Capteurs Et Transmetteurs Pour Les Manufacturiers Et Les Procédés

Le 01/03/2013 à 13:30

L'essentiel

La pression est l'une des trois grandeurs physiques les plus mesurées dans les applications industrielles manufacturières et de process.

Pour répondre à cet éventail d'applications, les méthodes de mesure combinent plusieurs principes de base à différentes technologies.

Si l'on retrouve les critères habituels pour tous transmetteurs industriels, la stabilité à long terme et les séparateurs sont des points propres dans le choix en pression.

Les méthodes étant depuis longtemps maîtrisées, les évolutions en mesure de pression ont surtout porté sur la partie électronique (algorithmes, diagnostic, communication…).

C'est l'une des trois grandeurs physiques les plus contrôlées dans le monde de l'industrie et, à l'instar de la température avec qui elle va souvent de pair, sa mesure est mise en œuvre dans tous les secteurs (énergie, pétrole et gaz, agroalimentaire, pharmaceutique, hydraulique, aéronautique,air comprimé, salles propres, véhicules de chantier, etc.). Ce paramètre, qui est défini comme une force rapportée à la surface sur laquelle elle s'applique, est en fait la pression. Pour comprendre sa position de numéro 2 ou de numéro 3, selon les sociétés à qui l'on pose la question, il faut savoir que, derrière son aspect simple, de prime abord en tout cas, cette grandeur physique revêt un visage à multiples facettes. Nous nous intéresserons dans cet article aux deux grands marchés de la mesure de pression: les procédés et les manufacturiers. Comme on peut facilement l'imaginer, les exigences pour un transmetteur destiné à contrôler la pression en sortie d'extraction pétrolière différeront fortement de celles pour un capteur installé au niveau du circuit d'huile sur un engin de chantier.

Les capteurs de pression se distinguent par un éventail étendu d'applications : mesures absolues, relatives ou différentielles, mesures de niveau ou de débit, sur des liquides, des gaz, de la vapeur…

Endress+Hauser

La situation se complique encore sensiblement lorsque l'on sait que les capteurs et transmetteurs rencontrés dans les applications industrielles (procédés et manufacturiers) servent à obtenir non pas une valeur de pression mais une mesure de niveau, d'interface, de densité ou de débit. Et la proportion des transmetteurs de pression différentielle ( P) mis en œuvre pour ces mesures-là est loin d'être négligeable. Elle peut atteindre, selon les fabricants, jusqu'à la moitié des points de mesure de niveau ou de débit… Evidemment, le principe de mesure reste le même entre un capteur de pression et un capteur de niveau (pression hydrostatique) ou de débit (via un organe déprimogène), mais la technologie et le montage diffèrent pour s'adapter aux spécificités de l'un et de l'autre, et l'environnement de la mesure (fluide colmatant, haute température…) joue également un rôle important. « Cette utilisation “historique” a néanmoins tendance à être moins fréquente, constate Claude Schelcher, chef de produits Pression chez Endress+Hauser France. Il y a vingt ou trente ans, la mesure Ppouvait répondre à plus de 70 % des applications, surtout dans les industries chimiques et pétrolières. Depuis cette époque, d'autres technologies, comme le radar, l'électromagnétisme, les effets Vortex et Coriolis, ont fait leur apparition. Elles sont plus précises, permettent de réaliser d'autres mesures et la mesure P est aujourd'hui plutôt un choix par défaut dans les cas où les autres technologies ne fonctionnent pas, même si ce principe reste incomparable en termes de coût. » Il existe toujours l'exception qui confirme la règle: « Dans le domaine de l'énergie ou pour les procédés continus fonctionnant 24 h/24, 365 j/365, les industriels privilégient encore les mesures de pression différentielle », ajoute-t-il. Pour Luc Heusch, responsable des ventes France chezVegaTechnique, « on ne peut parfois pas faire autrement que de mettre en œuvre une mesure de niveau hydrostatique en pied de cuve. C'est le cas des produits très moussants, des cuves “encombrées” par la présence des pales d'un mélangeur, des cuves de faibles dimensions (hauteur d'eau inférieure à quelques dizaines de centimètres), de la présence de phénomènes dans le ciel gazeux… » Cette évolution n'enlève en effet rien aux atouts de la mesure P. « Dans le secteur de la chimie, l'immense majorité des capteurs de niveau et de débit sont des capteurs de pression différentielle avec séparateur et/ou organe déprimogène. De par leurs caractéristiques physiques (entraxe de 54 mm, non-coupure de la ligne,notamment) et de délais de livraison bien inférieurs à ceux de transmetteurs radar (plusieurs semaines),ils simplifient la gestion de stocks et la maintenance… même en cas d'urgence », rappelle Eric Michelot, responsable Business Development en pression, température et positionneurs au sein de la division Industry Automation and Drive Technologies de Siemens France.

