Les variateurs de vitesse

Le 01/02/2015 à 13:30

U tilisés dans d'innombrables applications,les moteurs électriques sont de véritables gouffres en énergie. Selon des chiffres fournis par Leroy-Somer, filiale du groupe Emerson, les systèmes d'entraînement (moteurs, motoréducteurs et variateurs) dans leur ensemble consomment quelque 100TW.h d'électricité en France chaque année,soit 23% de la consommation électrique du pays. En 2013, ils ont représenté 33% de la consommation électrique du secteur tertiaire et 70% de celle du secteur industriel. Et au-delà des considérations purement environnementales dont les enjeux sont considérables, cet appétit gargantuesque se traduit par une note salée pour les exploitants de moteurs. Pour un système d'entraînement, il faut notamment savoir que le coût d'achat ne compte en moyenne que pour 3 à 6% du coût total de possession (TCO, Total Cost of Ownership ) alors que cette part monte à 35%, voire même 50% pour les coûts de fonctionnement (principalement la consommation électrique) et entre 40% et 60% pour les coûts liés aux arrêts de production. Autrement dit, rien ne sert de rogner sur le prix d'achat d'un moteur puisque cela ne représente qu'une infime partie de ce qu'il coûtera à l'exploitant tout le long de son cycle de vie. Mieux vaut donc s'orienter vers des solutions permettant de réduire la consommation énergétique globale du système si l'on souhaite un retour sur investissement le plus rapide possible. Et quand on sait que l'on estime à plus de 10 millions le nombre de moteurs de puissance supérieure ou égale à 0,75 kW rien que sur le territoire français, on se dit que l'enjeu est capital.

L'essentiel

Les variateurs de vitesse constituent une solution très efficace pour calmer l'appétit des moteurs électriques en énergie électrique.

Par rapport à des solutions à vitesse fixe, la réduction de la consommation électrique des systèmes d'entraînement peut atteindre 90% et le retour sur investissement être abaissé à quelques mois.

De par l'intégration de multiples fonctionnalités, les variateurs de vitesse sont passés de simples constituants d'automatisme, à véritable solution capable de répondre aux exigences de l'utilisateur final, en diminuant ses coûts de possession et en améliorant la disponibilité de son outil industriel.

