Le sans-fil prend son envol… lentement

Le 09/05/2016 à 0:00

H En seulement une dizaine d'années, les sondes de température, les transmetteurs de niveau et autres instruments de process sans fil ont réussi à se faire une place sur un marché conservateur. Les efforts en termes de promotion et de développement de la part de fabricants tels qu'Emerson Process Management, ou plus récemment Honeywell et Yokogawa, n'y sont pas étrangers. Tout comme la standardisation des protocoles WirelessHart et ISA100.11a. À se rappeler des présentations dithyrambiques de l'époque, l'instrumentation de process sans fil allait vite devenir une solution incontournable… La situation est aujourd'hui beaucoup plus nuancée: un certain nombre d'industriels se sont convertis au sans-fil, mais surtout pour les grands parcs de réservoirs ou les machines tournantes.

Une dizaine d'années «seulement » après leur première apparition dans le catalogue de quelques fabricants, les instruments de process sans fil se sont faits une place dans le catalogue de la majorité des fabricants, ainsi que dans les parcs de réservoirs et autres sites isolés.

E ntre les infrastructures réseaux, les équipements informatiques mobiles, les concepts d'usine du futur (ou Industrie 4.0), etc., les technologies sans fil ont aujourd'hui envahi les usines et les installations industrielles. Jusqu'au niveau du terrain d'ailleurs, à savoir les transmetteurs et autres instrument de process. Il n'y a d'ailleurs pas un nouveau capteur de température ou un nouveau transmetteur de niveau pour lequel son fabricant ne met pas en avant la disponibilité d'une interface WirelessHart ou ISA100.11a, voire une autre interface comme le nouveau transmetteur de pression Bluetooth iDucer de l'américain GP: 50 ou les convertisseurs de mesure Wtrans B de l'allemand Jumo, par exemple. C'est ainsi qu'une dizaine d'années « seulement » après leur première apparition dans le catalogue de quelques fabricants, les instruments de process sans fil se sont faits une place dans le catalogue de la majorité des fabricants. Aidés en cela par les efforts importants en termes de développement et de promotion de la part d'Emerson Process Management en faveur duWirelessHart - les personnes ayant eu l'opportunité de participer mi-avril 2016, à Bruxelles (Belgique), à l'Emerson Global Users Exchange du fabricant américain ont pu voir une foultitude d'antennes se dresser dans la zone d'exposition - , ainsi qu'à la standardisation duWirelessHart et de l'ISA100.11a. À entendre les premières présentations de l'époque sur la technologie WirelessHart, d'aucuns auraient pu penser avoir trouvé, avec le sans-fil, la solution idéale pour leurs mesures dans les procédés industriels. Mais, avec le recul et les différents retours d'expérience, la situation est aujourd'hui bien différente.

« Quand on parle de transmetteurs sans fil,que ce soit WirelessHart ou un autre protocole, il s'agit d'une technologie radio mise en œuvre en tant que support de communication, sur lequel on véhicule le protocole Hart,dans le cas du WirelessHart, pour configurer un appareil par exemple », rappelle Éric Miegeville, chef de produit Life Cycle Management chez Endress+Hauser France. Les données et informations issues des transmetteurs sont ainsi centralisées en un point unique, bien souvent une passerelle de communication ( gateway ), pour ensuite être renvoyées vers une salle de contrôle, un système de contrôle-commande, etc., via une liaison série, Ethernet ou un bus de terrain.

Les retours d'expérience ont montré que les machines tournantes représentent l'autre grande catégorie d'applications pour les mesures de process sans fil. Mais on retrouve aussi les mesures temporaires, ponctuelles et/ou additionnelles, ainsi que les mesures liées au CHSCT et à la sécurité.

