Les spectromètres infrarouges à transformée de Fourier

Le 01/12/2015 à 13:30

Q u'ils soient d'origine naturelle ou produits par synthèse, les composés organiques, à savoir des molécules composées d'au moins deux éléments chimiques dont l'un est le carbone, sont à la base d'une quasi-infinité de produits que tout un chacun utilise ou consomme tous les jours. On comprend aisément qu'être capable de caractériser, d'identifier, de vérifier la composition et la qualité de tous ces produits est indispensable, voire essentiel pour les industriels de la chimie, des polymères, de la pharmaceutique, de l'agroalimentaire, des matériaux. Et même au-delà, pour les laboratoires de recherche et l'enseignement. Il existe un large éventail de techniques analytiques disponibles pour tous ces utilisateurs. Parmi celles mises en œuvre en laboratoire, la spectroscopie infrarouge, et plus particulièrement la spectrométrie infrarouge à transformée de Fourier (IR-TF ou FTIR pour Fourier Transform Infrared ), occupe une place de choix. Avant de s'immerger dans cette spectroscopie infrarouge, il est utile de rap-peler quelques fondamentaux.Première particularité, lorsque l'on parle de gamme spectrale, on fait plus souvent référence au nombre d'ondes d'un rayonnement qu'à sa fréquence ou sa longueur d'onde. « Le nombre d'ondes , qui représente le nombre d'oscillations de l'onde par unité de longueur, est défini de la manière suivante : =1/ ,avec qui est la longueur d'onde dans le vide exprimée en cm.Une gamme spectrale de 400 à 4 000 cm -1 pour un spectromètre FTIR correspond ainsi à

On distingue les spectromètres FTIR de laboratoire (très) haut de gamme destinés aux applications de R&D, voire de recherche académique, des appareils conçus pour les opérations d'analyse de routine. Il s'agit d'analyses réalisées au sein des laboratoires de contrôle qualité industriels ou des organismes de règlementation et de détection des fraudes.

une gamme de 2 500 à 25 000 nm en longueur d'onde.C'est aussi une manière de simplifier l'écriture des fréquences », explique Fabien Daurangeon, spécialiste produits Spectroscopie UV/Visible, NIR/FTIR, SAA et ICP chez Shimadzu France. Si l'on applique cette écriture à la région infrarouge du spectre électromagnétique (de 780 nm à 1 000 µm), on obtient les valeurs suivantes: 12 800 à 4000 cm -1 pour le proche infrarouge ( Near Infrared ou NIR), 4000 à 200cm -1 pour l'infrarouge moyen ( Middle Infrared ou MIR) et 200 à 10cm -1 pour l'infrarouge lointain.

Si les applications de la spectroscopie infrarouge sont très étendues (identification de composés organiques, analyses qualitatives et quantitatives, etc.), c'est que le spectre d'un composé organique représente l'une de ses propriétés physiques caractéristiques et que deux substances ne possèdent donc jamais de spectres identiques, exceptés les isomères optiques. Petit paragraphe théorique: l'absorption infrarouge est confinée principalement à des transitions moléculaires de type vibrationnel et rotationnel. Pour qu'une molécule puisse absorber un rayonnement infrarouge, elle doit subir une modification de son moment dipolaire, lors d'un mouvement vibrationnel ou rotationnel. Ce n'est que sous cette condition que le champ alternatif du rayonnement interagira avec la molécule et provoquera un changement d'amplitude du mouvement considéré.« Les molécules diatomiques homopolaires, telles que l'O2 ,le H 2 ,leN 2 ,leCl 2 ,nesubissent pas de variation de moment dipolaire lors de leur vibration ou de leur rotation. Elles ne peuvent donc pas absorber dans l'infrarouge. Cette non-absorption dans le spectre infrarouge est également le cas pour les métaux, mais cette fois en raison de l'absence de liaisons carbone », précise Patrick Bernard-Moulin, chef de produits Proche infrarouge chez Thermo Scientific France.

Parmi les techniques mises en œuvre en laboratoire, la spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier occupe une place de choix. Elle est en effet utilisée dans les secteurs de la chimie (chimie des polymères, recherche de contaminants, étude de polymères, analyse de films multicouches et d'emballage), de la pharmaceutique (identification de matières premières), des matériaux (étude de nouveaux matériaux), etc.