Une solution efficace pour réduire l'appétit des moteurs en énergie

Pour relever ce défi de taille, deux solutions s'offrent aux utilisateurs : d'une part, les moteurs à haut rendement, qui ont fait l'objet il y a un an d'un guide d'achat dans la revue Mesures ( Mesures n°861 paru en janvier 2014) et dont les normes sont de plus en plus drastiques ( voir encadré page 44 ), d'autre part les variateurs de vitesse auxquels est consacré ce présent guide d'achat. Basés sur un principe extrêmement simple qui consiste à adapter la vitesse d'un moteur aux besoins de l'application dans laquelle il est mis en œuvre, les variateurs de vitesse constituent donc un autre moyen pour réduire de manière significative la consommation électrique des systèmes d'entraînement. Une idée qui ne date d'ailleurs pas d'hier, comme nous le rappelle Philippe Châtel, en charge du marketing et de la communication, chez Lenze, qui nous dresse un bref historique de la variation de vitesse à travers les âges: « Il s'agit d'un sujet historique chez Lenze puisque cela a commencé par les variateurs mécaniques lors de la création de la société il y a une soixantaine d'années.Ont ensuite été lancés,dans les années 60, les variateurs électroniques à courant continu puis, au beau milieu des années 70, les convertisseurs de fréquence. Il s'agissait alors de variateurs scalaires basés sur une régulation de tension.Puis sont apparus,dans les années 80,les variateurs vectoriels fonctionnant en régulation de courant. Aujourd'hui, tous nos variateurs de vitesse se déclinent au choix en régulation vectorielle ou scalaire.» C'est l'une des manières de définir les différents types de variateurs de vitesse existants, mais les façons de les catégoriser sont nombreuses. « Les variateurs de vitesse sont déclinés en deux familles. La première, basée sur une technologie composée d'un étage redresseur AC/DC à base de thyristors et d'un étage onduleur DC/AC à base de transistor IGBT, est destinée au pilotage des moteurs à courant alternatif soit de type asynchrone,soit de type synchrone à aimants permanents (de type servo ou industriel). La seconde, basée sur un seul étage de puissance à base de thyristors (AC/ DC), permet de piloter des moteurs à courant continu », nous détaille Thierry Crespo, responsable marketing applications process, chez Leroy-Somer. Pour Olivier Rambaldelli en charge du marketing chez B&R France, la différenciation s'opère selon la précision et le dynamisme souhaités pour le contrôle de mouvements: « Pour les mouvements simples ne nécessitant pas de contrôle précis de la position, les variateurs de fréquence suffisent. On les emploie typiquement dans les applications de convoyage, levage, pompage, ventilation, etc. Pour les mouvements nécessitant un contrôle dynamique et très précis de la position, les variateurs intègrent une boucle d'asservissement en position avec un retour d'information codeur. On parle alors de servovariateur », précise-t-il. Quant à Thierry Philippe, de Delta Electronics, il distingue également deux familles: « Les variateurs les plus basiques sont les variateurs à loi U/f ou V/f [tension/ fréquence, NDLR] dont l'évolution actuelle réside dans le contrôle vectoriel de tension (VVC) qui modélise les paramètres moteurs pour reconstituer les vecteurs tension et courant et leur déphasage de manière simple (globalement basée sur le courant à vide ou la résistance du moteur). Ces variateurs ne commandent que des moteurs asynchrones, mais répondent à 95 % des applications. Les variateurs à contrôle vectoriel de flux, eux, utilisent un algorithme plus sophistiqué, et le calcul en temps réel des vecteurs est basé sur des mesures très précises et très rapides des courants de sortie,ainsi que de leur déphasage.La puissance de calcul nécessaire est beaucoup plus élevée et la transmission des mesures et des commandes est critique.La valeur de l'algorithme dépend aussi du constructeur et seuls les plus grands noms du secteur proposent des performances optimales en boucle ouverte. La boucle fermée permet un contrôle vectoriel de flux plus accessible avec un algorithme plus simple. Ces variateurs peuvent commander en vitesse et en couple des moteurs asynchrones comme des moteurs synchrones et à aimants permanents » , explique Thierry Philippe.

En 2013, les moteurs électriques ont englouti 33 % de la consommation électrique du secteur tertiaire et 70 % de celle du secteur. Les variateurs de vitesse constituent une solution très efficace pour calmer l'appétit des moteurs électriques en énergie.

Siemens

Le contrôle parfait de l'accélération et de la décélération par un variateur de vitesse contribue également à augmenter la durée de vie des machines, en réduisant les sollicitations mécaniques de la transmission, et à limiter les courants de démarrage.

Leroy Somer

Grâce à leur faculté à régler précisément et en souplesse la vitesse de rotation d'un moteur pour l'adapter à sa juste utilisation, les avantages des variateurs de vitesse ne sont plus à démontrer en termes de réduction de la consommation énergétique. « Les économies d'énergies liées à l'utilisation de variateurs de vitesse nous ont permis d'éviter la construction de quelques centrales nucléaires supplémentaires », s'amuse Philippe Châtel de Lenze. Mais leurs bienfaits ne s'arrêtent pas là. « Le contrôle parfait de l'accélération et de la décélération contribue également à augmenter la durée de vie des machines en réduisant les sollicitations mécaniques de la transmission.Enfin,la limitation des courants de démarrage et la technologie utilisée éliminent les pénalités de dépassements de courant actifs et réactifs imposées par les fournisseurs d'énergie », précise pour sa partThierry Crespo.