Le fait de s'affranchir des «fils» apporte évidemment une plus grande flexibilité que les réseaux câblés, et ouvre donc des possibilités que l'on imagine très facilement. « Les techniciens de terrain, qui sont les utilisateurs en première ligne, voient l'intérêt de ramener des informations sans devoir creuser des centaines de mètres de tran-chées.Voire même de pouvoir rapatrier des informations intéressantes, mais jusque-là délaissées car trop coûteuses à mettre en œuvre en filaire », explique Frédéric Gerber, responsable produit Pression et Température chezYokogawa France. « Il s'agit de rendre communicants des capteurs distants, sans le coût du coup de pelleteuse ! », renchérit Alain Coville, responsable Industrie Eaux et Déchets chez Phoenix Contact France. Alain Pierre, en charge du marketing commercial chez Pepperl+Fuchs France, va même plus loin: « Réinvestir pour tirer des câbles supplémentaires entre des équipements éloignés les uns des autres pose problème lorsque cela n'a pas été prévu dès l'origine. Le sans-fil est donc une solution ingénieuse et jolie,d'autant plus que les industriels recherchent aussi des solutions aux applications pour lesquelles ils n'ont pas de réponse . » Pour Ronan Brémont, responsable produits Automatismes chez Phoenix Contact France, « les personnels n'ont aujourd'hui plus le temps de se déplacer jusqu'à tous les équipements de process.Ils privilégient ainsi les solutions permettant de ramener et de centraliser en un point (la salle de contrôle) toutes les informations. » Au lieu de devoir prendre leur vélo pour parcourir leur site industriel par tous les temps, par exemple.

Pour les sites isolés et les machines tournantes

« Les demandes actuelles concernent, pour la plupart d'entre elles,des points difficiles à instrumenter. À moyen terme, dans le cadre de l'Industrie 4.0,leWirelessHart offre l'opportunité de pouvoir faire remonter une grande quantité de données encore captives au niveau des capteurs, et ce jusqu'à la supervision », avance Christophe Barbier, responsable produits pour l'instrumentation au sein de la division Digital Factory & Process Industries and Drives de Siemens France. En plus des parcs de réservoirs et autres sites isolés, les retours d'expérience ont montré que les machines tournantes représentent l'autre grande catégorie d'applications pour les mesures de process sans fil. « Par exemple les sécheurs rotatifs, instrumentés de capteurs de température pour la surveillance de l'équipement. Ou encore des cuves mobiles que l'on déplace entre différents postes de travail en pharmaceutique. Il faut en effet conserver en permanence la pression dans les cuves, et seule l'installation de différents relais WirelessHart le long du chemin assure la transmission des valeurs de pression lors du déplacement », explique Éric Miegeville (Endress+Hauser France).

Les techniciens de terrain, qui sont les utilisateurs en première ligne, voient l'intérêt de ramener des informations sans devoir creuser des centaines de mètres de tranchées. Voire même de pouvoir rapatrier des informations intéressantes, mais jusque-là délaissées car trop coûteuses à mettre en œuvre en filaire.

Pour Benoît Paredes, Business Development Manager Wireless Rosemount chez Emerson Process Management France, « la technologie sans fil nous permet de proposer une infrastructure complémentaire, commune à l'usine ( pervasive sensing ), pour des applications très variées. On retrouve les mesures distantes et celles intervenant dans la fiabilité des machines tournantes,mais aussi les mesures temporaires, ponctuelles et/ou additionnelles,pour améliorer un process ou accroître la capacité d'une usine, par exemple, ainsi que les mesures liées au CHSCT [ Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, ndlr ] et à la sécurité, etc. Il y a des parts de marché à prendre sur ces activités. » Même constat de la part de Xavier Miquel Barraguer, Honeywell Product Manager chez le distributeur français Engineering Mesures: « Nous sommes capables de déployer des infrastructures sans fil intégrant des détecteurs de gaz Wi-Fi portables de l'entité Honeywell Analytics. Ce qui permet de connaître aussi en permanence la position des opérateurs dans une raffinerie, un terminal pétrolier, etc. »

Même si les technologies et les réseaux sont maîtrisés depuis longtemps, la demande reste toutefois modeste et assez confidentielle en France. D'autres fabricants voient arriver de plus en plus d'appels d'offres spécifiant le sans-fil, quel que ce soit le protocole de communication (ISA100.11a, WirelessHart, radio, Wi-Fi, Trusted Wireless…).

