La Testabilité D'un Produit Doit Être Pensée Dès Sa Conception

Le 01/10/2012 à 0:00

Mesures. L'étude annuelle du marché français de l'instrumentation électronique réalisée par Décision pour le Simtec révèle que depuis 2009 le secteur du test a repris le chemin de la croissance.L'année 2011 a semble-t-il été un bon cru, qu'en est-il pour 2012?

Bruno Cohen,responsable des ventes chez Cassidian Test&Services . 2011 a été pour nous une année de croissance. Il n'y a pas pour nous de domaines d'activités qui se démarquent par rapport aux autres. 2012 est bien partie. Si cela continue ainsi cela sera aussi une bonne année en termes de ventes.

Victor Fernandes, responsable de ventes Europe chez Geotest . Pour nous qui sommes principalement impliqués dans le secteur du test fonctionnel,2011 a été une bonne année également.Les six premiers mois de 2012 ont été relativement calmes. C'est semblable dans tous les pays européens où l'activité est comparable quoique variable selon les secteurs industriels. Dans certains pays, l'aéronautique est plus en avance que dans d'autres. L'Allemagne est tirée par son industrie et l'Angleterre par le secteur militaire.

Jacky Mutschler (Agilent) “ La testabilité en production est pensée de plus en plus tôt dans le cycle enV. La notion de plate-forme logicielle réutilisable entre les différentes phases prend là tout son sens.

Christian Ropars, président d' Acquisys . Nos deux principales activités sont le test fonctionnel et l'acquisition de données. Pour l'année 2011,nos ventes sont en progression et 2012 a bien commencé.

Philippe Devarieux,responsable des ventes chez Technicom.com . Pour ce qui nous concerne, nous sommes exclusivement présents sur le secteur du test fonctionnel et très principalement dans les domaines militaires, de l'aéronautique et du transport. 2011 a été une assez bonne année par rapport à nos prévisions qui n'étaient pas très élevées. L'année 2012 a démarré plus fort que ce que l'on avait pensé. Mais on n'a pas une vision très claire des mois à venir. Nous avons la bonne surprise de voir des commandes arriver parfois de manière peu planifiée. Ce sont plutôt de bonnes nouvelles mais il n'y a pas obligatoirement de quoi être très sereins ni inquiets pour les mois à venir.

Philippe Le Gall, directeur commercial Europe du sud chez Aeroflex . L'année 2011 a été plutôt bonne. 2012 a bien commencé également. On devrait finir notre exercice 2011-2012 à un peu plus de 100% de l'objectif. Des secteurs d'activités marchent mieux que d'autres. Nous sommes très impliqués dans tout ce qui est télécom de 4 e génération LTE. Ce marché a été très porteur mais un essoufflement des ventes est probable dans les prochains mois compte tenu du niveau d'équipement de nos clients. Le marché de l'aéronautique est relativement puissant également même si les compagnies aériennes ont tendance à souffrir. Sur le secteur du test de cartes in situ, on a senti une reprise ces derniers mois avec un essoufflement assez rapide. Concernant la production électronique en France notre vision du futur est un peu approximative.

Patrick Legenre, directeur commercial chez Accelonix . Notre entreprise propose des solutions qui couvrent tous les aspects de test et d'inspection autour principalement de la fabrication de cartes électroniques. Elle a enregistré une bonne année 2011. L'année 2012 a bien débuté avec toutefois un ralentissement au deuxième trimestre.

Jacky Mutschler, responsable commercial chez Agilent Technologies . Notre offre concerne tous les moyens de test de la simulation jusqu'à la production en passant par les phases de recherche avancées, de certification et de validation. On a enregistré un bon taux de croissance en 2011 grâce aux marchés télécoms de la 4G/LTE Advanced, du spatial, de la recherche fondamentale et également de la production avec une forte interconnexion entre la France et les pays d'Afrique du nord.

Frédérick Drappier,directeur général chez National Instruments . 2011 a été comme pour tout le monde une très bonne année. Avec notamment des investissements sur le véhicule électrique qui se sont complètement stabilisés sur 2012. Le secteur aéronautique a bien marché et cela continue. On constate également une montée en puissance assez forte du secteur de l'énergie qui se poursuit sur 2012. Le secteur automobile est en panne, l'aéronautique marche bien. Mais dans l'ensemble, le début d'année a été toutefois un peu morose.

Pour les représentants des entreprises membres du Simtec que nous avons réunis pour une table ronde, il est de plus en plus important de penser à la testabilité d'un produit dès sa phase de conception. Il faut aussi s'assurer de la cohérence des moyens de test tout au long du cycle en V. A eux de fournir des outils matériels et logiciels pour optimiser cette transition.