Moteurs électriques à haut rendement : des normes de plus en plus drastiques

Les moteurs à haut rendement répondent à des normes. Ainsi, la norme internationale EN/CEI 60034-30 définit-elle différents niveaux de rendement énergétique pour les moteurs asynchrones à induction triphasés à cage (moteur seul, moto réducteur, moteur frein) dont la tension n'excède pas 1000V dans une plage de puissance comprise entre 0,75kW et 375kW (50 ou 60Hz) et comportant 2, 4 ou 6 pôles, ce qui constitue le gros du parc de moteurs électriques en Europe. Ces niveaux, baptisés IE1, IE2, IE3 ou IE4, traduisent une montée en rendement –donc une baisse de consommation énergétique– au fur et à mesure que l'indice IEx augmente. Depuis quelques années, les exigences de cette norme deviennent de plus en plus strictes.

Ainsi, depuis juin 2011, les moteurs de classe inférieure à IE2 sont impropres à la commercialisation. Et depuis janvier 2015, c'est-à-dire à l'heure où nous écrivons ces lignes, l'ère de l'IE3 est entrée en vigueur puisque l'interdiction de commercialisation a été portée aux moteurs de 7,5 à 375kW de niveau inférieur ou égal à IE2. Pour idée, le passage à l'IE3 qui s'applique désormais permet un gain énergétique de l'ordre de 10%, voire jusqu'à 20% dans certaines conditions. Et ce n'est pas tout puisque dès 2017, la norme EN/CEI 60034-30 imposera aux fabricants de commercialiser des moteurs de classe IE4 présentant un rendement énergétique encore plus élevé.

Toutefois, afin de ne pas pénaliser davantage les fabricants de moteurs qui ont dû investir beaucoup enR&D pour développer des moteurs à haut rendement, ils pourront, à ces échéances, continuer à commercialiser leurs stocks de moteurs plus voraces à condition toutefois de les accompagner d'un variateur de vitesse.

Toutefois, l'utilisation d'un variateur de vitesse impose de prendre certaines précautions, notamment en termes de compatibilité électromagnétique. Mais dans ce cas, rien ne vaut l'avis du fabricant. « Les inconvénients peuvent être liés au fait que la technologie utilisée génère des perturbations électromagnétiques par conduction sur le réseau de puissance et par rayonnement dans l'environnement du variateur. Néanmoins la conception de nos gammes est telle qu'elles donnent la possibilité de s'adapter aux différentes situations possibles et de les installer de façon à éviter toute conséquence dommageable », assure ainsi Thierry Crespo de Lery-Somer. « La fréquence à découpage des ponts de sortie reste un inconvénient, renchérit Philippe Châtel de Lenze. Il faut équiper les variateurs de filtres en entrée et parfois en sortie.Cette fréquence de découpage est toutefois paramétrable selon le type de l'application. Les variateurs de vitesse ne fonctionnent pas seuls et il faut tenir compte de l'environnement qui peut être très différent d'une application à l'autre.»