Voilà pour la liste des applications dans lesquelles des transmetteurs de process sans fil sont déployés, car ce segment de marché n'est toutefois pas le marché phare tant espéré à une époque. « Aujourd'hui nous voyons arriver de plus en plus d'appels d'offres spécifiant le sans-fil ; le nombre de demandes par an a progressé d'un rapport 10 au cours de ces cinq dernières années. La technologie se démocratise donc », constate Antoine Dujancourt, responsable produits Niveaumétrie chez Krohne France. « Depuis 2009, année du lancement de nos premiers produits WirelessHart lors de la Foire de Hanovre, la demande commence à venir ; différents industriels présents dans les secteurs de l'eau, du stockage d'hydrocarbures et du stockage plus général nous sollicitent », renchérit Alain Pierre (Pepperl+Fuchs France). Ce que confirment toutes les autres personnes interrogées, d'ailleurs.

C'est encore un marché de niche…

« Même si les technologies et les réseaux sont maîtrisés depuis longtemps, la demande reste toutefois modeste et assez confidentielle en France, tempère Alain Coville (Phoenix Contact France). Les industriels du pétrole et gaz ont été les premiers pour les réservoirs de stockage, suivis maintenant par les industriels présents sur les secteurs de l'eau, des déchets, de la méthanisation. Nous avons par exemple développé une solution pour les stations d'épuration, dans le cadre du partenariat avec Krohne. » Les industriels se posent encore beaucoup de questions, d'où leur réticence vis-à-vis du sans-fil, quel que soit le protocole d'ailleurs, et plus généralement vis-à-vis des nouvelles technologies. « Mais les applications sans fil représentent moins de 5 % de l'ensemble des applications de process », affirme Cyrille Nolot,directeur de la LBU Measurement and Analytics de la division Process Automation d'ABB France.

« Il y a une certaine écoute,un certain intérêt, mais franchir le pas reste encore difficile, que ce soit pour les utilisateurs ou pour les dirigeants – des clients font la démarche,mais leur direction refuse – qui s'attachent plutôt aux vieux démons des transmissions radio,notamment la cybersécurité, qu'aux bons côtés », assure Frédéric Gerber (Yokogawa France). Sans compter le coût des solutions sans fil par rapport à celui des réseaux câblés : au-delà du coût en génie civil, est-ce que l'installation va fonctionner 24 h/24 7 j/7 (pas de perte de signal)? « Les très grands acteurs de l'industrie ont déjà standardisé le sans-fil dans leur procédure, mais, en fait, chacun attend que son voisin se mouille pour se lancer, d'où aussi la lenteur des déploiements et donc un gros travail d'éducation et de formation de notre part », constate Benoît Paredes (Emerson Process Management France). Pour donner une idée de la taille du marché mondial des réseaux sans fil dans les industries de process, selon la société d'analyse américaine ARC, les protocoles propriétaires représentaient en 2014 36,7 % d'un marché de 719,1 millions de dollars, le WirelessHart 31,7% et l'ISA100.11a 7,4%, le reste étant d'autres protocoles.

Un écosystème particulier

Dans la région Europe, Moyen-Orient etAfrique (EMEA),l'américain Emerson Process Management truste la première place, loin devant ses compatriotes Honeywell et General Electric, le suisse Endress+Hauser, les allemands Siemens et Phoenix Contact, etc. Autre crédit à mettre au profit des protocoles de communication sans fil dans les process, ARC prévoit un taux de croissance annuel moyen (CAGR) entre 2014 et 2019 supérieur à 13% dans le monde. Compte tenu de cette situation économique, l'écosystème en instrumentation de process sans fil se caractérise par la présence d'un ou de deux acteurs majeurs et très actifs, autour duquel (desquels) gravitent plein de fabricants ne proposant bien souvent qu'une seule grandeur physique ou alors des adaptateurs. Les principaux fabricants d'instrumentation de process ont d'ailleurs adopté des stratégies différentes pour se positionner sur le segment de marché du sans-fil. On retrouve ainsi Emerson Process Management, pour le WirelessHart, et Honeywell et Yokogawa, pour l'ISA100.11a, les trois sociétés proposant une offre plus ou moins étoffée de transmetteurs et capteurs,en plus d'une passerelle et d'adaptateurs. « Les acteurs majeurs sont les constructeurs qui peuvent mettre en œuvre toute la boucle depuis le captage de l'informa-tion jusqu'au système de gestion de cette infor-mation », explique Frédéric Gerber (Yokogawa France).

