«Les facteurs organisatio nnels et humains ont leur place dans la ges tion du risque»

Le 16/03/2018 à 15:00

Mesures. Que sont les facteurs humains et organisationnels (FOH)?

Ludovic Moulin. On les résume parfois à «tout ce qui n'est pas technique». Mais c'est une vision très réductrice. Nous préférons dire que nous nous intéressons aux interactions entre la technique et l'humain. Cela implique l'individu, mais également l'échelle sociale, c'est-à-dire l'organisation qu'il y a autour. De ces facteurs organisation-nels et humains dépend la capacité à planifier et gérer les risques. On ne peut donc pas considérer une technologie à part du groupe humain qui l'utilise. Nous parlons de «systèmes sociotechniques».

Le terme est utilisé dans l'industrie,mais il n'en existe pas de définition universelle. Même au sein de l'Ineris, nous avons eu des discussions autour de cette définition.Concrètement,pour travailler, nous utilisons des modèles issus des sciences humaines et sociales pour comprendre et transformer l'organisation d'un site industriel. Il peut s'agir de psychologie sociale et cognitive, de sociologie, ou encore d'ergonomie. Lors d'un diagnostic, nous pouvons également nous intéresser aux risques psychosociaux,liés à la hiérarchie,au harcèlement ou aux conflits. Mais toujours en lien avec la performance sécurité, le cœur de notre métier.L'objectif de notre approche pluridisciplinaire est de donner une bonne représentation et compréhension de ce qu'il se passe sur le terrain.

Mesures. Pourquoi s'intéresser aux FOH pour traiter de la sécurité?

Ludovic Moulin. De manière générale, dès qu'il y a gestion de risque, un positionnement FOH a sa place. Historiquement, on ne traitait la sécurité qu'à travers des facteurs techniques. Il y a eu des investissements énormes pour assurer la fiabilité des machines, que ce soit dans le domaine de la production industrielle, dans l'aéronautique ou autres milieux professionnels. Mais l'humain a été oublié. Or les systèmes techniques ont été pensés par des concepteurs, sont mis en place, utilisés et gérés par des personnes. Sur le terrain, tout ne fonctionne pas comme prévu, il y a des aléas. Les gens font des compromis, un système de sécurité n'est pas toujours adapté à la réalité de la situation. Le but d'une telle démarche est donc de mettre en évidence ces décalages entre la théorie et la pratique.

Mesures. Il s'agit ainsi de limiter les risques d'erreur humaine?

Ludovic Moulin. Invoquer l'erreur humaine comme cause principale des accidents est la première croyance à casser. Cette explication, souvent mise en avant, est une simplification extrême, très éloignée de la réalité. Mais l'industrie est centrée sur la technique, et l'opérateur humain y est considéré comme un facteur d'instabilité. Des erreurs humaines se produisent tous les jours, et elles n'entraînent pas systéma-tiquement des accidents.Mais lorsqu'un accident se produit, et que l'on cherche une erreur humaine, on en trouvera forcément une. Ce qui est important, c'est de considérer les conséquences de l'erreur. Si je trébuche sur une bordure de trottoir, c'est une erreur humaine, et elle n'est pas grave. Si je trébuche au bord d'une falaise, c'est une erreur similaire, mais je risque la mort. Le risque dépend du contexte. Il faut donc éviter aux travailleurs de trébucher au bord d'une falaise. Et cela dépend de la façon dont le système est conçu, en termes d'ergonomie,d'organisation,de formation, ou encore de communication d'un service à l'autre.

Les risques sous l'œil de l'Ineris

L'Institut national de l'environnement et des risques est un établissement public industriel et commercial (EPIC), créé en 1990 et placé sous la tutelle du Ministère en charge de l'Environnement. Sa mission est de prévenir et évaluer les risques que les activités économiques font peser sur la santé, la sécurité des personnes et des biens ainsi que sur l'environnement.

« Nous ne sommes ni un bureau d'étude, ni un laboratoire,mais un établissement hybride , résume Ludovic Moulin.

Nous menons des activités très diverses, orientées sur le risque.Nous proposons des prestations commerciales pour les industriels,tout en menant des recherches. » L'Ineris compte quatre directions opérationnelles. La direction des risques du sol et du sous-sol est issue de l'ancêtre de l'Ineris, lié aux activités minières, le Cerchar (Centre d'études et recherches des charbonnages de France). La direction des risques chroniques s'intéresse à la pollution, et à son impact sur l'environnement. La direction des risques accidentels traite des sites industriels à risques, les ICPE (Installation classée pour la protection de l'environnement).