Deuxième grandeur la plus mesurée dans le milieu industriel, la pression peut intervenir aussi bien dans une régulation, dans la simple indication d'une valeur, etc. Et l'on rencontre des points de mesure tous les secteurs industriels de process : énergie, pétrole et gaz, agroalimentaire, pharmaceutique, salles propres…

Cédric Lardière

Un marché en croissance régulière

Compte tenu de ce visage à multiples facettes, il n'est donc pas étonnant de lire les prévisions de croissance des différents cabinets d'analyse nationaux et internationaux dans ce domaine. Le marché mondial des capteurs de pression (procédés et manufacturiers) était, selon la dernière étude de l'américain Markets and Markets en date d'octobre 2012, de 5,11 milliards de dollars en 2011 et devrait afficher un taux de croissance annuel composé ( Compound Annual Growth Rate ou CAGR) de 6,3 % entre 2011 et 2017,pour atteindre 7,34 milliards de dollars. Dans la même étude, les principaux secteurs industriels identifiés sont l'automobile, la pétrochimie et les industries du pétrole et du gaz, puis l'électronique grand public, les autres industries de process et la santé.

Si l'on s'intéresse plus particulièrement au segment de marché mondial des transmetteurs de pression, le cabinet d'analyse américain Flow Research prévoyait en 2011 la poursuite d'une forte croissance initiée cinq ans auparavant. Avec un taux de croissance annuel composé de 6,1 % –le même taux constaté que celui pour la période 20062010 –, le marché mondial devrait passer de 2,4 milliards de dollars en 2010 à 3,22 milliards de dollars en 2015. Les pays émergeants de l'Asie, du Moyen-Orient et de l'Amérique du Sud, verraient même des croissances plus fortes encore, à l'instar du taux de croissance annuel composé de 9,1% pour la Chine. Et en France ? Selon le Groupement des industries de l'équipement électrique, du contrôle-commande et des services associés (Gimélec), le marché hexagonal des transmetteurs de pression industriels était de plusieurs dizaines de millions d'euros en 2011, en progression constante depuis 2009 et la crise économique.

Principes de mesure et technologies

La grandeur physique, que l'on appelle pression, est définie comme une force rapportée à la surface sur laquelle elle s'applique.

Pour réaliser la mesure d'une pression, un capteur doit convertir une grandeur physique en une valeur électrique proportionnelle à la pression. Pour cela, on distingue des principes de mesure, ou procédés de conversion, et des technologies de fabrication de la structure mécanique.

Parmi les premiers, on trouve les cellules résistives ou à variation de résistance, à savoir quatre jauges de contrainte sont montées en pont de Wheatstone classique sur la structure mécanique.

C'est cette structure mécanique qui peut différer selon la technologie utilisée.

Les jauges de contrainte peuvent en effet être soit collées sur une membrane (avec les inconvénients liés notamment à la durée de vie du collage), soit obtenues par dépôt direct et par sérigraphie d'une encre piézorésistive sur des membranes en céramique (Al2 O 3 ,oxyde d'aluminium ou alumine) –on parle de cellules à couches épaisses (voir fig.1) –, soit obtenues en utilisant un substrat silicium piézorésistif (voir fig.3) , soit enfin obtenues grâce à des procédés des semi-conducteurs –on parle alors de cellules à couches minces (voir fig.2) .

Deux autres principes de mesure reposent sur la variation de capacité ou d'inductance. L'architecture des cellules capacitives (voir fig.4) est constituée de deux plaques, l'une fixe et l'autre mobile qui est solidaire du diaphragme.

Lorsqu'une pression est appliquée sur le diaphragme, la distance entre les deux plaques se réduit et la valeur de la capacité s'accroît.

La variation de capacité est proportionnelle à la pression appliquée. Quant aux cellules inductives (voir fig.5) , elles mettent en œuvre une membrane dotée d'un noyaupastille situé au milieu un enroulement inductif. En présence d'une pression, la membrane se déplace et fait varier la valeur de reluctance du circuit magnétique.

Le dernier principe de mesure rencontré est un oscillateur (quartz, silicium) vibrant à sa fréquence de résonance naturelle.

Lorsqu'une pression est appliquée sur le résonateur, ce dernier se déforme et sa fréquence de résonance est modifiée. La variation de fréquence dépend en effet de la pression appliquée.

Si l'on s'intéresse un peu plus au sujet, on découvrira encore d'autres principes de mesure de la pression, pour certains pas forcément destinés à toutes les applications industrielles: le tube de Bourdon (largement utilisé dans les manomètres), les cellules à élément piézoélectrique, la photoélectricité, les piézotransistors, etc.

Sources : Baumer, Jumo,Yokogawa, Les capteurs en instrumentation industrielle de Georges Asch et collaborateurs, Edition de 1991.