Autres fabricants, autre stratégie : la majorité des autres principaux acteurs ont en effet fait le choix de ne proposer qu'une passerelle et un adaptateur, ou alors un seul transmetteur pour une grandeur physique donnée (détecteur de gaz infrarouge pour les hydrocar-bures GS01 du norvégien GasSecure [racheté en mars 2015 par l'allemand Dräger] et transmetteur de suivi de corrosion MWT-3905 de l'américain Rohrback Cosasco Systems en ISA100.11a, par exemple). « Notre cœur de métier reste le domaine des produits pour les atmosphères explosibles (antidéflagrant, sécurité intrinsèque…) », rappelle par exemple Alain Pierre (Pepperl+Fuchs France). À noter que l'allemand Krohne a, lui, privilégié une troisième voie. Pour Antoine Dujancourt (Krohne France), « notre cœur de métier est l'instrumentation et la retransmission en est un autre. Nous ne proposons ainsi aucun produit sans fil. Par contre nous nous sommes rapprochés de Phoenix Contact, spécialiste mondial en transmission radio notamment, pour proposer des solutions complètes (mesure et transmission). La filiale française a d'ailleurs été précurseur il y a bientôt une dizaine d'années, même si le partenariat n'est officiel que depuis trois ans. L'un des avantages de ce partenariat est que, en cas de problème, il y a toujours un vrai support, un vrai service de SAV ».

Entre les deux normes de communication sans fil (ISA100.11a et WirelessHart), les différences techniques se situent plutôt à la marge. Même si l'offre de transmetteurs sans fil s'étoffe régulièrement, les industriels ayant fait le choix du sans-fil peuvent intégrer n'importe quel transmetteur 4-20 mA câblé à un réseau sans fil grâce à un adaptateur.

Avantages et limitations des protocoles

Nous parlons ici d'une manière générale des protocoles de communication sans fil pour les transmetteurs de process, mais il existe sur le marché deux principaux protocoles standardisés, à savoir le WirelessHart (EN 62591) et l'ISA100.11a (IEC 62734). Quand on parle avec les fabricants, on se rend compte que les transmissions radio telles que le Wi-Fi, le Bluetooth ou la radio proprement dite, sont aussi mises en œuvre sur le terrain. Pour quelles raisons les industriels choisiront de déployer plus un protocole que l'autre dans leur installation? Sans entrer dans les détails techniques, « les protocoles WirelessHart et ISA100.11a se valent l'un l'autre,leurs performances pures étant équivalentes, leurs fonctionnalités identiques… La principale différence tient dans l'omniprésence du protocole Hart et donc de l'offre d'instruments WirelessHart disponibles sur le marché », affirme Éric Miegeville (Endress+Hauser France). « WirelessHart est en effet développé autour du Hart avec une parfaite interopérabilité avec ce dernier, ce qui facilite l'étude et la prise en

main par l'instrumentiste. Dans la mesure où il est possible de coupler un capteur existant 4-20 mA ou 4-20 mA Hart à un adaptateur WirelessHart,on peut considérer que toutes les applications sont couvertes. À moins bien entendu que la problématique de l'alimentation électrique soit insoluble », renchérit Christophe Barbier (Siemens France). Autre avantage de l'offre théoriquement déjà très conséquente en WirelessHart, plus il y a de modules connectés, plus le réseau est maillé, car la transmission point à point d'une valeur analogique peut être un inconvénient.

