«Lecobotcréedenouveauxusages dans l'industrie»

Le 09/09/2016 à 0:00

Mesures. Quelle est votre définition du cobot?

Jacob Pascual Pape. Le cobot est un robot collaboratif qui peut travailler sans barrière de sécurité –après analyse des risques de l'application pour laquelle il est utilisé– à proximité d'un opérateur, sans danger pour ce dernier. La notion de cobotique ne se réfère pas uniquement au fait de pouvoir faire fonctionner un robot sans barrière de sécurité, mais également à la manière dont le robot collabore avec l'humain et à la facilité avec laquelle cette collaboration peut être mise en place et utilisée, bien que tous les cobots du marché ne soient pas forcément faciles d'utilisation, loin s'en faut. Une définition souvent donnée consiste à dire que le cobot joue un rôle d'assistant auprès de l'opérateur pour effectuer certaines tâches répétitives et/ou monotones. On retrouve ainsi nos cobots sur les lignes d'assemblage, de placements de composants, de collage, d'emballage, etc.

Mesures.Le cobot casse l'image traditionnelle du robot industriel, imposant, fixe (dans le sens fixé au sol), cher et dont la programmation ne peut être effectuée que par une personne compétente en robotique. Lorsqu'Universal Robots a lancé son premier cobot en 2009, vous faisiez figure de précurseur.Expliquez-nous votre stratégie.

Jacob Pascual Pape. Universal Robots a été un pionnier dans ce domaine en étant la première société à lancer des cobots à la fois performants et à des coûts raisonnables. C'était effectivement en 2009. Le but était de répondre à une lacune du marché qui ne proposait à l'époque aucun robot réellement collaboratif qui soit sûr, compact, léger (donc mobile), facile à programmer et à utiliser, et bon marché alors que la demande pour ce type de machines commençait à poindre. Nous avons donc mis toute notre compétence pour développer des robots regroupant toutes ces caractéristiques en même temps et présentant un retour sur investissement typiquement inférieur à un an, ce qui est très court par rapport à l'échelle des temps généralement employée dans le secteur de la robotique industrielle traditionnelle. C'est cette combinaison d'éléments qui permet de démocratiser la robotique dans les entreprises de toutes tailles, y compris les petites entreprises qui ne disposent pas forcément en interne d'expertise en robotique. D'ailleurs, nos clients sont aussi bien des grands groupes que des PME de quelques employés. Aujourd'hui, plus de 8 000 de nos robots des séries UR sont en fonctionnement à travers le monde dans de réelles applications industrielles, ce qui correspond à une part de marché de 80% au niveau mondial en matière de cobotique.

Le credo d'Universal Robots est de concevoir des cobots légers et peu encombrants, ce qui permet de les déplacer là où le besoin existe, n'importe où dans l'usine, et cela avec une grande flexibilité, ce qui est complètement nouveau en robotique industrielle. De plus, leur programmation est aisée, à la portée de n'importe quel opérateur, même s'il n'est pas spécialiste en robotique. Là aussi, c'est nouveau.

Jacob Pascual Pape, directeur général d'Universal Robots pour l'Europe du Sud, la Turquie, le Moyen-Orient et l'Afrique

DR Détenteur d'un master en ventes et marketing obtenu en 2005 à l'EAE Business School de Barcelone, Jacob Pascual Pape intègre la société danoise Flex Trim A/S spécialisée dans les équipements de ponçage industriels en tant que responsable des ventes pour l'Espagne. En 2012, il prend les rênes du Trade Council of Danemark en Espagne (Barcelone), un organisme du ministère des affaires étrangères du Danemark chargé de promouvoir les exportations danoises et les investissements étrangers dans ce pays nordique.

C'est à cette occasion que Jacob Pascual Pape croise le chemin d'Universal Robots, une société danoise créée en 2009 et spécialisée dans les cobots industriels. Attiré par le challenge que représente le développement de la cobotique dans l'industrie, il rejoint Universal Robots à Odense, au Danemark, où il est en charge des ventes pour l'Europe du sud. En juin 2014, il prend la tête du bureau commercial qu'Universal Robots ouvre à Barcelone et est promu directeur général de l'entreprise pour l'Europe du Sud, la Turquie, le Moyen-Orient et l'Afrique.

Mesures. Comment appréhendez-vous l'arrivée de ténors de la robotique industrielle conventionnelle tels qu'ABB, Fanuc, Kuka et d'autres sur le marché des cobots ? Comment expliquez-vous ce phénomène?

