LE DUT MESURES PHYSIQUES

Le 10/07/2020 à 0:00

Parmi la variété des métiers que l'on peut rencontrer dans les en­treprises, celui de tech­nicien(ne) supérieur(e) revêt de multiples fa­cettes : technicien(ne) supérieur(e) en laboratoire d'essais, rédac­teur(trice) technique, technico-commer­cial(e), technicien(ne) dans un organisme de contrôle des pollutions, technicien(ne) sur de grands instruments de recherche, etc. Et tous les secteurs industriels sont concernés, de l'agroalimentaire, du biomédical et de l'environnement à l'énergie, l'automobile, la sidérurgie, l'aéronautique et le spatial. Et la liste est loin d'être exhaustive.

À l'instar des Brevets de technicien supérieur (BTS) Contrôle industriel et régulation automa­tique (Cira ; voir Mesures n° 907) pour l'instru­mentation et les automatismes, le Diplôme universitaire de technologie (DUT) Mesures physiques est une formation de référence dans l'industrie. « Les industriels recherchent des personnels non spécialisés, mais dotés quand même de connaissances – avec un accent mis sur la mesure – leur permettant d'être très vite opérationnels. Pour les étudiants, il s'agit auj ourd'hui de reculer le choix d'une spécialité, en privilégiant une “spécialisation généraliste” », constate Maximilien Lagron, chef du département Mesures physiques de l'IUT d'Orsay et président de l'Assemblée des chefs de département Mesures physiques.

Comme nous le verrons au cours de cet article, toutes les personnes interrogées s'accordent sur la qualité et l'excellente réputation de cette formation professionnalisante, appréciée aussi bien par les étudiants et les enseignants que par les industriels et même les respon­sables d'école d'ingénieurs. Mais remontons le temps de quelques décennies, à l'origine des DUT. C'est lors du Conseil des ministres du 9  septembre 1964, dans le cadre de la réforme générale de l'enseignement confiée au ministre de l'Éducation nationale Christian Fouchet, que fut décidée la création d'instituts de formation technique supérieure, destinés à répondre à la fois aux aspirations des jeunes et aux exigences de la société moderne.

LES TITULAIRES DU BAC S PRÉDOMINENT

« Les premiers Instituts universitaires de tech­nologie (IUT) sont créés en 1966 [décret n° 66-27 paru le 7 janvier 1966 au Journal officiel, NDR] avec l'objectif de former des techniciens pour répondre aux demandes des industriels. La Société normande de métallurgie (SNM) de Caen recherchait par exemple des personnels très qualifiés en instrumentation », indique Nicolas Barrier, maître de conférences HDR et administrateur provisoire du départe­ment Mesures physiques de l'IUT Grand Ouest Normandie. « La spécialité Mesures physiques a été créée en 1969 – nous avons ainsi fêté ses 50 ans l'année dernière. Il s'agissait à l'époque d'un “ovni” comparé aux autres spécialités de DUT qui formaient des techniciens spécialisés en chimie, en mécanique, en biologie, en élec­tronique, etc. », poursuit Maximilien Lagron (IUT d'Orsay et Assemblée des chefs de départe­ment Mesures Physiques).

Tout le monde s'accorde sur la qualité et l'excellente réputation du DUT mesures physiques, que ce soient les étudiants, les industriels et même les écoles d'ingénieurs, qui accueillent aujourd'hui de nombreux diplômés désirant poursuivre leurs études.

Les industriels n'étaient toutefois pas les seuls à être demandeurs de techniciens supérieurs qualifiés en instrumentation, les laboratoires de recherche poussant aussi à la formation de tels profils. « Si ces techniciens intégraient directement l'industrie à l'époque, le système a ensuite été dévoyé à la fin des années 1980 et au début des années 1990 pour former in fine des ingénieurs. À cette période, est apparue aux côtés des grandes écoles d'ingénieurs traditionnelles une pléthore d'écoles d'in­génieurs, qui ont recruté ailleurs que dans les classes préparatoires, et en partie dans les DUT Mesures physiques », explique François Forme, chef du département Mesures physiques de l'IUT Paul Sabatier-Université Toulouse III.

