« Les experts de l'ASN et de la DGT privilégient une approche graduée des risques »

Le 01/01/2014 à 15:00

Mesures. Pouvez-vous tout d'abord présenter la nouvelle directive-cadre européenne en matière de protection contre les rayonnements ionisants?

Jean-Luc Godet. Lancée en 2009 et approuvée par le Conseil de l'Union européenne le 5 décembre 2013, cette nouvelle directive, dite «directive normes de base», fixe les normes de base relatives à la protection sanitaire contre les dangers résultant de l'exposition aux rayonnements ionisants. Parmi ses différents objectifs, le premier d'entre eux est de regrouper et de consolider les cinq directives Euratom ( European Atomic Energy Community ) existantes, qui seront alors abrogées, en un acte législatif unique. Il s'agit de la directive 89/618 du 27 novembre 1989 concernant l'information de la population, de la directive 90/641 du 4 décembre 1990 relative à la protection des travailleurs extérieurs,de la directive 96/29 du 13 mai 1996 fixant les normes de base relatives à la protection sanitaire de la population et des travailleurs contre les dangers résultant des rayonnements ionisants, de la directive 97/43 du 30 juin 1997 relative aux expositions à des fins médicales et de la directive 2003/122 du 22 décembre 2003 relative aux sources radioactives scellées de haute activité. Les deux autres objectifs sont de prendre en compte les évolutions de la radioprotection, notamment les recommandations de la publication 103 de la Commission internationale de protection radiologique (CIPR), ainsi que de se mettre en cohérence avec les normes de base établies par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA). La directive, qui touche un large éventail de contextes, y compris le domaine médical, l'industrie, la production énergétique et la gestion des déchets, prévoit un système de protection contre les rayonnements aux termes duquel les États membres établissent des exigences légales et un régime adapté de contrôle réglementaire s'inscrivant, pour toutes les situations d'exposition, dans un système de radioprotection fondé sur les principes de justification, d'optimisation et de limitation des doses. En outre, la directive prévoit des exigences en matière d'enseignement, de formation et d'information dans le domaine de la radioprotection.





Mises en œuvre depuis longtemps dans l'industrie, les sources de rayonnements ionisants se retrouvent dans une grande variété d'applications (maintenance nucléaire, conservation des aliments, gammagraphie, contrôle de paramètres, mesures d'usure, de recherche de fuites ou de frottement, traitement et conditionnement de déchets de faible activité…).

Institut de Soudure

Mesures. Comme il s'agit d'une directive européenne, qu'en est-il de sa transposition en droit français?

Jean-Luc Godet. Chaque Etat membre aura une période de quatre ans pour transposer la directive Euratom en droit national. En France, il faudra évidemment passer par un travail juridique pour l'écriture des nouveaux textes et, parmi les étapes intermédiaires, mettre à jour certaines parties législatives du droit du travail et de la santé publique.

Nawal Saâd et Jean-Luc Godet (ASN)





ASN





Nawal Saâd est chargée d'affaires au sein du bureau des expositions des travailleurs et du public à la direction des rayonnements ionisants et de la santé de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Diplômée de l'Ecole des mines de Nantes (Loire-Atlantique), elle est ingénieure de l'industrie et des mines. Jean-Luc Godet, quant à lui, est directeur des rayonnements ionisants et de la santé à l'ASN. Diplômé de l'Ecole des hautes études de santé publique de Rennes (Ille-et-Vilaine), il est ingénieur général du génie sanitaire.

Nawal Saâd. En l'état actuel des choses, nous ne connaissons pas encore tous les détails, comme par exemple quels seront les articles remplacés et par lesquels. Nous savons seulement que le processus sera transparent dans le but de faire connaître les évolutions. Cela se traduira notamment, dans un premier temps, par une consultation du public afin de présenter d'une manière détaillée les nouveaux points et sensibiliser les personnes concernées.

