Industrie 4.0 : les entreprises ont tout intérêt à s'y convertir rapidement

Le 09/07/2019 à 0:00
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L a transformation vers l'industrie 4.0, appelée également industrie du futur, est en bonne voie. Selon un récent rapport de BCC Research (1) ,cité par la division «Financial Services» de Siemens, les initiatives associées à l'industrie 4.0 devraient représenter 21,7 milliards de dollars par an en investissements technologiques d'ici à 2023 à l'échelle mondiale, ce qui correspondrait à une croissance moyenne annuelle de 23,1% sur la période 2017-2023. Et toujours selon ce rapport, cette tendance vers l'industrie du futur qui, rappelons-le, consiste à intégrer de manière aussi transparente que possible les machines physiques, la robotique, les technologies de l'information et l'Internet dans les usines « intelli-gentes» pour en améliorer les performances et la rentabilité, s'opère dans tous les secteurs industriels et partout dans le monde, y compris dans la région Asie-Pacifique, notamment en Chine. Ce qui fait dire à Thierry Fautré, président de Siemens Financial Services (SFS) France, que « la bonne question à se poser n'est pas de savoir si, oui ou non, l'industrie manufacturière doit passer à l'industrie 4.0,mais de déterminer le bon moment pour le faire et la manière de le faire ».

Siemens Financial Services (SFS) s'attend à ce que la moitié des grands industriels soit passé à l'industrie 4.0 d'ici 5 à 7 ans. Pour les PME, ce sera 9 à 11 ans.

Un passage obligé

Par ces mots, M. Fautré traduit le fait que l'industrie du futur n'est plus un simple concept basé sur la transformation numérique des entreprises industrielles, mais bel et bien un passage obligé qu'elles devront emprunter pour rester compétitives. Et de la rapidité avec laquelle les entreprises franchiront le pas dépendront les bénéfices qu'elles pourront extraire de ce changement de modèle. C'est ce qui ressort de la dernière étude de SFS menée à travers le monde auprès d'acteurs de l'industrie – allant des PME jusqu'aux grands groupes internationaux–, d'associations professionnelles, de consultants experts en management et d'universitaires (2) .

Dans cette étude, il a tout d'abord été demandé aux sondés s'ils avaient déjà mis en place un important projet pilote lié à l'industrie 4.0. Les réponses à ces questions permettent d'avoir un bon aperçu du taux actuel d'adoption des technologies de l'industrie 4.0,car,pour beaucoup d'industriels, le projet pilote constitue une étape préalable indispensable avant de se lancer dans un déploiement global de leur transformation numérique, cette phase leur permettant de tester et de valider les technologies et solutions en question. Or, l'étude révèle qu'une forte proportion de grands groupes industriels –70 à 80% des répondants– ont d'ores et déjà mis en place un projet pilote significatif pour des solutions de production industrie 4.0. Pour les PME industrielles, ce taux est certes moindre –entre 40 et 50%– mais il est loin d'être négligeable, ce qui est bon signe.

Un développement à deux vitesses

Il a ensuite été demandé aux répondants d'estimer combien de temps il faudrait pour qu'une majorité de fabricants mette en œuvre la transformation numérique dans leurs processus de production. Les réponses à cette question font apparaître une transition vers l'industrie 4.0 à deux vitesses. Les entreprises interrogées estiment en effet que ce point de basculement –défini comme étant le moment où la moitié des acteurs de la communauté manufacturière internationale aura substantiellement évolué vers des plateformes de production de l'industrie 4.0– sera atteint dans les 5 à 7 ans à venir pour les grands groupes industriels et d'ici 9 à

11 ans pour les PME manufacturières. On remarque que cette différence peut expliquer le fait qu'une moindre proportion de PME industrielles (par rapport aux grands groupes) a déployé des projets pilotes, puisque le basculement vers l'industrie 4.0 s'avère moins «urgent» pour cette catégorie d'entreprises.

