« En harmonisant sa structu re, l'ISO/CEI 17025:2015 sera plus claire et plus flexib le pour sa mise en œuvre »

Le 11/09/2017 à 15:00

Mesures. Beaucoup d'industriels, qu'ils soient des laboratoires d'éta-lonnage et d'essais ou qu'ils fassent appel à ces derniers pour réaliser des prestations, connaissent de près ou de loin la norme ISO/CEI 17025. Pouvez-vous d'abord rappeler en quoi consiste cette norme ?

Olivier Pierson. Cela est d'autant plus judicieux de faire ce rappel que le champ d'applications de l'ISO/ CEI 17025 est extrêmement vaste. Il s'agit en effet de la norme qui définit les exigences de compétences pour les laboratoires réalisant des essais et des étalonnages, des essais dans tous les domaines possibles, y compris ceux que l'on n'a pas encore imaginés. Dès lors que l'on cherche une information valide, au-delà de ce que peuvent percevoir nos sens et dès lors qu'une entité que l'on appelle « laboratoire » met en œuvre une expérimentation – ce ne sont pas uniquement des mesures, il peut parfois s'agir d'observations – pour avoir plus d'informations sur un objet, un corps, un échantillon, la caractéristique d'une matrice, la norme est applicable. Cette entité peut revêtir toutes sortes de réalités : cela peut être un laboratoire d'entreprise, intégré dans un process industriel pour réaliser des contrôles, des mesures physiques, un laboratoire de recherche, un laboratoire de prestations d'étalonnage, un laboratoire national de métrologie, un laboratoire d'analyses des eaux. Sur le principe, cela peut aller extrêmement loin. A fortiori, bien sûr, les laboratoires prestataires d'essais, d'étalonnage et d'analyse, le cœur de cible réglementaire et historique, et typiquement les laboratoires accrédités. Ces derniers doivent respecter les prescriptions de la norme ISO/CEI 17025, prescriptions sur lesquelles ils sont évalués. En France, on dénombre environ 2 000 laboratoires accrédités et de l'ordre de 45 000 dans le monde.

Mesures. Cela veut-il dire que, du fait de la multitude des parties prenantes, vouloir faire évoluer la norme peut s'avérer très compliqué ?

Olivier Pierson. Oui, et c'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles, lors de la dernière consultation dans les années 2010, il avait été décidé de ne as modifier la norme qui commençait dater malgré tout. Même si des oncepts, tels que les fondements scien-ifiques ou le GUM (Guide pour l'ex-ression de l'incertitude de mesure, DLR), n'ont pas ou peu évolué ces dix ernières années, la technologie évolue, es normes de référence évoluent, omme l'ISO 9001 en 2008 et 2015 otamment. Il nous restait en fait à sa-oir si l'on allait s'appuyer dessus, ou on, pour la révision de l'ISO/ EI 17025. Il existe quand même des ncontournables qui permettent d'avoir n consensus entre toutes les parties renantes.

Mesures. Avant d'entrer dans le détail de la révision 2015 de l'ISO/ CEI 17025, quelles ont été les grandes dates de la norme depuis sa première publication ?

Olivier Pierson. Avant la première version de la norme, il faut remonter à l'année 1978, date à laquelle a été créé le guide ISO 25, un document de quatre pages intitulé « Directives permettant d'évaluer la compétence technique des laboratoires d'essais ». À l'époque, l'accréditation des laboratoires d'étalonnage existait déjà, mais s'appuyait plutôt sur des bases techniques – des points qu'on devait prendre en compte pour réaliser de bons essais –, des évaluations par des pairs, en général des membres des instituts nationaux de métrologie. Cela pouvait se traduire par des audits sur site, mais nous n'étions pas encore dans un formalisme « qualité » à proprement parler. Le guide ISO 25 a été révisé en 1982 (version 2), en 1988 (version 3), puis la norme ISO/ CEI 17025 est sortie en 1999. Mais pourquoi avoir changé de nom ? Comme la série des normes NF EN ISO/CEI 17000 est, par construction au niveau de l'ISO, celle dédiée à l'accréditation, il s'agissait de régulariser une situation de nomenclature, d'être dans les bonnes pratiques de l'accréditation. Cela veut dire que la première norme ISO/CEI 17025 était vraiment exclusivement ciblée sur l'accréditation… ce qui n'empêchait pas qu'elle pouvait être utilisée par d'autres acteurs. Ajoutons aussi qu'en 1989 est apparue la norme européenne NF EN 45001, une sorte d'avatar du guide ISO 25 plutôt orienté à des fins d'accréditation dans le contexte européen. À l'époque, les Européens ont estimé qu'il y avait besoin de rajouter un certain nombre d'éléments sur des critères plus explicitement liés à l'accréditation, par exemple l'impartialité. Au lieu de faire réviser le guide ISO 25 dans ce sens – le contexte ne devait pas être favorable –, les Européens ont préféré créer une nouvelle norme, la NF EN 45001. C'est ainsi que, pendant dix ans, de 1989 à 1999, deux normes ont coexisté et s'appliquaient aussi bien aux laboratoires d'étalonnage que d'essais. En France, historiquement, le guide ISO 25 s'appliquait aux laboratoires d'étalonnage et la NF EN 45001, aux laboratoires d'essais. L'ISO/CEI 17025 est donc venu, en 1999, mettre tout le monde d'accord.