Les innovations toujours d'actualité

Bien que les variateurs de vitesse ne datent pas d'hier, les innovations n'ont jamais cessé et de nouvelles tendances se font jour depuis quelques années. Ils n'ont ainsi pas échappé à la mise en réseau et à la communication par bus de terrain, désormais généralisée, ni à l'évolution de l'interface utilisateur qui facilite la mise en œuvre des variateurs et la rend accessible à du personnel pas forcément qualifié, pas plus qu'à la miniaturisation des composants qui a mené à une diminution sensible de l'encombrement des variateurs. «La gamme Yaskawa, par exemple, compte en son sein parmi les plus petits variateurs du monde », précise Darany Cretal, en charge du marketing et de la communication chez Yaskawa France Robotique, division Drives & Motion. Par ailleurs, « l'amélioration des mesures,des puissances de calcul et des algorithmes ont permis un contrôle vectoriel de flux de qualité, tandis que les nouveaux étages de puissance ont favorisé la démocratisation de la vitesse variable » , assure pour sa partThierry Philippe de Delta Electronics. Plus généralement, « le variateur de vitesse ne doit plus être aujourd'hui considéré comme un simple constituant d'automatisme, mais il doit répondre aux exigences de l'utilisateur final, en diminuant ses coûts de possession et en améliorant la disponibilité de son outil industriel », affirme ainsi Edouard Van Den Corput, responsable marketing Offre variation de vitesse, automatismes industriels chez Schneider Electric. Pour cela,les variateurs de vitesse de dernière génération embarquent souvent toute une ribambelle de fonctionnalités. Ainsi, la gamme de variateurs Altivar Process de Schneider Electric rend par exemple possible l'optimisation de la production grâce à la modélisation de la chaîne cinématique, qui permet par exemple à une pompe de fonctionner sur sa caractéristique optimale (BEP). « D'autre part la précision des mesures fournit à l'utilisateur une lecture des données mécaniques et non plus seulement électriques.Celles-ci sont mémorisées pour disposer de courbes de consommation journalières,hebdomadaires,mensuelles ou annuelles. Tous les éléments de l'efficacité énergétique sont intégrés. La fonction Stop & Go, en analogie avec l'automobile, limite la consommation durant les phases de veille », argumente Edouard Van Den Corput. Parmi les autres fonctionnalités intégrées dans ces variateurs, citons des menus de mise en œuvre rapide, des alarmes et défauts configurables en fonction des paramètres mécaniques de l'installation, ainsi que de l'intelligence temps réel avec Ethernet double port et service RSTP, qui permet une remontée des informations à tous les organes de gestion, de supervision et de contrôle, quel que soit le support, avec dashboard personnalisés configurables pour permettre une surveillance de l'îlot de production avec les paramètres pertinents. «Toutes ces informations sont exploitables grâce à une remontée des informations sur tous les supports digitaux,mais aussi grâce à des QR code contextuels qui revoient à des informations précises sur l'état du variateur et les actions conseillées. En cas de besoin une proposition d'assistance technique peut être automatiquement implémentée. Enfin des alarmes de maintenance préventives sont aussi déclenchées en fonction du temps de fonctionnement ou d'une dérive anormale d'un paramètre mécanique ou électrique », explique EdouardVan Den Corput.

Grâce à l'intégration de multiples fonctionnalités, le variateur de vitesse n'est plus aujourd'hui un simple constituant mais doit désormais répondre aux exigences de l'utilisateur final, en diminuant ses coûts de possession et en améliorant la disponibilité de son outil industriel.

Beckhoff

De multiples fonctionnalités embarquées

Parmi les autres tendances régissant le secteur des variateurs de vitesse, la réduction du nombre de composants et la «virtualisation» des capteurs, c'est-à-dire leur capacité à piloter des moteurs synchrones à aimants permanents sans capteur de vitesse monté sur le moteur, mais avec des niveaux de performances de plus en plus proches de ceux obtenus avec capteur, ont été citées par l'ensemble des spécialistes que nous avons interrogés. Par exemple, grâce à son temps de cycle réduit à 50µs, le dernier-né des servovariateurs de B&R, l'ACOPOS P3, permet un contrôle de position dynamique et précis sans codeur physique.

Parmi les fonctions embarquées, celles liées àlasécurité ont une place de choix, essentiellement encouragée par les nouvelles normes de sécurité des machines. « Elles sont nombreuses et vont des fonctions d'arrêts sécurisés à la mise en œuvre de mouvements sûrs et contrôlés, en passant par toute une série de fonctions de protection moteur de la machine entraînée telles que celles destinées à éviter le désamorçage des pompes ou à la surveillance de la casse de courroie de transmission des ventilateurs, ainsi par exemple qu'une fonction “ optimal flux ” destinée à diminuer les pertes moteurs », détaille Yves Jamet, responsable gestion de projets et marketing deWeg France.Autre exemple, celui deYaskawa qui « intègre désormais dans ses variateurs des entrées de sécurité (Safe Torque Off selon la norme CEI 61800-5-2 ). De ce fait, les variateurs remplacent les contacteurs de moteur habituellement requis, ce qui permet une réduction des coûts et une meilleure fiabilité » , explique Darany Cretal. Pour la partie commande, les fabricants proposent en général deux choix: des variateurs «basiques» (simple pont de puissance) ou des variateurs avec fonction d'automate intégrée. A l'image de Lenze qui propose une gamme « Controller based » dont la commande et le pilotage peuvent être centralisés dans un Motion Controller grâce aux débits des réseaux Ethernet, et une gamme Drive based avec fonction d'automate embarquée dans le variateur et dédiée en général aux petites machines à un ou deux axes. Chez Weg, la fonction d'automate prend la dénomination «SoftPLC» et permet au variateur de gérer des automatismes qui habituellement le sont par un automate programmable ou une armoire à relais. Des fonctions d'autodiagnostic, permettant la limitation des temps d'arrêt, commencent également à voir le jour, selon Thierry Crespo de Leroy-Somer. Beckhoff, quant à lui, a développé « des solutions permettant d'intégrer le retour vitesse au câble moteur, un seul câble étant alors suffisant entre le variateur et le moteur », évoque Pierre Hervy, responsable support et marketing chez Beckhoff Automation France. Des innovations sont également tangibles au niveau de la fabrication même de ponts de puissance avec des pertes réduites et donc moins d'échauffements, précise de son côté Philippe Châtel de Lenze.

