«versunenouvellemiseen Cohérence Desnormesmanagériales»

Le 01/03/2015 à 15:00

Mesures. La norme ISO 9001 semble être la norme préférée des entreprises.Peut-on évaluer le nombre d'entreprises certifiées dans le monde,en Europe,et particulièrement en France?

Hervé Ross-Carré. Les chiffres ont été publiés par l'ISO. Ils ne sont pas totalement fiables mais on peut en reprendre les grandes lignes. Dans le monde, il y aurait 1,5 million d'organismes certifiés ISO 9001. Ce qui devrait représenter entre 3 et 4 millions de sites certifiés. Sur ce total, l'Europe représente la moitié des certifications avec des pays qui frôlent les 100 000 certificats. Citons en particulier l'Espagne et l'Italie qui bénéficient d'incitations et d'aides de la part de leursEtats respectifs, notamment dans le cadre des politiques pour favoriser l'accès des entreprises à l'export. De son côté, l'Allemagne enregistre 60000 à 70000 certificats. Quant à la France, elle en est à 35000. Ce chiffre peut paraître faible mais à y regarder de plus près, il faut savoir que, historiquement, les organisations tricolores recourent à un grand nombre de labels d'assurance de la qualité qui sont spécifiques à certains domaines d'activité. Comme le tourisme, la lunetterie, l'aide à domicile. Du coup, il y a peut-être une certaine dispersion. Par ailleurs, certains syndicats professionnels mettent également en avant d'autres labels. Cependant, globalement, les dirigeants de l'industrie préfèrent la norme standard ISO 9001. Considérant cela, on dépasse quand même les 50000 sites certifiés en France. Ce qui implique près de 5 millions de salariés!

Mesures. Et concernant la norme ISO 14001, où en est-on?

Hervé Ross-Carré. C'est assez simple. On constate un rapport de proportion entre les deux normes qui semble plutôt fiable. Globalement, il y aurait 5 fois moins de certifiés ISO 14001 qu'en ISO 9001. Ce qui, au total, permet de comptabiliser malgré tout près de 300000 entreprises dans le monde. Soit un peu plus de 7000 organisations en France, sachant que la plupart d'entre elles ont commencé le processus de certification avec la norme ISO 9001. Plus tard, elles poursuivent avec la norme ISO 14001 pour limiter leur impact environnemental et, par la suite, enchaînent avec le référentiel OHSAS 18001 [ Occupational Health and Safety Assessment Serie s, une norme d'origine britannique qui fournit un système de management pour développer la prévention de risques professionnels en matière de sécurité et de santé au travail, NDLR].

Mesures. A quelle date ces normes devraient-elles entrer en vigueur?

Hervé Ross-Carré. La norme ISO 14001 devrait entrer en vigueur en juillet prochain et ISO 9001 en septembre.

Mesures. Quelles sont les grandes lignes des évolutions attendues?

Hervé Ross-Carré. Commençons par ISO 9001. En 2012, un nouveau cahier des charges avait été élaboré sur la base des attentes des utilisateurs. En France, c'est le groupe Afnor qui l'a relayé. Parmi les attentes, il y avait le besoin de simplification, notamment au niveau documentaire. Il y avait aussi de fortes attentes concernant le niveau de cohérence dans les exigences des différentes normes 9001 et 14001. Aujourd'hui, toutes les normes d'organisation de management vont adopter la même structure. En commençant par 9001 et 14001. Cette mise en cohérence porte également sur le projet de norme ISO 45001 qui consiste à faire passer OHSAS 18001 au niveau d'une norme internationale ISO pour 2017. D'autres normes de système de management vont suivre avec, par exemple, la prochaine version d'ISO 50001 pour le management de l'énergie. Par ailleurs, certaines normes spécifiques vont aussi adopter cette nouvelle structure en 2016. Citons les normes EN 9100 liées à l'aéronautique, TS 16949 pour l'industrie automobile ainsi que la norme Iris pour le ferroviaire. En fait, il s'agit de déclinaisons d'ISO 9001 pour des secteurs particuliers qui ont des exigences complémentaires en termes de validation des processus. Une chose est sûre: comme pour toute norme internationale, on passe désormais par des enquêtes internationales qui ont pour but de faire remonter, pays par pays, les remarques qui permettent d'alimenter l'évolution de la norme.A cet égard, les retours pour ISO 9001 et ISO 14001 ont été tout à fait favorables.

