Les capteurs de déplacement

Le 22/11/2016 à 13:30

Q u'il s'agisse de robotique, de machines-outils, de véhicules, ou même de contrôle de produits, la mesure de position, et par extension la mesure de déplacement, ont leur place dans des applications très variées à travers tous les secteurs de l'industrie. Pour effectuer ce type de détections ou de mesures, il existe une grande diversité de produits. Alors comment s'y retrouver ?

D'un fabricant à l'autre, les terminologies peuvent déjà varier. Certains parlent de capteurs de déplacement plutôt que de capteurs de position. « Que ce soit une mesure de position relative, absolue ou d'un déplacement,il s'agit toujours d'une mesure de distance en une dimension.C'est le traitement de la donnée qui fait la différence », résume Cédric Jouan, responsable du service technique de Keyence. « La finalité est la même,mais les technologies sont différentes », ajoute Jacques Apaloo, responsable produits en charge de ce type de capteurs chez Baumer. Le périmètre d'applications de chacune des technologies du marché est relativement clair. Chacune présente en effet des avantages et des inconvénients bien définis, ainsi les différents systèmes de mesure et de détection se complètent plus qu'ils ne se concurrencent. En fonction de l'environnement de l'application, de la portée nécessaire et de la précision souhaitée, la meilleure option se démarque naturellement.

Une large gamme de lasers

Les capteurs laser sont les plus courants parmi les systèmes sans contact. Ils mettent en jeu deux technologies différentes. « La technologie à temps de vol permet d'atteindre des portées jusqu'à environ 10 mètres »,précise JacquesApaloo.Cette méthode consiste à envoyer de courtes impulsions à l'aide d'une diode laser vers l'élément à détecter. Ce signal est réfléchi par l'objet, en direction d'un capteur. La mesure du délai entre l'émission et la réception permet alors de déduire la distance.L'autre technique employée est la triangulation. « Elle représente la grande majorité des capteurs de déplacement sans contact, et couvre 99 % des besoins de l'industrie », estime Christy Arokianathan, responsable marketing chez Keyence. Cette technologie consiste également à envoyer un signal laser vers l'objet. Mais, ici, le signal est réfléchi vers le capteur sous un angle différent. C'est alors en fonction de l'endroit du capteur où est reçu le signal que l'on calcule la position de l'objet. « Les capteurs à triangulation vont difficilement au-delà de 2 m, indique Florent Poitrine, en charge des produits de mesure et identification chez Sick. Pour aller plus loin,il faudrait des capteurs plus gros pour être suffisamment précis. On passe donc plutôt sur la technologie à temps de vol pour les distances plus importantes ».

Des capteurs plus communicants

Les modes de communication des capteurs évoluent. « Les simples sorties analogiques sont désormais complétées par des liaisons séries,qui permettent de régler le capteur à distance,ou de le brancher à un automate sans passer par une carte d'entrée analogique », décrit Jacques Apaloo, responsable produits en charge de ce type de capteurs chez Baumer. Résultat : des connexions plus simples en termes de câblage et moins coûteuses.

Certains produits sont dotés de connexions Ethernet, pour une liaison directe aux réseaux IP, Profinet ou EtherCAT. « Ethernet permet de communiquer beaucoup plus qu'une simple mesure, commente Antoine Lavaux, responsable produits codeurs et transmission chez Sick. On peut transmettre également le nombre de cycles,paramétrer le capteur,ou le programmer via un serveur web embarqué. » Cette avancée vers le «big data» vise à augmenter la flexibilité des machines et à faciliter la maintenance préventive.

Le standard IO-Link gagne également le marché ( voir Mesures n°864 ), permettant lui aussi la programmation à distance. Chaque fabricant implémente alors les fonctions qu'il souhaite, comme la possibilité d'obtenir des informations sur la température ou l'encrassement du capteur, ou de le régler à distance. Toutefois, « de nombreuses applications ne nécessitent pas l'obtention d'une mesure, mais simplement un jugement global , observe Christy Arokianathan, responsable marketing chez Keyence. Dans ces cas-là,une simple sortie Tout ou Rien (TOR), 0 ou 24 V,est suffisante ».

Multiplier les points de mesure sur les détecteurs laser permet d'obtenir des résultats plus stables, notamment sur les surfaces de texture non uniforme.