Vastes champs d'applications

Avec la démocratisation des variateurs de vitesse, la prise de conscience environnementale et le besoin de réduire sa facture énergétique pour gagner en compétitivité, les variateurs de vitesse se sont répandus dans de multiples secteurs. « Historiquement, leurs applications sont principalement liées à l'automation (machines sur les chaînes de production) pour lesquelles performances, précision et dynamique sont des critères importants. Mais plus récemment, nous assistons à une forte croissance sur des applications de process de type pompes,ventilateurs et compresseurs, traditionnellement équipées de moteurs à vitesse fixe et pour lesquelles la variation du besoin était assurée par des moyens mécaniques (vannes, ventelles, tiroirs de régulation). Les énormes potentiels en économie d'énergie sont la cause de cette tendance », constate Thierry Crespo de Leroy-Somer. Mais l'utilisation du variateur de vitesse est devenue encore plus « universelle ». « Aujourd'hui, la plupart des machines sont mécatronisées et font de facto appel à des variateurs », confirme Olivier Rambaldelli de B&R. Une opinion que partage Philippe Châtel de Lenze: « Dès qu'il y a un moteur électrique, la question se pose, même s'il n'y a pas de variation car les variateurs de vitesse vont permettre de réaliser des économies d'énergie substantielles lorsqu'une application requiert des démarrages fréquents en appliquant une rampe de démarrage en douceur. On pense souvent aux pompes et aux ventilateurs car ce sont des équipements très gourmands en énergie, mais l'exploitant qui doit gérer un entrepôt automatisé avec ses multiples convoyeurs, élévateurs, tables tournantes, équipés de centaines de moteurs avec variateurs, trouvera également son compte pour maîtriser au mieux sa consommation d'énergie. Les fabricants de machines intègrent également beaucoup de variateurs. Les puissances y sont plus petites mais les quantités plus importantes.» Et cette généralisation trouve également son explication dans la multiplication des fonctionnalités embarquées dans les variateurs de vitesse. « Même si les économies d'énergie sont les plus sensibles sur les couples quadratiques (pompes,ventilateurs),dans tous les cas,la commande d'un moteur par un variateur de fréquence apporte un gain de productivité au travers de ses fonctions applicatives, comme la remontée de façon circonstanciées des informations contextuelles qui améliore fortement la disponibilité de l'outil de production en fournissant des données prédictives pour la maintenance ou un dysfonctionnement potentiel », explique Edouard Van Den Corput de Schneider Electric.

En termes d'efficacité énergétique, le nec plus ultra est d'associer un moteur électrique à très haut rendement de classe IE4 à un variateur de vitesse. Par rapport à des solutions à vitesse fixe, la réduction de la consommation électrique des systèmes d'entraînement peut atteindre 90% et le retour sur investissement être abaissé à seulement quelques mois.