Photos : Xavier Martin

Mesures.Quels sont les secteurs d'activités les plus enclins à adopter les nouvelles technologies dans le domaine du test électronique?

Bruno Cohen (Cassidian Test & Services) . Le secteur militaire est très conservateur. Il garde très longtemps son matériel de test et le remplace peu car il ne connaît pas vraiment de sauts technologiques.Contrairement au domaine des télécoms, dont le passage des réseaux 3G aux 4G exige l'acquisition de nouveaux équipements.

Victor Fernandes (Geotest) . Il est vrai que les militaires achètent moins souvent du matériel mais ils ont besoin de services de maintenance et de traitement de l'obsolescence. Il leur faut parfois remplacer un appareil qui n'existe plus par un appareil équivalent. Dans les télécoms, une fois que les instruments ont été employés pour un projet ils sont transférés sur d'autres et utilisés pour autre chose que leur vocation première.

Patrick Legenre (Accelonix) . Dans l'automobile, les industriels s'orientent vers la détection de défaut le plus tôt possible dans les procédés de fabrication et adoptent très rapidement les nouvelles technologies de test qui ne sont pas forcément employées dans d'autres secteurs d'activité pour atteindre leurs exigences de zéro défaut. L'inspection de pâtes à braser, première étape de test d'une ligne de fabrication, se développe beaucoup depuis quelques années. Dans l'automobile, on passe systématiquement de l'inspection 2D à la 3D.

Frédérick Drappier (National Instruments) . En phase de conception, il est intéressant de constater qu'il y a une certaine convergence entre les domaines aéronautique et automobile. Le premier est très fort dans l'approche du zéro défaut. Le second est lui très performant pour tout ce qui concerne la réduction des coûts de conception et de production. Il y a une recherche de savoir-faire de part et d'autre. Il est vrai que l'industrie automobile a tendance à adopter beaucoup plus facilement les nouvelles technologies de test car leurs productions comptent des millions de pièces. Il est plus facile pour eux de rentabiliser leurs équipements.

Philippe Le Gall (Aeroflex) . Il existe cependant des applications avioniques et aérospatiales ciblées qui rejoignent en termes de contraintes le domaine automobile. Les industriels reçoivent des commandes de plus en plus tard et ils ont de moins en moins de temps pour produire. Ils exigent donc des méthodes très proches de l'automobile avec la recherche du zéro défaut avec un temps de test extrêmement réduit. De même dans le domaine des satellites, les opérateurs réclament des délais de livraison de plus en plus courts. Là où les constructeurs avaient trois ans pour produire un satellite ils ont parfois moins d'un an. Donc les tests durent trois semaines au lieu de trois mois. Il faut donc employer des méthodes innovantes et à forte valeur ajoutée dont le prix est largement compensé par le temps gagné. Dans l'aviation civile, on est sur un secteur beaucoup plus conservateur où les équipements seront utilisés pendant plusieurs dizaines d'années. Là, les besoins se font sur des nouveaux standards ou la conception de nouveaux avions tels que l'A380 d'Airbus ou le 757 de Boeing qui arrivent avec des nouveaux équipements qui réclament de nouveaux testeurs.

Mesures. Le lancement de l'avion de ligne civil très gros-porteur long-courrierA380 d'Airbus a-t-il conduit à l'évolution de stratégie de test et à l'acquisition de nouveaux équipements?

Christian Ropars (Acquisys) . Entre l'A320 et A380 d'Airbus les stratégies de test ont bien entendu évolué. Mais la conception de l'A380 fait déjà partie du passé. Ses outils de test ont été développés il y a déjà sept à huit ans.

Victor Fer nandes (Geotest) . Il y a environ cinq ans, le projet A380 a généré des commandes mais maintenant la montée en production ne génère pas vraiment de ventes pour des technologies récentes.Tout cela est du passé, l'avenir pour nous est le lancement de nouveaux équipements, l'adoption de nouveaux standards de communication et de transmission vidéo dans les avions.

Patrick Legenre (Accelonix) “ Dans l'automobile, les industriels s'orientent vers la détection de défaut le plus tôt possible dans les procédés de fabrication et adoptent très rapidement les nouvelles technologies de test qui ne sont pas forcément employées dans d'autres secteurs d'activité pour atteindre leurs exigences de zéro défaut.

Philippe Le Gall (Aeroflex) . On ne parle pas non plus des mêmes quantités que dans le secteur des télécoms. On ne fabrique malheureusement pas autant d'A380 que de stations de base LTE.