Hervé Ross-Carré, responsable développement Environnement du groupe Afnor

Pauline de Courrèges

Après un doctorat de géochimie obtenu en 1983 à l'Université Pierre et Marie Curie (Paris), Hervé Ross-Carré est devenu enseignant à la faculté des sciences d'Oujda, au Maroc de 1983 à 1986, puis a enfilé les habits d'ingénieur commercial en instrumentation scientifique chez Bioblock et Philips de 1986 à 1992, avant de revenir à l'enseignement à la faculté d'Angers en 1993. Cette même année, Hervé Ross-Carré est cofondateur de l'association FAQ Environnement en Pays de la Loire et, en 1997, de l'Ecopole-Maison de l'environnement de Nantes.

Sa carrière dans le groupe Afnor débute en 1992 en tant que délégué régional avant d'en devenir, de 2005 à 2010, responsable action régionale France ouest et Antilles. Hervé Ross-Carré est actuellement responsable développement Environnement du groupe Afnor, poste qu'il occupe depuis 2012.

Mesures. Concrètement, comment se traduit cette harmonisation des textes entre ces différentes normes de système de management?

Hervé Ross-Carré. On pourrait dire que 60% des textes qui vont paraître seront identiques. Pour les entreprises, c'est un avantage énorme car elles n'ont, en général, qu'un seul système de management. L'idée est simple: il fallait leur faciliter le passage d'une norme à l'autre. Du coup, il y a des points communs sur des thèmes comme la gouvernance, le support, les RH, les compétences, l'évaluation des performances, les audits, la documentation… En clair, lorsqu'on a mis en place une première certification, on a déjà fait une bonne partie du chemin pour les autres. En effet, ces différentes normes adoptent une structure commune en 10 chapitres ainsi qu'une grande simplification de la gestion documentaire qui, dans les versions précédentes, ne correspondait pas aux pratiques. Par exemple, on peut utiliser le Cloud pour gérer la documentation, ou n'importe quel moyen qui conviendra à l'entreprise tant qu'elle peut démontrer sa conformité. Autrefois, les exigences amenaient à créer des pyramides documentaires papier, pas toujours nécessaires. A présent, on rentre vraiment dans XXI e siècle!

Mesures.L'aspect documentaire a souvent été critiqué pour sa lourdeur. Quels sont les vrais changements à venir?

Hervé Ross-Carré. Pour tenir compte de l'utilisation d'outils informatiques dans la mise en œuvre des systèmes de management, la nouvelle version de la norme adopte le terme d'«information documentée» plutôt que de «procédures». Afin de s'aligner avec l'ISO 9001 version 2015, l'organisation déterminera quand des procédures seront nécessaires pour garantir la maîtrise effective des processus. En fait, la procédure faisait l'objet d'une définition: il fallait passer par des points de description et de détails qui n'étaient pas forcément nécessaires. Parfois cela alourdissait le système. A l'avenir, il faudra quand même des documents, même s'ils sont électroniques: des dessins, des vidéos, des systèmes en ligne directs ou déportés…

Dans le secteur de l'industrie chimique, les nomes volontaires ISO 9001 et ISO 14001 sont particulièrement importantes.

Dekra

Mesures.Le chapitre 4 d'ISO 9001 version 2015, relatif au « contexte de l'organisme»' à certifier, introduit la notion de «parties intéressées». De quoi parle-t-on exactement?