Selon les fabricants interrogés, la demande en mesure de pression est à la hausse pour différentes raisons. « La croissance du marché français s'explique par la volonté des industriels de mesurer et de contrôler toujours plus leurs procédés [pour un meilleur pilotage ou dans le cadre d'une meilleure qualité de produits finis, NDR], quelle que soit la grandeur physique d'ailleurs, et par l'apparition de demandes pour des capteurs de pression pour les applications sous-marines et de surface en pétrole et gaz (pression statique jusqu'à 1 035 bar) », indique Jos Lamesch, ingénieur produit chez Fuji Electric France. Claude Schelcher (Endress+Hauser France) ajoute que « le parc des sites chimiques étant très vieux en France (entre 20 et 35 ans d'existence), les industriels sont dans une phase de renouvellement des capteurs. Et la croissance du secteur est également boostée par le marché du nucléaire, où la technologie P est la plus utilisée, et notamment des projets EPR [réacteur pressurisé européen, NDR] et, à l'exportation, de la construction de centrales en Chine. »

Les fabricants de capteurs OEM viennent dans le process

Les principaux fabricants de transmetteurs industriels sont l'américain Emerson Process Management (numéro 1 avec environ 30 % de parts de marché) puis, dans un mouchoir de poche (chacun avec près de 15 % de parts de marché), le suisse Endress+Hauser et le japonais Yokogawa. Suivent ensuite, avec moins de 10 % de parts de marché chacun, l'helvético-suédois ABB, l'américain Honeywell, les allemands Siemens etVega, le britannique Invensys, le japonais Fuji Electric,etc.Evidemment,ce classement peut différer selon que l'on soit dans le secteur du pétrole et gaz, de l'agroalimentaire, de l'eau, etc. Parmi les sociétés citées, certaines sont également en phase de reconquête du marché de la mesure de pression, à l'instar de Yokogawa ou d'Invensys.

Depuis quelques années, une tendance se fait jour. Après les sociétés spécialisées dans les mesures de niveau et/ou de débit de process, les fabricants historiques dans la mesure de pression ont vu l'arrivée de “nouveaux” acteurs. Il ne s'agit pas de nouvelles sociétés proprement dites mais de fabricants spécialisés jusque-là dans les capteurs de pression pour les manufacturiers et qui viennent se confronter aux fabricants traditionnels du process. On retrouve par exemple les suisses Baumer et Keller, les allemands Jumo, ifm electronic, Sick et Wika. « Ces fabricants dépendent de marchés cycliques (l'automobile, par exemple) et essaient de pénétrer le marché des procédés industriels. Nous les rencontrons dans les secteurs peu contraignants, que sont l'agroalimentaire et l'eau, mais pas dans les industries chimiques et pétrochimiques.Il faut en effet franchir un gap (SIL et autres certificats spécifiques…) pour répondre aux exigences de ces applications », constate Claude Schelcher (Endress+Hauser France). Pour Pierre Forestier, responsable marketing de Wika Instruments, « le groupe a la volonté manifeste de développer une offre en pression électronique parce que nous avons des parts de marché très importantes dans le domaine des manomètres et des séparateurs. » La société est d'ailleurs le partenaire de certains grands noms du secteur des transmetteurs de pression. « L'une de nos forces est qu'il y a très peu de fabricants présents sur les deux marchés, équipementiers et process.Wika ne veut toutefois pas attaquer directement les fabricants historiques de process ; il s'agit de proposer un complément de gamme pour les utilisateurs et ainsi de disposer d'une offre globale », poursuit-il.

A côté des secteurs des procédés, les capteurs de pression sont également encore plus largement mis en œuvre dans les applications dites OEM ou manufacturières, comme par exemple en hydraulique, en aéronautique, en air comprimé, dans les véhicules de chantier, etc. Avec, cette fois, des exigences différentes des celles des process.

Baumer

A côté de cette “vague” issue du monde manufacturier et OEM, le marché de la mesure de pression a évidemment connu ces dernières années les soubresauts habituels de tout secteur. L'américain GE Measurement & Control Solutions a en effet racheté en août 2012 le norvégien PreSens, fabricant de capteurs haut de gamme pour les mesures de pression, de température et de débit en environnements difficiles. A la même période, le français Senseor, spécialisé dans les capteurs SAW ( Surface AcousticWave ou onde acoustique de surface) sans fil et passifs, est passé sous le giron du groupe Wika. On peut également citer en 2010 l'acquisition de l'indien Waaree Instruments par Baumer et celle de Pressure Systems, qui appartenait au groupe américain Esterline Technologies, par son compatriote Measurement Specialties (MEAS) pour un montant d'environ 25 millions de dollars. L'année précédente, MEAS avait déjà mis la main sur français FGP Instrumentation, à travers le holding GS Sensors, pour 5,6M€. La société française était, rappelons-le, spécialisée dans les capteurs de force, d'accélération et de pression.

