L'usine du futur prend formesurunsitedeSolvay

Le 25/10/2016 à 0:00

L 'Industrie du futur, ou Industrie 4.0 outre-Rhin, fait l'objet depuis quelques années de conférences, de dé-bats, d'annonces, etc. S'il n'existe pas un fabricant d'automates, de capteurs, de logiciels ou d'autres équipements industriels qui ne s'inscrive pas dans ce nouveau concept, les mises en œuvre concrètes ne sont toutefois pas légion, pas encore pour l'instant. « Nous sommes dans la réalisation de la 4 e révolution indus-trielle. Quelques pilotes existent déjà, comme celui du site de Chalampé, et ils démontrent la valeur ajoutée de combiner réel et virtuel, d'utiliser les données numériques d'un site, d'une production… », explique Vincent Jauneau, vice-président de Siemens France.

C'est la raison pour laquelle la plateforme industrielle du groupe belge Solvay et de Butachimie, située à Chalampé, à une vingtaine de kilomètres au nord-est de Mulhouse (Haut-Rhin), revêt une très grande importance, à plusieurs titres d'ailleurs. Il s'agit d'abord du premier site de production européen dédié à la fabrication de sel de nylon (polyamide 6.6), commercialisé sous la marque Stabamid et le composé de base pour la fabrication de nylon, et de ses intermédiaires (acide adipique, Olone…). Cette plate-forme chimique classée Seveso est organisée appartient pour cetteà activité ilancry@newsco.fr. en deux pôles de pro-Tout duction différents: l'un est opéré par Solvay et l'autre par Butachimie. Le site de Solvay est donc spécialisé dans la fabrication du sel de nylon pour trois types d'applications principales, à savoir les plastiques techniques, les fibres textiles et les fibres industrielles. Quant au site de Butachimie, un joint-venture à parts égales entre Solvay et l'américain Invista, il fabrique des intermédiaires de chimie nécessaires à la production de polyamide. L'adiponitrile (ADN) et l'hexaméthylène diamine (HMD) sont en effet des produits indispensables à plusieurs familles de produits, tels que le nylon, les plastiques, les fibres, les films, les revêtements de haute technicité, etc., pour la plupart des secteurs industriels (automobile, textile emballage…).

Obsolescence du système précédent

Pour donner une idée plus précise de la taille de la plate-forme chimique, le site de Chalampé occupe une superficie de 125 hectares, dont 50 encore disponibles, et regroupe un effectif de 1000 emplois directs et 3000 emplois induits. Les unités industrielles fonctionnent 24 heures/24 et 7 jours/7 et 1,8 million de tonnes de produits sont manipulés. Cela représente au total des investissements d'un montant de 30 à 50 millions d'euros par an en moyenne. e « La reproduction plate-forme chimique est interdite. est d'ailleurs reconnue comme une plate-forme économique dans le bassin mulhousien », avance même Savino Leone, ancien directeur du site de Solvay.

Créée en 1955,la plate-forme chimique Solvay-Butachimie a fait le pari d'investir dans la pérennité de ses installations pour la rendre encore plus compétitive. « La numérisation du site a débuté en 1988, avec la mise en œuvre d'une technologie de l'époque.Mais,en 2008,l'américain Emerson Process Management a annoncé l'obsolescence de son système numérique de contrôle-commande RS3, et il a demandé à ses clients de démarrer des plans de migration », rappelle Claude Schlagenwarth, responsable du service Informatique industrielle de Butachimie. « Le problème de l'obsolescence allait se traduire par la disparition de garanties, la disparition graduelle du support assuré par Emerson Process Management,à savoir les pièces de rechange puis l'assistance technique, et enfin plus rien du tout », ajoute Carl Patois, gérant de Butachimie.

« C'est ainsi que fut lancé le projet de modernisation de la plate-forme chimique, baptisé MIRe pour Migration RS3 Étendu.Il s'agissait de migrer la totalité des systèmes de conduite de toutes les unités,ce qui représente 50 locaux techniques, 90 consoles de conduite, de configuration et/ou de maintenance,3 900 synoptiques, 34000 entrées/sorties – on parle même de 50 000 entrées/sorties à long terme. Soit un investissement de l'ordre de 30 M e sur douze ans », indique Benjamin Cognet, responsable du compte Solvay 54 chez Siemens France. « C'est véritablement un très grand défi, pour les trente prochaines années, je l'espère. Le site Solvay-Butachimie sera l'un des plus grands sites en Europe doté du système numérique de contrôle-commande Simatic PCS 7. Il s'agit d'ailleurs de la première réalisation dans les procédés, d'autres existant déjà dans le domaine manufacturier », renchérit Vincent Jauneau (Siemens France).