Jean-Luc Godet. En accord avec la Direction générale du travail, nous allons par ailleurs profiter de la transposition de la nouvelle directive-cadre européenne en droit français pour revisiter le contexte réglementaire en place actuellement, dans trois grands domaines différents. Il s'agit de la délimitation et l'accès aux zones réglementées, ou «zonage», des personnes compétentes en radioprotection (PCR) et de la surveillance radiologique des travailleurs exposés aux rayonnements ionisants.Un groupe de travail pluraliste a été mis en place par la Direction générale du travail (DGT), en lien avec l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), au mois de septembre 2013 pour la surveillance radiologique des travailleurs. En ce qui concerne le «zonage», même si la réglementation actuelle remonte à seulement 2006 –elle avait d'ailleurs succédé elle-même à une autre réglementation– les autorités avaient souhaité disposer d'autres informations pour réfléchir à la remise à plat de la réglementation. C'est pour cela que les directeurs généraux de l'ASN et de la Direction générale du travail avaient demandé au Groupe permanent d'experts en radioprotection, pour les applications industrielles et de recherche des rayonnements ionisants (GPRAD, devenu GPRADE) et au Groupe permanent d'experts en radioprotection pour les applications médicales et médico-légales des rayonnements ionisants (GPMED), par lettre de saisine en date du 8 février 2011,d'engager une réflexion prospective sur la délimitation et l'accès aux zones réglementées en vue de produire des recommandations, dans le contexte de la révision des exigences européennes en matière de radioprotection et, en particulier, dans la perspective des travaux de transposition. En matière de modalités pratiques de fonctionnement pour cette expertise, les présidents du GPRAD et du GPMED ont décidé à l'époque de constituer un groupe de travail (GT) associant un nombre restreint de représentants des deux groupes permanents et de mettre en œuvre des points d'étape réguliers en formation plénière. Dans leur avis portant sur les évolutions souhaitables pour la délimitation et l'accès aux zones réglementées en date du mois de décembre 2012, le GPRAD et le GPMED endossent globalement les conclusions auxquelles aboutit le GT.

Mesures. Pouvez-vous revenir sur cette expertise, et tout d'abord sur la démarche entreprise par le groupe de travail sur le «zonage» (GT-Zonage)?

Jean-Luc Godet. L'arrêté du 15 mai 2006 relatif aux zones surveillées et contrôlées et aux zones spécialement réglementées ou interdites est le résultat d'une approche du ministère duTravail de rendre le plus homogène possible les règles applicables dans toutes les installations nucléaires de base (INB) et le domaine du nucléaire de proximité (activités industrielles, médicales et de recherche). Mais, dans la pratique, les choses sont différentes… Dans le domaine médical, par exemple, la délimitation d'une zone rouge au niveau de l'équipement radiologique d'un bloc opératoire empêcherait toute intervention car le cardiologue se trouve juste à côté du patient, sous le tube. C'est ce qui explique un retour de balancier et, donc, la demande des autorités d'examiner les exigences européennes à venir en ce qui concerne les objectifs et la délimitation des zones réglementées, d'évaluer les besoins futurs en matière de «zonage» radiologique et de proposer un ou plusieurs dispositifs de délimitation des zones réglementées, en tenant compte de la nature et de l'ampleur des risques pour les travailleurs susceptibles d'y intervenir ou d'y accéder ponctuellement.





Les membres du GT-Zonage ont été frappés de la très grande diversité des réglementations nationales et de leur application, tant au niveau de la nature des zones établies que des critères de délimitation, des règles applicables, du balisage, de la signalisation et des codes couleurs. Ils concluent que, afin de rendre plus facile la vie des employés transfrontaliers, un travail d'harmonisation doit pouvoir être engagé pour le risque radiologique, à commencer par la stratégie du zonage radiologique, sous l'impulsion de la France.