Depuis quelques années, les de fabricants spécialisés jusque-là dans les capteurs de pression OEM viennent se confronter à certains marchés des procédés. Cela n'était toutefois pas aussi simple en raison des exigences propres aux secteurs du pétrole et gaz, de l'agroalimentaire.

Jumo

Des prix à la baisse sur le marché OEM

Par ailleurs, il est à préciser qu'aucune “invasion chinoise” n'était à signaler jusque-là pour l'instant, mais la situation pourrait évoluer dans les années à venir si la qualité des capteurs et le support avant et après ventes des sociétés chinoises s'améliorent. « Il n'y a actuellement pas de nouveaux constructeurs mais la dernière édition de la manifestation Sensors+Test à Nuremberg a été celle où j'ai vu le plus de fabricants asiatiques de produits low cost », se souvient Jérôme Ignacio, spécialiste des produits de pression pour l'Europe et l'Afrique du Nord chez GE Measurement & Control Solutions.

Dans de nombreuses applications, les capteurs de pression sont associés à des séparateurs dont leur rôle est de protéger la cellule de mesure vis-à-vis du fluide et/ou de l'environnement (températures élevées, produits agressifs, colmantants…). C'est un élément différenciateur pour les sociétés fabriquant les capteurs et les séparateurs.

Fuji Electric

Même si la tendance générale est de partout la même, les marchés des transmetteurs pour les procédés et des capteurs destinés aux manufacturiers et OEM se comportent toutefois différemment.

« Les prix sont à la baisse, à coup sûr, du côté des capteurs pour les manufacturiers en raison d'un nombre réduit de projets notamment », constate Claude Perruisset, chef produits chez ifm electronic France.N'oublions pas que l'automobile est le premier segment de marché OEM, un secteur qui souffre actuellement comme tout un chacun peut l'entendre et le voir relayer dans les médias. En ce qui concerne les transmetteurs pour les procédés, la baisse des prix est plus ou moins marquée selon le secteur industriel. « En cinq ans,le prix d'un capteur de pression différentielle est passé de 900, 1 000 euros à seulement 650 euros. Actuellement,les prix sont stabilisés en pétrochimie et en énergie, même s'ils devraient baisser encore en énergie, et ils sont à la baisse dans les domaines de l'eau et de l'environnement », précise Eric Michelot (Siemens France).

« Cette tendance est la conséquence d'un dumping sur les prix pratiqués par certains fabricants »,avance même Pascal Dupont, ingénieur commercial M&I chez Invensys Systems France. Pour certains fabricants interrogés, il est toutefois difficile de réduire beaucoup les prix des capteurs de pression en France. « Comme la fabrication d'un capteur requiert de nombreuses opérations manuelles et se fait dans des usines en France et en Europe, la pression imposée par les donneurs d'ordre sur les prix, et qui peut alors s'accompagner de la délocalisation de ces productions dans des pays à la maind'œuvre plus économique,frôle le scandale. Il y aurait donc une réflexion à mener », pense Cyrille Nolot, directeur commercial et marketing de la LBUAnalyse et Instrumentation d'ABB France.

Michel Schmidt, en charge de la pression et des thermostats au sein du bureau d'études de Jumo Régulation, renchérit en disant que « le souci en France est le problème d'industrialisation, ce qui rend le marché difficile, en plus de la crise économique qui nous a joué un vilain tour. Heureusement, elle n'a pas affecté en même temps tous les secteurs. » Face à la baisse régulière des prix, fabricants et utilisateurs ont trouvé des parades.Les premiers jouent par exemple sur l'effet de gamme; les seconds dépouillent les capteurs. « Les clients finaux demandent des modèles taillés exactement à leurs besoins, ce qui se traduit par des appareils non étalonnés, sans afficheurs,etc.Il faut savoir que l'ensemble des éléments associés à un capteur de pression (vis de purge, système de fixation…) peut représenter jusqu'à 15 % du prix total », explique Eric Michelot (Siemens France).

Compte tenu de ce que l'on vient de voir, « la mesure de la pression s'est beaucoup banalisée ces dernières années, même si elle reste complexe à mettre en œuvre. Les prix chutant, les constructeurs sont confrontés à la difficulté de révolutionner les produits et ils s'orientent plutôt vers leur optimisation », résume Cyrille Nolot (ABB France). Autre constat, la majorité des fabricants se sont dotés d'au moins deux technologies différentes afin de répondre au mieux au plus grand nombre d'applications grâce aux avantages de chaque technologie. « Etre l'un des rares fabricants à maîtriser trois technologies est un atout précieux face à des concurrents qui doivent se tourner vers des sociétés tierces pour en proposer autant », avance Pierre Forestier (Wika Instruments). « Pour des marchés comme l'aéronautique, la notion de traçabilité des produits va très loin : les industriels veulent par exemple connaître l'origine du silicium, ce qui nous pose aucun souci en tant que fabricant », ajoute Jérôme Ignacio (GE Measurement & Control Solutions). Evidemment, il y a les exceptions qui confirment la règle, commeYokogawa, qui ne jure que par sa technologie propriétaire DPharp.