À l'origine, la révision de l'ISO/CEI 17025 était souhaitée par les accréditeurs, mais pas par les laboratoires. ” Pascal Launey du LNE

Isabelle Lambert, cheffe de projet en normalisation chez Afnor

Isabelle Lambert est titulaire d'une maîtrise de science de gestion à l'École supérieure des affaires de l'université Paris XII et d'un master 2 en innovation et management des technologies à la Sorbonne. Elle débute sa carrière en communication, au sein de Paris Development en 2007, puis en marketing chez Kouro Sivo, avant de rejoindre l'Afnor, l'organisme spécialiste des normes volontaires en 2009. Isabelle Lambert est aujourd'hui cheffe de projet en normalisation au sein du département Management et services. Elle accompagne les organisations dans l'élaboration de normes volontaires aux niveaux français, européen et international.

Depuis 2016, elle favorise également l'émergence d'idées nouvelles au sein même de l'Afnor, en tant que cheffe de projet innovation.

Pascal Launey, directeur qualité du LNE

Directeur qualité du Laboratoire national de métrologie et d'essais (LNE) depuis 2005, Pascal Launey assure la gestion et le développement de normes techniques et de la qualité du laboratoire. Entré au LNE en 1986 pour assurer la responsabilité des essais au sein du département Énergie et environnement, il prend la responsabilité de ce département en 1992, avant d'assurer la coordination R&D du laboratoire en 2001. Président de la commission d'Afnor en charge des normes d'évaluation de la conformité de la série NF EN ISO/CEI 17000, Pascal Launey est également impliqué au sein du Comité français d'accréditation (Cofrac), en tant que membre de son comité de section laboratoire, et de l'association Eurolab. À l'international, il représente d'ailleurs Afnor au sein du Comité pour l'évaluation de la conformité de l'ISO (CASCO).

Mesures. Et, depuis cette date, combien de fois la norme a-t-elle été révisée ?

Olivier Pierson. Il y a eu une révision en 2005, qui était plutôt limitée. Elle visait en effet à prendre en compte les exigences de la norme ISO 9001 version 2000, une révision importante avec l'introduction des systèmes de management de la qualité, l'approche « processus » qui n'a toutefois pas vraiment été retenue dans l'ISO 17025 : 2005. Il a quand même fallu préciser un certain nombre de notions, mais le principal objectif était d'améliorer la compatibilité entre les deux normes. Sachant qu'un certain nombre de laboratoires soumis à l'ISO/CEI 17025 étaient éga-lement dans une démarche ISO 9001, notamment les laboratoires industriels, et que beaucoup de clients des laboratoires prestataires accrédités ISO/ CEI 17025 (des industriels) étaient, eux aussi, certifiés ISO 9001, c'était intéressant pour ces clients de retrouver certains de leurs repères et leurs exigences auprès de leurs sous-traitants. L'ISO 9001 a été révisé en 2008, mais pas l'ISO/ CEI 17025, et nous savions, quand la décision a été prise de réviser l'ISO/ CEI 17025 courant 2014, que l'ISO 9001 allait sortir avec de nouveaux concepts. La possibilité de prendre en compte la révision de l'ISO 9001 dans celle de l'ISO/CEI 17025 fut donc l'un des facteurs déclenchants.

LNE Dès lors qu'une entité met en œuvre une expérimentation pour avoir plus d'informations sur un échantillon, la norme ISO/CEI 17025 est applicable. Cette entité peut être un laboratoire d'entreprise, un laboratoire national de métrologie, un laboratoire de prestations d'étalonnage ou d'essais, accrédités ou non.