Emerson

Nawal Saâd. Le groupe de travail était constitué de neuf experts issus des deux groupes permanents d'experts en radioprotection: Pierre Barbey, président du GT-Zonage et vice-président du GPRAD, Bernard Aubert (GPMED), Gérard Cordier (GPRAD), Patrick Fracas (GPRAD), Jean-Pierre Manin (GPRAD),Peggy Mathieu (GPRAD),Nathalie Rizzo-Padoin (GPMED), Catherine Roy (GPRAD) et Jean-ChristopheVarin (GPRAD). Rémi Barbe et moi-même étions les cosecrétaires techniques respectivement pour la DGT et l'ASN.Avant la rédaction des propositions d'évolution, le GT-Zonage a procédé à un ensemble d'actions d'analyse et de consultations, dans le but d'ouvrir sa réflexion à un champ le plus large possible. Les différentes actions se sont donc articulées autour d'une analyse bibliographique, d'une consultation des acteurs opérant sur le terrain au moyen d'un questionnaire diffusé via les réseaux en radioprotection. L'objet était, ici, d'avoir un échantillon le plus représentatif possible de l'ensemble des secteurs d'activité et de saisir largement leur retour d'expérience sur la mise en œuvre de l'arrêté «zonage».

Mesures. La consultation des acteurs de terrain via un questionnaire a-t-elle été la seule source d'information venant du terrain?

Nawal Saâd. Non, le GT-Zonage s'est également appuyé sur une demande de retour d'expérience des agents de contrôle de l'inspection du travail et des inspecteurs de la radioprotection, sur des visites d'installations nucléaires de base et d'installations médicales, visites qui ont permis aux experts d'appréhender in situ les difficultés de terrain en rencontrant des PCR et services compétents en radioprotection (SCR), des professionnels exposés et des représentants du personnel. A signaler également la tenue d'un colloque national de radioprotection organisé à l'université de Caen en novembre 2011 centré sur le thème du «zonage» et au cours duquel les acteurs de terrain étaient invités à s'exprimer et participer en direct au débat ainsi initié. Enfin, deux études comparatives sont venues étayer la réflexion du GT-Zonage. Il s'agit d'une étude sur le s délimitations ou les zones spécifiques applicables à d'autres classes de risques (risque laser, atmosphères explosives ou Atex, risque biologique et risque pyrotechnique) et d'une étude des pratiques internationales de mise en œuvre de zones réglementées vis-à-vis de l'exposition aux rayonnements ionisants incluant, comme points de comparaison, des cas pratiques. Cette deuxième étude, réalisée par le Centre d'étude sur l'évaluation de la protection dans le domaine nucléaire (CEPN), a rapporté les règles applicables en Belgique, en Espagne, aux Etats-Unis, en Finlande, auRoyaume-Uni, en Suède et en Suisse. Bien que ce fût une opération lourde, les résultats ont été très intéressants et ont remonté des problématiques très concrètes.

Mesures. Quels ont été les points marquants qui ont amené aux recommandations proposées par le groupe de travail?