Philippe Devarieux (Technicom.com) . Dans les domaines plus conservateurs que peuvent être l'aéronautique ou la défense, il y a toutefois des avancées comme l'intégration de fibres optiques pour les systèmes de câblage. Ce sont des liaisons bien connues mais qui font figure d'innovation sur des systèmes considérés comme très rustiques. Cela ne sera pas forcément compliqué à tester mais cela va leur demander de nouveaux moyens. Ce qui pourra être l'occasion de concevoir une version n+1 d'un ancien testeur. De même que dans le domaine du transport, où la vidéo se développe à grand pas pour des raisons ludiques ou d'informations voyageurs.Cesont des signaux bien moins complexes que ceux employés pour la téléphonie mobile 3G ou 4G mais qui concernent des populations qui travaillaient jusqu'alors sur des signaux plus basiques. Quand il faut intégrer une prise RJ45 sur un équipement de défense de terrain, il faut savoir gérer le passage de gros à de petits connecteurs et les standards qui vont avec autant pour les instruments de mesures que pour le câblage associé.

Frédérick Drappier (National Instruments) . Les technologies qui sont mises en œuvre dans le domaine militaire et aéronautique ne sont pas les dernières arrivées sur le marché. Ce sont toujours des technologies éprouvées dont les moyens de test existent déjà depuis un certain nombre d'années. La question est de savoir si l'on va se doter d'un testeur d'ancienne génération pour tester ces technologies relativement anciennes ou si l'on investit dans une solution qui va nous accompagner sur les dix prochaines années bien que les technologies d'aujourd'hui seront intégrées dans 7 à 8 ans aux équipements militaires, par exemple.

Jacky Mutschler (Agilent) . Effectivement, le monde de la défense est conservateur mais il emploie néanmoins des technologies éprouvées avec des sécurités complémentaires ce qui demande des technologies adaptables. Et il réclame des mesures beaucoup plus fines. Dans le domaine télécom LTE ou LTE Advanced ou Internet avec le WI-FI de prochaine génération (IEEE 802.11n et ac), les technologies réclament de plus en plus de bande passante, et emploient des modulations très complexes. Il s'agit de ruptures technologiques qui exigent des nouveaux moyens de test. Le maître mot pour nos clients est de pouvoir leur fournir des systèmes de test en phase avec le cycle de conception enV. Il faut donc commencer par leur proposer des outils de test en simulation qui assurent une transition sans risque tout au long du cycle de développement.

L'inspection 3D monte en puissance

Les débats de la table ronde ont porté essentiellement sur le test fonctionnel mais de nombreux autres systèmes sont installés sur la ligne de fabrication. L'objectif est de détecter les défauts le plus tôt possible dans les procédés de fabrication à l'aide de testeurs in situ, de machines d'inspection optique automatique placées avant et après le four de refusion ainsi qu'après la sérigraphie. «La plus grosse évolution est le passage de l'inspection 2D à la 3D par caméra de la pâte à braser.

On peut donc scruter la forme de la soudure et non plus seulement sa surface. C'est de plus en plus courant car 50 à 60% des défauts proviennent de la sérigraphie.Tous les fabricants de cartes électroniques ont donc intérêt à s'y intéresser pour améliorer la qualité » ,explique Patrick Legenre, directeur commercial chez Accelonix. D'ailleurs les machines de sérigraphie intègrent parfois directement des outils d'inspection optique. Il s'agit souvent d'un outil 2D, moins rapide qu'une solution dédiée. Il est donc difficile d'inspecter 100% des soudures. La grande évolution est le temps de mise en œuvre de ces applications d'inspection 3D. «Elles peuvent être programmées par un opérateur en une dizaine de minutes » ,assure Patrick Legenre. La tomographie accède elle aussi à la 3D. Ce procédé n'est pas encore assez rapide pour être employé en production. Il est plutôt mis en œuvre dans le cadre des procédures d'analyse qualité quand un défaut est détecté. Il peut aussi être utilisé sur des postes de réparation pour vérifier qu'un composant a été bien repositionné après soudage.

Ces techniques d'inspection sont dédiées à la surveillance du procédé de fabrication et non pas au test des fonctionnalités du produit.

«Elles limitent cependant le nombre de tests fonctionnels à réaliser en bout de ligne » ,note Patrick Legenre.

Mesures.Le choix des solutions de test doit donc être envisagé dès la phase de conception d'un produit ou d'un équipement?