Pascal Launey. À l'origine, la révision était souhaitée par les accréditeurs, mais pas par les laboratoires, en raison no-tamment d'une forte opposition sur une proposition de révision principalement motivée à l'époque par une revue de la structure du document sans valeur ajoutée évidente. Mais, après tout le travail mené ces dernières années, la révision de l'ISO/CEI 17025 va être très utile, parce qu'elle va permettre de remettre sur la table des questions telles que « Quels sont les besoins des laboratoires ? », « Quels sont les besoins de leurs clients ? », « Quels sont les besoins des accréditeurs ? », de reformuler les choses et d'aboutir à un document plus en adéquation avec la vision actuelle du fonctionnement des entreprises, à savoir une vision par processus. La révision permettra de lever aussi un certain nombre d'ambiguïtés, tout en donnant plus de souplesse aux laboratoires, en attirant l'attention sur tous les points pour lesquels les laboratoires doivent mettre en place des dispositions évitant les risques de mal fonctionner, donc très préjudiciables pour eux et pour leurs clients.

La France a porté la prise en compte de l'échantillonnage

Mesures. Un autre changement de la révision 2015 s'inscrivant dans la clarification de la norme ISO/CEI 17025 concerne l'échantillonnage. Expliquez-nous cela ?

Olivier Pierson. La norme inclut effectivement plus explicitement les organismes qui réalisent des échantillonnages en vue de faire des étalonnages ou des essais. Ce n'était pas interdit dans la version précédente, mais l'ISO/CEI 17025: 2015 sera aménagée pour pouvoir être applicable à l'ensemble des intervenants dans la chaîne d'obtention d'une information valide sur un échantillon ou un produit. Y compris l'échantillonnage, une étape souvent critique dans les contrôles de l'environnement.

Mesures. Est-ce que la norme ISO/CEI 17025 pouvait s'appliquer aux organismes ne faisant que le prélèvement ? et jusqu'à quel point ?

Pascal Launey. Le besoin de clarification était posé au lancement des travaux de révision de la norme. En France le consensus est fort sur le sujet mais à l'international les positions étaient très partagées. L'ISO a tenté de dégager une position en organisant un vote des organismes nationaux de normalisation, avec obtention d'un résultat 50-50. Le consensus a été obtenu en indiquant explicitement que les échantillonnages sont réalisés en vue de faire des étalonnages ou des essais. Cette position a été défendue fortement par le France au niveau international.

Mesures. Pouvez-vous donner des évolutions liées à l'ISO 9001 et que l'on devrait retrouver dans la révision 2015 de l'ISO/CEI 17025 ?

Olivier Pierson. En ce qui concerne la dimension liée à la norme ISO 9001 et, plus généralement, à l'attraction des nouvelles normes, mentionnons d'abord l'approche de type « processus ». Dans la norme, on retrouvera par exemple, en annexe, un schéma qui donne une illustration possible du chapitre 7 sur la réalisation d'analyses sur un mode processus. Un laboratoire certifié ISO 9001 pourra trouver cela très pratique, parce qu'il peut ainsi faire valoir que la réalisation des analyses est décrite dans la norme dans une logique de processus. Cela peut permettre également de nombreuses simplifications et articulations avec des systèmes construits sur une base ISO 9001. La France s'est d'ailleurs beaucoup investie sur ce sujet, et notamment sur ce schéma. Le deuxième point lié à l'attraction de l'ISO 9001 est l'approche « risques et opportunités » qui va avoir un impact très important. Traditionnellement, l'évaluation de conformité s'appuie sur des exigences – « tous les trois mois », « le personnel doit être qualifié de telle façon » – qui pouvaient parfois tendre vers des exigences de moyens. Même si la norme ISO/CEI 17025 actuelle n'est pas écrite comme cela, l'usage mène assez vite à ces exigences de moyens, soit parce qu'elles sont contenues dans des normes d'analyse, soit parce que les pratiques d'accréditation ont défini les moyens nécessaires dans le contexte. Introduire la notion de risques et d'opportunités engage le laboratoire à mettre en perspective ses objectifs en fonction de son contexte, mais lui donne une capacité à argumenter ses choix techniques vis-à-vis de l'accréditeur, de son client. C'est par exemple le cas pour les fréquences d'étalonnage dans les laboratoires. Même s'il existe des techniques d'optimisation fondées sur des éléments statistiques, il manquait un cadre pour expliquer des choix plus stratégiques. Une entreprise qui réalise des étalon-nages d'appareils envoyés dans l'espace aura peut-être besoin de s'assurer, plus fortement de la validité de ses résultats, compte tenu de la difficulté à corriger a posteriori d'éventuelles erreurs et de l'impact de celles-ci, par exemple en termes d'image. Au-delà de donner la capacité d'argumenter ses choix techniques, il s'agit aussi de permettre de les reconsidérer en fonction du contexte, d'ajuster les actions d'amélioration, les choix d'audits – tout ce que l'on regroupe dans le concept de PDCA ( Plan-Do-Check-Act , ou démarche d'amélioration continue, NDLR) –, de dimensionner et cibler l'effort en fonction des enjeux. Voire même d'orienter la nature de ses prestations.