Jacob Pascual Pape. Au tournant des années 2010, l'arrivée de nouveaux acteurs tels qu'Universal Robots avec des produits tellement différents des gros robots que l'on a l'habitude de voir dans l'industrie, a ouvert la voie à un segment complètement nouveau de la robotique industrielle et qui a donné un coup de fouet à ce secteur, comme en témoigne la très forte croissance que nous avons enregistrée depuis 7 ans et qui ne se dément pas aujourd'hui. Et je crois que cela a ouvert les yeux des ténors de la robotique industrielle conventionnelle qui ont vu dans ces solutions complémentaires à leurs offres respectives des relais de croissance potentiellement importants. D'ailleurs, nous n'en sommes encore qu'au début car nous estimons que le marché des cobots va décupler au cours des 5 prochaines années. Par conséquent, l'arrivée de nouveaux concurrents –que ce soit des spécialistes de la cobotique ou des acteurs de la robotique industrielle ayant décidé de tenter l'aventure du cobot– est un phénomène naturel comme cela est le cas dans tout marché émergent à fort potentiel. En tant que pionnier du cobot, nous avons pour nous nos 6 années d'expérience dans le déploiement des cobots dans de multiples secteurs de l'industrie et nous allons continuer notre politique d'innovation en vue du développement de nouveaux produits et fonctionnalités rendant l'utilisation des cobots encore plus aisée, flexible et sûre. Donc, nous sommes sereins quant à notre avenir malgré le fait que la concurrence commence à s'organiser.

Mesures. Afin de pouvoir travailler sans barrière de sécurité, les cobots doivent être légers,avoir des capacités de charge limitées et réaliser des mouvements relativement lents afin de réduire l'énergie cinétique de la machine et ainsi de réduire les conséquences d'éventuels contacts avec l'opérateur qui travaille à proximité. Cela ne limite-t-il pas trop leurs débouchés?

Jacob Pascual Pape. Il est bien évident qu'en termes de charges manipulables, par exemple, les cobots ne peuvent rivaliser. Ces derniers travaillent généralement avec des charges allant de quelques centaines de grammes à quelques kilogrammes ( la série UR10 d'Universal Robots travaille avec des charges pouvant atteindre 10 kg, ndlr ) alors qu'un robot industriel «gros porteur» pourra s'accommoder de charges de plusieurs centaines de kilos. Mais ceci est un faux problème car les cobots ne sont pas là pour remplacer les gros robots industriels car ils n'effectuent pas du tout les mêmes tâches. Comme je l'ai dit au début de notre entretien, le robot industriel traditionnel reste confiné à l'intérieur de son enceinte sécurisée, loin de toute activité humaine, alors que le cobot et l'opérateur vont travailler ensemble, parfois sur un même poste de travail, presque main dans la main, si j'ose dire. De ce fait, le cobot répond à de nouveaux besoins et de nouveaux usages dans d'innombrables applications telles que l'automobile, l'agroa-limentaire, l'électronique, l'ingénierie, l'industrie chimique, pharmaceutique, la recherche, etc. Par ailleurs, nous nous efforçons de concevoir des robots légers et peu encombrants, ce qui permet de déplacer le robot là où le besoin existe, n'importe où dans l'usine, et cela avec une grande flexibilité, ce qui est complètement nouveau en robotique industrielle. De plus, leur programmation est très aisée, à la portée de n'importe quel opérateur, même s'il n'est pas spécialiste en robotique. Là aussi, c'est nouveau.

Mesures. Même s'il est collaboratif, le cobot peut-il s'employer sans précaution?

Jacob Pascual Pape. Non. Le cobot est régi par des normes, notamment en matière de sécurité, mais même si un cobot est «intrinsèquement sûr» et est limité en termes de charge manipulable, ce n'est pas pour autant que l'applica-tion sera sûre. Vous aurez beau utiliser un cobot répondant à toutes les normes de sécurité possibles et imaginables, s'il manipule des objets tranchants, il sera dangereux pour un opérateur travaillant à proximité. Comme pour toute application robotique, il faut donc impérativement procéder à une analyse des risques de l'application à laquelle le cobot est dédié. Et c'est cette analyse, et elle seule, qui déterminera si le cobot peut être uti-lisé sans barrière de protection ou s'il doit au contraire fonctionner en zone proté-gée. Par exemple, l'UR10 est le cobot le plus «grand» de notre catalogue et celui qui peut manipuler les charges les plus lourdes, jusqu'à 10kg. En fonction de la tâche qui lui est allouée, delacharge maximale qu'il est amené àmani-puler et de la vitesse d'exécution de ses mouvements, certaines applications nécessiteront la mise en place d'une barrière de protection et d'autres non, et pourtant il s'agit du même cobot. C'est par conséquent bien l'appli-cation et non le cobot qui détermine le résultat de l'analyse de risque et donc si son utilisation est sûre ou non.