Christian Ropars (Acquisys) “ Le bus PCI Express est utilisé aussi bien dans les formats PXIe,AXIe ouVPX. C'est effectivement un bus série haute vitesse qui a révolutionné la communication entre ressources dans les systèmes.

Philippe Le Gall (Aeroflex) . C'est important à signaler. Effectivement il y a quelques années le test s'envisageait au moment de la production. Aujourd'hui on nous sollicite plus en amont. Si nous ne sommes pas informés de la technologie à venir dans les cinq prochaines années,nous ne serons pas acteur du test à ce moment-là. Il faut que l'on travaille avec les industriels des télécoms dès la R&D. On fait aussi partie des comités de normalisation comme celui du LTE qui a démarré il y a déjà dix ans. Si les fournisseurs de test ne s'investissent pas de cette façon, nous ne serons pas présents au niveau du test et les industriels trouveront des solutions par eux-mêmes.

Jacky Mutschler (Agilent) . Il est d'autre part fondamental d'être présent dans les comités de test car avant les normes se faisaient sans penser trop au test et on arrivait en phase d'implémentation en se demandant comment procéder au test. Les constructeurs d'instruments participent aujourd'hui à ces comités pour penser à la testabilité de ces nouvelles normes. D'où la possibilité de promouvoir des solutions de test le plus vite possible quel que soit le facteur de forme, traditionnel, modulaire ou hybride. Le plus important est de disposer le plus rapidement possible des moyens de test pour lancer le produit sur le marché au bon moment.

Philippe Le Gall (Aeroflex) . En d'autres termes nous faisons en quelque sorte le travail des services méthodes qui sont en voie de disparition chez nos clients puisque le temps consacré à la préparation de la fabrication et donc le test est de plus en plus court. Et les ressources qui lui sont allouées sont pratiquement inexistantes. Donc si nous ne sommes pas prêts en amont à comprendre quel est le test et comment il va s'intégrer dans la production nous ne vendrons pas nos solutions de test.

Mesures.Comment s'effectue l'apprentissage des bonnes pratiques entre par exemple l'aéronautique et l'automobile?

Frédérick Drappier (National Instruments) . Il y a bien entendu des échanges entre ces deux mondes pour découvrir les solutions employées par les uns et par les autres pour arriver à déterminer quelle est la meilleure plate-forme pour leurs besoins d'aujourd'hui mais aussi pour les années qui viennent. Les industriels doivent faire en sorte que le moyen de test qu'ils acquièrent aujourd'hui soit pérenne et surtout le plus générique possible. C'est le vœu pieu de nos clients. Un système capable de tout faire qui peut être utilisé partout et qui soit réutilisable au fur et à mesure des différentes générations de produits. Ils veulent éviter la multiplication des systèmes de test avec des architectures très différentes les unes des autres.

Victor Fernandes (Geotest) . Cela veut dire aussi l'emploi de solutions qu'ils connaissent déjà ne nécessitant pas l'apprentissage de nouvelles interfaces utilisateur ou langage de programmation. Les industriels veulent tirer parti de leurs acquis. Il y a effectivement des échanges entre l'aéronautique et l'automobile d'autant que ces industries font de plus en plus appel à des sociétés de services pour développer leurs systèmes de test. Ces dernières leur font partager leur expérience de ces deux mondes pour lesquels elles ont travaillé.

Mesures. Les solutions de test disponibles sur le marché sont donc de moins en moins dédiées à un secteur d'activité particulier?

Philippe Le Gall (Aeroflex) . Les fournisseurs de test sont obligés de travailler sur des plates-formes communes aujourd'hui. Les efforts pour baisser le coût du test sont tels que nos investissements R&D doivent être partagés entre plusieurs secteurs de marché. Le testeur LTE que nous avons lancé dispose de la même plate-forme matérielle que nos testeurs avioniques. La spécialisation se fait essentiellement par logiciel.Ainsi le coût du développement a été partagé sur trois ou quatre marchés différents. Aujourd'hui, on n'a pas le choix sinon les investissements seraient trop élevés.

Victor Fernandes (Geotest) . On fait exactement la même chose. On propose des solutions qui sont déployées pour plusieurs applications et diverses industries. C'est la même plate-forme, c'est seulement l'adaptation et le conditionnement des signaux qui différent.

Frédérick Drappier (National Instruments) . C'est pour cela, comme le constate l'enquête Simtec (voir Mesures n°847, p.24) , que le marché de l'instrumentation modulaire connaît une très forte croissance puisque ces solutions s'adaptent aux différents besoins.