Une application typique : les polymères

Au vu des possibilités que propose la spectrométrie FTIR en termes de composés, de substances, de molécules analysables, on comprend aisément que les applications sont à l'avenant. « On re-trouve les principales applications dans les secteurs de la chimie (spectrométrie de la chimie des polymères, recherche de contaminants, identification des produits inconnus, étude de polymères, analyse de films multicouches et d'emballage),de la pharmaceutique (identification de matières premières), des matériaux (étude de nouveaux matériaux) », énumèreAlexandre Michelet, Line Leader Materials Characterization chez PerkinElmer France. Ce que confirme Patrick Bernard-Moulin (Thermo Scientific France) en ajoutant d'ailleurs: « On découvre des applications en développe-ment,telles que les nouveaux matériaux (graphène, nanomatériaux) et l'imagerie, notamment avec des applications haut de gamme, de niche, dans les domaines de la biologie et des sciences de la vie.»

Les spectromètres FTIR peuvent par ailleurs être rangés d'une autre manière, selon deux catégories différentes. On peut distinguer d'une part les modèles (très) haut de gamme destinés aux applications de R&D, voire de recherche académique: le suivi en temps réel et l'optimisation d'une synthèse chimique, le reverse engineering du matériau d'un packaging (veille technologique), pour ne citer que deux exemples. De l'autre côté du «spectre» des applications, on trouve les appareils conçus pour les opérations d'analyse de routine. « Il s'agit d'analyses réalisées au sein des laboratoires de contrôle qualité industriels, pour la vérification de matières premières à réception ou le contrôle de gaz industriels, ou encore au sein des organismes de réglementation et de détection des fraudes (détection de contrefaçons en agroalimentaire,de drogues ou explosifs en police scientifique) », indique Frédéric Despagne, Industry Manager Life Sciences and Specialty Chemicals chez ABB Measurement Products. « Les applications qualitatives sont majoritairement de l'identification en contrôle qualité, tandis que les analyses quantitatives concernent principalement les gaz (dans le cadre de normes de toxicité, par exemple) et les applications agroalimentaires, comme le vin », ajoute Patrick Bernard-Moulin (Thermo Scientific France).Et Fabien Daurangeon (Shimadzu France) de renchérir: « La technologie de la spectrométrie FTIR est tellement courante que son enseignement est même obligatoire dans des cursus de BTS et de DUT, voire au niveau du lycée.» Il n'est donc pas très étonnant que le marché de la spectrométrie FTIR était de l'ordre de quelques millions d'euros il y a deux, trois ans en France –les rares chiffres auxquels nous avons eu accès s'étendent entre 2 et 8 Me – et de l'ordre de 300Me au niveau mondial. Pour ceux qui seraient intéressés pour en savoir plus, le Comité interprofessionnel des fournisseurs du laboratoire (CIFL) dispose, pour la France en tout cas, de chiffres plus précis compilés à partir des résultats de ses adhérents.

Les atouts de la spectrométrie FTIR résident dans la robustesse et la flexibilité des appareils (détermination de l'identification, de la composition ou des défauts dans un échantillon, quantification d'un échantillon). Cette technique ne détruit pas le produit et ne nécessite aucune préparation.

Un marché français plutôt stable

Si l'on reste sur le marché français,après avoir connu une hausse jusqu'en 2009/2010, qui furent d'ailleurs les années où il a atteint son plus haut niveau, le marché connaît depuis lors une légère baisse. « Je vois deux raisons à cette situation.2009 fut d'abord une année de crise économique, caractérisée par une relance gouvernementale via des surinvestissements publics,notamment pour l'infrarouge.La deuxième raison est liée à un certain effritement de l'industrialisation en France, effritement qui se ressent sur le nombre de spectromètres vendus », explique Grégory Candor, responsable produits IRTF-Raman chez Bruker Optics France. La majorité des fabricants interrogés s'accordent sur le fait que le marché français est globalement stable. « En spectrométrie, il s'agit principalement d'un marché de remplacement ; en microscopie et imagerie, c'est un marché en expansion » , résume Alexandre Michelet (PerkinElmer France).