Weg

Quelques cas concrets probants

Pour mieux se rendre compte de l'intérêt financier d'utiliser des variateurs de vitesse, prenons quelques cas concrets. EdouardVan Den Corput évoque par exemple le cas, dans le domaine de l'eau, d'une solution répétitive clef en main pour piloter des stations de surpression,solution basée sur des variateurs de la gammeAltivar pilotant de 2 à 5 pompes de 5,5 à 22kW. En plus d'une régulation performante de la pression, de la visibilité du fonctionnement et de la sûreté de fonctionnement de l'installation avec la continuité de service grâce à un système de redondance, cette solution a permis de réaliser une économie d'énergie de 15 à 30% par rapport à une solution classique. L'exemple choisi par Thierry Crespo de Leroy-Somer prend en compte comme point de départ une pompe ou un ventilateur équipé d'un moteur à vitesse fixe bridée à 50% de son débit par des moyens mécaniques. Il se trouve que, même bridé à 50% par ce biais, cette pompe ou ce ventilateur consomme encore 80% de la puissance nominale du moteur.En troquant ces moyens mécaniques par un variateur de vitesse qui abaissera sa vitesse de moitié, le moteur sera toujours bridé à 50% mais ne consommera pas plus que 12,5% de la puissance nominale dans ces conditions. Selon le cycle de fonctionnement de l'application sur une année, l'économie d'énergie peut atteindre 50% et le retour sur investissement (ROI) être abaissé aisément à moins d'une année. De son côté, Darany Cretal deYaskawa France Robotique s'est livré pour nous à un calcul très simple. En se basant sur un moteur de 15kW fonctionnant 6000 heures par an, sur un coût d'achat de 750 euros pour ce moteur et de 1300e pour un variateur capable de le piloter, et en considérant un prix du kWh à 0,1e et une estimation prudente de 25% d'économie d'énergie pour la solution moteur+variateur par rapport à la solution moteur seul, le résultat atteste d'un ROI de moins d'un an, malgré un coût d'achat de matériels près de trois fois supérieur. En effet, dans le cas d'un entraînement direct (sans variateur), la facture énergétique s'élève à 9000 e par an (15kWx6000h/anx0,1e/kWh) alors que l'utilisation d'un variateur de vitesse aurait permis d'économiser au bas mot 2250e par an (25% de 9000e/an), soit bien davantage que le surcoût lié à l'achat du variateur. Un ROI court, voire parfois très court, est souvent la marque de fabrique des variateurs de vitesse. « Les retours sur investissement peuvent s'échelonner de quelques mois à 2 ans », confirme Yves Jamet deWeg France, qui se remémore le cas du remplacement d'un système d'aération d'un silo à maïs à vitesse constante par un dispositif associant un moteur de classe IE3 de la société et un de ses variateurs de vitesse. « Cette solution a permis une économie d'énergie de 90 % et un ROI d'à peine 4 mois » , affirme-t-il. Et cela sans compter sur d'autres fonctionnalités qu'il est possible d'implémenter dans les variateurs de vitesse. « Les variateurs contribuent fortement aux performances énergétiques, non seulement en corrigeant le facteur de puissance et en filtrant la pollution du réseau électrique,mais aussi en utilisant l'énergie retournée en phase de freinage pour la redistribuer à d'autres composants ou la réinjecter dans le réseau électrique et ainsi baisser la facture énergétique, indique Olivier Rambaldelli de B&R, qui précise que tous les servovariateurs B&R présentent ces fonctionnalités.» Alors jusqu'où peut-on aller en termes de ROI? « Jusqu'à un retour sur investissement immédiat », affirme sans ambages Jean-Paul Rebelo, chef de marché électronique chez Keb. « Dans les applications de ventilation, le gain énergétique dépasse fréquemment les 50 %. Mais récemment,dans le cadre de l'installation chez un utilisateur final de 4 variateurs sur des ventilateurs, pour un total de 670 kW, la prime pour l'investissement a financé en totalité le prix des variateurs », indique-t-il pour justifier son propos. Mais bien évidemment, à chaque cas, son ROI propre. Généralement, les prin-cipaux fabricants de variateurs de vitesse proposent à leurs clients le calcul en amont du projet de la performance énergétique d'une machine pour les aider dans leurs choix. Chez Lenze, par exemple, ce service s'opère grâce à un logiciel baptisé DSD (Drive Solution Designer). « Ce logiciel permet de choisir différentes solutions de motorisations (asynchrones/synchrones) pour arriver àlameil-leure solution technico-économique. Nous pouvons être amenés à définir une ou plusieurs stratégies pour répondre aux besoins de l'application et ensuite comparer ces solutions en termes de consommation sur une durée définie (5 ans en général).En ajoutant le coût d'acquisition des matériels,nous connaissons ainsi le coût du cycle de vie d'une motorisation et nous pouvons proposer à chaque fois la solution la plus économe tout en répondant au cahier des charges techniques du client », explique Philippe Chatel de Lenze.