« Son rôle est notamment de rédiger des référentiels ou de mener des analyses de risque pour les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) , explique Ludovic Moulin. Les ingénieurs de l'Ineris mettent en place des méthodes pour faire des analyses, ou éditent des guides de bonnes pratiques. » Enfin la direction des services aux entreprises et de la certification a pour objectif de certifier des méthodes ou du matériel.

Mesures. Quelles sont les spécificités de l'industrie, en termes de FOH?

Ludovic Moulin. De façon générale, quel que soit le milieu professionnel, on observe les mêmes mécanismes de pouvoir, les mêmes rapports à l'erreur, problèmes de management ou de communication. Mais l'industrie présente une grande hétérogénéité des techniques. Dans l'aviation, par exemple, un avion reste un avion, même s'il en existe plusieurs types. Tandis que l'industrie peut mettre en jeu des silos à grain, des substances chimiques… c'est extrêmement varié. Ainsi, bien connaître un secteur industriel précis ne garantit pas de savoir transposer les méthodes de travail vers un autre secteur. De plus, il existe des moyens matériels et des sensibilités au risque très différents d'une entreprise à l'autre. L'industrie nucléaire, par exemple, dispose de plus de moyens que la plupart des industries classiques pour prendre en charge le risque en général, et donc les FOH.

Ludovic Moulin, responsable de l'unité HUGO (Facteurs humains et gouvernance des risques) à l'Ineris

Après un DESS d'ergonomie cognitive et de psychologie du travail, obtenu à l'Université Paris VIII, Ludovic Moulin travaille pendant 13 ans dans des bureaux d'études spécialisés dans l'aéronautique et le nucléaire, où il aborde le sujet des facteurs humains et organisationnels. Il rejoint l'Ineris en 2010, en tant que responsable de l'unité HUGO. L'équipe est une des trois unités du pôle AGIR (Analyse et gestion intégrée des risques), intégré à la Direction des risques accidentels (DRA).

HUGO regroupe une équipe pluridisciplinaire d'ergonomes, sociologues, spécialistes des sciences de l'ingénierie des activités à risque, ou encore des sciences de la gestion. L'unité combine des activités de recherche, commerciales, à travers des partenariats de recherche dans l'industrie, et l'appui aux pouvoirs publics. Cela se traduit notamment par une aide apportée aux inspecteurs des DREAL (Directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement) et la publication de guides pour les industriels.

Mesures. Quels sont les travailleurs concernés par cette approche?

Ludovic Moulin. Tout le monde! Nous nous intéressons aux acteurs de terrain, qui sont en première ligne, mais aussi aux managers et directeurs. Ils sont des opérateurs à part entière, avec leur propre système technique, et leur propre représentation de ce qu'il se passe sur le terrain. Il est important de comprendre le fonctionnement réel d'une organisation, son histoire, les jeux de pouvoirs. Cela implique donc tout aussi bien le service des achats que la direction des ressources humaines, qui traitent de sujets ayant une influence directe sur la sécurité. Par exemple, si le service achats fait le choix du moins-disant pour le matériel de sécurité, on peut s'attendre à ce que les équipements ne soient pas bien adaptés. Nous encourageons donc les entreprises à faire des tests, à demander l'avis des gens qui vont les utiliser. La direction a également une grande importance: parfois, un changement de directeur bouscule énormément les choses. Cela peut entraîner un redimensionnement des capacités à assurer la sécurité sur le terrain. La stratégie d'une direction influence les moyens mis à disposition et les décisions prises. C'est un sujet que nous commençons à traiter, avec des industriels prêts à se poser la question.

Mesures. Les entreprises sont-elles soumises à des réglementations dans le domaine des FOH?

Ludovic Moulin. L'Inspection des ins-tallations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) ne mentionne pas directement la question des FOH. Mais il existe une obligation de démontrer que l'entreprise classée Seveso s'est organisée pour gérer les risques.

L'unité HUGO (facteurs humains et gouvernance des risques) est pluridisciplinaire. Elle regroupe des ergonomes, sociologues, spécialistes du risque et de la gestion.