Hervé Ross-Carré. Ce sont les entités internes ou externes à l'entreprise qui sont impliquées et concernées par le système de management de l'entreprise. Rappelons que la finalité d'un système de gestion de la qualité consiste à fournir des produits ou services conformes aux exigences des clients. L'autre grand objectif restant l'amélioration de la satisfaction des clients.Dans ce contexte, les entreprises se sont évertuées à travailler en profondeur la relation avec leurs clients. Mais, dans la réalité, il peut y avoir d'autres parties prenantes: les actionnaires, les collectivités territoriales, le voisinage, les banquiers, les syndicats, le personnel… Cela signifie que les entreprises vont devoir mieux connaître les constituants de leur écosystème ainsi que les attentes de chacun d'entre eux. Cet exercice ne vise pas l'exhaustivité mais cherche surtout à mieux formaliser les enjeux en matière de développement. Il n'y aura pas d'exigence sur les parties intéressées mais la prise en compte de leurs attentes afin de définir des objectifs.

Mesures. Cette tendance s'étend-elle également à ISO 14001?

Hervé Ross-Carré. Oui. Toutes les entreprises qui entament une démarche ISO 14001 et veulent maîtriser leurs impacts environnementaux vont devoir prendre en compte non seulement leur voisinage mais aussi les impacts globaux de leur activité. Il y a plus de transparence et d'ouverture. Certes, cela élève le niveau du management ainsi que celui des attentes. En revanche, ce n'est pas une surprise pour les chefs d'entreprise. Les nouvelles versions des normes essaient juste de formaliser le lien avec tout ce qui est stratégique pour l'entreprise.

Mesures. Quels sont les changements attendus dans l'industrie?

Hervé Ross-Carré. Selon nos évaluations et les profils d'analyse sur les différents chapitres, le principal changement consiste à intégrer la notion de risque et d'évaluation des risques dans ISO 9001. Cette approche par les risques est déjà très fréquente enAsie et dans le s pays anglo-saxons.

Mesures. De quels risques parlez-vous? Hervé Ross-Carré. Des risques financiers, des risques de satisfaction client, risques climatiques, risques industriels… Autant les grandes entreprises ne sont pas choquées car elles disposent déjà de Risk Managers qui emploient des matrices élaborées, autant, pour les plus petites entreprises, ce sera plus difficile à gérer. Reste que la réflexion sur les risques réels de qualité peut amener l'entreprise à mieux maîtriser ses processus. La norme ISO 9001 a évolué en fonction des remontées d'expérience à base de «bonnes pratiques». D'autant que cette partie aide aussi à identifier des opportunités: nouveaux marchés, nouveaux produits, nouveaux services. Donc on mène ces réflexions à la fois sur les risques et sur les opportunités.

Mesures. N'y a-t-il pas déjà une norme en matière de maîtrise des risques?

Hervé Ross-Carré. Effectivement, il y a la norme ISO 31000. Mais elle n'est pas forcément abordable par toutes les structures, notamment les PME. Ici, la notion de maîtrise des risques sera plus simple et plus abordable pour les PME par rapport aux objectifs visés. Les dirigeants doivent se rassurer dans nos réunions, personne n'a dit qu'il n'y arriverait pas. Aujourd'hui, 1200 entreprises françaises ont passé notre test en ligne à partir du mois de septembre 2014 avec succès. Les résultats sont assez positifs. Le point le plus délicat étant l'approche risque. Les entreprises auront un peu de travail sur ce point maislaquasi-to-talitédevrait obtenir la certification.

Mesures. Cette notion de maîtrise des risques ISO 9001 entre-t-elle en conflit avec celle d'ISO 14001?

Hervé Ross-Carré. Les deux se complètent car les objectifs sont différents. D'un côté, il y a la satisfaction client (ISO 9001) et de l'autre, l'impact environnemental (ISO 14001) mais les deux référentiels doivent se retrouver dans un seul système de management et un seul système de gestion documentaire. La norme n'impose pas de s'équiper d'un système de Gestion électronique de documents (GED).

Mesures. On dit que la nouvelle version d'ISO 9001 devrait conduire à gérer moins de papier…

Hervé Ross-Carré. Certainement. C'est un des objectifs des deux normes.