Pour les puissances limitées, l'intégration du variateur de vitesse directement sur le moteur et non plus dans l'armoire électrique, est une alternative intéressante, en particulier dans les applications étendues car elle limite la longueur de câbles blindés onéreux.

B&R

Variateur en armoire ou intégré sur le moteur ?

En pratique, les variateurs de vitesse trônent généralement dans les armoires électriques. Mais depuis quelques années, ils ont tendance à s'en « échapper » pour s'intégrer directement sur le moteur. « Le besoin d'implanter le variateur au plus près du moteur se fait parfois sentir et ce choix repose sur des critères techniques et économiques.Techniques, car la diminution de la distance moteur-variateur concourt à réduire les courants de fuite haute fréquence,les pics de surtensions au niveau du moteur (dv/dt) et les courants de circulation dans les roulements. Economiques,car pour réduire les risques de perturbations électromagnétiques, il est préconisé d'utiliser des câbles blindés – donc onéreux – entre le variateur et le moteur. En intégrant le variateur sur le moteur, on s'affranchit de ce câble coûteux », indique Thierry Crespo de Leroy-Somer. La solution décentralisée (variateur intégré sur le moteur) trouve donc tout son sens dans les applications étendues. Mais elle répond également à la modularisation de plus en plus marquée des machines, comme nous l'explique Olivier Rambaldelli de B&R: « De plus en plus de constructeurs “modularisent'' leurs machines pour répondre rapidement aux besoins changeants du marché. La tendance est aussi à la réduction de la taille des armoires électriques pour rendre les machines plus compactes et plus flexibles. Tout ceci implique de décentraliser les variateurs au plus près des moteurs. Les servovariateurs ACOPOSmotor de B&R sont par exemple directement montés sur le moteur et munis de connexions pour modules X67 [entrées/sorties décentralisées de B&R, NDLR], formant ainsi des unités mécatroniques complètes, autosuffisantes et totalement décentralisées.» Les solutions décentralisées ne sont toutefois par exemptes de défauts. « Le principal écueil des solutions déportées ou décentralisées réside dans la limitation en puissance du système d'entraînement pour des questions d'encombrement et de refroidissement », confirme Pierre Hervy de Beckhoff Automation France. « Cela limite cette solution aux puissances jusqu'à 7,5 kW pour les moteurs asynchrones, et à des puissances encore inférieures pour les moteurs synchrones ; ce sont le plus souvent des moteurs de réglage », précise Philippe Châtel de Lenze. Autre inconvénient recensé lorsque le variateur est intégré au moteur: lorsque l'un ou l'autre est en panne, c'est souvent tout l'ensemble qu'il faut changer. Que ce soit en termes de puissance ou de maintenance, une alternative possible consiste à installer le variateur au plus près du moteur, dans l'environnement machine, mais en les dissociant. B&R propose par exemple des servovariateurs décentralisés (ACOPOSremote) dissociés du moteur. L'utilisateur est alors libre de choisir le type de moteur (servo, linéaire, couple, etc.). Mais pour Jean-Paul Rebelo de Keb, « la méthode la plus répandue reste l'installation en armoire car elle centralise tous les équipements, n'impose pas de limitation drastique en puissance et facilite la maintenance.»