Jean-Luc Godet. Dans leur position commune prise en septembre dernier et disponible sur le site internet de l'ASN, la DGT et l'ASN soulignent la qualité de la réflexion du GT-Zonage sur le dispositif actuel encadrant le «zonage» radiologique et notent que le concept de définition de zones a eu un impact positif important sur la prévention des risques liés aux rayonnements ionisants dans tous les secteurs d'activité. La DGT et l'ASN partagent, sur le fond, les points saillants des conclusions de l'expertise, notamment le constat selon lequel ce dispositif de «zonage» ne peut résumer à lui seul l'ensemble des actions qui constituent la radioprotection. Si le «zonage» contribue à garantir le respect des limites réglementaires, l'optimisation de la radioprotection repose pour l'essentiel sur les analyses de poste de travail. Dans son rapport, le GT-Zonage considère par ailleurs que le dispositif réglementaire actuellement en vigueur souffre d'imperfections, que ce soit sur le fond et dans les modalités d'application, rendant ainsi difficile son appropriation.Or,en ce qui concerne le droit du travail, le GT-Zonage réaffirme qu'il doit s'appliquer indistinctement dans ses principes fondamentaux, toutes catégories de travailleurs et tous secteurs d'activité confondus : ses principes fondamentaux doivent donc reposer sur un socle commun. Le GT-Zonage conclut enfin que la déclinaison uniforme d'un dispositif extrêmement détaillé vient toutefois immanquablement se heurter à des spécificités propres à certaines activités professionnelles. L'ASN et la DGT retiennent de ces trois constats que les faiblesses identifiées par les groupes permanents concernent principalement les domaines d'activité situés hors du secteur nucléaire, et plus particulièrement le secteur médical, pour lesquels la mise en œuvre des dispositions relatives aux zones spécialement réglementées ou interdites - compte tenu du niveau de l'exposition aux rayonnements ionisants - soulève des difficultés. On peut citer les modalités de gestion des accès à ce type de zones et de leur signalisation.

Mesures.Quels sont les autres points marquants retenus par le groupe de travail?

Jean-Luc Godet. Sur le fond, le GT-Zonage a identifié trois points. Premièrement, le défaut apparent d'objectifs clairs associés à l'arrêté «zonage» contribue à une perception de contraintes administratives peu mobilisatrices pour une culture de radioprotection. Il s'agit ensuite du manque de cohérence entre les objectifs du «zonage» décrits dans le code du travail et les critères de délimitation déclinés dans l'arrêté «zonage». D'un côté, le code du travail cite le respect des limites réglementaires annuelles dans les situations normales de travail et, de l'autre côté, l'arrêté définit des notions horaires, sans tenir compte du temps de présence effectif. Enfin, le GT-Zonage revient sur l'ambiguïté de certains points du dispositif notamment ceux concernant l'interprétation de la notion de danger en fonction de celle de risque, ou encore l'articulation entre «zonage», évaluation des risques et analyse de poste qui mérite d'être levée. L'ASN et la DGT s'accordent à partager la nécessité de réaffirmer le double objectif du zonage : fonction d'alerte et information sur le niveau de risque. Sur l'application du dispositif, le GT-Zonage note que les manquements constatés au travers des inspections régaliennes traduisent une appropriation difficile des textes qui s'apparente à une affaire de spécialistes et amène souvent les entreprises à faire appel à une PCR externe ou à un consultant à défaut d'outils opérationnels, tels que des guides méthodologiques, simples, pratiques et illustrés qui faciliteraient la mise en œuvre de la démarche de zonage par secteur d'activité. Sur cette question, l'ASN et la DGT conviennent également de la nécessité de tenir compte davantage des spécificités sectorielles.

Nous allons profiter de la transposition de la nouvelle directive en droit français pour revisiter le contexte réglementaire actuel. Jean-Luc Godet

Nawal Saâd. Il faut encore ajouter deux autres points marquants. Le comparatif réalisé par le groupe de travail avec le «zonage» dans d'autres classes de risque a démontré que les dispositions pour délimiter les zones à risque sont très variables selon le risque considéré. Dans tous les cas, les objectifs restent toutefois de signaler le risque au plus près de la zone concernée par un pictogramme unique et de permettre à l'employeur de définir et mettre en œuvre les mesures de prévention adaptées à la nature et l'importance du risque (prescriptions techniques, conception des locaux, autorisation de travail, limitation des accès, formation, surveillance médicale des salariés, etc.). Cette délimitation des zones à risque nécessite une réflexion plus ou moins approfondie sur la base d'une évaluation des risques et d'éléments techniques définis réglementairement et repris généralement par des guides pratiques rédigés par des professionnels du secteur d'activité ad hoc. Le deuxième et dernier point est aussi un comparatif portant cette fois sur les dispositifs de «zonage» radiologique au niveau européen et international. Il a révélé l'extrême diversité des réglementations nationales et de leur application. Pour faciliter la lisibilité, la mise en œuvre et les contrôles du système par les acteurs de terrain, de nombreux pays ont décliné des guides pratiques par secteur d'activité.