En dehors de la quantification (ou devrait-on plutôt dire l'évaluation) de ce point de basculement, la principale conclusion de l'étude de SFS réside dans le fait que ce point de basculement marque une référence temporelle cruciale pour les industriels qui se posent la question de savoir quand franchir le pas. En effet, sur la plupart des marchés, la branche «Financial Services» de Siemens estime que les acteurs de l'industrie, petits ou grands, qu'elle appelle les « précurseurs», c'est-à-dire ceux qui investissent maintenant ou investiront dans la numérisation de leurs outils de production avant ces points de basculement, auront toutes les chances de tirer un meilleur bénéfice et un avantage concurrentiel certain par rapport à ceux qui n'auront pas encore investi. Pour les industriels «à la traîne», ceux que l'étude de SFS nomme les «retardataires», l'investissement dans les nouvelles technologies ou les nouveaux modèles de l'industrie restera un impératif auquel ils ne pourront se soustraire pour rester dans la course, mais leurs chances d'en tirer un avantage concurrentiel s'évanouira d'autant plus qu'ils attendront de franchir le pas, car ils ne feront que s'aligner sur ce qui sera alors la nouvelle norme du marché ( voir schéma ci-dessus ).En résumé,les industriels sont engagés, presque malgré eux, dans une course contre la montre pour basculer vers l'industrie 4.0 avant le point de basculement susmentionné. À ce stade, SFS précise que dans l'une de ses précédentes études intitulée «The digitalization productivity bonus» et publiée fin 2017, il avait évalué le gain de productivité sur lequel les industriels pouvaient compter en mettant en œuvre leur transformation numérique, ce qui suppose de s'engager pleinement dans leur conversion aux technologies de l'industrie 4.0 (numérisation des process, mise en place de multiples capteurs connectés, analyse en temps réel des données collectées, etc.). D'ici à 2025, ce gain potentiel pourrait ainsi représenter entre 6,3% et 9,8% du revenu annuel des industriels, tous secteurs confondus. Une autre étude prévoit que d'ici à 2020, les fabricants du monde entier économiseront 421 milliards de dollars par an grâce aux investissements de l'industrie 4.0 et gagneront 423 mil-liards de dollars par an en revenus supplémentaires chaque année grâce à la transformation numérique (3) .

Le défi de l'investissement

Reste que pour basculer vers l'industrie du futur, il va falloir investir, ce que Thierry Fautré de SFS ne nie pas. « La plupart des fabricants de premier plan, grands ou petits, sont à la recherche de méthodes durables pour investir dans la transformation numérique, de sorte à tirer des avantages concurrentiels en faisant partie des premiers 50 % d'adoptants. Mais les défis sont nombreux,et beaucoup d'entre eux tournent autour de l'aspect pratique de l'investissement dans la technologie et les machines requises », indique-t-il.

L'enquête menée par SFS a notamment fait remonter les difficultés parfois rencontrées par les industriels pour comprendre les avantages financiers de l'industrie 4.0, pour évaluer un retour sur investissement fiable, et pour mettre sur pied un plan qui leur permette de financer la transition vers l'industrie 4.0 en investissant moins d'argent que le montant des gains financiers escomptés, pour ainsi réaliser un investissement durable et rentable très tôt.

Parmi les autres problèmes recensés, no-tons également le sentiment qu'ont parfois les petites structures industrielles que la transition vers l'industrie du futur n'est financièrement pas à leur portée, ou bien encore la difficulté qu'ont certains acteurs industriels à aller au-delà de la phase pilote et à passer à un déploiement complet de la transformation numérique à l'échelle de leur entreprise. Une étude récente fait ainsi état d'une phase pilote «purgatoire» de plus d'un an pour 84% des répondants et de plus de deux ans dans 28% des cas. Cette durée prolongée de la phase pilote pose problème dans la mesure où l'entreprise ne peut pas suivre le rythme de l'évolution technologique et perd par conséquent son avantage de départ.

C'est ce constat qui a mené différentes entités –à l'image de SFS– à développer des solutions de financement spécifiques, connues aujourd'hui sous le vocable «Financement 4.0», et qui permettent aux industriels d'acquérir des technologies numériques sans avoir à lever des sommes importantes. « Des mécanismes de financement 4.0 sont généralement proposés par des prestataires spécialisés qui ont une connaissance approfondie non seulement de la façon dont fonctionne la technologie numérique,mais aussi de la manière dont cette technologie peut être mise en pratique pour apporter l'efficacité, la productivité et les avantages concurrentiels de la numérisation , expliqueThierry Fautré. Dans le meilleur des cas,le mécanisme de financement sera intégré à la proposition de valeur et proposé dès le début des discussions avec le client concernant ses exigences.Les solutions globales méritent d'être étudiées afin d'identifier le meilleur dispositif de financement possible pour numériser avec efficacité l'ensemble des opérations d'un site de production, de l'équipement aux logiciels, jusqu'à la ligne de production et à l'entreprise dans son ensemble ».