Guide de l'ingénierie des facteurs organisationnels et humains

Paru en novembre dernier, ce guide est disponible gratuitement via le site de l'Ineris ou Primarisk, la plate-forme de ressources intégrées pour la maîtrise des risques majeurs. Il porte la référence Omega 30. « Les Omegas sont les documents de référence de l'Ineris », précise Ludovic Moulin. Il contient une cartographie des démarches d'ingénierie des facteurs organisationnels et humains, avec 17 fiches méthodes sur lesquelles pourront s'appuyer les entreprises, et une aide pour concevoir un plan d'action FOH. « Une première version de ce guide avait été publiée en 2015 , rappelle Ludovic Moulin. Mais elle ne contenait que 4 fiches méthodes.

De plus,cette version augmentée a été revue par des pairs externes,ce qui nous a permis quelques améliorations ».

Depuis 2001, un arrêté impose d'avoir des systèmes de gestion de la sécurité (SGS), de faire des audits, des analyses de risques, des retours d'expérience, un suivi des modifications. Il faut, par exemple, pouvoir identifier les barrières de sécurité, et savoir qui sont les personnes en charge de leur mise en œuvre. Sur un site, c'est parfois compliqué. Il arrive qu'on ne sache plus à quoi correspondent certaines vannes, et que différentes personnes aient chacune leur propre explication. Une inspection peut permettre de pointer ces problèmes. Il faudra alors remettre tout cela à plat, de façon claire et précise. C'est une porte d'entrée pour nous. Ainsi, certaines entreprises font appel à notre équipe suite à une inspection ayant pointé une insuffisance de leurs SGS, ou pour analyser des accidents.

Mesures. Pensez-vous qu'il faudrait encadrer la prise en compte des FOH de façon réglementaire?

Ludovic Moulin. Cette question fait débat depuis dix ans au niveau des ICPE, mais n'a pas encore abouti. Dans l'état actuel des choses,lorsque les entreprises font appel à nous, c'est toujours dans une démarche volontaire: elles veulent faire les choses bien. Si elles étaient soumises à une réglementation, cela risquerait de devenir plus mécanique. Nous aurions plus de demandes, mais elles seraient peut-être moins suivies d'effets. Il ne faudrait pas simplement donner l'impression que les problèmes ont été traités, sans l'avoir été réellement. De plus, il est difficile de donner un référentiel explicite et objectif pour travailler sur ces questions.

En effet, se baser sur un ensemble de critères à respecter peut être réducteur par rapport à la complexité des situations. Il est possible que certains ne soient pas respectés, mais que le risque soit géré malgré tout. À l'inverse, tous les critères peuvent être au vert, mais avec une organisation fragile, qui ne garantirait pas la pérennité de la sécurité en cas de départ d'une personne, par exemple. Souvent, la bonne gestion de la sécurité est due à un petit collectif, ou à une personne en particulier.

Selon nous, la standardisation biaise le rapport au réel. Lors d'un audit, il arrive qu'une entreprise fasse en sorte de montrer à l'auditeur ce qu'il faut qu'il voie. On arrange les données, on donne un discours à tenir. Mais en termes de sécurité, ça n'est pas acceptable. Il ne faut pas faire semblant de bien faire les choses, ne pas privilégier la vitrine par rapport à l'arrière-boutique.

Mesures. Les entreprises ont-elles conscience de l'importance des FOH pour la sécurité?

Ludovic Moulin. En moyenne, très peu, mais la connaissance du sujet est très hétérogène. Il arrive que certaines personnes de l'organisation se soient intéressées à cette démarche, à la suite d'une formation par exemple. Certains syndicats se sont emparés de la question de la sécurité, et ont beaucoup travaillé sur les FOH, dans le but d'obtenir des CHSCT (comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail) plus compétents dans le domaine du risque majeur.

Au niveau du poste de travail, l'ergonomie a une image positive auprès des entreprises,car c'est un sujet très orienté sur la technique. Beaucoup de postes sont donc étudiés sous l'angle humain. Mais au niveau organisationnel, il y a eu très peu de progrès ces dernières décennies. Les personnes ayant un rôle dans l'organisation des entreprises n'ont généralement pas envie de se poser la question de l'impact de leur activité sur la sécurité, elles ne veulent pas avoir cette responsabilité, qui semble devoir incomber aux acteurs de terrain.

L'hégémonie de la culture technique empêche les FOH de prendre leur place. Même au sein de l'Ineris, nous ne sommes que cinq ingénieurs à travailler sur ce sujet.