Mesures. Les solutions de test universelles ne passent donc pas l'adoption de l'instrumentation modulaire?

Victor Fernandes (Geotest) . C'est ce que l'on observe au niveau test fonctionnel de systèmes, de cartes ou de composants électroniques.Auparavant on disposait d'un testeur dédié pour une carte ou un module. Maintenant les industriels vont opter pour un testeur modulaire. Si on effectue du test de composants dans le domaine des semi-conducteurs. Le composant va aujourd'hui intégrer de l'analogique, du numérique, de la HF, de la communication de tous types... Ce qui est l'équivalent d'une carte électronique d'il y a cinq ans. Il faut donc disposer d'un testeur mixte et ouvert sur les technologies à venir dans les deux à trois ans qui viennent.

Frédérick Drappier (National Instruments) “ L'architecture retenue aujourd'hui sur beaucoup de testeurs repose sur un cœur commun constitué d'instruments modulaires autour duquel vont venir se greffer des éléments périphériques plus spécifiques avec des bus plus conventionnels .

Christian Ropars (Acquisys) . L'instrumentation modulaire offre des possibilités d'évolution beaucoup plus importantes. Il est possible de remplacer un module par un autre plus performant. Et il existe une offre multifournisseur.

Philippe Le Gall (Aeroflex) “ Il y a quelques années, le test s'envisageait au moment de la production. Aujourd'hui, on nous sollicite plus en amont. Si nous ne sommes pas informés de la technologie à venir dans les cinq prochaines années, nous ne serons pas acteur du test à ce moment-là. Il faut que l'on travaille avec les industriels des télécoms dès la R&D.

Frédérick Drappier (National Instruments) . C'est l'architecture retenue aujourd'hui sur beaucoup de testeurs. Un cœur commun constitué d'instruments modulaires autour duquel vont venir se greffer des éléments périphériques plus spécifiques avec des bus plus conventionnels.

Bruno Cohen (CassidianTest & Services) . Ce qui permet d'adresser différents marchés et les différentes phases du cycle de développement.Au début du cycle enV, on effectue beaucoup de simulation et à la fin davantage de tests fonctionnels. L'idée est de récupérer les différentes briques de base que l'on a développées tout au long du développement pour ne pas avoir à tout réinventer.

Jacky Mutschler (Agilent) . Le moyen de test peut être hybride mais il est important que dans le cycle enV la notion de cohérence des tests soit forte. Surtout lorsqu'il s'agit de sociétés de plus en plus internationales disposant de centres de recherche disséminés partout dans le monde. Plus l'algorithme de mesures est cohérent entre la recherche avancée, les phases de validation et de certification, plus la transition entre ces différentes phases sera efficace.

Mesures. Comment s'assurer de la cohérence des outils de test entre les différentes phases de développement d'un produit?

Frédérick Drappier (National Instruments) . Il y a des personnes qui travaillent dans les équipes de test en production qui se trouvent de plus en plus impliquées avec les équipes de développement pour s'assurer que le système en cours de conception sera mieux et plus facilement testé. Il existe aussi des échanges concernant les moyens mis en œuvre pour essayer de capitaliser sur le logiciel et le matériel pendant toutes les étapes de développement du produit.

Jacky Mutschler (Agilent) . C'est une grande tendance. La testabilité en production est pensée de plus en plus tôt dans le cycle enV. La notion de plate-forme logicielle réutilisable entre les différentes phases prend là tout son sens.

Philippe Le Gall (Aeroflex) . C'est d'autant plus vrai lorsque la production est très importante et que l'on cherche à gagner quelques secondes sur la fabrication d'un téléphone ou tout équipement sans fil.Au niveau des quantités fabriquées, c'est très important. Les secondes se gagnent en amont.

Frédérick Drappier (National Instruments) . Ce n'est pas qu'une question de volume. Lorsque l'on teste en plusieurs heures un système de manière très intensive, il est possible de gagner quelques heures. Pour la validation des composants en phase de conception, on peut descendre de quelques semaines à quelques jours avec des systèmes automatiques performants.

Philippe Devarieux (Technicom.com) . Que ce soit en conception ou même en maintenance préventive, sur des plates-formes avioniques il n'est pas rare d'avoir à faire à des temps de cycles de plusieurs heures avec des coûts horaires des testeurs de plusieurs milliers d'euros. Si on passe de dix à sept heures, on réduit significativement les coûts de test. Avec ses arguments, les investissements nécessaires sont relativement bien accueillis. C'est donc vrai sur les gros volumes où la seconde compte mais aussi sur les petites séries. Cela peut jouer sur le temps de cycle mais aussi sur la couverture de test qui peut être amélioré significativement de 75 à 95%. Sur de tels produits ces 20% là coûtent très chers.

