produit dont la caractéristique diélectrique est modifiée en cours de procédé. « Par contre, si l'on est en présence d'un produit stable et de mousse, on sait faire abstraction de la mousse.La technologie capacitive est alors une bonne alternative », insiste Christophe Barbier, chef de produits Niveau, Pesage et Photométrie chez Siemens SC PA/PI France. « Mais ces technologies que les industriels utilisent plus par habitude ont peu à peu été remplacées par une mesure de Pet, aujourd'hui, par la technologie radar filoguidé »,affirme Xavier Buire (Emerson Automation Solutions France).

Certains fabricants associent plusieurs technologies ensemble, pour des raisons de compacité, de nombre de piquage réduit ou de sécurité. C'est ainsi qu'un transmetteur radar filoguidé peut se retrouver avec un indicateur, dans la même chambre bypass.

Wika

Trois types de mesures hydrostatiques

La mesure de pression, ou mesure hydrostatique dans le cas qui nous intéresse ici, est en effet l'une des principales grandeurs physiques mises en œuvre pour la mesure en continu du niveau. C'est d'ailleurs la technologie la plus souvent proposée par les fabricants, en complément des autres technologies ou parce qu'ils sont spécialisés dans la mesure de pression. On dénombre une vingtaine de sociétés, à l'instar de l'allemand BD Sensors, du japonais Fuji Electric, du français Georgin, des suisses Keller et STS Sensors, de l'américain Viatran et du japonaisYokogawa Electric. « La mesure de pression, qui est le fer de lance de Yokogawa Electric, est en effet beaucoup utilisée pour déterminer le niveau, en particulier dans le pétrole et le gaz », confirme Frédéric Gerber, responsable produits Pression,Température et Sans-fil au sein de la filiale française.

Derrière le vocable «mesure hydrostatique », on distingue trois types de mesures de niveau différents. Il y a d'abord la mesure sur cuves ouvertes, qui est basée sur la détermination de la pression hydrostatique générée par la hauteur de la colonne de liquide. Il s'agit donc d'une mesure directe du niveau. « Dans le cas de cuves inertées ou sous pression,les capteurs de pression en pied de cuve laissent leur place aux capteurs de pression différentielle ( P ),afin de prendre en compte la pression correspondant au ciel gazeux ou à la surpression », explique Christian Knecht (Endress+Hauser France). Le troisième type de mesure hydrostatique regroupe les sondes de pression immergeables ou submersibles, « que l'on retrouve dans les applications de traitement des eaux ou dans les atmosphères explosives,avec des cuves enterrées par exemple », indique Edil Alvarez (ifm electronic).

Depuis quelques décennies, les fabricants proposent sur le marché des technologies de mesure de niveau sans contact. Après les transmetteurs à ultrasons, on a vu apparaître les transmetteurs radar et, plus récemment, des technologies optiques.

Siemens

En plus d'être une technologie mature et éprouvée, la mesure de pression se distingue par plusieurs avantages face aux technologies concurrentes. « Elle peut être mise en œuvre dans n'importe quelle application (process à température élevée ou à haute pression, produits corrosifs), avec toujours une facilité d'installation, au plus près du procédé avec un indicateur déporté supplémentaire si besoin est », avance Colette Démoulin, DP Flow and Pressure Product Manager Measurement & Analytical chez Emerson Automation Solutions France. « On s'affranchit en effet de ce qu'il y a dans la cuve (agitateur, bulles, mousse, etc.), ce qui n'influence donc pas la mesure. Et il est possible de répondre à des pressions jusqu'à 450 bar sur une colonne ou dans une cuve », précise Frédéric Gerber (Yokogawa Electric France). Et Colette Démoulin (Emerson Automation Solutions France) de poursuivre: « nous avons d'ailleurs développé une extension pour supporter des températures de process jusqu'à + 410 °C, en utilisant deux huiles de remplissage différentes ».

« Si l'on est en présence d'une application avec de l'eau entre - 10 et + 80 °C, la mesure hydrostatique est la bonne solution ; s'il s'agit d'un produit colmatant et à une température jusqu'à + 200 °C, la technologie radar sans contact devra être privilégiée, fait toutefois remarquer Luc Heusch (Vega Technique). En plus de la simplicité de mise en route, du fait du peu de contraintes d'installation – les capteurs sont quasiment Plug & Play –, les capteurs de pression sont également moins chers que les transmetteurs radar. » Ce que confirme Benoît Blachez (Endress+Hauser France) en ajoutant que « les capteurs de pression sont par ailleurs très précis et disposent du contrôle continu de leur bon fonctionnement,via notre technologie Heartbeat. La précision n'est pas àsous-esti-mer,car la mesure de niveau est souvent transformée,en une valeur de volume par exemple ».