Mesures. Le guide que vous avez publié propose un catalogue de démarches d'amélioration sous l'angle des FOH.Commet avez-vous procédé pour l'établir?

Ludovic Moulin. Le sujet étant très vaste, nous avons dû faire de nombreux compromis et simplifications. Nous nous sommes focalisés sur les démarches FOH visant le risque majeur, c'est-à-dire le risque d'accidents, à travers les procédés technologiques. Cela concerne donc les industries avec activités à risque (sites Seveso). Nous avons laissé de côté les démarches de gouvernance sociétale, les risques psychosociaux, ou encore les démarches visant uniquement la sécurité du poste de travail.

Nous sommes partis d'un constat: en communiquant avec certains industriels, nous nous sommes aperçus que certains pensaient avoir fait tout ce qu'il fallait en termes de prise en compte des FOH dès lors qu'ils avaient mené une démarche en particulier. C'est une vision réductrice du sujet! Nous avons donc voulu donner une meilleure représentation des FOH, au-delà d'une question posée à un instant t. L'un des objectifs du guide est de sensibiliser à la pluralité des approches. Nous avons donc abouti à ce panorama, un catalogue de méthodes ayant chacune une cible en particulier.

Pour classer ces démarches, nous les avons placées sur un repère ortho-normé, selon trois critères. D'abord, le moment auquel intervient la démarche: à la conception, pendant l'exploitation, ou après un incident,en tant que moyen d'investigation. Le deuxième critère est le degré d'expertise des personnes conduisant la démarche. Enfin, nous la situons dans un continuum entre le poste de travail et l'organisation.

Mesures. Comment se passe un diagnostic?

Ludovic Moulin. Tout d'abord, nous allons voir sur le terrain. Il ne faut pas s'arrêter à une description documentaire. Cela ne reflète pas la réalité. Les documents ne sont qu'un point de départ pour comprendre.

Nous avons d'abord besoin de comprendre les enjeux techniques et nous nous appuyons pour cela sur les analyses de risques faites par les ingénieurs, mais ensuite nous devons rencontrer les gens, observer leurs interactions, identifier la manière dont les problématiques de sécurité sont traitées. Il s'agit de voir concrètement ce qu'il se passe. À partir d'un modèle théorique que nous avons développé, nous travaillons avec des industriels partenaires. Nous passons du temps chez eux, pour rencontrer les acteurs, analyser leurs documents. Ce modèle nous permet de décrire les grands champs d'influence du fonctionnement d'une organisation et leur lien avec la sécurité. À l'issue de ce diagnostic, nous continuons parfois notre intervention pour mettre en place des espaces de discussion,où opérateurs et managers peuvent aborder les difficultés rencontrées au quotidien, qui les empêchent de bien faire leur travail. De cette façon, nous pouvons aller au fond du sujet.

La culture technique propre à l'industrie minimise l'influence des facteurs humains et de l'organisation sur la gestion du risque.

Ineris

Mesures. Comment, ensuite, mener à bien une démarche d'ingénierie FOH?

Ludovic Moulin. Pour partir sur de bonnes bases, il ne faut pas voir l'humain comme un facteur de risque, mais de fiabilité. Et il ne faut pas croire qu'il suffit d'appliquer une procédure pour régler un problème. Ensuite, il est important de se poser la question des ressources nécessaires, en termes de compétences, de temps, ou de formation. Il faut cerner les risques à traiter, et définir les moyens de les gérer. Il ne sera pas possible de tout faire en même temps, il faut donc se donner des priorités. Il peut s'agir par exemple d'anticiper l'impact de changements technologiques, ou d'analyser les accidents.

Nous invitons également à un questionnement sur ce qui a déjà été entrepris en interne sur le sujet, ce qu'il en reste, et la façon de le valoriser. Souvent, des démarches ont déjà été faites, mais tout le monde n'est pas au courant.Y a-t-il des personnes compétentes sur le sujet dans l'entreprise? Dans ce cas, il faut les inclure à la démarche,pour garantir une cohérence et une continuité.

Une autre condition est d'impliquer l'ensemble du personnel de l'entreprise, les acteurs de terrain comme la hiérarchie. Il faut avoir conscience que cela demande du travail et de la transparence.

Les efforts mis en œuvre vont-ils perdurer dans le temps ? Combien de temps va-t-on pouvoir mobiliser les personnes impliquées ? À quel coût ? Une fois que toutes ces questions ont été posées, le guide oriente vers la méthode la plus à même de répondre à la problématique. Il faudra l'adapter aux spécificités de l'entreprise.