Mesures. La possibilité de reconfigurer le testeur selon le type de produit à contrôler n'est-il pas également un moyen de réduire les coûts du test?

Philippe Devarieux (Technicom.com) . Il y a effectivement une réflexion à avoir sur ce sujet. Est-ce que je m'oriente vers un seul testeur qui va servir à tout, qui va coûter une fortune sans être sûr qu'il réalise tout bien? Est-ce que le testeur ultime est la seule solution stratégique de mon entreprise ou pourrai-je disposer d'une version dégradée dans le bon sens du terme qui me permettrait d'augmenter mon parc de testeurs ? L'instrumentation modulaire permet aussi de répondre à cela. En partant d'un système qui peut se décliner en 4, 10 voire 26 cartes. Il ne sera pas nécessaire d'utiliser le plus gros pour des tests relativement basiques car si la carte est vraiment plantée même un testeur plus simple va tout de suite le déceler.

Philippe Le Gall (Aeroflex) . Les plates-formes communes sont très prisées des entreprises qui produisent des petites et moyennes séries et qui changent de produits très souvent. Il faut être capable de faire évoluer les moyens de production en un minimum de temps et disposer d'équipements de test reconfigurables. Aujourd'hui, la réconfigurabilité des moyens de test est un élément de choix pour ces entreprises.

Patrick Legenre (Accelonix) . La notion de testeur générique est de plus en plus accessible à nos clients. Lorsqu'ils étaient conçus avec des cartesVXI ou d'autres technologies plus ou moins propriétaires, leur coût d'entrée était 5 à 10 fois supérieur qu'avec les solutions d'aujourd'hui telles que le PXI ou autres. Le panel de clients qui peut accéder à ses testeurs génériques est donc plus large. Les entreprises dont les volumes sont inférieurs peuvent aujourd'hui mieux rentabiliser leurs investissements.

Frédérick Drappier (National Instruments) . L'évolutivité matérielle est importante mais celle du logiciel l'est tout autant. C'est lui qui va permettre de transformer ce testeur pour passer du test d'un produit X à un produitY. Il est important de réutiliser les mêmes modules logiciels au cours des différentes phases de fabrication depuis la R&D jusqu'à la production. L'optimisation des coûts passe par le travail sur ces deux axes: logiciel et matériel. La parallélisassion rend aussi possible le test de plusieurs équipements en même temps. Et par là même, l'optimisation du temps d'usage des instruments de mesure. Et du point de vue matériel, il faut disposer de modules suffisamment génériques pour couvrir des besoins relativement larges mais qui ont aussi des possibilités d'évolution.

Victor Fernandes (Geotest) . Dans certains cas, il faut s'assurer que la fonction de test continue à opérer pendant dix ans. La gestion de la partie matérielle est relativement facile car on peut refaire un appareil identique. Ce qui est plus difficile à maitriser du point de vue logiciel. Il faudrait quasiment figer les versions logicielles pendant une dizaine d'années. Les industriels sont de plus en plus attentifs au logiciel afin de le maîtriser et le maintenir. Il n'y pas que la course aux performances et à la réduction de coût, la maintenance des plateformes et la gestion de l'obsolescence sont tout aussi cruciales dans certains domaines. Il faut aussi ne pas prendre en compte que le coût d'investissement mais le coût annuel du testeur pour sa maintenance et son support à long terme.

Mesures. Les industriels sont sensibles au coût de possession de leurs équipements de test?

Bruno Cohen (Cassidian Test & Services) . Malheureusement le coût de possession est un concept très difficile à vendre même si les utilisateurs en ont conscience. Il est facile à estimer mais beaucoup font impasse sur le coût de possession à long terme à condition de bénéficier d'un coût d'acquisition à court terme qui entre dans leur budget.

Frédérick Drappier (National Instruments) . Le test reste le parent pauvre. Une fois que l'on a investi en R&D et en moyen de fabrication, on tire sur les prix des moyens de test. D'où l'intérêt de disposer d'ingénieur de test dès la phase de conception.

Mesures.L'instrumentation modulaire paraît donc aujourd'hui incontournable. Est-ce qu'un format s'impose ?

Victor Fernandes (Geotest) “ Le testeur devient modulaire mais on retrouvecette modularité au niveau de l'instrument lui-même qui en fonction de la programmation de son circuit FPGA va réaliser telle ou telle tâche. La modularité descend au niveau carte, elle-même.