La solution ? Le financement 4.0

Selon l'étude de SFS, le fait d'aborder la question du financement parallèlement au développement de la stratégie permet de faire émerger des solutions que l'industriel n'aurait pas forcément envisagées sans cela ou aurait considérées comme inabordables.La question de l'accessibilité financière met également en lumière la réduction des risques opérationnels. À titre d'exemple, durant l'installation, le test, le déploiement et la mise en service d'un nouvel équipement ou d'une nouvelle plateforme technologique,la plupart des entreprises devront continuer à faire fonctionner leur ancien système pour assurer la continuité de la production. Pourtant, cela peut peser financièrement sur l'organisation qui, pendant la période de transition, devra payer à la fois pour l'ancien système et le nouveau. Les techniques de financement spécialisées peuvent structurer les paiements pour répondre à ce problème potentiel de trésorerie. L'étude précoce des possibilités de financement donne donc souvent lieu à une plus grande diversité de possibilités stratégiques, ce qui permet à l'industriel de concrétiser des stratégies ambitieuses sans compromis et sans prendre de risques opérationnels excessifs. Le financement 4.0 permet de faire émerger des mécanismes flexibles développés en fonction de chaque client. Ce sont ces principaux mécanismes qui sont décrits ci-dessous.

Thierry Fautré, président de Siemens Financial Services (SFS) France

Ceux qui attendront trop ne feront que s'aligner sur ce qui sera alors la norme.

Financer l'accession à un équipement ou à une technologie, ou son utilisation

Qu'il s'agisse de lancer un projet pilote ou d'accélérer sa mise en œuvre, la plupart des fabricants sont à la recherche d'outils financiers pour les aider à acquérir une technologie, une machine ou un système auprès des équipementiers sans avoir à utiliser leur propre capital. Un engagement précoce avec le bon partenaire financier permettra aux fabricants de dimensionner et de spécifier le projet pilote sans contraintes financières inutiles et aidera à établir une analyse de rentabilité avec la liberté d'accéder à la technologie qui répond le mieux à leurs besoins. Les solutions financières seront généralement basées sur une gamme d'options, telles que le crédit-bail, la location ou la location avec option d'achat. Ce type de financement peut également couvrir les coûts de propriété associés – maintenance, coût logiciel, etc.– en un paiement mensuel «groupé». Les périodes peuvent être ajustées pour adapter les paiements en fonction des bénéfices financiers obtenus.

Financer l'évolution et la mise à niveau des technologies

Les industriels veulent accéder aux innovations technologiques dès leur apparition (notamment au vu du raccourcissement des cycles des innovations «digitales»). Les financiers peuvent également proposer des solutions pour mettre à niveau les technologies durant la période de financement, que ce soit pour remplacer certains éléments par des modèles plus récents ou pour moderniser la plateforme technologique principale. L'objectif étant ici de se prémunir contre l'obsolescence technologique.

Financer l'aspect logiciel

La transformation numérique nécessite le déploiement de solutions matérielles et logicielles combinées, qui peuvent fournir des flux de données numériques importants. Ces données sont la clé de l'optimisation de la production, de la maintenance prévisionnelle et à distance, et d'une fabrication plus intelligente. Ceci est reconnu par les financiers spécialisés qui peuvent offrir aux fabricants des arrangements intégrés pour les besoins de financement. Ayant une connaissance de la façon dont le logiciel est mis en œuvre et des résultats financiers qui en résultent, ces financiers comprennent le risque associé et intègrent l'élément logiciel dans un ensemble de financement global.