Vers des séparateurs électroniques

La mesure hydrostatique a bien quelques inconvénients. « Il faut en effet faire attention à ce que la densité ne varie pas, suite par exemple à un mélange de deux produits ou à une variation de température », signale Christophe Barbier (Siemens France). La mesure de pression est en effet liée à la masse volumique du produit dont on cherche à connaître la hauteur: si la masse volumique change au cours du procédé, cela aura une influence sur la mesure de P, à hauteur constante évidemment. Pour compenser cette éventuelle influence, il est possible de réaliser une double mesure, l'une pour la mesure P et l'autre pour la mesure de densité (et qui est insensible à la P). On se retrouve alors avec quatre piquages, deux assez éloignés l'un de l'autre ( P) et deux plus rapprochés (densité).

Yokogawa Electric

Wika

Emerson

ifm electronic

Krohne

Derrière le vocable « mesure hydrostatique », on distingue trois types différents : les capteurs de pression en pied de cuve, les capteurs de pression différentielle (P), dans le cas de cuves inertées ou sous pression, et les sondes de pression immergeables ou submersibles.

Que ce soit dans ce cas de figure ou dans celui d'une mesure différentielle plus classique (avec un ciel gazeux), les industriels ont recours à des séparateurs à membrane associés à des capillaires. « S'il est ainsi possible de protéger le capteur de pression de produits colmatants,agressifs ou corrosifs, ou encore d'éloigner le transmetteur d'une température trop basse ou trop élevée vis-à-vis de l'électronique (de - 90 à + 400 °C, voire au-delà), les capillaires posent un autre problème », constate Frédéric Gerber (Yokogawa Electric France). Les parties aériennes des capillaires pour les basse et haute pressions sont soumises aux aléas des conditions environnementales. En cas de variation thermique de l'air ambiant ou de process, l'huile à l'intérieur des capillaires se dilate, ou se contracte, d'une manière différente d'un capillaire à l'autre. Le transmetteur voit alors une variation de pression qui ne correspond pas à une variation de niveau.

« L'une des solutions pour éviter ce problème serait de calorifuger et/ou réaliser un traçage électrique des capillaires. Mais ce choix s'avèrerait très onéreux et l'ensemble serait fragile et très lourd à manipuler compte tenu de la longueur des capillaires », propose Frédéric Gerber. La société japonaise a conçu des «capillaires compensés», sous la forme d'une option de montage. Un deuxième capillaire part de la haute pression (capteur en pied de cuve) en suivant le capillaire destiné à la mesure de P jusqu'à rien. Ce faisant, les deux capillaires présentent le même volume d'huile et le même cheminement – ils sont collés l'un à l'autre – et on peut ainsi s'affranchir de la température ambiante, quelle que soit la pression statique.

Des fabricants tels qu'Emerson Automation Solutions et Yokogawa Electric ont par ailleurs développé des séparateurs numériques. « La solution se présente sous la forme de deux capteurs de pression, un maître et un esclave qui peut être indifféremment en haut ou en bas, reliés par un simple câble électrique (une liaison numérique) et d'une carte électronique qui a en charge la synchronisation des deux mesures et le calcul du niveau. On s'affranchit ainsi des perturbations thermiques ou alors on peut améliorer les performances du système », explique Colette Démoulin (Emerson Automation Solutions France).

Les avantages de ce type de solutions sont évidents: un montage grandement facilité par rapport à des capillaires et une gestion des stocks simplifié, car les appareils ne sont pas appariés, mais on distingue quand même les esclaves des maîtres. « Contrairement à des capteurs 4-20 mA, le signal issu de séparateurs numériques ne passe pas par un CAN, une mise à l'échelle, etc.,pour chaque capteur,autant d'incertitudes de mesure qui se cumulent pour dégrader la précision finale. Même avec deux capteurs et une pression statique élevée (100 bar, voire 400 bar),il est possible de réaliser une mesure de faible P sans mise à l'échelle… pourvu que la cellule encaisse », poursuit Frédéric Gerber (Yokogawa Electric France). Pour Colette Démoulin (Emerson Automation Solutions France), « même si l'on travaille en numérique,il y a des cas de figure où la pression différentielle n'est pas assez importante par rapport à la pression de service. On estime qu'un ratio de 100 est la limite : pour une pression statique de 1 bar, si la plage de pression différentielle est supérieure à 10 mbar, on choisit un séparateur électronique et, si elle est inférieure à 10 mbar, on doit se poser des questions. Mais cela reste une ligne directrice très générale ».