Jacky Mutschler (Agilent) . Evidemment les formats PXI et PXI express ont tout à fait leur place et sont largement répandus. Mais quand vous souhaitez disposer de capacités de calcul élevées et utiliser des ressources qui réclament de la puissance d'alimentation de 300W tel que le propose l'AXIe contre 30W pour le PXI, il n'y pas d'autre solution.

Philippe Le Gall (Aeroflex) . Il existe néanmoins encore peu de produits AXIe aujourd'hui sur le marché. Ceux-ci sont plutôt dédiés aux tests radiofréquence et de semi-conducteurs qui réclament des ressources importantes.

Christian Ropars (Acquisys) . Le format AXIe rend possible en effet la conception de cartes intégrant davantage de ressources ce qui était la limitation du PXI.

Victor Fernandes (Geotest) . Quoiqu'il existe aussi en PXI des cartes au format 6U qui proposent une surface d'implantation de composants beaucoup plus importante que les 3U. Mais malheureusement seules quelques sociétés exploitent ce format pour intégrer davantage de fonctions sur un module PXI.

Frédérick Drappier (National Instruments) . Avec la généralisation des communications radiofréquences, un flot toujours plus important de données transitent vers le PC qui est le chef d'orchestre de toute plate-forme de test modulaire. C'est pour cela que le bus PCI Express, et par là même le format PXI Express qui en découle, s'impose comme le bus de communication pour l'ensemble des matériels de mesure qui existe au format modulaire.

Bruno Cohen (Cassidian Test & Services) “ Malheureusement, le coût de possession d'un testeur est un concept très difficile à vendre même si les utilisateurs en ont conscience. Il est facile à estimer mais beaucoup font l'impasse sur le coût de possession à long terme à condition de bénéficier d'un coût d'acquisition à court terme qui entre dans leur budget.

Jacky Mutschler (Agilent) . Le bus PCI Express et le format PXI Express répondent à bon nombre de besoins mais pas à tous. Lorsque l'on a besoin de fortes capacités de calcul, il présente des limites d'où la création du standard AXIe pour y pallier.

Christian Ropars (Acquisys) . Le bus PCI Express est utilisé aussi bien dans les formats PXIe, AXIe ou VPX. C'est effectivement un bus série haute vitesse qui a révolutionné la communication entre ressources dans les systèmes. La génération 3 du bus PCI Express propose des performances deux fois plus élevées que sur la version 2.0. La bande passante totale d'un lien en x16 peut atteindre 32Go/s, ce qui double les 16Go/s qu'offrait la version 2.0. Ce qui n'est pas comparable avec ce qui se faisait avec les bus parallèles traditionnels.

Frédérick Drappier (National Instruments) . Avec de telles vitesses de transfert, on a largement de quoi voir venir mais la question est de savoir comment traiter un tel débit de données. Est-ce que le traitement se fera après le transfert vers un processeur central. Même le recours à un processeur multicœur pourrait se montrer insuffisant. D'où l'intérêt d'opter pour des composants programmables FPGA grâce auxquels le système de test va effectuer un certain nombre de prétraitements avant de les remonter vers le PC ou contrôleur hôte. Soit le circuit FPGA est embarqué directement sur la plate-forme de mesure soit il vient le compléter sous la forme d'une carte additionnelle. De cette manière, on décharge le processeur central d'un certain nombre de tâches. On le voit par exemple pour le décodage de protocole de bus particuliers qui sera réalisé par l'électronique programmée du FPGA. Dans le domaine de la RF, cela autorise certains traitements au plus proche du moyen de conversion. Si bien qu'aujourd'hui un système de test RF serait inconcevable sans l'addition d'un FPGA. Cela permet d'embarquer de nouvelles normes qui sont encore embryonnaires.

Philippe Le Gall (Aeroflex) . Nous ne concevons plus effectivement de solutions de test de communication radio, sans recourir cette technologie de composants programmables.

Victor Fernandes (Geotest) . Le testeur devient modulaire mais on retrouve cette modularité au niveau de l'instrument lui-même qui en fonction de la programmation de son circuit FPGA va réaliser telle ou telle tâche. La modularité descend au niveau carte, elle-même.

Mesures.Mais le recours à des composants de type FPGA n'exigent-ils pas le recours à des outils de programmation auxquels les ingénieurs de test sont peu ou pas familiers?

Christian Ropars (Acquisys) . L'évolution des outils logiciels associés a été importante car aujourd'hui ils facilitent la programmation d'un certain nombre d'algorithmes dans les FPGA sans passer par le langage VHDL via Matlab et Labview. Les FPGA deviennent de plus en plus puissants et faciles à utiliser.