Avant de voir les débouchés potentiels offerts par un DUT Mesures physiques, intéres­sons-nous d'abord aux profils des lycéens admis. « Au tout début de la spécialité, les lycéens venaient à 100 % de terminales généralistes. Il s'agissait d'une filière sélective au sein d'un baccalauréat sélectif. Aujourd'hui, le recrutement se répartit entre des titulaires de baccalauréats généraux scientifiques et des titulaires de baccalauréats technologiques STI2D [Sciences et technologies de l'indus­trie et du développement durable, NDR] et STL [Sciences et technologies de laboratoire, NDR]. Au niveau national, la proportion de bacs technologiques est de l'ordre de 17 %, mais le rectorat nous impose un objectif plus élevé encore », constate Maximilien Lagron (IUT d'Orsay et Assemblée des chefs de départe­ment Mesures physiques).

UN PROGRAMME AXÉ SUR LA MESURE

« Nous n'arrivons toutefois pas à atteindre l'objectif imposé par le rectorat, en raison de l'absence d'un vivier local de bac STI2D et STL. Même si nous sommes le seul DUT Mesures physiques dans l'ancienne Basse-Normandie, nos étudiants viennent à 90 % de la région Normandie. À cela s'ajoute le fait qu'une partie des étudiants titulaires d'un bac tech­nologique décrochent, surtout à cause de leur niveau trop faible en mathématiques », regrette Nicolas Barrier (IUT Grand Ouest Normandie). Et, pourtant, les équipes pédagogiques des départements Mesures physiques ne ména­gent pas leurs efforts pour tenter de s'adapter à la réforme du baccalauréat mise en place en 2013. Elles font leur promotion auprès des lycéens pour recruter de plus en plus de bacheliers technologiques, mais les DUT Mesures physiques ne sont pas les seuls en compétition, loin de là.

« Nous avons une réelle volonté au DUT de Toulouse d'intégrer les baccalauréats tech­nologiques. Ils nécessitent une pédagogie différenciée de celle des bacs S, sans les ostraciser : une méthodologie leur permettant d'accroître leur charge de travail et la contex ­ tualisation du savoir – les titulaires de bacs tech­nologiques sont meilleurs pour appréhender la pratique –, une pédagogie par projets poussée pour leur montrer que les enseignants ne sont pas en face d'eux, mais à leurs côtés, pour bâtir un projet », explique François Forme (IUT Paul Sabatier - Université Toulouse III), dont le département accueille pourtant 30 % de bacs technologiques.

Abordons maintenant le programme propre­ment dit de cette « spécialisation généraliste » qu'est le DUT Mesures physiques. « La forma­tion est centrée sur la physique et la chimie, et elle est très ouverte : les étudiants décou­vrent une variété de domaines physiques très différents les uns des autres et maîtriseront aussi bien la physique des capteurs, les incerti­tudes de mesure et le traitement des données que l'informatisation. La mesure est une science en elle-même, que l'on retrouve dans tous les secteurs industriels. Une autre particu­larité du DUT Mesures physiques, comparé aux BTS et aux cursus “classe préparatoire et école d'ingénieurs” est la répartition à parts égales entre la théorie et la pratique », insiste Yacine Boufkhad, chef du département Mesures physiques de l'IUT Paris Diderot.

Selon le Programme pédagogique national (PPN) de 2013, le parcours de formation conduisant au DUT Mesures physiques est constitué d'une majeure, qui garantit le cœur de compétence du DUT, et de modules complémentaires. Ces derniers sont destinés à compléter le parcours de l'étudiant, qu'il souhaite une insertion professionnelle immédiate ou une poursuite d'études vers d'autres formations de l'enseig­nement supérieur. La formation est complétée par un enseignement transversal en langue, communication, mathématiques, informatique scientifique et connaissance de l'entreprise. « Cela représente un volume horaire total sur les deux années de 1 800 heures d'enseigne­ment présentiel [1 530 heures pour la majeure et 270 heures pour les modules obligatoires, NDR], auxquelles il faut ajouter 300  heures de projets tutorés et dix semaines de stage au minimum pour la formation initiale », indique Bénédicte Faure, responsable liaison secon­daire-supérieur, responsable apprentissage du DUT Mesures physiques et de la licence professionnelle Métrologie-Qualité de l'IUT de Créteil-Vitry.

L'une des particularités du DUT Mesures physiques, comparé aux BTS et aux cursus “classe préparatoire et école d'ingénieurs” est la répartition à parts égales entre théorie et pratique.