Une combinaison de principes de mesure et de technologies

En ce qui concerne les principes et les technologies de mesure mis en œuvre dans les capteurs et transmetteurs de pression, il faut reconnaître que ce n'est pas forcément simple de s'y retrouver de prime abord. Parmi les principes de mesure, on rencontre principalement les cellules résistives (principalement à jauges de contrainte), capacitives, inductives et à oscillateur et, en termes de technologies, on distingue les couches minces, les couches épaisses céramique, le silicium piézorésistif.A cela s'ajoute la nature de la membrane de séparation entre l'élément sensible et le fluide à mesurer (céramique ou métallique). Sans rentrer ici dans le détail de chaque principe de mesure et de chaque technologie ( voir encadré Principes de mesureettechnologies ),intéres-sons-nous plutôt à leurs avantages et inconvénients.

Pour les procédés abrasifs (pâtes, lait de chaud, impacts sur le capteur), les industriels ne sont plus obligés d'abandonner la pression comme solution de mesure. Grâce aux développements sur les matériaux, des revêtements comme le Diaflex supportent sans souci les procédés poussés, sans modifier le comportement de la membrane.

ABB

En termes de spécifications métrologiques, toutes les méthodes de mesure et les technologies permettent de réaliser des mesures de pression relatives ( gauge en anglais), absolues et différentielles, avec néanmoins une prédilection des cellules piézorésistives silicium et inductives pour les mesures P, ainsi qu'une utilisation moins fréquente des cellules à couches minces pour les mesures absolues. S'il est possible d'installer des capteurs de pression sur des conduites ou des cuves de liquides, vapeurs, gaz et solides, il faut savoir que Jumo indique que l'inductif est réservé aux gaz. Si un utilisateur doit contrôler des pressions élevées, le choix d'une cellule à couches minces sera privilégié (jusqu'à 15000 bar chez Wika par exemple) même si des cellules à couches épaisses ou piézorésistives silicium peuvent également être utilisées pour des pressions maximales de plusieurs centaines de bar.

A l'autre bout de l'échelle de mesure, si l'on cherche à descendre dans les pressions inférieures à 1 bar, voire de l'ordre de quelques dizaines de millibar, les fabricants conseillent d'oublier les cellules à couches minces et de se tourner plutôt vers les technologies capacitives céramiques et inductives.

Interviennent ensuite les aspects de précision, d'hystérésis et stabilité à long terme. De par leur conception, les cellules à couches minces sont indéniablement la meilleure solution, même si les autres se défendent pas mal. « Notre technologie de couches minces, réalisées par passivation avec du Si3 N 4 au lieu du SiO2 ou du silicium chez nos concurrents, permet d'obtenir une excellente stabilité à long terme,une résistance très élevée aux acides,à la radioactivité,à l'air salé et à l'humidité. La conception originale de la membrane assure,quant à elle, une excellente linéarité sans compensation, ce qui évite l'effet ballon et une dérive en température importante et ce qui permet de développer une électronique au coût réduit », explique Gérard Demeulenaere, chef de produits Marchés chez Baumer Bourdon Haenni.

Attention au comportement du fluide de transmission

Si l'on compare maintenant les différents types de cellules de mesure d'un point de vue “mécaniques”, plusieurs points peuvent intervenir dans le choix d'une cellule au profit d'autres. Il y a évidemment la compatibilité des matériaux, utilisés pour la cellule ou la membrane, avec la nature du fluide à mesurer (produit corrosif, abrasif…). Les autres points portent sur la tenue des cellules vis-à-vis des surpressions, des températures et des sollicitations mécaniques (chocs et vibrations). Hormis les cellules inductives et, dans une moindre mesure, celles à couches épaisses, les différents principes et technologies se valent plus ou moins bien… selon le fabricant. Avec un avantage significatif pour les cellules capacitives en ce qui concerne la tenue aux surpressions. « Le montage d'une cellule céramique nécessite toujours l'utilisation d'un joint d'étanchéité, qui peut être alors un point faible en termes de fluides compatibles (pas les fluides corrosifs, par exemple) et de résistance aux brusques variations de température », rappelle Michel Schmidt (Jumo Régulation).