Mesures. Compte tenu de ces constats, et notamment de ceux portant sur les ambiguïtés et la complexité d'une mise en œuvre uniforme sur le terrain, quelles sont les recommandations proposées par le GT-Zonage?

Nawal Saâd. Pour résumer, le GT-Zonage suggère une évolution conséquente conduisant à une refonte du système. Dans l'attente de cette refonte, il recommande deux grandes séries de propositions pour aména-ger le dispositif actuel. Priorité première des recommandations d'aménagement selon le GT-Zonage, la réécriture des Articles 1 et 2 de l'arrêté «zonage» permettrait d'intégrer les précisions apportées par les circulaires de 2008 et 2010. Ce sont en particulier les notions de danger en fonction du risque et l'insertion de ce dispositif «zonage» dans le champ plus global de la radioprotection qui devraient être reprises et éventuellement modifiées. Il s'agirait également de réviser les critères de débit d'équivalent de dose horaire afin de définir les zones contrôlées orange et rouge. Toujours selon le GT-Zonage,ces critères ne devraient être applicables que dans le cas où l'émission des rayonnements est continue; la référence à prendre en compte serait l'équivalent de dose intégré sur une heure dans les autres situations (émission discontinue ou pulsée, par exemple).

Le dispositif de «zonage » actuellement en vigueur





Le dispositif actuel de zonage repose sur la CIPR 60 de 1990 conduisant à la directive Euratom n° 96-29 du 13 mai 1996, transposée en droit français par le décret n° 2003-296 du 31 mars 2003 relatif àlaprotection des travailleurs contre les dangers des rayonnements ionisants. Il existe cinq zones réglementées différentes (avec une couleur correspondante), spécialement réglementées ou interdites en termes de dose susceptible d'être reçue en un mois ou en une heure. Un deuxième paramètre relatif au débit d'équivalent de dose est utilisé dans le cas de l'exposition externe seule de l'organisme entier.

Jean-Luc Godet. Les autres propositions d'aménagement émanant du GT-Zonage ont en commun une clarification des informations - c'est la deuxième priorité. Comme, par exemple, la restructuration desArticles 9 et 11 en un seul article pour rendre plus clairs la situation,le contexte et les contraintes associées des zones intermittentes et des zones temporairement suspendues, via la mise en place de zones surveillées intermittentes à l'instar des zones contrôlées, ou encore la précision des modalités par lesquelles un chef d'établissement pourrait déléguer ses responsabilités à un salarié doté de l'autorité, de la compétence et des moyens nécessaires pour déclasser définitivement, ou temporairement, une zone et pour autoriser l'accès aux zones rouges. Le GT-Zonage cite encore le fait de préciser les règles d'accès particulières aux zones spécialement réglementées en cohérence avec la gradation des risques, l'ajout à l'Article 19 - relatif à l'établissement d'une barrière matériellement infranchissable autour de la zone rouge - de la mention «lorsque cela est techniquement possible ou par des dispositifs organisationnels qui garantissent le nonfranchissement fortuit (par exemple zones d'opération)», la déclinaison, dans un guide professionnel soumis à approbation des autorités compétentes, de la démarche administrative du protocole spécifique relatif à une zone d'opération, ou encore la mise en place d'un «zonage» radiologique intermittent dans le cadre des activités de transport lorsque les situations de stationnement intermédiaire, de modifications du convoi ou de rupture de charge durent de façon significative. L'ASN et la DGT ont pris note de ces propositions d'aménagement du dispositif actuel, jugées prioritaires par le GT-Zonage, et se sont engagées à examiner les voies d'amélioration administratives afin d'apporter une réponse adaptée à chacune de ces propositions compte tenu des exigences de nature juridique.