En cas de manque de compétences en interne, il faudra solliciter l'aide d'un consultant extérieur, et donc prévoir un budget pour cela. La démarche d'ingénierie FOH est une prestation que nous vendons aux industriels. Nous espérons que nos travaux contribuent à faire monter en compétence en même temps les industriels et les inspecteurs des DREAL qui travaillent avec eux et les contrôlent. Nous avons l'objectif de toucher l'ensemble des acteurs de la sécurité industrielle.

Mesures. Comment votre équipe développe-t-elle ses démarches de diagnostic et d'ingénierie?

Ludovic Moulin. Nous faisons beaucoup de recherche en interne. Nous élaborons ainsi différentes méthodes, comme la transposition de l'enquête ethnographique à l'analyse de la performance sécurité d'une organisation. Celle-ci permet d'effectuer un diagnostic organisationnel. Nous avons également mis au point la démarche MIRA: monitoring intégré du risque actualisé. Elle sert à identifier les éléments à suivre sur le terrain, les exigences, les tâches critiques… Elle met l'ensemble des acteurs autour d'une table pour concevoir un système de gestion des risques, en répartissant les rôles, les responsabilités, et en mettant au point une architecture du risque (moyens, localisation, calendrier de maintenance, stock de produit dangereux…). Beaucoup de questions sont à se poser: quels sont les scénarios prévus en cas de problème? Où sont les équipements participant aux barrières de sécurité sur le terrain? Comment sont-elles gérées? Les tâches critiques, comme la maintenance ou les relevés de mesures, sont-elles bien effectuées? Les personnes en charge ont-elles les compétences nécessaires ? Comment sont contrôlés les stocks de matières dangereuses? Tout cela nous permet de faire le lien entre des exigences réglementaires et techniques et la structure de l'organisation.

Mesures. Quels autres organismes travaillent sur ce sujet?

Ludovic Moulin. Des universités, surtout anglo-saxonnes,ainsi que des laboratoires de recherche conçoivent des méthodes d'ingénierie. Sur le plan de la recherche, il existe une vraie communauté académique autour de ces questions à l'échelle internationale. Des colloques permettent d'échanger sur ces thématiques, comme le WOS: la conférence internationale sur la prévention des accidents au travail. Depuis une quarantaine d'années,les recherches sur les FOH sont très importantes, et continuent de s'enrichir.

Outre l'Ineris, des organismes comme l'ICSI (Institut pour une culture de sécurité industrielle) et la FONCSI (Fondation pour une culture de sécurité industrielle) proposent des guides de bonnes pratiques ou des documents de référence. L'IESF (association Ingénieurs et scientifiques de France) s'intéresse également au sujet: un numéro spécial de ses Cahiers, paru en novembre 2017, était consacré aux FOH dans la gestion des risques. En s'appuyant sur les travaux académiques existants, certains bureaux d'étude développent leur propre approche, en adaptant des méthodes existantes selon les sujets abordés et les ressources à leur disposition.

Mesures. Cela participe-t-il à une diffusion des bonnes pratiques dans l'industrie?

Ludovic Moulin. Malheureusement, le transfert de connaissances vers les entreprises est en général assez mauvais. Certaines approches de management et d'audits qualité très populaires contredisent ces travaux sur les FOH. Elles véhiculent une vision simpliste de l'application des procédures de sécurité, ou préconisent des sanctions à la suite d'une erreur. Il y a une étanchéité entre les connaissances développées en recherche et l'entreprise. Ainsi, nos re-commandations restent très générales: soyez plus proches du terrain, connaissez votre travail. Il reste donc encore beaucoup de travail de sensibilisation à faire!

Pour aller plus loin

L'Ineris publie de nombreux guides et documents destinés à aider les entreprises dans leur prise en charge des risques. Ces quelques références permettront d'approfondir le sujet des facteurs humains et organisationnels: Démarche d'évaluation des barrières humaines de sécurité (2009) Guide d'évaluation FOH des processus de retour d'expérience après événement (2015) Guide pour la prise en compte des changements organisationnels significatifs (2014) Pilotage de la sécurité par les indicateurs de performance – Guide à l'attention des ICPE (2015) Guide d'inspection des systèmes de gestion de la sécurité (à paraître)

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