S'il est vrai que l'ISA100.11a ne s'appuie pas sur une base déjà installée, les partisans de ce protocole de communication ne manquent pas d'arguments. « Toutes les mesures que l'on retrouve traditionnellement dans les process peuvent être transmises par notre gamme, et plusieurs fabricants ont apporté des appareils spécifiques (détection de gaz, mesure de vibrations ou de corrosion, positionneur de vanne, etc.). Notre passerelle ISA100.11a permet alors de gérer tous les produits de ces différents fabricants et, pour ceux qui voudraient développer un produit et rejoindre l'ISA100 Wireless Compliance Institute (WCI),Yokogawa a développé une antenne qui vient se greffer sur n'importe quel appareil, la même antenne qui équipe nos convertisseurs », avance quant à lui Frédéric Gerber (Yokogawa France). Il cite, parmi les avantages de l'ISA100.11a, la plus longue portée de transmission (600m en Europe, contre seulement 250m en WirelessHart, ce qui permet d'atteindre quand même une distance de 2,4 km avec trois routeurs). « Si la portée d'une liaison Bluetooth est de l'ordre de 150 m et celle du WirelessHart et duWi-Fi d'environ 250 m en milieu industriel,notre technologieTrusted Wireless fonctionnant à une fréquence de 868 MHz, peut afficher une portée de 20 km », surenchérit Ronan Brémont (Phoenix Contact France). Xavier Miquel Barraguer (Engineering Mesures) identifie un autre atout de l'ISA100.11a : « Ce protocole permet de manipuler bien plus d'informations et d'une manière plus rapide.Je prends souvent la comparaison entre le Hart et les bus de terrain Profibus ou Modbus… » « Si,en théorie,tous types de capteurs peuvent être en sans-fil, on retrouve toutefois deux principales catégories d'appareils, à savoir les débitmètres dans le domaine de l'eau et les mesures de niveau éloignées du centre technique », indique Antoine Dujancourt (Krohne France). Cela s'explique par le fait que les applications le plus souvent rencontrées sont la retransmission d'informations, la surveillance de paramètres précis. « Ce ne sont pas des procédés rapides (régulation, par exemple), ni des applications ayant un aspect de sécurité, en raison de la vitesse lente du protocole Hart », constate Christophe Barbier (Siemens France).

Des autonomies jusqu'à 10 ans

À entendre certains industriels, le déploiement des infrastructures sans fil en général, et plus particulièrement dans les process, pâtirait de deux freins : l'autonomie des appareils et les problèmes liés à la sécurité. En ce qui concerne l'autonomie, « la première génération des transmetteurs ISA100.11a avait déjà une bonne autonomie des batteries, car leur électronique était développée spécifiquement pour le sans-fil et donc moins énergivore que les versions adaptées du filaire, comme c'est souvent le cas par ailleurs (WirelessHart). La deuxième génération a encore progressé dans ce domaine, et nous pouvons aller jusqu'à plus de 10 ans d'autonomie avec une scrutation à 5 s », explique Frédéric Gerber (Yokogawa France).

L'un des facteurs souvent cités expliquant une adoption lente des technologies sans fil serait les problèmes de sécurité, et plus particulièrement de cybersécurité. S'il est vrai que les appareils de terrain sont une porte du réseau, c'est plus souvent lié à une réticence des services IT.

Ce que confirme Xavier Miquel Barraguer (Engineering Mesures), en ajoutant qu'« une durée de vie comprise entre 3 et 10 ans est assurée par le fonctionnement même des transmetteurs ISA100.11a qui,par défaut, ne servent pas aussi de répéteurs, contrairement auWirelessHart. Si cette fonctionnalité peut présenter des avantages,elle rend toutefois plus difficile la possibilité de prévoir la durée de vie des batteries. » Honeywell propose d'ailleurs un logiciel de gestion du réseauWDM ( Wireless Device Manager ) dans sa gamme OneWireless. Ce système permet entre autres de créer et d'envoyer des rapports prédéfinis intégrant des informations sur la durée de vie des batteries et la connectivité, une vue d'ensemble de la santé des appareils, etc.