Mesures. Vous évoquiez également des propositions de refonte du dispositif. Pouvez-vous en préciser certaines?

Jean-Luc Godet. Comme Nawal Saâd le rappelait à juste titre, le risque radiologique est très variable d'un secteur d'activité à un autre, voire même d'une installation à une autre. C'est la raison pour laquelle le GT-Zonage suggère que le dispositif «zonage» soit largement remis à plat selon un système à deux niveaux.Le premier serait un socle réglementaire s'appuyant sur les objectifs globaux du zonage radiologique et présentant les grands principes inscrits dans le champ de la radioprotection. Ce socle correspondant à l'unification de la radioprotection s'appliquerait à tous les secteurs d'activité, sans distinction aucune, et devrait notamment décliner précisément le type de zones,les critères de dose retenus pour la délimitation, le balisage, les symboles et la signalisation associés,ainsi que les exigences générales de radioprotection afférentes à chacune d'elles. Le deuxième niveau serait un volet complémentaire comportant des textes d'application spécifiques aux différents secteurs d'activité (industrie nucléaire, médical, vétérinaire, industrie, recherche…) et destinés à entrer avec plus de précision dans la mise en œuvre concrète du zonage. Le GT-Zonage envisage, ici, que ces textes se présentent sous la forme de guides homologués par les autorités compétentes pour garantir une homogénéité dans la mise en œuvre et le processus de contrôle. Sur cette proposition de refonte du dispositif sur le long terme, l'ASN et la DGT considèrent qu'une évolution de fond apparaît nécessaire notamment au regard de la mise en œuvre du principe d'approche graduée des contraintes en fonction des risques. Typiquement, une telle évolution pourrait s'inscrire dans le cadre des discussions relatives à la transposition de la nouvelle direc-tive-cadreeuropéenne.

Mesures. Est-il là encore question de clarifier la situation en France?

Jean-Luc Godet. Effectivement, le GT-Zonage a même formulé une série de propositions visant à harmoniser les modalités de mise en œuvre en conservant un objectif clair de protection des travailleurs par le respect de niveaux d'exposition et par l'application de règles de radioprotection associées à chaque type de zones. Dans son rapport, le groupe de travail réaffirme que le but de la délimitation en zones est d'assurer une fonction d'alerte et d'informer sur un niveau de risque d'exposition aux rayonnements ionisants à l'attention du public et des travailleurs, selon le GT-Zonage toujours, une gradation de l'espace en différents niveaux de risque doit permettre aux acteurs en charge de la radioprotection (PCR et/ou SCR) de mieux hiérarchiser leurs missions.

Nawal Saâd. Pour plus de détails sur ces propositions formulées par le groupe de travail, je vous invite à consulter leur rapport d'ailleurs disponible sur le site internet de l'ASN. Vous y trouverez notamment les neuf points saillants de ce dispositif refondé.Ainsi, le GT-Zonage considère que, compte tenu de la diversité des pratiques et des enjeux associés, il est indispensable de conserver une signalisation traduisant une approche de gradation du risque, basée non plus sur cinq niveaux de risque mais sur quatre dans un souci de simplification. Cette gradation du risque s'appuierait sur un code couleur, allant du bleu (risque faible) au rouge (risque très élevé), en passant par le jaune et l''orange. La zone bleue constituerait la zone surveillée, les autres étant des zones contrôlées auxquelles est associée la gradation de risque et de danger potentiel. Quant à la couleur verte, symbolisant traditionnellement une situation normale et a priori sans risque, elle ne serait pas reprise pour signaler la zone contrôlée. Toujours selon le GT-Zonage,endessous de la borne inférieure de la zone bleue, il conviendrait de distinguer en particulier deux types de situations correspondant à des zones non classées et pour lesquelles des dispositions réglementaires, mêmes modestes, seraient néanmoins exigées. On trouverait d'une part les installations, où des sources sont présentes mais sans pour autant justifier leur classement en zone surveillée ou contrôlée, et d'autre part le cas des zones attenantes, locaux ou espaces, où aucune source n'est présente mais qui sont contiguës à une zone classée. Le GT-Zonage considère enfin que, pour les zones attenantes, un facteur d'occupation pourrait être pris en compte.