Depuis février dernier, une directive technique spécifiquement dédiée aux cobots a été mise à disposition des industriels. Ainsi, l'ISO/ TS 15066 décrit les différents concepts de robotique collaborative et détaille les procédures d'analyse des risques dédiées à ce nouveau type de robot industriel.

Le robot industriel traditionnel reste confiné à l'intérieur de son enceinte sécurisée,alors que le cobot et l'opérateur vont travailler ensemble, parfois sur un même poste de travail, presque main dans la main, si j'ose dire. ” Jacob Pascual Pape

Mesures.Existe-t-ildesnormesdesécu-rité liées à l'utilisation des cobots dans l'industrie?

Jacob Pascual Pape. Toute machine finie installée dans l'Union Européenne doit être conforme aux exigences de santé et de sûreté de la directive machine 2006/42/EC (MD). Selon cette directive, le robot est une machine «partiellement» finie, ce qui signifie que le robot doit être intégré dans une application donnée, avec ses propres spécifications, pour être considéré comme une machine finie et pour en évaluer les risques. Autrement dit, comme je l'ai dit auparavant: à chaque application son analyse de risques. Les moyens mis en œuvre pour réaliser cette analyse des risques doivent permettre d'identifier les risques inhérents à l'application donnée et de les ramener à des niveaux appropriés (pour davantage de détails sur ce point, consulter les normes ISO 12100 et ISO 10218-2). Et ceci est valable aussi bien pour les robots industriels conventionnels que pour les cobots. Mais depuis février dernier, une directive technique spécifiquement dédiée aux cobots a été mise à disposition des industriels. Ainsi, l'ISO/TS 15066 décrit les différents concepts de robotique collaborative et détaille les procédures d'analyse des risques dédiées à ce nouveau type de robot industriel.

Les intégrateurs vont continuer à jouer un rôle très important dans le déploiement du parc de robots et cobots industriels à l'avenir. C'est juste que pour les cobots, les durées moyennes d'installation des cellules robotisées seront réduites de manièresignificative. ” Jacob Pascual Pape

Mesures.Les cobots industriels d'Uni-versal Robots sont-ils compatibles avec cette nouvelle directive? Quelles sont les solutions permettant de limiter au maximum les risques de collision ou de choc dans le cas où le cobot travaille sans barrière physique?

Jacob Pascual Pape. Nos cobots industriels sont compatibles avec les standards ISO actuels dédiés à la cobotique grâce à l'intégration en leur sein d'un système de sûreté avancé de limitation des forces, système de sûreté certifié «Level D» par l'organisme de certification TÜV. Nos robots collaboratifs sont ainsi capables de travailler sans barrière de protection et cela, sans danger pour l'opérateur sous réserve, bien sûr, de la confirmation de l'analyse des risques pour l'application donnée. Dans le cas où l'analyse des risques conclut à la nécessité d'utiliser une barrière de sécurité (matérielle ou immatérielle), nos cobots peuvent intégrer des fonctions spécifiques permettant de mettre en place des barrières de sécurité virtuelles autour du périmètre de la zone de travail du robot afin de limiter les possibilités de contacts avec les opérateurs.Ces fonctions additionnelles sont également certifiées par l'organisme TÜV Nord. Par ailleurs, les cobots des séries UR sont munis d'interfaces permettant d'adjoindre des dispositifs de protection externes tels que des scanners de détec-tion de présence de personnel dans la zone de travail du robot.

Mesures. Avec les robots industriels conventionnels, l'installation de la cellule robotisée est souvent très complexe et nécessite généralement beaucoup de temps. Ce qui impose aux entreprises ne disposant de ressources dédiées en interne – ce qui représente l'immense majorité des cas– d'avoir recours aux services d'un intégrateur. Est-ce toujours le cas pour les cobots industriels?

Jacob Pascual Pape. Il est important de clarifier les choses: tous les cobots ne sont pas faciles à utiliser et tous ne peuvent pas être installés par le client final lui-même. Universal Robots a révolutionné le marché de la robotique en concevant des cobots faciles àpro-grammer dans le cadre d'applications simples, y compris par du personnel sans expérience en programmation robotique, avec à la clé, une baisse du coût d'intégration des robots dans les unités de production et une réduction de la durée de paramétrage. Mais cela ne signifie pas que tous les clients installent leurs robots eux-mêmes. Les intégrateurs vont continuer à jouer un rôle très important dans le déploiement du parc de robots et cobots industriels à l'avenir. C'est juste que pour les co-bots, les durées moyennes d'installation des cellules robotisées seront réduites de manière significative.

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