Un dernier point est à mettre en avant pour les cellules de mesure devant être associées à une membrane et donc à l'utilisation d'une huile dont le rôle est de transmettre la pression exercée par le fluide sur la membrane jusqu'à la cellule proprement dite. Les cellules de mesure qui ne mettent pas en œuvre ce dispositif sont dites cellules sèches. Pour les autres, il faut bien prendre en compte les aspects d'étanchéité, pour ne pas risquer de pollution du produit à mesurer et/ou surtout de l'huile, de remplissage, etc.Toutes ces questions sont également à se poser lorsque l'on doit mettre en place un séparateur… Seule la société Yokogawa affirme que sa technologie à résonateur DPharp n'a pas de limitations. « J'ai tendance à dire que la limite métrologique équivaut à la limite mécanique de la cellule de mesure. La seule contrepartie que je vois est le coût de fabrication comparé à celui des cellules basées sur les autres principes de mesure et technologies, en termes de linéarité,de robustesse aux coups de bélier », reconnaît Frédéric Gerber, responsable des produits de pression et température, responsable des ventes France Est chezYokogawa France.

(1) inductif (I), manomètres (M), oscillateur (O), piézoélectrique (P), résonateur (R), plusieurs technologies ( ? ) - (2) Distributeur de Dwyer Instruments, Micatrone, Produal, Swema - (3) Distributeur de Meriam, McCrometer - (4) Nouveau nom de Sensortechnics Sous la marque Honsberg Instruments - (6) Distributeur de Colombia Reasearch Lab,Taber Industries - (7) Distributeur de Burtser, Halstrup-Walcher - (8) Distributeur de Setra. (9) Autres technologies : jauges collées sur métal, semiconducteur ou MicroFuse, silicium micro-usiné Mems, résonateur (Paroscientific), fil tendu - (10) Distributeur d'AEP Transducers, Kyowa Electronic Instruments, RDP Electronics - (11) Distributeur d'American Sensor Technologies (AST), Honeywell,Viatran… - (12) Technologie Silicon-on-Saphire (SOS) - (13) Distributeur d'ABB, Dreisen & Kern - (14) Distributeur de Brooks Instrument, d'Emerson Process Management, Keller… - Parmi les autres fabricants, on peut citer Anderson Negele,Atek,Autonics, Barksdale, CMR, CMR Group, Dynisco Instruments, Gemü, Georg Fischer, Keyence, Hitachi, Labom, Norgren France, Novus Electronics, Omron, Parker Hannifin, Rockwell Automation, Rototherm, Schneider Electric, Schischek, SMC Pneumatique, SOR,Tecsis,Vishay Precision Group, Sensata Technologies... Parmi les autres distributeurs, citons Audin, BFI Optilas, C2AI, Citec, Conrad, CRF, Dimelco, Mesureur, Prosensor, RS, RIO Instruments, Sensel Measurement…

Quels que soient le secteur industriel et l'application (procédés ou manufacturiers), quel que soit le type de cellule de mesure (cellule capacitive céramique, cellule piézorésistive, résonateur, jauges de contrainte collées, cellule à couche mince métallique…), l'un des critères communs à tous les capteurs et transmetteurs de pression est la stabilité à long terme.

Vega Wika Invensys Yokogawa GE Sensing

La stabilité est un critère incontournable

« Pour le client, le choix de la technologie n'est plus vraiment son souci, c'est passé de mode.A une époque, il s'agissait en fait plutôt pour un fournisseur d'essayer d'écarter un éventuel concurrent qui ne proposait qu'une seule technologie, différente de la sienne »,constate toutefois Sandrine Guychard, chef de produits Mesure de pression et Débit au sein de l'activité Analyse et Instrumentation d'ABB France. Lors de l'achat de capteurs ou de transmetteurs de pression, les utilisateurs doivent aujourd'hui se poser les bonnes questions. Bien sûr, on retrouve les points à soulever traditionnels pour le process et le manufacturier: la nature du fluide, l'étendue de mesure, la précision (qui détermine le prix), la connexion électrique et les types de signal de sortie et/ ou d'interface de communication, le raccord process et les aspects mécaniques, l'environnement de l'application, à savoir le point de piquage, l'encombrement, ce qui déterminera également les agréments à respecter (zone explosible, agroalimentaire, nucléaire…).

Dans le cas des mesures de pression, il y a un paramètre sur lequel la grande majorité des fabricants est revenue dessus: la stabilité à long terme. « Si une précision élevée n'est pas forcément recherchée par les utilisateurs,la stabilité est, elle, un critère très important. C'est d'ailleurs notre cheval de bataille, insiste Frédéric Gerber (Yokogawa France). Les industriels veulent un process reproductible, que ce soit toujours la même valeur même si elle n'est pas juste. »Etuntrans-metteur présentant une stabilité à long terme élevée simplifiera également la maintenance. Même si tous les fabricants s'accordent dans l'ensemble sur les différents points cités précédemment, certains d'entre eux insistent plus particulièrement sur certains critères.