Baumer

La précision nécessaire oriente égale-ment le choix du capteur. « Souvent, elle est liée à la distance », explique Florent Poitrine. Un système sans contact est d'autant moins précis que l'objet à détecter est éloigné. Ainsi, « on ne peut pas aller très loin si l'on a besoin d'une grande précision. On ne va pas mesurer à 5 m un déplacement de 3 microns, par exemple », ajoute-t-il. La précision dépend aussi des divers éléments mécaniques du système : tout ne repose pas sur les capteurs, et l'environnement machine ne permet pas toujours d'obtenir la précision souhaitée. Des vibrations, par exemple, représentent une contrainte importante qui limite la précision de la mesure. « Réaliser une application de précision est très loin d'être simple. Les demandes initiales sont souvent irréalistes », résume Antoine Lavaux, responsable produits codeurs et transmission chez Sick.

Chez un même fabricant, les différentes gammes peuvent proposer une précision variable. « Du millimètre au micron, les prix varient du simple au quintuple », précise Cédric Jouan (Keyence). Ce paramètre est notamment lié à la fréquence d'échantillonnage. Celle-ci est importante selon que l'on souhaite mesurer une distance statique ou dynamique. « Cela s'applique à la mesure de phénomènes transitoires ou vibratoires, ou pour obtenir une meilleure stabilité sur une pièce qui oscille. Dans notre gamme, elle peut varier entre 1 et 392 kHz », explique Cédric Jouan. Une fréquence importante peut servir,par exemple,à analyser et régler la régularité de la plage de déplacement d'un piston, ou encore à mesurer la hauteur de pièces défilant sur un tapis. Mais la fréquence d'échantillonnage peut aussi influer sur la précision. Plus on échantillonne rapide-

Les systèmes avec palpeurs reposent généralement sur une technologie magnétique, comme les LVDT. Mais il existe des variantes qui utilisent des mesures optiques.

Keyence

Suite de la page 57

ment, plus on peut moyenner la mesure, et donc obtenir statistiquement des précisions plus importantes. En effet, une seule mesure est moins précise que la moyenne de 100 mesures successives.

De nombreux paramètres extérieurs peuvent par ailleurs influencer la précision des capteurs. La technologie laser peut notamment être mise en difficulté lorsqu'elle est confrontée à certaines surfaces. Des objets usinés, par exemple, peuvent présenter des marques qui détériorent le signal. Pour pallier ce type d'inconvénient, il est possible d'utiliser des émetteurs de formes différentes: une petite ligne plutôt qu'un point peut surmonter ces obstacles. Les variations des conditions environnementales, comme la température ou l'humidité relative, affectent les pièces à mesurer, mais également les capteurs eux-mêmes. « Il y a une dérive en température du matériel électronique. Les composants ont des caractéristiques variables, cela influence la capacité de mesure, et donc la précision finale », prévient Antoine Lavaux (Sick). Bien sûr, les systèmes optiques dans leur ensemble sont également influencés par la présence de poussières, de fumées, voire de la pluie pour une application en extérieur. « Mettre en place un système de positionnement automatique en extérieur sera très compliqué avec un capteur optique, prévient Antoine Lavaux. Il sera trop affecté par le brouillard, la pluie ou la neige. Malgré les contraintes de montage, on lui préférera par exemple un capteur à câble ou une technologie avec une tête mobile embarquée et une référence passive ».

Le laser passe en trois dimensions

Les capteurs laser permettent de réaliser facilement des applications de profilométrie, à partir d'une matrice linéaire.

« Si plusieurs mesures simultanées sont nécessaires,ce type de capteurs peut être utilisé plutôt que d'installer plusieurs têtes simples, explique Cédric Jouan, responsable du service technique de Keyence. Un profilomètre permet de faire plusieurs mesures sur une même pièce. » Lorsque l'on déplace le capteur par rapport à la pièce, ou que celle-ci défile sous le faisceau laser, il est même possible de reconstituer la forme de la pièce en trois dimensions (3D). Ces systèmes impliquent des progrès en termes de traitement d'image : « Il y a des évolutions importantes sur les processeurs et les algorithmes.Nous savons traiter des images de 21 mégapixels en quelques dizaines de millisecondes », ajoute-t-il.

Traitement des données embarqué

Au fil des années, les capteurs laser s'améliorent. « En triangulation,la technologie est éprouvée, elle évolue peu, indique Florent Poitrine (Sick). Cependant, on miniaturise de plus en plus les têtes de capteurs. » La technologie à temps de vol, elle, gagne en distance, avec des portées jusqu'à 1,5km. Mais l'évolution de ces différents types de capteurs se joue surtout du point de vue des technologies qu'ils embarquent: « Il n'est plus forcément nécessaire d'utiliser un système complexe avec des logiciels sur PC pour obtenir des résultats », explique Jacques Apaloo (Baumer).