DEUX « COLORATIONS » : TI ET MCPC

Pluridisciplinaire par nature, la formation repose sur plusieurs grands pôles d'enseigne­ment : le pôle physique (compréhension des phénomènes mis en jeu au niveau des capteurs et interprétation des résultats), le pôle chimie, analyse chimique et analyse environnementale (compréhension et maîtrise des principales techniques d'analyse chimique, interprétation des résultats), le pôle sciences des matériaux (compréhension des propriétés spécifiques des grandes classes de matériaux et maîtrise des principales techniques de caractérisation et de contrôle des matériaux), le pôle métrol­ogie (apprentissage des règles fondamentales de la mesure) et le pôle instrumentation, avec l'ensemble des disciplines nécessaires à la conception et à la mise en œuvre d'une chaîne de mesure.

LE POINT DE VUE D'UN INDUSTRIEL

OLIVIER SAUVAGEOT, DIRECTEUR DES RESSOURCES HUMAINES D'ENDRESS+HAUSER FRANCE

MESURES. Pour quels postes embauchez-vous des étudiants issus du DUT Mesures physiques ?

OLIVIER SAUVAGEOT. Le DUT Mesures physiques est, chez Endress+Hauser, d'une manière générale, une porte d'entrée, même si nous regardons plus les personnes elles-mêmes que leurs diplômes. Les personnes issues de cette formation courte et professionnalisante ont l'opportunité de travailler aussi bien au support technique et à des fonctions technico-commerciales sédentaires que dans le marketing.

MESURES. Quels sont, à vos yeux, les atouts de cette formation ?

OLIVIER SAUVAGEOT. Je vois deux grands intérêts au DUT Mesures physiques. Le premier porte sur la connaissance de nos domaines d'activité, avec les modules en instrumentation et en métrologie, et de nos métiers – ils sont déjà familiers du jargon de l'instrumentation de process. Le second intérêt de la formation est le suivant : contrairement au BTS Cira, qui est concentré sur le seul process, le DUT Mesures physiques couvre également toute la chaîne d'un client, du laboratoire au process. Comme elles ont bien souvent un baccalauréat  S, les personnes titulaires d'un DUT Mesures physiques sont bien « câblées », elles savent prendre de la hauteur et avoir une vision globale. Ce qui est plutôt appréciable pour un industriel.

MESURES. Malgré ces louanges, les jeunes diplômés ont-ils quand même des manques, des lacunes ?

OLIVIER SAUVAGEOT. Sans hésitation, les langues étrangères ! La formation n'est pas assez colorée « internationale », mais tout le monde est logé, à peu près, à la même enseigne. C'est un vrai problème sociétal. La maîtrise d'une langue étrangère, au travers de cours d'électronique ou de mécanique faits en anglais, par exemple, apportera un plus indéniable dans un monde qui s'internationalise. Indépendamment de ce problème, les personnes embauchées chez Endress+Hauser suivent toujours une formation interne, afin de rappeler les bases théoriques en physico-chimique et, surtout, de former sur nos produits.

MESURES. En tant qu'industriel, quelles sont vos relations avec les départements Mesures physiques ?

OLIVIER SAUVAGEOT. Je dois reconnaître que nous ne travaillons pas encore assez avec les DUT Mesures physiques pour faire prendre conscience aux étudiants qu'ils sont employables à la fin des deux années – ils resteront également employables dans l'entreprise grâce à la formation interne – et qu'il n'est pas forcément nécessaire de poursuivre leurs études. La prise de conscience est là, mais il est vrai que nous sommes confrontés à un certain lobbying de la part des parents et des écoles d'ingénieurs.

En 2 e année, les étudiants ont le choix entre deux parcours, à savoir les spécialités Techniques instrumentales (TI) et Matériaux et contrôles physico-chimiques (MCPC). Dans la première, l'enseignement est renforcé en acoustique et vibrations, en électronique, en systèmes de mesure et en informatique d'instrumentation ; dans la seconde, l'enseignement est renforcé en physico-chimie, en contrôle et caractérisa­tion des matériaux. « Il y a encore plus d'une dizaine d'années, ces deux spécialités étaient deux véritables options de 2 e année, inscrites sur le diplôme délivré aux étudiants. Depuis 2013, ce sont plutôt des spécialités selon les modules suivis par les étudiants. Cette évolu­tion a été permise notamment par la présence d'enseignants capables de proposer un programme hybride », précise Bénédicte Faure (IUT de Créteil-Vitry).