« Des utilisateurs pensent que la précision est donnée pour toute l'échelle de mesure et quelle que soit la température. Ce qui est faux, car la précision et la stabilité et la température ne vont pas l'un sans l'autre », indique Jérôme Ignacio (GE Measurement & Control Solutions). Pour Delphine Kson, chef de produits chez Wika Instruments, « la précision d'un transmetteur de pression est quelque chose d'évolutif et qui est valorisée différemment selon le fabricant. Si des normes encadrent bien cette notion pour les manomètres, la situation est en effet plus floue pour les transmetteurs, sachant qu'il y a plusieurs façons d'exprimer la précision. »

Les développements des constructeurs ont avant tout sur la partie électronique des transmetteurs de pression. Il s'agissait d'affiner les algorithmes de traitement de signal, de rendre multivariables les appareils, d'intégrer des informations de diagnostic et des interfaces de communication numérique.

Siemens

Les sociétés comme Baumer, ifm electronic et Invensys pensent également au type d'information que l'utilisateur veut disposer et sous quelle forme: « est-ce qu'il s'agit, en sortie, de mettre en place une régulation, à savoir de contrôler un ou plusieurs seuils, ou de réaliser des mesures ? Et, dans ce cas, faut-il ou non un afficheur en plus de connaître le ou les types de sortie ? La présence d'un afficheur a en effet un impact important sur le coût d'un transmetteur de quelques centaines d'euros », explique Claude Perruisset (ifm electronic France). «Pour certaines applications,il est par ailleurs important que le transmetteur de pression dispose de différentes “rangeabilités”, par exemple 20: 1 ou alors 100: 1 [la rangeabilité est le rapport entre la plus grande échelle et la plus petite que l'on puisse régler, NDR] » , ajoute Pascal Dupont (Invensys Systems France). Et enfin n'oublions pas que certains capteurs peuvent se retrouver dans des conditions toutes particulières. « Beaucoup de nos capteurs se retrouvent immergés pour des applications de traitement de l'eau ou de surveillance des filtres d'entrée de refroidissement dans les centrales nucléaires, où les contraintes sont nombreuses », renchérit Gérard Demeulenaere (Baumer).

Une autre particularité de la mesure de pression porte sur l'utilisation de séparateurs. Le rôle d'un séparateur est de protéger la cellule de mesure vis-à-vis du fluide et/ou de l'environnement. C'est d'ailleurs un élément différenciateur pour les sociétés fabriquant elles-mêmes leurs capteurs et leurs séparateurs. « D'une manière générale, c'est toujours le procédé qui dicte les choix. Par exemple, lorsque la température d'un process se situe au-delà de +200 °C et jusqu'à +400 °C, on est obligé de déporter le capteur en utilisant un séparateur. Avec des cellules de mesure céramique (plage de température supportée allant de - 40 à +150 °C) et métallique (-40 à +200 °C), le risque est l'ébullition du fluide tampon », explique Luc Heusch (VegaTechnique).

Choisir à bon escient les séparateurs

Les hautes températures ne sont pas les seuls cas où un séparateur s'impose,les utilisateurs pouvant être confrontés à des produits agressifs, colmantants ou des surpressions incompatibles avec les cellules disponibles sur le marché. La mise en œuvre d'un séparateur pose néanmoins quelques inconvénients, à commencer par le type de matériau de la membrane en contact avec le produit à contrôler et le type du fluide de transmission. Le fait d'intercaler un élément supplémentaire entre le produit et la cellule de mesure s'accompagne forcément d'une incidence à la hausse sur le temps de réponse et la précision. Comme le dit Claude Schelcher (Endress+Hauser France), on trouve toujours une solution pour monter un capteur… même immergé à une profondeur de 400 m. « Si tant est que l'on respecte bien les règles de l'art: ne pas

monter directement un transmetteur sur de la vapeur mais via un manifold, une queue-de-cochon (un siphon), un système en U, etc. », ajoute Pascal Dupont (Invensys Systems France).

Comme on peut le voir, le choix d'une solution de mesure de pression peut vite devenir une étape complexe, ce qui fait dire à Sandrine Guychard (ABB France) que « la banalisation de la mesure de pression fait que les clients mettent de plus en plus des capteurs mais la somme des exigences des applications fait que les modèles d'entrée de gamme ne tiennent pas ces contraintes. » Pour la société helvético-suédoise, les clients se posent les mauvaises questions lorsqu'ils mettent comme priorité le prix et les délais. « Banalisé ne signifie en effet pas forcément sur étagère », poursuit-elle. Les sociétés françaises et celles qui ont une usine sur le territoire hexagonal avancent évidemment d'autres arguments.