Pour Christophe Barbier (Siemens France), « l'autonomie peut effectivement être un problème, d'autant plus que certaines applications nécessitent des principes de mesure plus gourmands en énergie que d'autres. En revanche, sur un certain nombre de sites, la présence d'équipements électriques en tous genres fait que l'alimentation d'un capteur reste une problématique bien relative comparée à l'acheminement de la mesure. » Pour ce qui est des applications complètement isolées, « il est assez rare de ne pas trouver de réseau électrique 220V ou 24V.Dans ces rares cas, des batteries associées à des panneaux solaires, ou à une éolienne, peuvent être une réponse,mais une solution exposée au vandalisme et dont le surcoût ne justifie pas la solution sans fil », indique Ronan Brémont (Phoenix Contact France).

Les premiers capteurs sans fil, ni batteries

Mais, dans toutes ces applications, « il faut toujours tirer un câble pour l'alimentation, ou les capteurs fonctionnent sur des batteries Lithium-ion dont la gestion n'est pas si simple entre interventions régulières pour remplacer les batteries usagées et recyclage de ces dernières », constate Cyrille Nolot (ABB France). Des sociétés se sont alors lancées dans le développement de technologies de récupération d'énergie ( energy harvesting ), telles que le britannique Perpetuum, avec qui collabore Emerson Process Measurement, ou l'helvéticosuédoisABB. Si Perpetuum s'est orienté vers la conversion de l'énergie produite par les vibrations mécaniques, ABB a privilégié l'effet thermique ( voir Mesures n° 882 ). « Notre technologie repose sur l'effet Seebeck (l'effet Peltier inverse) : la différence de température entre le procédé et l'ambiant permet de générer une différence de tension qui sert alors à alimenter le transmetteur… du moment que la différence de température est au moins de 30 °C. Pour éviter une dissipation trop importante de la température entre le procédé et l'ambiant, une collerette de couleur verte a été ajoutée, collerette qui permet aussi d'identifier au premier coup d'œil les versions autonomes », décrit Sandrine Guychard, responsable de l'équipe technico-commerciale sédentaire au sein de l'activité Analyse et instrumentation d'ABB France.

Ce générateur thermoélectrique (TEG pour Thermoelectric Generator ) intégré est associé à une électronique ultra basse consommation afin d'optimiser au mieux l'énergie consommée (mise en veille de l'affichage au bout de 10s, par exemple). D'ailleurs la majorité des personnes interrogées s'accordent sur un fait: « Nous améliorons régulièrement l'électronique de tous nos transmetteurs,ce qui passe notamment par un design moins consommateur en général.Ce qui bénéficie indirectement aux modèles WirelessHart », indique Éric Miegeville (Endress+Hauser France). « La récupération d'énergie reste très minoritaire.Si un utilisateur nous demande un temps de rafraîchissement plus rapide (donc une autonomie plus faible), nous allons plutôt le convaincre d'augmenter le taux de rafraîchissement que de mettre en œuvre une technologie d' energy harvesting. N'oublions pas que les clients choisissent le sans-fil pour sa simplicité », nuance Benoît Paredes (Emerson Process Management France). Les retours d'expérience montrent que les autonomies annoncées sont bel et bien tenues sur le terrain.

Avec une durée de vie des batteries comprise entre trois et dix ans, l'autonomie des transmetteurs sans fil n'est en général pas un problème, hormis dans des endroits reculés sans réseau électrique. Pour pousser le concept de capteurs autonomes encore plus loin, ABB a développé une technologie de récupération d'énergie basée sur la différence de température.

La sécurité : un vrai ou un faux frein à l'adoption du sans-fil ?