L'intelligence embarquée permet d'implémenter de nouvelles fonctions, notamment le traitement des données, en calculant par exemple un maximum ou un minimum. « On sait aujourd'hui intégrer deux distances consécutives pour obtenir une vitesse, voire une accélération », détaille Cédric Jouan (Keyence). Le temps de calcul, quant à lui, diminue. Un paramètre important, souligne Antoine Lavaux (Sick): « Le temps de réponse est directement lié à la qualité du positionnement final. Si le capteur est trop long à traiter une information concernant un élément mobile, celui-ci se sera déplacé entre la mesure et le résultat ».

D'autres technologies sans contact, complémentaires au laser, peuvent prendre le relais dans les situations où le laser ne convient pas. C'est le cas des capteurs confocaux, caractérisés par une très grande précision. « Mais ils sont donc sensibles aux vibrations et ne s'utilisent que sur des faibles distances, de 6 à 30 mm », précise Antoine Lavaux. Mais ils conviennent aux applications nécessitant une précision au-delà du micron. Leur principe de fonctionnement est le suivant : ils émettent une lumière blanche, décomposée par un jeu de lentilles en une série de longueurs d'onde monochromatiques. L'objet visé ne renvoie qu'une seule de ces longueurs d'onde vers le capteur. L'analyse de celle-ci permet de déduire la distance de l'objet, et donc éventuellement son déplacement.

ment son déplacement. ans certains cas, où les systèmes op-iques sont inutilisables, les capteurs à ltrasons peuvent fonctionner. Ils mettent un signal réfléchi par la sur-ace à détecter. De la même manière que our les capteurs laser à temps de vol, a distance est déduite du temps que et l'écho à revenir vers le capteur. es ultrasons n'offrent une précision ue de l'ordre du millimètre, mais sont incompatible avec un système optique. « Les détecteurs à ultrasons sont plus chers que l'optique », note Jacques Apaloo (Baumer). On choisit cette technologie en fonction de la matière : elle fonctionne sur du liquide ou un objet translucide, mais n'est pas sensible à la couleur. Le radar présente les mêmes avantages, avec toutefois des qualités supplémentaires: « Les portées sont plus longues, jusqu'à 40 m, et il est moins sensible aux courants d'air et à la température que les ultrasons », précise Jacques Apaloo.

Les capteurs magnétiques permettent une grande précision sur des distances importantes. Mais ils sont sensibles à l'environnement électromagnétique.

Enfin, les capteurs inductifs de proximité peuvent effectuer des mesures à courte distance, de l'ordre de la dizaine de millimètres, sur des pièces métalliques. Leur précision peut atteindre le dixième de millimètre. « Ils peuvent servir à positionner une pièce métallique avant usinage, ou vérifier son épaisseur », précise Antoine Lavaux (Sick). « Sur ces produits, comme sur les radars et les capteurs à ultrasons, nous disposons d'une fonction de réglage sans pièce mobile », note Jacques Apaloo (Baumer). Un système qui évite les problèmes mécaniques liés à l'usure, la plage de mesure étant définie à l'aide d'un objet ferromagnétique, comme un tournevis.

Sur des machines-outils de grande envergure, il est possible qu'une précision importante soit nécessaire sur de longues distances. On trouve ce genre de besoins lorsqu'il s'agit par exemple de percer ou de fraiser de grandes pièces métalliques. La solu-tion dans ce cas de figure se situe plutôt du côté des systèmes tels que les règles de mesure. Ici, la pièce est en contact avec le capteur. Ces règles peuvent être optiques ou magnétiques. Dans le premier cas, plusieurs techniques existent, mais le principe de fonctionnement consiste à éclairer une règle en verre gravée et à récupérer le signal à l'aide d'une diode photoréceptrice. « Ces systèmes sont très bons en précision et en résolution , argumente Philippe Lombard, gérant du distributeur Axom. Mais ils sont fragiles : sur des systèmes soumis à des chocs importants,ils seront détruits.Attention également aux projections d'huile, qui impliquent une maintenance régulière ».

Des systèmes magnétiques à toutes les échelles

Pour les règles magnétiques, on assemble différents tronçons dans lesquels on place une bande magnétique.