Avec les normes de plus en plus drastiques appliquées aux moteurs asynchrones en matière de rendement énergétique ( voir encadré page 44 ),on peut légitimement se demander si l'utilisation des variateurs de vitesse conserve tout son sens. Une interrogation qui n'a toutefois pas lieu d'être pour Edouard Van Den Corput de Schneider Electric. « Certes, la nouvelle normalisation IE2 vers IE3 qui est maintenant appliquée aux moteurs permet un gain énergétique de l'ordre de 10 %, voire de 20 % dans le meilleur des cas. Mais l'utilisation d'un variateur est toujours pertinente car les plus grosses économies d'énergie sont celles réalisées sur la régulation de la vitesse, et donc du débit, sur les applications eau et air. D'autre part, les variateurs intègrent de nombreuses fonctions applicatives et de protection qui sont toujours indispensables, quel que soit le type de moteur utilisé » , insiste-t-il. Une opinion qui trouve un parfait écho chez Philippe Châtel de Lenze. « Le problème avec les moteurs à haut rendement, c'est que, plus l'efficacité énergétique d'un moteur augmente, plus son couple de démarrage s'accroît. Or, lors d'un démarrage direct réseau, ce couple de démarrage élevé peut entraîner des dommages si le système mécanique est dimensionné trop faiblement (machine ou réducteur).Un variateur de vitesse permettra d'éviter ces couples trop élevés », argumente-t-il. Et Philippe Châtel de poursuivre sa démonstration: « Savez-vous qu'un moteur IE3, sensé être très économe en énergie, peut consommer plus d'énergie qu'un moteur IE2 pour certains modes de fonctionnement ? En effet, le rendement des moteurs est donné au point de fonctionnement nominal. Mais dans le cas de démarrages fréquents,la consommation de courant sera beaucoup plus importante pour un moteur IE3 qu'un moteur IE2. Là encore, un variateur de vitesse avec des rampes permettra de limiter la consommation de courant lors des démarrages. » Par ailleurs, de nouveaux modes de régulation apparaissent. Lenze propose par exemple le mode «VFCeco » qui permet une réduction de consommation de 30 % lors des fonctionnements en charge partielle.

Accompagner les normes moteur

Alors moteur à haut rendement seul ou moteur standard avec variateur de vitesse?A cette question, point de réponse «universelle».Tout dépend de l'application, même si l'on peut dégager quelques tendances. Pour EdouardVan Den Corput de Schneider Electric, « l'utilisation du variateur sera toujours à privilégier car c'est l'ensemble motovariateur qui apporte le gain de productivité le plus important ». Thierry Crespo de Leroy-Somer se veut moins catégorique : « La meilleure méthode consiste à adapter son installation à l'utilisation qui en est faite. Sur une application qui fonctionne proche de 100 % du temps à pleine charge, on privilégiera un moteur à induction à vitesse fixe à haut rendement. Sur un système qui fonctionne à charge variable, on choisira la technologie de moteurs qui, alimentée par variateur, fournit le plus haut rendement sur toute la plage de vitesse ciblée et à tous les niveaux de charge. Dans ce cas, les moteurs synchrones à aimants permanents offrent des niveaux de rendements plus élevés et surtout plus constants qu'un moteur asynchrone, quelles que soient la vitesse et la charge », conclut-il. Quant à Thierry Philippe de Delta Electronics, son choix est fait : « Le couple moteur à aimants permanents et variateur à contrôle vectoriel de flux est celui qui offre le meilleur rendement, sans hésitation. C'est un système fiable et très performant.» Enfin, Yves Jamet de Weg France estime que, comme les moteurs, les variateurs de vitesse devront également améliorer leur rendement énergétique à l'avenir. « Courant 2015 sera publiée une norme référencée EN 50598-2, normalisant les classes de rendement IE des variateurs et les classes de rendement IES des systèmes moteur – variateur. Et à partir de 2018, un futur règlement de l'Union européenne prendra le relais du règlement CE640/2009 en cours pour les moteurs.A priori, ce futur règlement instituera une classe minimale de rendement des variateurs vendus et installés au sein de l'UE », conclut-il.

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