« Je parlerai effectivement d'une “coloration”, car la différence entre les deux spécialités est très faible. Les programmes sont en effet très proches l'un de l'autre, seuls 25 % des matières enseignées en 2 e année sont différentes, soit 10-15 % sur les deux ans. Sur une promotion d'environ 100 étudiants en 2 e année, la répar­tition TI/MCPC est aujourd'hui de 50 %/ 50 % – la jauge est limitée à 48 places en TP sur les matériaux, pour des raisons de coût des matériaux. Auparavant, le ratio était plutôt de l'ordre de 60 %/40 % », explique toutefois Nicolas Barrier (IUT Grand Ouest Normandie). La séparation entre les spécialités TI et MCPC est également d'autant moins marquée que le nombre d'étudiants est faible. « Certains départements accueillent entre 30 et 40 étu ­ diants par an, tandis que d'autres peuvent avoir 230 étudiants en 1 re année. D'autres critères peuvent par ailleurs entrer en jeu, tels que des spécifications locales – un ancrage social en lien avec des licences professionnelles, par exemple –, sans remettre en cause évidemment le PPN, qui est notre force dans la reconnais­sance du DUT Mesures physiques », réaffirme Maximilien Lagron (IUT d'Orsay et Assemblée des chefs de département Mesures Physiques). « Le programme pédagogique est national, mais chacun des 29 départements peut, après avis du conseil de l'IUT et du conseil des études et de la vie universitaire, définir des modalités d'adaptation de la formation à l'environne­ment, notamment socioéconomique, dans la limite de 20 % du volume horaire global », ajoute Yacine Boufkhad (IUT Paris Diderot).

DES DUT TOURNÉS VERS L'INTERNATIONAL

Parmi les autres changements dans le PPN, on peut citer ceux permettant la prise en compte de l'évolution du profil des lycéens accueillis d'un côté, et l'évolution des métiers, des technologies et des besoins industriels de l'autre. « Pour prendre en compte la diver­sité des profils, nous avons mis en place des modules de chimie et de systèmes électriques, afin d'assurer une remise à niveau respec­tive des bacheliers STD2I et STL, ainsi qu'un module en mathématiques. Au 4 e semestre, nous avons créé un module Chaîne de mesure, pour répondre aux besoins des industriels qui constataient un manque de “synthèse” de la part des diplômés », explique Bénédicte Faure (IUT de Créteil-Vitry).

« Le PPN a par ailleurs pas mal évolué ces dernières années, notamment au niveau de l'enseignement des sciences humaines et des langues vivantes », constate François Forme (IUT Paul Sabatier - Université Toulouse III). « En ce qui concerne les langues étrangères, les étudiants, qui n'ont bien souvent pas conscience de l'importance de travailler les langues étrangères, ni l'expression écrite et orale d'ailleurs, sont accompagnés tout au long de la formation, où le volume horaire d'ensei­gnement a augmenté. Nous avons la volonté de nous ouvrir à l'international, au travers de stages et de semestres d'échange organisés au Canada », confirme Bénédicte Faure (IUT de Créteil-Vitry).

Les sciences humaines et les langues vivantes n'ont pas été les seules évolutions du programme pédagogique national ces dernières années. « Les projets tutorés ont fait leur appa­rition au début des années 2000, et ont pris de l'ampleur avec la réforme du lycée. Il s'agissait de prendre en compte à la fois le profil des “nouveaux” bacheliers et les demandes des industriels », rappelle Yacine Boufkhad (IUT Paris Diderot). Ce que confirme François Forme (IUT Paul Sabatier - Université Toulouse III) : « La dernière révision du PPN, en 2013, intègre d'une manière claire la pédagogie par projets. Et, depuis mon arrivée à la direction du dépar­tement, j'ai vraiment développé cela, sous la forme notamment de concours entre plusieurs équipes d'étudiants – cela leur permettait d'ap­prendre à gérer un projet, à travailler en groupe, etc. – et du Challenge Mesures Physiques. »

LA MONTÉE EN PUISSANCE DES PROJETS

Le Challenge Mesures Physiques est un événe­ment annuel durant lequel tous les départe­ments Mesures physiques de France s'affron­tent sur un thème donné. Chaque équipe doit développer un projet faisant intervenir la réal­isation de plusieurs mesures et communiquer sur ces résultats sous forme d'un poster. « Suite à des discussions avec le Cnes, nous avons participé à un concours ouvert à toutes les formations supérieures de France portant sur le développement d'expérimentations embarquées dans la station spatiale interna­tionale (ISS) et opérées par Thomas Pesquet en 2021. Sur les quatre places disponibles, le DUT Mesures physiques de Toulouse en a gagné deux – les deux seuls projets scientifiques, les deux autres étant des projets artistiques », poursuit François Forme.