Une tête de mesure est embarquée sur l'élément mobile, en contact avec l'objet à suivre. On peut ainsi effectuer des détections sur plusieurs dizaines de mètres avec une grande précision. Il y a toutefois un inconvénient: « Il faut éviter de les installer dans une zone soumise à des champs magnétiques importants », prévient Philippe Lombard. Optiques ou magnétiques, les règles évoluent vers des tech-nologies absolues, qui remplacent les systèmes incrémentaux. Chaque position y est codée de façon unique, ainsi, en cas de rupture de l'alimentation, la mesure n'est pas perdue.

La triangulation est le système optique le plus répandu. Il offre une bonne précision, mais sa portée est limitée. Au-delà de 2 mètres, c'est la mesure par temps de vol qui prend le relais.

Micro-Epsilon

Les capteurs de déplacement embarquent de plus en plus d'intelligence pour un traitement rapide des données et offrent de nouveaux systèmes de communication, comme des interfaces Ethernet.

Sick

Les capteurs potentiométriques ou magnétostrictifs sont, eux, des technologies anciennes et stables. Les potentiomètres consistent à déplacer un curseur le long d'une piste, faisant varier la résistance. Ce sont des capteurs peu chers, mais le contact à l'intérieur engendre de l'usure. « Le choix de ce système plutôt que d'un capteur optique dépend de l'environnement, notamment de la présence de poussière », précise Philippe Lombard. Sur les capteurs magnétostrictifs, la distance est mesurée par l'interaction de deux champs magnétiques. Ces appareils sont eux aussi peu sensibles à l'environnement. Il en existe des versions programmables : « Leur précision est relative à l'ensemble de la course.On peut donc l'améliorer en réduisant la plage de mesure », indique Philippe Lombard.

Les capteurs LVDT sont des palpeurs mécaniques, dont la mesure est effectuée par un système magnétique. Là aussi, il s'agit d'une technologie robuste et mature, qui évolue peu. Il existe toutefois des variantes de ce type de capteurs: c'est le principe de la série GT2 de Keyence, où le système magnétique est remplacé par de l'optique. « Au lieu d'un noyau en fer qui circule dans un aimant, on utilise des Led qui éclairent une règle graduée. Un capteur optique permet de voir la distance mesurée , explique Christy Arokianathan (Keyence). L'avantage de ces capteurs est qu'ils ne dérivent pas comme les systèmes magnétiques. Et ils restent compatibles avec les zones difficiles,exposées à l'huile ou à la poussière. » Les palpeurs présentent également l'intérêt d'être peu sensibles à la rugosité ou aux traits de coupe, contrairement au laser, par exemple. « Si la surface présente des écarts de quelques microns, cela peut être gênant. Mais pas pour la bille du palpeur, qui s'arrête toujours au sommet des bosses », précise-t-il.

S Les capteurs à câble peuvent s'installer sur des machines : ces systèmes robustes sont peu sensibles à l'environnement.

Sick

En logistique, pour le positionnement d'une partie mobile sur un véhicule, sur des systèmes comme les ponts roulants, ou encore pour le découpage en scierie, les codeurs à câble sont une technologie intéressante. À mesure que le câble se déroule, il fait tourner un tambour équipé d'un codeur rotatif, qui permet de mesurer une distance. « Ces capteurs sont très simples d'installation,il suffit d'atta-cher un boîtier de part et d'autre, explique Philippe Lombard (Axom). Ils permettent de viser une précision de l'ordre du dixième de millimètre. » PourAntoine Lavaux (Sick), « ils présentent un très bon ratio entre performances et prix ». Bien sûr, le câble peut être une contrainte, mais, en contrepartie, ces systèmes ne souffrent pas des vibrations, du soleil ou de la poussière. « Même la température n'a qu'une faible influence, continue Antoine Lavaux. Les capteurs à câble sont indépendants de l'environnement et permettent d'effectuer des mesures sur plusieurs dizaines de mètres ». Quelle que soit l'application, « il faut être conscient du fait que,si l'on veut une précision finale de l'ordre du dixième de millimètre, le moyen de mesure doit être précis au centième », prévientAntoine Lavaux. Quant au choix de la technologie, « il est défini par l'application », résume Philippe Lombard (Axom). Les contraintes physiques, la vitesse, l'amplitude de mesure, les chocs ou les poussières sont autant de critères permettant de s'orienter vers un système plus ou moins fragile, plus ou moins précis, plus ou moins cher. Les différents types de capteurs ne jouent pas sur les mêmes terrains.

Copy link
Powered by Social Snap