Les ultrasons laissent leur place aux radars

Nous avons vu jusqu'ici des technologies de mesure de niveau nécessitant que le capteur ou un élément soit en contact avec le produit à mesurer. Le problème commun à toutes ces technologies est précisément d'être en contact avec le fluide ou le solide, ce qui peut devenir complexe ou trop cher à mettre en œuvre, lorsque le fluide est un produit très corrosif ou très agressif par exemple. « C'est ainsi que les mesures sans contact connaissent depuis des années un certain intérêt, voire sont à la mode. Nous avons ajouté, il n'y a pas longtemps, à notre offre les technologies à ultrasons et radar,pour des applications standard »,constate Jacques Marionneau (Kobold Instrumentation). « Les ultrasons sont d'abord arrivés sur le marché, puis les ondes électromagnétiques avec les radars. Cette technologie va prendre le leadership sur les autres, de par ses nombreux avantages (facilités de montage et d'étalonnage,par exemple) », précise Max Fossey (Krohne France).

Ce que confirme également Luc Heusch (Vega Technique) en ajoutant que « les transmetteurs radar sont venus marcher sur les plates-bandes des capteurs de mesure de P, avec lesquels on pouvait tout faire avant, via des capteurs radar conçus spécialement pour des applications complexes et sous l'impulsion de la filiale française. » En étant sans contact, le premier avantage des technologies à ultrasons et radar, ainsi qu'optiques –l'helvético-suédoisABB a par exemple développé le transmetteur laser LLT100 – est le fait de pouvoir s'affranchir de la compatibilité matière: au lieu de recourir à des matériaux nobles pour éviter la corrosion des éléments en contact, il est possible de construire des antennes radar avec des matériaux synthétiques.

Intéressons-nous à la mesure par ultrasons. Elle repose sur le principe du temps de parcours des ondes. Un capteur émet des impulsions ultrasoniques en direction de la surface externe du produit, surface qui réfléchit le signal détecté ensuite par le capteur. Le temps de vol du signal ultrasonique réfléchi est directement proportionnel à la distance parcourue. Il suffit de connaître la forme de la cuve pour calculer le niveau. « Nos transmetteurs à ultrasons sont plutôt destinés aux applications liées à l'eau, dans les stations d'épuration, par exemple », précise Jan Haerynck (Magnetrol). Benoît Blachez (Endress+Hauser France) cite un des avantages des transmetteurs à ultrasons: « ces derniers sont dotés de fonc-tions particulières, pour la conversion du niveau en débit via un algorithme validé ou pour automatiser un poste de relevage via des relais, par exemple.Les transmetteurs radar étant plus récents, il faut encore les associer à un petit automatisme dont le prix est de l'ordre de grandeur de celui d'un transmetteur,pour réaliser les mêmes fonctions ».

Du côté des limitations des ultrasons, on peut notamment citer l'influence de l'environnement. « La propagation des ondes ultrasonores se faisant dans l'air, si les propriétés de l'air varient, à cause d'une forte source de chaleur à proximité, d'un liquide ayant tendance à dégazer ou encore de la présence de beaucoup de poussières,les ondes ultrasonores se propageront différemment ou d'une manière non homogène », explique Christophe Barbier (Siemens France). Le fabricant continue de faire évoluer son offre, avec le lancement il ya quelques semaines du capteur Sitrans LU240 qui répond aux nouvelles exigences du marché, telles que le support du protocole Hart 7 et des diagnostics, une consommation plus faible.

Le fabricant australien Hawk Measurement Systems, représenté en France par Engineering Mesures, a développé des transmetteurs de niveau à ondes acoustiques. « Il ne s'agit plus ici d'ultrasons, mais d'ondes sonores à basses fréquences (4 à 50 kHz). Ces longueurs d'onde, plus grandes que celles des ultrasons,permettent d'être moins sensibles à la présence de particules, de poudres ou de vapeur.

Un autre avantage de tra-vailler à basses fréquences est le fait que le système s'auto-nettoie », explique Max Stellmacher (Engineering Mesures).