Payer en fonction des résultats

Les accords de financement, dans lesquels les paiements sont fondés sur les avantages financiers attendus que la technolo-gie rend possibles, sont proposés de plus en plus fréquemment. Les économies ou les gains découlant de l'accès à la technologie sont utilisés pour financer les paiements mensuels, ce qui rend la technologie neutre sur le plan des coûts pour le fabricant. Par exemple, un équipement éco-énergétique permet de réaliser des économies de coûts grâce à un e consommation d'énergie plus faible. Il est alors possible de concevoir un plan de financement qui aligne les paiements mensuels sur les économies d'énergie réalisées chaque mois. Dans certains cas, cela signifie que les solutions technologiques de numérisation peuvent être adoptées à un coût net faible ou nul, car les économies d'énergie réalisées financent la mise à niveau technologique pendant toute la durée du plan de financement.

Financer la transition vers la plateforme industrie 4.0

Bien que les avantages à passer à un environnement de fabrication numérisé sont clairs, le processus de transition doit être soigneusement géré et le risque financier éliminé par des tests rigoureux des nouvelles technologies dans l'environnement réel de production. Cela peut souvent constituer un obstacle à la transformation numérique parce que le fabricant est découragé à l'idée d'avoir à payer en même temps pour l'ancien dispositif (ou pour le projet pilote) et la plateforme industrie 4.0, pendant la phase de transition. C'est pourquoi certains financements permettent le report du paiement d'un nouveau système jusqu'à ce qu'il soit opérationnel de façon fiable. Cela élimine le défi financier d'avoir à payer pour le nouveau système alors que l'ancien est toujours en cours d'exécution.

Solutions de constitution de fonds de roulement

Comme l'avantage concurrentiel de l'industrie 4.0 génère de la croissance, les fabricants sont de plus en plus sous pression pour gérer les flux de trésorerie. Car les problèmes de flux de trésorerie et de fonds de roulement ne se posent plus alors uniquement lors de la phase initiale d'acquisition de la technologie numérisée. En effet, la numérisation peut accroître la capacité de production et la productivité, tout en améliorant la compétitivité des prix, dans la mesure où le carnet de commandes d'un fabricant connaît une hausse soudaine et significative. C'est certes une bonne nouvelle, mais paradoxalement, cela impose de nouveaux défis comme, par exemple, avoir subitement à acheter des matières premières ou des composants en plus grandes quantités. Là encore, des services de financement à valeur ajoutée sont disponibles pour aider à gérer les problèmes de trésorerie découlant du succès de la numérisation.

Solutions pour dynamiser les ventes des OEM

Les OEM ont eux aussi accès à toute la gamme des techniques de financement de l'industrie 4.0, avec un atout en plus. Les programmes de financement de leurs fournisseurs peuvent offrir aux équipementiers un avantage concurrentiel supplémentaire, car ils dirigent leur propre entreprise ou permettent à leurs propres clients de devenir des entreprises numériques. Les équipementiers et les intégrateurs de systèmes peuvent s'associer à des spécialistes de la finance numérique pour offrir des financements intégrés à leurs propres clients potentiels et existants, qu'il s'agisse des grands,moyens ou petits fabricants, afin qu'ils puissent acquérir de nouvelles machines et des solutions numériques. Par exemple en proposant une alternative à l'achat pur et simple pendant la phase initiale. Le financement des fournisseurs peut jouer un rôle important et complémentaire pour soutenir la vente de technologies et de machines numériques et peut englober des solutions financières complètes, y compris la maintenance, l'entretien, le matériel et les logiciels. Avec des options de paiement abordables, cela peut également aider le client de l'OEM à envisager une spécification technique plus adaptée et une solution globale pour répondre aux besoins des clients au fil du temps.

(1) BCC Research, Industry 4.0 Technologies : Global Markets Through 2023, 9 Jan 2019. (2) Parmi les sondés figuraient 2 000 grands fabricants internationaux, des associations professionnelles, des consultants experts en management et des universitaires, couvrant ainsi les États-Unis, l'Europe et la région Asie-Pacifique. Les sondés ont été questionnés entre septembre 2018 et janvier 2019. (3) PwC, Industry 4.0, Building the Digital Enterprise, 2016 ; Supply Chain Digital,Taking advantage of the Industry 4.0 difference, 10 Sep 2018. (4) McKinsey,Taking the Pulse of Enterprise IoT, 2017.

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