Après une apparition au début des années 2000, la pédagogie par projets a fait son entrée, d'une manière claire, dans la révision du Programme pédagogique national de 2013. Cela permet aux étudiants d'apprendre à gérer un projet et à travailler en groupe.

En 2 e année, les étudiants ont le choix entre les spécialités Techniques instrumentales (TI) et Matériaux et contrôles physico-chimiques (MCPC). Les enseignements sont renforcés respectivement en électronique, en systèmes de mesure, etc. et en physico-chimie, en caractérisation des matériaux, etc.

Une autre forme de projet a fait son apparition dans le PPN en 2013 : le projet personnel et professionnel (PPP). « Le PPP a pour objectif de permettre à l'étudiant d'aller vers une meilleure définition de son projet personnel et profes­sionnel, de le mettre en situation d'acteur dans son orientation et son environnement, et de confronter ses représentations avec la réalité du terrain par le biais d'un questionnement personnel. Afin d'impliquer l'étudiant dans la construction et la valorisation de sa forma­tion, le PPP doit l'aider à se repérer dans le monde professionnel et des métiers », explique le ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation.

Le PPP doit notamment permettre à l'étudiant « de cerner les différents métiers et secteurs d'activité en lien avec la formation Mesures physiques, d'appréhender la diversité des environnements professionnels et des condi­tions d'exercices, d'identifier les parcours de formation permettant l'accès à ces métiers et postes de travail, d'établir un bilan personnel pour bien s'orienter dans ses études et dans sa vie professionnelle, d'élaborer des outils perti­nents et efficients concernant sa recherche de stage, de définir son parcours post-DUT en analysant différentes pistes (offres d'emploi ou de formation) », poursuit le ministère.

Pour François Forme (IUT Paul Sabatier - Université Toulouse III), « les motiva­tions des étudiants arrivant en DUT Mesures physiques sont floues : ils veulent devenir ingénieurs en avionique ou dans le spatial, parce qu'ils ne voient que le statut et le salaire de ces métiers. Le PPP leur permet de travailler sur eux-mêmes, en rencontrant des anciens étu diants par exemple, et ainsi de mieux se projeter dans l'avenir. » « Si les étudiants ont du mal à adhérer au PPP à l'entrée de la 1 re année, ils sont contents, à la fin de la 2 e année, d'avoir été accompagnés et réa lisent avoir évolué sur la connaissance de soi », remarque Bénédicte Faure (IUT de Créteil-Vitry).

UNE DEMANDE IMPORTANTE D'ALTERNANCE

En parallèle de la formation initiale, la majorité des départements Mesures physiques propo­sent également une formation continue et une formation en alternance, en partenariat avec des Centres de formation des apprentis (CFA). « L'apprentissage s'est généralisé en 2 e année, même si tous les départements ne le proposent pas. Pour les étudiants en alternance, c'est très formateur : ils sont confrontés à la réalité du terrain et gardent un lien plus poussé avec l'en­treprise qu'avec le stage d'une durée de trois mois de la formation initiale. Nous n'avons que des retours positifs, se réjouit Yacine Boufkhad (IUT Paris Diderot). Par contre, l'apprentissage en 1 re et 2 e année reste encore très rare. »

L'alternance requiert en effet une implication encore plus forte de la part des étudiants. Si les enseignants connaissent mieux leurs étudiants après la 1 re  année, et peuvent savoir lesquels seront les mieux armés pour réussir leur apprentissage, ce n'est pas le cas à l'en­trée de la 1 re  année. « L'apprentissage a certes augmenté, mais nous pouvons mieux faire. De nombreux freins persistent encore, tels que la croyance d'une formation de moins bonne qualité. Ces barrières psychologiques reculent, d'autant que le modèle se démocratise aussi dans les écoles d'ingénieurs, par exemple », constate Maximilien Lagron (IUT d'Orsay et Assemblée des chefs de département Mesures Physiques).

Les départements Mesures physiques entretiennent d'étroites relations avec les entreprises, au travers des stagiaires et alternants, de l'accueil d'industriels venant enseigner en tant qu'intervenants extérieurs, du travail de recherche des enseignants et de la participation des entreprises à la Commission pédagogique nationale.