« L'un de nos points forts est la réactivité de notre usine de production située à Clermont-Ferrand. Nous pouvons ainsi garantir des délais de livraison très courts, même pour des quantités très importantes grâce à une planification et un stockage de sous-ensembles. Les services associés (étude de faisabilité avec gestion de l'obsolescence, étalonnage, réparation…) sont également importants dans les critères de choix », explique Jos Lamesch (Fuji Electric France).Toujours en ce qui concerne le prix, il ne faut pas oublier de prendre en compte les aspects de coût d'exploitation et de ROI qui dépendent de la fréquence des étalonnages, de la possibilité de configuration en local sans pocket, etc.

Nous avons vu en début de cet article les évolutions “économiques” que le marché de la mesure de pression a connu ces dernières années. Mais qu'en est-il des améliorations techniques apportées aux capteurs et transmetteurs sur la même période? Comme les principes de mesure sont depuis fort longtemps connus et maîtrisés, les principaux développements réalisés par les fabricants portent avant tout sur la partie électronique. Ce n'est pas étonnant puisque les améliorations interviennent à plusieurs niveaux. Il s'agit d'abord d'affiner les algorithmes de traitement de signal et d'intégrer les technologies récentes afin de réduire encore la précision, le temps de réponse, etc. « En une vingtaine d'années,le standard de précision est passé de 1 % à 0,5 voire 0,25 %, ce qui passe par l'amélioration de l'électronique mais aussi des technologies de fabrication des cellules de mesure », explique Michel Schmidt (Jumo Régulation). L'objectif est également de rendre multiva-riables les transmetteurs de process (en plus de la simple mesure de température déjà mise en œuvre) mais aussi de rendre dispo-nibles des fonctions de diagnostic. « ChezVega, nous avons doté nos transmetteurs d'un“mouchard” pour la température,d'un enregistreur d'événements, etc. L'historique qui pouvait exister auparavant au niveau de la supervision se fait désormais dans les capteurs », constate Luc Heusch (VegaTechnique).

L'une des évolutions initiées déjà depuis pas mal d'années est la réduction de la taille des capteurs de pression, grâce notamment à la miniaturisation de l'électronique, aux technologies Mems.

Baumer

Al'instar des appareils multivariables qui réduisent le nombre de points de piquage, les évolutions au niveau de l'électronique permettent par ailleurs de simplifier la vie des opérateurs. Cela se traduit par exemple par des interfaces utilisateurs plus conviviales et plus complètes (support de NAMUR NE107, configuration simplifiée à l'extrême avec la Memory Plug d'ifm electronic…), par la présence d'interfaces de communication comme IO-Link ou le sans-fil (ISA100.11a ouWirelessHart) et le support des protocoles Hart, Profibus, Fieldbus Foundation, Modbus, CANbus qui simplifient encore la connexion avec les automates et l'utilisation des informations de diagnostic. « IO-Link était jusque-là mis en œuvre en automatisation et, maintenant, le standard se rencontre aussi dans la mesure grâce à son côté Plug & Play, une utilisation plus simple que celle de Profibus PA, etc. », rappelle Gérard Demeulenaere (Baumer).A noter que l'intégration d'interfaces sans fil s'accompagne du développement d'une électronique basse consommation et de batteries de nouvelle génération afin de bénéficier d'une autonomie en adéquation avec les exigences d'applications éloignées de la moindre source de courant.

Des améliorations à tous les niveaux

En dehors de la partie électronique, on constate quand même quelques nouveautés: des systèmes simplifiant les connexions électriques ou la possibilité de programmer un transmetteur d'ABB sans pocket grâce à la technologie Through-The-Glass (TTG), mais aussi l'utilisation de nouveaux matériaux pour accroître la tenue en température, par exemple, et plus généralement la robustesse des capteurs. « Les industriels veulent mieux connaître l'origine des matériaux, ce qui impose notamment un contrôle plus important de la partie documentation (certificat matière, contrôle PMI [ Positive Material Identification, NDR])», indique d'ailleurs Jos Lamesch (Fuji Electric France). Pour Frédéric Gerber (Yokogawa France), « la tendance est d'aller vers des appareils fiables non seulement d'un point de vue mécanique mais aussi métrologique, et vers des appareils polyvalents que l'on pourrait qualifier de “tout terrain” et pour lesquels aucune personnalisation à l'environnement n'est nécessaire. » Autre évolution, la taille des capteurs de pression tend surtout à réduire. Cette tendance qui est la conséquence de la miniaturisation de l'électronique,des cellules de mesure grâce notamment aux technologies Mems ( Micro-electro-mechanical systems ou microsystèmes électromécaniques). Les fabricants ont par ailleurs profité des évolutions technologiques pour améliorer leurs procédés de production, ce qui a pour conséquence la réduction des coûts et aussi une homogénéisation de leurs transmetteurs.

Copy link
Powered by Social Snap