La plate-forme industrielle de Solvay et de Butachimie, située à Chalampé (Haut-Rhin), est le premier site de production européen dédié à la fabrication de sel de nylon et de ses intermédiaires. Les responsables ont décidé de lancer la modernisation de la plate-forme chimique (projet MIRe) : il s'agit de migrer la totalité des systèmes de conduite de toutes les unités de production, entre 2012 et 2023.

Solvay

Un « jumeau virtuel » pour le basculement…

Au-delà de la taille du projet, d'autres défis attendaient l'ensemble des acteurs du projet MIRe. Le process de fabrica-exemplaire tion du siteappartient chimique se à ilancry@ne caractérise d'abord par une méthode de produc-tion complexe en flux continu. La plateforme ne s'arrête donc qu'une seule fois tous les trois ans, pour une durée d'une à trois semaines seulement. « Notamment pour des raisons de nombre d'entrées/sorties plus restreint (2 500 au lieu de 4 000 entrées/sorties), nous avons décidé de basculer la partie aval en 2013. Mais cette production est en relation directe avec les clients,et nous ne disposons que de 8 heures de stock seulement. Il faut aussi savoir que le sel de nylon se cristallise à température ambiante, au bout de deux jours. En plus d'un enjeu environnemental – les produits manipulés sont très dangereux –, nous étions donc confrontés wsco.fr. à d'énormes Toute enjeux reproduction économiques »,est insiste inte Nicolas Vansante, responsable de pro-duction à l'atelier Acide adipique chez Solvay.

Si la plate-forme de Chalampé se compose de plusieurs sous-unités de pro-duction, il était toutefois inconcevable que la sous-unité faisant l'objet d'une migration ne puisse pas redémarrer une fois son système de conduite moder-nisé.Au risque de briser toute la chaîne de production. « La modernisation se définit par le remplacement des contrôleurs et des postes de conduite, explique Benjamin Cognet (Siemens France). Mais,pour certaines sous-unités, la durée d'arrêt était tellement courte qu'il nous était impossible de rdite. changer les deux parties en même temps. » Pour relever ce défi, Siemens, qui s'est associé à Actemium (groupe français Vinci Energies), a proposé de passer à une conduite mixte. Cela signifie que les deux systèmes, le nouveau (la console, par exemple) et l'ancien (les contrôleurs qui seront alors remplacés trois ans après), cohabitent et doivent fonctionner ensemble. Dans l'atelier de production d'acide adipique (l'un des composés intermédiaires du sel de nylon) par exemple, les pupitres opérateurs ont été remplacés pendant l'exploitation, au cours des trois premières années du projet, puis les techniciens ont attendu l'arrêt d'octobre 2014 pour remplacer une partie du système RS3 par les automates de Siemens.

Pour garantir la fiabilité des tests de la plate-forme avant la migration et le démarrage des sous-unités, Siemens a choisi son logiciel de simulation nu-mérique dynamique Simit qui permet de contrôler et de tester virtuellement l'intégralité du nouveau système de contrôle-commande Simatic PCS 7 (vérifier les différents comportements et les interactions, tels que les points les plus sensibles ou ceux pour lesquels il n'y a pas la possibilité de tester lesproduits),avant le basculement des programmes,sans risque, vers l'installation réelle. C'est ce que l'on appelle un « jumeau virtuel » : une réplique virtuelle partient numérique à ilancry@newsco.fr. de l'installation, To qui simule le comportement dyna-mique de l'atelier chimique. Le concept proposé par Siemens repose sur l'association d'un logiciel et de solutions intégrés permettant de numériser les installations et de garantir un échange fluide et continu des données à tous les niveaux, de la conception à l'ingénierie, en passant par l'installation, l'exploitation et la modernisation des sites, etc.

Pour fiabiliser les tests de la plate-forme avant la migration et le démarrage des sous-unités (ici, une salle de contrôle), Solvay et Butachimie font appel à un « jumeau virtuel ». À savoir une réplique virtuelle numérique de l'installation, qui simule le comportement dynamique de l'atelier chimique.