On ne comptera plus que quatre occurrences du terme qualité dans le texte de la nouvelle norme. ” Olivier Pierson de l'Anses

Pascal Launey. Si l'on prend les achats de prestations, d'instruments de mesure, de services, ils étaient auparavant différenciés d'une manière un peu arti-ficielle. Le nouveau texte est beaucoup plus générique et très proche du texte de l'ISO 9001 : pour faire des achats, vous devez spécifier et sélectionner les fournisseurs, les contrôler, et votre cahier des charges doit être adapté à votre besoin. Vous devez vous assurer que les prestations soient conformes à l'ensemble de la norme. Les laboratoires réalisant des prestations de routine ou achetant régulièrement des consommables n'auront pas besoin de tout spécifier. Par contre, des laboratoires faisant des essais à façon devront mettre en place des systèmes beaucoup plus élaborés. La norme telle qu'elle sera écrite permettra de s'adapter à toutes les situations.

Mesures. Olivier Pierson, vous parlez de risques, mais qu'entendez-vous par là ?

Olivier Pierson. On distingue deux grandes approches en ce qui concerne la notion de risque : celle de l'ISO 9001 (risques et opportunités) et celle de la NF ISO 31000 (management des risques). Dans la norme ISO 9001, le risque se comprend plutôt dans le sens de menaces, à savoir l'identification de ce qui peut être favorable ou défavorable à l'atteinte des objectifs de chaque processus et la mise en place des actions ad hoc. L'approche de la NF ISO 31000 se comprend dans le sens de maîtrise des enjeux et est donc plus englobante : c'est une démarche plus managériale, qui permet de positionner le curseur en fonction des risques que l'on est prêt à prendre, ou pas. Elle correspond à un pilotage stratégique, avec des descriptions et des cotations de risques, des audits orientés « risques ». Là encore, l'ISO/CEI 17025 ne l'impose pas, mais permet la mise en œuvre de telles démarches. Dans un premier temps, ce sera probablement l'approche de l'ISO 9001 qui sera développée, en vue de garantir une meil-leure cohérence entre le système « qualité », et les préoccupations opérationnelles de la direction d'une entreprise.

En ce qui concerne l'attraction des nouvelles normes, la révision 2015 de l'ISO/CEI 17025 abordera l'approche de type « processus », ce qui peut permettre pas mal de simplifications et d'articulations avec des logiques de l'ISO 9001, et l'approche « risques et opportunités » qui va avoir un impact très important.

Trescal

Mesures. Vous utilisez le terme « qualité », mais ce dernier a, semble-t-il, quasiment disparu de la révision ISO/CEI 17025 : 2015…

Olivier Pierson. Effectivement, on ne comptera plus que quatre occurrences dans le texte de la norme, hors bibliographie, contre une quarantaine dans la version actuelle, ce qui peut être un petit peu déconcertant pour l'utilisateur lambda. On parle désormais plutôt de validité des résultats, la qualité s'inscrivant plutôt dans une logique de relation client-fournisseur. Ces considérations représentent un changement très important, davantage dans la philosophie que dans la mise en œuvre. Comme dans l'ISO 9001, la fonction de responsable qualité n'est plus citée. C'est symbolique, mais on estime que la direction est libre de s'organiser comme elle le souhaite pour faire fonctionner son système de management. Beaucoup d'entreprises conserveront la fonction et l'appelleront peut-être toujours « responsable qualité », mais la norme ne l'impose plus. Ceci pourra permettre de clarifier des situations rencontrées dans de petits laboratoires, où une seule personne occupe à la fois les postes de directeur, de responsable qualité, de responsable métrologique et de responsable technique. La révision de la norme ISO/CEI 17025 : 2015 s'inscrit dans une simplification générale où, si l'on n'a pas besoin de faire une distinction entre deux concepts, on utilise un seul terme. Par exemple, « actions préventives » a été supprimé, « actions correctives » et « actions d'amélioration » étant jugées suffisantes.