Même si la technologie radar sans contact à la fréquence de 80 GHz peut être considérée comme « universelle » par nombre de personnes, il n'empêche que chaque technologie de mesure de niveau présente des avantages et des inconvénients, que ce soit en termes de facilité d'utilisation, de robustesse, d'applications, etc.

Kobold

ifm electronic

ABB

Honeywell Process Solutions

Hawk Measurement Systems

Kobold

Le radar, une technologie universelle ?

« Si lors des années 1990, les ultrasons ont pris le pas sur la technologie capacitive pour les pulvérulants et la mesure de pression pour les liquides, c'est aujourd'hui le radar qui prend une part de marché relativement importante au détriment des autres technologies », constate Christophe Barbier (Siemens France). Ce que toutes les personnes interrogées ont confirmé, même dans des domaines tels que celui de l'eau. Endress+Hauser a notamment introduit sur le marché les Micropilot FMR10/20, des transmetteurs radar sans contact compacts et économiques ( voir Mesures n°889 ), tandis que Vega a ajouté à son offre leVegapuls WL S 61 en 2017. Nombre de fabricants se sont d'ailleurs lancés, ces dernières années, sur le marché de la mesure de niveau par radar pour compléter leur offre, soit en développant des modèles, soit en distribuant ceux de tiers.

Quand on parle de mesure de niveau par radar, il faut bien distinguer deux types de capteurs : les transmetteurs radar sans contact et filoguidé. Les premiers fonctionnent avec soit des impulsions radar de haute fréquence, qui sont émises par une antenne et réfléchies par la surface du produit (méthode du temps de vol), soit une onde électromagnétique continue à fréquence modulée (FMCW). Si l'onde est là aussi émise par une antenne et réfléchie par la surface du produit, c'est la mesure du changement de fréquence qui permet de calculer la durée et la distance. « En nombre d'unités,les modèles fonctionnant à une fréquence de 80GHz ont dépassé ceux à 26GHz, malgré un prix légèrement supérieur. Cela s'explique par les services rendus, à savoir une ins-tallation dans des endroits complexes,grâce à un angle d'émission réduit,et des mesures plus sûres en cas de réflexion, de par une plus grande plage dynamique », explique Luc Heusch (Vega Technique).

Quant aux transmetteurs radar filoguidé, ils mettent en œuvre des impulsions radar à haute fréquence, qui sont guidées le long d'une tige. Lorsque l'impulsion entre en contact avec la surface du produit, l'impédance caractéristique change et une partie de l'impulsion émise est réfléchie, ce qui permet de mesurer la durée entre l'émission et la réception de l'impulsion. Mais, avec la mesure radar filoguidé, la tige est en contact avec le produit à contrôler. Edil Alvarez (ifm electronic) mentionne toutefois que « les transmetteurs radar filoguidé sont beaucoup plus robustes vis-à-vis de l'environnement dans la cuve – une grande variété de matériaux est disponible pour les tiges – et l'autre avantage est la “sectionnabilité” de la tige. » Max Fossey (Krohne France) ajoute encore que « la technologie radar TDR (filoguidé) permet de mesurer les interfaces, comme l'eau et un hydrocarbure ».

Parmi les évolutions dans le domaine des radars, les fabricants mettent en avant, en plus de la montée des fréquences, le travail sur l'électronique afin de faciliter encore un peu plus leur utilisation. « Nous avons par exemple développé des appareils qui sont quasiment standard pour couvrir le maximum d'applications, sans que l'utilisateur doive consacrer des heures et des heures pour savoir s'en servir », indique Jan Haerynck (Magnetrol). « Honeywell Process Solutions a par ailleurs travaillé sur l'élimination des échos parasites, grâce à une onde électromagnétique à deux phases, qui permet davantage de corrélations entre faux et vrais échos », ajoute Max Stellmacher (Engineering Mesures).

Si un certain nombre de personnes parlent de la technologie radar à 80GHz comme de la technologie « universelle», il ne faudrait pas oublier la gammamétrie. « Il s'agit plus d'une solution de repli, quand on ne peut vraiment pas faire autrement, car le fait de travailler avec une source impose de très fortes contraintes : prouver que trois autres méthodes ne fonctionnent pas, disposer d'un personnel PCR formé, demander une autorisation auprès de l'ASN, etc. », conclut Luc Heusch (Vega Technique).

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