Victor Fernandes (Geotest) . Tous les fondeurs proposent leurs outils de programmation et il y a des outils plus universels de générations de codesVHDL qui rendent possible le passage d'une plate-forme à une autre.

Frédérick Drappier (National Instruments) . Ce qui est important c'est de disposer d'un environnement de développement unique qui prend en compte les contraintes du testeur jusqu'à la programmation du FPGA.

Christian Ropars (Acquisys) . Ces outils sont intéressants jusqu'à un certain point. On peut commencer le développement avec des générateurs de codesVHDL mais qui ne sera pas forcément optimisé lorsque l'on arrive à la limite d'utilisation et de capacités de traitement du FPGA. Dans ce cas, on sera vraisemblablement obligé de finaliser la programmation enVHDL mais cependant il faut reconnaître que ces outils de génération font gagner énormément de temps.

Frédérick Drappier (National Instruments) . Ce problème existe lorsque l'on atteint les limites du FPGA. D'où l'intérêt d'un système où la partie “FPGA” est décorélée de la partie “mesures”. Elle pourra évoluer en permanence sans être limitée par les contraintes de l'architecture.

Victor Fernandes (Geotest) . Si les besoins évoluent au bout de deux ou trois ans, le but n'est pas non plus de changer de carte mais de rééditer son code avec l'expérience acquise et de réutiliser l'existant en y ajoutant de nouvelles fonctions.

Mesures. Quoi qu'il en soit, tous ces formats qu'il s'agisse de PXI, LXI ou encore AXIe sont conçus pour fonctionner ensemble dans des plates-formes hybrides?

Christian Ropars (Acquisys) . Tous ces systèmes peuvent aujourd'hui être utilisés conjointement et être synchronisés. Il existe des mécanismes pour la distribution des horloges et des bus de déclenchement. Le PCIe est le bus de communication commun à tous ces standards : PXIe,AXIe, MicroTCA, le VPX… Les cartes peuvent donc communiquer facilement entre elles. La clé est l'utilisation d'un système hybride qui va permettre d'avoir recours aux meilleures ressources disponibles sur le marché.

Bruno Cohen (Cassidian Test & Services) . Il n'y a pas de système de test conçu uniquement avec des ressources PXI, AXie ou LXI. Nos clients recherchent avant tout une fonctionnalité. C'est à nous de les amener vers la plate-forme la mieux adaptée à leurs besoins.

Frédérick Drappier (National Instruments) . Il n'y a pas d'architecture unique. On trouve souvent au cœur des testeurs une architecture PXI sur laquelle on va intégrer des ressources périphériques pour lesquelles il n'y aurait aucun sens de les intégrer dans un châssis PXI telles que les alimentations par exemple.

Christian Ropars (Acquisys) . Un gros dispositif de commutation n'a pas non plus de sens en PXI.

Mesures. Pour conclure cette table ronde, pensez-vous que le test électronique a de l'avenir en France?

Frédérick Drappier (National Instruments) . Tant qu'il y aura du développement en France il y aura du test mais les volumes ne seront pas les mêmes.

Jacky Mutschler (Agilent) . Beaucoup de conceptions électroniques sont réalisées en France et produites ailleurs. Il y a de tels challenges technologiques à relever qu'il y aura toujours une place pour le test. On espère aussi que les politiques continueront à supporter la recherche fondamentale en France avec des investissements sur des grands projets.

Philippe Devarieux (Technicom.com) . Tant qu'il y a des sociétés françaises qui font du développement et qui pour des raisons stratégiques, de confidentialité ou de protection intellectuelle veulent garder la maîtrise de leur développement et éventuellement de leur production il leur faudra des moyens de test dans l'Hexagone. Il y a un espoir sur le marché émergent du véhicule électrique qui ne pèse presque rien aujourd'hui mais qui pourra décoller et exigera des moyens de tests.

Frédérick Drappier (National Instruments) . La conception, la validation, et les préséries des systèmes électroniques qui équiperont les véhicules électriques se feront en France mais les technologies produites en volume dans ce domaine iront ailleurs.

Philippe Le Gall (Aeroflex) . Je pense cependant que la définition de la stratégie et des moyens de test se fera néanmoins en Europe.

Pour en savoir plus

AXIe: un nouveau standard pour l'instrumentation; Article publié dans le numéro 834 en avril 2011

Le PXI s'est fait une place dans le domaine du test radiofréquences; Article publié dans le numéro 832 en février 2011

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