Mesures. Olivier Pierson, vous mentionniez, au début de l'interview, que « la technologie évolue ». Avez-vous des exemples que l'on devrait retrouver dans la révision de la norme ?

Olivier Pierson. Sur l'axe de la modernisation, un sujet important est la dématérialisation. Il y a une vingtaine d'années, les rapports d'essais ne se présentaient guère que sous la forme de documents papiers. Mais aujourd'hui les laboratoires transmettent ces informations directement à leurs clients, sous la forme de rapports dématérialisés. Il fallait donc bien prendre en compte cet état de fait dans la prochaine norme. Le concept même de rapport a ainsi été un petit peu élargi – la norme n'impose d'ailleurs même plus le format « rapport » –, afin de s'adapter à des réalités pratiques très différentes. Autres évolutions, la prise en compte plus explicite des LIMS ( Laboratory Information Management System ou Systèmes de gestion de l'information du laboratoire, NDLR) et des systèmes d'allocations de ressources permettant de gérer les droits, les responsabilités des intervenants sur le processus de mesure, s'inscrit dans la volonté d'enlever tout ce qui pouvait être une entrave à une dématérialisation des informations. La norme actuelle mentionne par exemple des descriptions de poste, des listes d'activités, etc., qui évoquent des fiches dans des classeurs avec une signature en bas de chaque page. Le nouveau chapitre 7.11 intitulé « Contrôle des données et management de l'information » traite de la signature électronique et regroupe un certain nombre d'exigences génériques sur la gestion de l'information au sens large : la sauvegarde, l'archivage, la restauration, la validation des fonctionnalités, la protection des accès et jusqu'aux versions de micrologiciels (ou firmwares), et pas simplement le logiciel et l'environnement matériel, quand cela est applicable.

Il s'agit de pouvoir publier le document en version anglaise début 2018. ” Isabelle Lambert d'Afnor

Mesures. Et qu'en est-il des techniques analytiques, qui ont, elles aussi, évolué ces dernières années ?

Olivier Pierson. Nous avons introduit dans la révision 2015 de l'ISO/ CEI 17025, au sein des équipements au sens large, la notion de donnée de référence. Les techniques analytiques ont évidemment beaucoup évolué depuis 2005, et notamment dans les domaines de l'Anses où l'on pratique de nombreuses analyses consistant à comparer les spectres ou les séquences d'acides nucléiques obtenus à des collections de référence. C'est le cas typiquement de la PCR ( Polymerase Chain Reaction ou amplification en chaîne par polymérase, NDLR) et de la technique de Maldi-TOF (1) . L'introduction de la maîtrise des données de référence ouvre la possibilité de poser de vraies questions sur la démarche permettant de maîtriser la validité de ces données issues des bases internationales, des fournisseurs d'équipements, etc. Même s'il y a encore beaucoup à faire sur le sujet : à partir de quel moment une collection est une collection de référence ? Peut-on se limiter aux informations données par les fournisseurs ? Il s'agit d'une évolution très significative de l'ISO/CEI 17025 au monde actuel de l'analyse, qui s'ouvre à d'autres voies que le raccordement au Système international d'unités (SI) pour ses activités.

Mesures. Tous les laboratoires vont donc devoir s'adapter…

Pascal Launey. Comme la norme permet de se remettre en cause, mais ne l'impose pas, je pense plutôt qu'un certain nombre de laboratoires ne vont pas changer leur manière de faire, en adaptant toutefois un peu leur vocabulaire. Il y aura forcément une période d'appropriation de la norme pour que le dialogue se poursuive entre le laboratoire, son client et l'accréditeur, qu'ils utilisent tous le même référentiel. Cette norme sera l'occasion pour les laboratoires de réexaminer leur organisation de la qualité, leur organisation de travail. Et ce à une époque où les budgets sont contraints, que les priorités sont difficiles à cerner et que les utilisateurs d'instruments de mesure demandent des explications sur l'optimisation des périodes d'étalonnage.

Mesures. Voyez-vous d'autres évolutions, encore, à mentionner dans la révision 2015 de l'ISO/CEI 17025 ?