Mesures.Comment se ferait le classement d'une zone donnée en bleu, orange ou rouge?

Nawal Saâd. Selon le dispositif proposé par le GT-Zonage,la détermination du classement d'une zone se ferait grâce à un système de valeurs de référence numériques, valeurs reposant sur des critères annuels de dose efficace et de doses équivalentes aux extrémités, voire au cristallin. Selon le groupe de travail, cette approche permettrait ainsi d'adapter les valeurs affichées en fonction des évolutions réglementaires en radioprotection. Sur cette base, la délimitation d'une zone surveillée ou contrôlée vis-à-vis du risque d'exposition externe serait effectuée dans un premier temps avec une approche conservatrice de 1 600 heures ou 2000 heures sur un an, ou moins sur justification, mais sans jamais conduire à considérer une durée annuelle inférieure à 800 heures.Au-delà,dès lors que l'analyse de risque conduit à délimiter une zone contrô-lée,leGT-Zonage considère que des critères liés à l'exposition intégrée sur une heure de référence (prise en compte du danger potentiel) seraient à appliquer. Quant à la délimitation d'une zone surveillée ou contrôlée vis-à-vis du risque d'exposition interne, elle serait fondée, selon le groupe de travail, sur l'application de critères de contamination surfacique traduisant la propreté radiologique (hors cas particuliers des gaz radioactifs et du tritium). Enfin, la signalisation de toute zone classée reposerait sur le trisecteur noir sur fond jaune, complété de la dénomination «Zone surveillée» ou «Zone contrôlée», du code couleur caractérisant le niveau de risque et d'informations complémentaires (type d'exposition, caractère intermittent de la zone…). Je rappelle qu'il s'agit là des points saillants du dispositif refondé tel qu'il est proposé par le GT-Zonage.





Le GT-Zonage considère que, compte tenu de la diversité des pratiques et des enjeux associés, il est indispensable de conserver une signalisation traduisant une approche de gradation du risque, basée non plus sur cinq niveaux de risque mais sur quatre dans un souci de simplification. Cette gradation du risque s'appuierait sur un code couleur, allant du bleu (risque faible ; zone surveillée) au rouge (risque très élevé), en passant par le jaune et l'orange.

ASN

Mesures. La démarche du GT-Zonage s'est notamment appuyée sur une étude comparative portant sur les règles applicables dans plusieurs pays européens. Le groupe de travail a-t-il identifié des évolutions sur lesquelles il est nécessaire de porter une attention particulière?

Jean-Luc Godet. Les membres du GT-Zonage ont été frappés par la très grande diversité des réglementations nationales et de leur application, tant au niveau de la nature des zones établies que des critères de délimitation, des règles applicables, du balisage, de la signalisation et des codes couleurs. Ils concluent que, afin de rendre plus facile la vie des employés transfrontaliers, un travail d'harmonisation doit pouvoir être engagé pour le risque radiologique, à commencer par la stratégie du zonage radiologique, sous l'impulsion de la France.A l'instar de ce qui a été récemment mis en place à l'échelle internationale pour le risque chimique à travers le Système général harmonisé (SGH). Mais, ce que les membres du GT-Zonage ne savaient pas à l'époque, c'est que la nouvelle directive Euratom ne devrait pas apporter de modifications significatives dans les concepts relatifs à la protection des travailleurs… Les recommandations du groupe de travail, reprises par le GPRAD et le GPMED, s'inscrivent néanmoins parfaitement dans le cadre du choc de simplification administrative, voulu actuellement par l'Etat français.

 

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