'autre point qui freinerait une adop-ion plus large des technologies sans fil erait, aux dires de certains, les pro-lèmes de sécurité, et plus particulière-ent de cybersécurité, des réseaux sans il. « Il est vrai que les appareils de terrain sont ne porte du réseau, ce qui peut effectivement eprésenter une fragilité. Cela fait donc partie es craintes des clients. C'est plus souvent le ervice IT, et non les instrumentistes, qui est éticent,d'où un travail d'explication de notre art », constate Alain Coville (Phoenix ontact France) pour qui le sans-fil se itue encore « entre la magie noireetlasor-ellerie »pour certaines personnes.« Mais uel est le risque qu'un industriel se fasse hacker” son installation via un transmetteur e pression ? », se demande Xavier Miquel arraguer (Engineering Mesures). l y a quand même des différences d'un rotocole de communication à l'autre… « Plus ancien sur le marché que l'ISA100.11a, le WirelessHart est aussi moins à la pointe, notamment sur les problèmes de cyberattaque,de piratage et d'intrusion. Cela se traduit par le support de l'IPv6 au travers du 6LowPAN, un réseau sécurisé plus robuste que l'IEEE 802.15.4 utilisé par le WirelessHart. De même, le concept Plug & Play de ce dernier,utilisant des clefs communes inscrites dans la documentation, le rend plus vulnérable que l'ISA100 qui s'appuie sur des clefs cryptées AES 128 bits à usage unique par transmetteur », explique Frédéric Gerber (Yokogawa France).

Il suffit de surfer sur le Web pour trouver un certain nombre d'articles provenant de laboratoires, d'universités, de la sureté nucléaire qui annoncent des failles dans leWirelessHart en diffusant les méthodes et les éventuels palliatifs. « Or ces palliatifs font partie de la dotation d'origine de l'ISA100.11a », poursuit-il. Pour Éric Miegeville (Endress+Hauser France), « il n'y a généralement pas de problèmes de perturbation, de par les technologies sous-jacentes du protocoleWirelessHart (méthode à sauts de canaux, par exemple). Mais, parfois,nous sommes confrontés à des surprises lors des tests sur site : la présence d'une perturbation qui se révèle, après discussion avec le client, venir d'un gros électro-aimant dans un centre de recyclage, par exemple. » L'une des raisons du développement de la version 7 du Hart par la Hart Communication Foundation était précisément l'ajout de fonctions pour mieux s'adapter au sans-fil, en plus de fonctionnalités plus générales (longueur des tags augmentée permettant de nommer plus facilement les instruments, par exemple).

On comprend maintenant pour quelles raisons les technologies sans fil, qui apportent des bénéfices significatifs aux industriels dans certaines applications, n'ont pas supplanté les réseaux filaires dans les process. « Mesures câblées et mesures sans fil sont aujourd'hui considérées comme complémentaires, les premières ayant toutes leurs raisons d'être en régulation ou en sécurité et le WirelessHart arrivant à maturité », insiste Benoît Paredes (Emerson Process Management France). À la question de savoir quel protocole choisir, la société d'analyses américaine Frost et Sullivan prévoit que l'ISA100.11a et leWirelessHart finiront par converger avec un encapsulage du deuxième dans le premier. Xavier Miquel Barraguer (Engineering Mesures) pense par ailleurs que « les technologies 3G et 4G sont la prochaine étape des communications sans fil ». Quoi qu'il advienne des évolutions technologiques et des normes à l'avenir, « les industriels ne sont pas encore tous prêts à passer au sansfil,comme ce fut le cas avec le passage aux bus de terrain.Sans oublier l'arrivée d'une nouvelle génération de techniciens, d'ingénieurs, des jeunes beaucoup plus ouverts aux nouvelles technologies que leurs aînés », conclutAlain Pierre (Pepperl+Fuchs France).

Les principaux fabricants d'instrumentation de process ont adopté des stratégies différentes pour se positionner sur le segment de marché du sans-fil. L'écosystème se caractérise en effet par la présence d'un ou de deux acteurs majeurs et très actifs, autour duquel (desquels) gravitent plein de fabricants ne proposant bien souvent qu'une seule grandeur physique ou alors des adaptateurs.

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