Mesures. Obtenir la certification semble néanmoins s'annoncer bien plus dur pour les PME-PMI…

Hervé Ross-Carré. Je ne le pense pas.Tout d'abord, il y aura une période de transition, de pédagogie qui va durer 3 ans. Il n'y aura donc pas de rupture en matière de certification. Par nature, les évolutions font partie des pratiques managériales au sein des entreprises. Pour l'heure, nous avons déjà sensibilisé 7 000 personnes au travers de nos différentes présentations. Nous n'avons constaté aucune réaction choquante. Par conséquent, l'entreprise aura donc 3 ans pour se mettre en conformité avec l'évolution de la norme. Celles qui ne sont pas certifiées auront le choix entre les versions 2008 et 2015. En revanche, les entreprises déjà certifiées qui voudront réaliser des audits de suivi et de renouvellement de la certification, disposeront de 3 ans pour s'adapter à la nouvelle version.

Mesures. Le chapitre 8 d'ISO 9001 introduit la notion de planification et de maîtrise opérationnelle. Pouvez-vous nous éclairer sur ce point?

Hervé Ross-Carré. Cette notion existait déjà dans la version 2008. Il s'agit de prévoir l'ensemble des moyens à mettre en œuvre pour atteindre les objectifs de la même façon qu'on prévoit de réaliser les opérations en termes d'actions pour y parvenir. Le tout en fonction des exigences des clients.

Installation de contrôle-commande de vannes pour les procédés de peinture de bobines d'acier chez Arcelor-Mittal.

TCA-innov24

Mesures. Est-ce une notion que l'on va également retrouver dans la version 2015 de la norme ISO 14001?

Hervé Ross-Carré. Oui. A l'exception des procédures, on retrouvera toutes les exigences des versions actuelles dans les normes ISO 9001 et ISO 14001 versions 2015.

Mesures.En quoi le chapitre 10 sur l'amélioration continue d'ISO 9001 changeraitil la donne en matière de traitement des non-conformités et des actions correctives? La même tendance se confirme-telle dans ISO 14001?

Hervé Ross-Carré. Ce chapitre ne comporte que 3 lignes! Certains ont trouvé cela léger comme si les rédacteurs avaient été fatigués ! En fait, la notion de l'amélioration continue existait déjà ainsi que celle des non-conformités et des actions correctives, ailleurs dans le texte. On a juste déplacé certaines phrases.

Mesures. ISO 14001 prône la maîtrise des impacts associés à l'utilisation des produits et à leur traitement en fin de vie ou à leur élimination. Certes, le projet de norme explique que cela n'implique toutefois pas de réaliser une analyse de cycle de vie (ACV). Mais est-ce tenable?

Hervé Ross-Carré. Il faut identifier ces impacts mais cela ne veut pas dire, en effet, qu'on doit tous les maîtriser. L'objectif global, c'est de préserver l'environnement. On ouvre la porte, par exemple, à l'écoconception pour que les produits aient une moindre emprise sur l'environnement. L'intérêt de cette démarche très pragmatique, c'est que les entreprises reconnaissent ces impacts de sorte qu'elles les réduisent lorsqu'elles s'apprêtent à concevoir de nouveaux produits. Pas seulement dans l'usine mais aussi chez les utilisateurs. Je pense aux étiquettes qui indiquent les consommations énergétiques et aux filières de collecte et de recyclage des produits en fin de vie. Cette démarche a commencé dans les produits électroménagers et électroniques, par exemple.

Mesures. A la différence d'ISO 9001, ISO 14001 semble vouloir formaliser l'implication de la direction et du service communication de l'entreprise. A la fois en matière de communication interne et externe. Sur quoi vont porter ces exigences?

Hervé Ross-Carré. C'est à mettre en rapport avec la connaissance des besoins des « parties intéressées ». Souvent les entreprises certifiées ISO 14001 ne communiquent pas sur leur certification car le sujet est assez technique. Les entreprises vont devoir mieux communiquer afin d'être mieux comprises. Il y a très souvent des incompréhensions entre une entreprise et son voisinage. L'évolution va surtout concerner la communication externe. Aujourd'hui, il existe un paradoxe : l'entreprise qui pollue mais ne communique pas passe au travers des gouttes. Tandis que la société vertueuse qui communique sur ses indicateurs va se faire taper sur les doigts. D'où l'importance de soigner la communication externe pour mieux se faire comprendre et élaborer une meilleure acceptabilité de son activité.

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