Pascal Launey. En ce qui concerne le contrôle de la validité des résultats, la liste des manières de procéder a été considérablement augmentée. Ce ne sont pas seulement les comparaisons inter-laboratoires et l'utilisation de matériaux de référence, mais aussi le passage d'échantillons dont la valeur est connue, mais pas par les opérateurs, par exemple. Il y a des domaines où les comparaisons inter-laboratoires ne sont pas forcément réalisables techniquement, parce que c'est un essai destructif, comme dans le domaine du feu ou des vibrations. Un autre point, qui est très important notamment pour les laboratoires n'ayant que l'activité de laboratoire, est la notion d'impartialité. Si seules quelques lignes sont consacrées à ce sujet dans la norme actuelle, l'impartialité occupera désormais près d'une page. La norme obligera les laboratoires de s'interroger, dans le cadre de l'approche « risque », sur les risques qui pourraient conduire à une mise en cause de leur impartialité et les dispositifs à mettre en place pour réduire au minimum le niveau de risque. Si les laboratoires faisant aussi de l'inspection, de la certification de produits ou de systèmes sont déjà familiarisés avec cette notion, puisqu'elle existe dans les normes NF EN ISO/CEI 17000 correspondantes, c'est un sujet nouveau pour les laboratoires qui n'ont pas d'autres activités que celle de laboratoire.

Sur l'axe de la modernisation, un sujet important est la dématérialisation. Il s'agit d'ouvrir la norme à des situations dématérialisées, avec des réalités pratiques très différentes. La prise en compte des LIMS et des systèmes d'allocations de ressources s'inscrit dans la volonté d'enlever tout ce qui pouvait être une entrave à une dématérialisation des informations.

Mettler Toledo

Olivier Pierson. Il y a un dernier point, peut-être plus anecdotique pour les utilisateurs. Dans le prolongement de l'alignement des codifications engagé en 1999 sur les normes d'accréditation, le CASCO (Comittee for Assessment of Conformity, qui a en charge des normes d'accréditation au sein de l'ISO, NDR) a défini une structure type pour les normes qui servent à l'accréditation, une structure type assez éloignée de celle de l'ISO/CEI 17025 actuelle composée de deux grands chapitres (« Exigences relatives au système de management » et « Exigences techniques »). La nouvelle structure, qui a un sens au niveau opérationnel, s'articule autour de quatre axes : un premier sur la définition de la structure générale (entité juridique, organisation géné-rale), un axe sur les ressources (chapitre 6), un troisième sur la réalisation des processus de production d'analyse, d'étalonnage et d'échantillonnage (chapitre 7) et, enfin, un axe sur le management (chapitre 8). En harmonisant ainsi la structure de la norme, la logique de la nouvelle norme sera plus claire, plus lisible et plus flexible pour une mise en œuvre dans différents contextes, comme celui d'un laboratoire de recherche, par exemple. Un laboratoire déjà certifié ISO 9001, avec un système de management qui couvre les exigences du chapitre 8, n'aura donc plus qu'à concentrer ses efforts sur la maîtrise de ses processus de mesure et, éventuellement, sur la qualification de ses ressources.

Mesures. Isabelle Lambert, pouvez-vous nous donner les prochaines échéances de la révision ?

Isabelle Lambert. L'enquête publique qui s'est déroulée en début d'année a donné lieu à un document de 40 pages regroupant des commentaires, qui ont ensuite été analysés et pris en compte, ou non, dans le projet international (Draft International Standard, ou DIS). Comme des modifications techniques ont été apportées au contenu, une nouvelle consultation, qui n'était pas prévue à l'origine, a été lancée cet été sous la forme d'une enquête d'une durée d'environ deux mois à l'international, pour valider le contenu technique. Seuls des commentaires éditoriaux pourront être émis, mais aucun commentaire technique. Il s'agit de disposer d'un document final vers le début octobre et de pouvoir publier le document en version anglaise début 2018. Malgré un gros travail de traduction et la soumission du projet aux membres de la commission nationale miroir uniquement, nous espérons que la version française soit disponible sur la boutique Afnor et ISO pour début 2018, au plus tard au printemps 2018. Olivier Pierson. Lors de l'enquête publique, ouverte à toute la communauté, sur le DIS, il y a eu énormément de retours, à savoir plus de 400 commentaires au niveau français et plus de 1 700 commentaires au niveau international, y compris sur la traduction. Les acteurs français se sont fortement impliqués…

Isabelle Lambert. Il est vrai que la norme ISO/CEI 17025 : 2015 intéresse beaucoup de personnes, qu'elle interpelle aussi. En général, un projet de norme ne recueille qu'une centaine de commentaires, et encore.

(1) Maldi-TOF : spectromètre de masse couplant une source d'ionisation laser, assistée par une matrice, et un analyseur à temps de vol ( Time-Of-Flight ou TOF).

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