Solvay

… et pour la formation des opérateurs

Après la traduction des programmes de pilotage du process dans le langage des Simatic PCS 7, le moteur de simulation Simit a en effet « aspiré » les données issues de tous les équipements (moteurs, pompes, vannes, capteurs et actionneurs), créant ainsi une base de données de simulation. Grâce à cette dernière, qui est mise à jour toutes les cinq minutes, tous les tests électriques, tous les débogages de programmes ont pu être menés à bien. Dans les nombreuses salles de contrôle du site, les opérateurs ont par ailleurs gagné en ergonomie, avec des écrans modernes qui remplacent les anciennes stations à touches personnalisées. « Dans certains ateliers, des PDA durcis équipent même les techniciens qui effectuent des rondes. Sur ces appareils Atex, ils accèdent aux mêmes reproduction fonctions que sur est les interdite. écrans de contrôle », indique Nicolas Vansante (Solvay). « La “digitalisation” devient le principal levier des industriels pour relever les défis de la concurrence et de l'évolution rapide des réglementations, des marchés et des technologies, expliqueVincent Masztalerz, directeur de l'unité opérationnelle Process Automation chez Siemens France. L'utilisation d'outils logiciels permet de connaître le résultat d'un projet avant même d'en avoir construit la moindre partie. » Un programme peut ainsi être simulé en amont, permettant d'analyser les études d'impact sur la planification, d'identifier les risques potentiels et de fournir une synthèse. Les industriels peuvent également faire appel au « jumeau virtuel » pour simuler et optimiser la mise en service, l'exploitation et la maintenance, et être ainsi encore plus proactifs.

La simulation sert également de socle pour la formation des opérateurs. « La formation est un facteur majeur de la réussite d'un tel projet. Pour le personnel technique, il s'agit de réapprendre de nouveaux langages de programmation,de mettre en place de nouvelles procédures de travail,tout en restant pleinement opérationnel sur les anciens systèmes. Pour le personnel de conduite, il s'agit d'apprendre à maîtriser les nouvelles interfaces,de réagir à des incidents virtuels, d'accepter aussi le changement », explique Claude Schlagenwarth (Butachimie). Une salle de formation à Simatic PCS 7 a d'ailleurs été créée, assurant la formation d'environ 400 personnes (soit 22700 heures de formation annuelle).

La fin des travaux prévue en 2023

La «digitalisation», qui s'appuie, chez Siemens, sur le logiciel Simit adossé à Comos pour la conception et la gestion intégrée du cycle de vie des équipements et des procédés industriels, et le système Simatic PCS 7, passe par ailleurs par une ingénierie intégrée. Celle-ci réduit alors les sources d'erreurs en diminuant le nombre d'interfaces entre les différentes disciplines, accroît la qualité à toutes les étapes de l'ingénierie et raccourcit le temps de mise sur le marché en permettant le traitement en parallèle des différents processus opérationnels. Il est ainsi possible de réaliser parallèlement les tâches de génie des procédés, de planification de l'électrotechnique et d'ingénierie d'automatisation. 56 Le projet MIRe est prévu pour une durée de dix ans, segmentée en 21 étapes différentes.Avant les premiers travaux, Solvay et Butachimie ont procédé à une consultation auprès de six fabricants différents. L'une des conditions incontournables imposées par les entreprises portait sur l'obligation, pour le nouveau système de conduite de procédé, de pouvoir évidemment superviser les anciens contrôleurs RS3. « La barrière des trente ans pour la durée de vie du matériel a également écrémé le nombre de postulants », précise Carl Patois (Butachimie). D'autres critères, d'ordre financier par exemple, sont également entrés en jeu dans le choix final entre les deux fabricants restant en lice.

De gauche à droite : Eckard Eberle, directeur de l'unité opérationnelle Process Industry & Process Automation de Siemens, Carl Patois, gérant de Butachimie, Claude Schlagenwarth, responsable du service Informatique industrielle de Butachimie, Vincent Jauneau, vice-président de Siemens, et Nicolas Vansante, responsable de production à l'atelier Acide adipique chez Solvay.

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Après ce processus de sélection tech-nique et commerciale, qui a duré deux ans, la première étape de la migration a alors pu démarrer en 2011. Douze étapes sont d'ores et déjà achevées à ce jour, dont quatre en conduite mixte et huit en « full » Simatic PCS 7. En parallèle, une unité de process complète (côté Solvay) a entièrement migré en Simatic PCS 7. « Nous nous préparons ainsi pour l'avenir. La plate-forme industrielle de Chalampé a en effet été identifiée par les pouvoirs publics français comme ayant vocation à se développer, à accueillir de nouveaux acteurs économiques et à proposer des services (partage d'équipements, d'utilités, échanges de matières premières…). C'est un gage d'emplois pour la Région », conclut Frédéric Fournet, le successeur de Savino Leone à la direction du site de Solvay. Le renouvellement total du système de conduite des installations, qui se poursuivra jusqu'en 2023, représente l'un des plus beaux exemples en France de ré-industrialisation et une avancée concrète vers l'usine du futur.

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