Tous les départements de France participent au Challenge Mesures Physiques. Durant cet événement annuel, des équipes s'affrontent en développant un projet faisant intervenir la réalisation de mesures et en communiquant sur ces résultats.

« Même si la formation en alternance est dure, elle peut être une solution très intéressante pour certains étudiants. Elle leur offre une certaine sécurité financière – percevoir un salaire est une grande aide pour ceux qui n'ont pas forcé­ment les moyens – et les mêmes possibilités de poursuite d'études. Les étudiants ayant fait un apprentissage sont très bien vus par les écoles d'ingénieurs, et ils peuvent éventuellement continuer en alternance dans la même entreprise », ajoute Nicolas Barrier (IUT Grand Ouest Normandie).

Pour les étudiants ayant déjà réussi une 1 re   année dans l'enseignement supérieur, quelques départements Mesures physiques propo­sent une année spéciale. Cela consiste à suivre l'in­tégralité du programme en un an seulement. « Mais l'année scolaire se termine en septembre et non en juin, précise François Forme (IUT Paul Sabatier - Université Toulouse III). Il y a une vraie demande de la part des étudiants issus des classes préparatoires. » Signalons enfin une autre possibilité proposée par les départe­ments Mesures physiques : « La semestrialisation de la formation permet à des étudiants de ne redoubler qu'un semes tre, et non pas une année entière. Il s'agit ainsi de sécuriser le parcours d'étudiants fragiles et ceux ayant abandonné une classe préparatoire en cours de route », explique Maximilien Lagron (IUT d'Orsay et Assemblée des chefs de département Mesures Physiques).

UNE POURSUITE D'ÉTUDES MASSIVE

Comme l'évoquait François Forme (IUT Paul Sabatier - Université Toulouse III) au début de l'article, tous les étudiants sortant diplômés d'un DUT Mesures physiques ne rejoignent pas le monde du travail. Et c'est un euphémisme. « Au niveau national, seuls 21 % d'entre eux s'insèrent dans le monde du travail. Sur ces 21 %, je prends en compte les 13 % qui travail­leront à l'issue d'une licence professionnelle, ce qui laisse seulement 8 % qui s'insèrent dans le monde du travail après le DUT. 71 % poursuivent leurs études trois ans de plus, essentiellement en écoles d'ingénieurs [via des “prépas ATS” (Adaptation technicien supérieur), NDR], qui apprécient le double profil théorique et pratique de notre formation. Les 8 % restants correspondent à des étudiants qui s'arrêtent au niveau bac + 4 ou qui vont jusqu'au doctorat », indique Maximilien Lagron (IUT d'Orsay et Assemblée des chefs de département Mesures Physiques).

« La société pousse vers les niveaux d'études les plus hauts. J'ai déjà vu des étudiants poursuivre leurs études sous la pression de leurs parents », affirme Bénédicte Faure (IUT de Créteil-Vitry). « L'air du temps est à la pour­suite des études, alors qu'il y a énormément d'industriels et de laboratoires qui cherchent à recruter », regrette Nicolas Barrier (IUT Grand Ouest Normandie). « Je reçois beau­coup d'offres d'emploi de la part d'entre­prises, auxquelles je n'arrive pas à répondre », renchérit Yacine Boufkhad (IUT Paris Diderot), qui enregistre entre 5 et 10 %, selon les années, de diplômés rejoignant le marché de l'emploi. Dans certains départements, ce nombre descend même à 1 % !

LE NOUVEAU « BUT » DES DUT

D'aucuns pourraient critiquer ce si faible taux d'insertion professionnelle à l'issue des deux années de DUT. « Je m'insurge contre l'appel­lation de “petites prépas” des DUT Mesures physiques. Je ne connais aucune classe préparatoire qui fasse autant de TP et qui amène des lycéens avec un niveau théorique très moyen à un très bon niveau bac + 2. C'est une force de notre formation. La contrepartie de cette formation très généraliste est que l'étudiant a le choix et les connaissances pour pouvoir poursuivre ses études. C'est difficile de dire à un étudiant bien formé de s'insérer », constate Maximilien Lagron (IUT d'Orsay et Assemblée des chefs de département Mesures Physiques). La licence professionnelle peut représenter un bon compromis, en permet­tant aux étudiants de se spécialiser dans un domaine particulier après le DUT. Pour Yacine Boufkhad (IUT Paris Diderot), « les licences professionnelles, qui sont souvent faites en alternance, sont alors vues comme une inser­tion professionnelle différée. » Mais l'image de l'ingénieur reste encore très forte en France. Est-ce un lien de cause à effet ? Cette structure de l'enseignement supérieur à cycle court va cependant être amenée à changer. « À la rentrée universitaire 2021, le DUT va laisser la place au BUT (Bachelor universitaire de technologie). Les discussions sont pour l'instant encore en cours, et nous devrions en savoir plus à la fin du mois de septembre prochain », annonce Maximilien Lagron (IUT d'Orsay et Assemblée des chefs de département Mesures Physiques). Quelques éléments sont toutefois d'ores et déjà connus : « Le BUT se déroulera sur une durée de trois ans et intégrera notamment une approche pédagogique par compétences, et non plus par modules », précise Yacine Boufkhad (IUT Paris Diderot).

DIFFÉRENTES RELATIONS AVEC LES ENTREPRISES

C ompte tenu de la finalité du DUT Mesures physiques, à savoir former des techniciens supérieurs polyvalents capables de réaliser et d'exploiter des mesures, les départements Mesures physiques se doivent d'entretenir des relations étroites avec les entreprises présentes dans leur région. Sans compter que les entreprises doivent s'acquitter de la contribution unique à la formation et à l'alternance – elle regroupe la taxe d'apprentissage et la contribution à la formation professionnelle. « Nous rencontrons les industriels lors des stages obligatoires de la formation initiale et des contrats d'apprentissage (l'alternance)», indique Nicolas Barrier, maître de conférences HDR et administrateur provisoire du département Mesures physiques de l'IUT Grand Ouest Normandie. Mais les visites des stagiaires et alternants ne sont pas les seules occasions. « Nous accueillons également des industriels qui viennent enseigner chez nous [c'est d'ailleurs une obligation de faire intervenir 20 % de personnes externes en TD et TP, NDR]. Si les industriels sont ravis d'échanger avec les étudiants, le fait qu'ils soient très mal payés et pas facilement disponibles – gérer un emploi du temps devient

extrêmement compliqué – pose un problème », explique François Forme, chef du département Mesures physiques de l'IUT Paul Sabatier - Université Toulouse III. Et il ne faut pas oublier une troisième voie par laquelle les équipes des départements Mesures physiques sont en relation avec les entreprises : « Nous sommes, pour certains d'entre nous, des enseignants-chercheurs travaillant dans des domaines industriels et sur des projets avec des entreprises partenaires », précise Yacine Boufkhad, chef du département Mesures physiques de l'IUT Paris Diderot.

Enfin, Bénédicte Faure, responsable liaison secondaire-supérieur, responsable apprentissage du DUT Mesures Physiques et de la licence professionnelle Métrologie-Qualité de l'IUT de Créteil-Vitry, ajoute que l'« on retrouve aussi des représentants d'entreprises au sein de la Commission pédagogique nationale (CPN), qui a en charge l'écriture du programme. » « Mais compte tenu du panel très vaste et varié des acteurs concernés, il nous est difficile de faire vivre le réseau des entreprises », regrette Maximilien Lagron, chef du département Mesures physiques de l'IUT d'Orsay et président de l'Assemblée des chefs de département Mesures physiques.

Mais de nombreuses interrogations se font jour, comme la manière de définir une compétence, la manière d'adapter le travail des équipes pédagogiques par modules – une compétence peut être transverse à plusieurs modules –, etc. Pour Nicolas Barrier (IUT Grand Ouest Normandie), « il s'agit, pour le ministère, d'es­sayer de répondre à la réforme du baccalauréat, avec la part des bacheliers technologiques en DUT portée à 50 %. Il serait alors possible d'as­surer une remise à niveau lors de la 1 re année, par exemple. Si on ne veut pas que les dépar­tements ferment, il faudra que la formation conserve ses atouts pour répondre aux besoins des industriels. »

L'objectif de cette refonte en profondeur est donc louable : revenir à la vocation première des DUT, à savoir l'insertion professionnelle des étudiants, est une bonne idée. « Je ne crois pas que la formation DUT Mesures physiques soit en danger, ni qu'il y ait des inquiétudes concer­nant les besoins industriels. Mais nous ne devons pas louper le BUT », conclut Maximilien Lagron (IUT d'Orsay et Assemblée des chefs de département Mesures Physiques).

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