Même constat d'ailleurs au niveau mondial, si l'on prend en compte les spectromètres et les microscopes, avec une croissance de 3 à 5 % ces dernières années, mais une progression inférieure à celle d'autres techniques de spectroscopie moléculaire. « On constate une baisse des parts de marche de la spectrométrie FTIR pour certaines applications, en raison de la compétition des appareils portables, basés sur la technologie Mems, et de technique Raman. Mais, dans le même temps,l'usage des spectromètres FTIR se généralise dans certains laboratoires,grâce à l'effort de simplification des échantillonnages, des logiciels », poursuit Frédéric Despagne (ABB). Le fait que la spectrométrie FTIR soit une technologie mature doit également contribuer à la certaine «stabilité» du nombre des acteurs présents sur le marché.

On retrouve ainsi (par ordre alphabétique) l'helvético-suédoisABB, les américains Agilent Technologies et Bruker, le japonais Jasco, l'américain PerkinElmer, le japonais Shimadzu, l'américain Thermo Scientific… Les lecteurs de Mesures pourraient être étonnés de voir ABB parmi les fabricants de spectromètres de laboratoire. « Même s'il ne s'agit pas de notre cœur d'activité, qui est avant tout orienté vers les procédés, le rachat de Bomem par Hartman & Braun ( la société intégrera ABB neuf ans plus tard via le rachat d'Elsag Bailey, ndlr ) en 1990 nous a donné accès à la technologie d'interférométrie. Nos spectromètres FTIR, développés au Québec,sont également destinés au laboratoire, ces modèles étant commercialisés sur le marché français via un partenaire (Envicontrol) », explique Cyrille Nolot, directeur de la LBU Measurement and Analytics de la division Process Automation d'ABB France.

ATG : analyse thermogravimétrique.ATR : Attenuated Total Reflectance. DLaTGS : Deuterated and L-alanine-Doped Triglycine Sulfate. DTGS : Deuterated Triglycine Sulfate. GC : chromatographie en phase gazeuse. FO : fibre optique. MCT : Mercure Cadmium Tellure. MIR : infrarouge moyen. NIR : proche infrarouge. S/B : rapport signal sur bruit. typ.: typique. (1) Le modèle Cary 630 est également distribué par Fondis Bioritech. (2) Jusqu'à 50 000: 1 pic à pic en 1 min.

ATG : analyse thermogravimétrique.ATR : Attenuated Total Reflectance. DLaTGS : Deuterated and L-alanine-Doped Triglycine Sulfate. DTGS : Deuterated Triglycine Sulfate. GC : chromatographie en phase gazeuse. FO : fibre optique. MCT : Mercure Cadmium Tellure. MIR : infrarouge moyen. NIR : proche infrarouge. S/B : rapport signal sur bruit. typ.: typique. (3) 15 000 à 2 200 cm -1 ou 5 000 à 2 20 cm -1 en option (4) 25 000 à 10 cm -1 en option.

ATG : analyse thermogravimétrique.ATR : Attenuated Total Reflectance. DLaTGS : Deuterated and L-alanine-Doped Triglycine Sulfate. DTGS : Deuterated Triglycine Sulfate. GC : chromatographie en phase gazeuse. FO : fibre optique. MCT : Mercure Cadmium Tellure. MIR : infrarouge moyen. NIR : proche infrarouge. S/B : rapport signal sur bruit. typ.: typique. (5) Jusqu'à 50 000: 1 pic à pic en 1 min. (6) 12 500 à 240 cm -1 en option. (7) Le modèle Nicolet iS5 est également distribué par Fisher Scientific. (8) 27 000 à 20 cm -1 avec changeur automatique de séparatrices. (9) 7 800 à 650 cm -1 avec MCT, 7 800 à 720 cm -1 avec barrette de MCT.

On peut toutefois signaler le rachat de l'américain Varian par Agilent Technologies en juillet 2009, pour 1,5 milliard de dollars… même si les activités deVarian, qui avait mis la main en septembre 2004 sur une partie de l'offre de son compatriote Digilab (spectromètres et imageurs FTIR, spec-tromètres NIR et Raman) pour 14 millions de dollars, allaient bien au-delà de la spectrométrie moléculaire. Moins d'un an après, en mars 2010,AgilentTechnologies revendait certaines lignes de produits (spectromètres par torche à plasma couplés à une spectrométrie de masse, chromatographie en phase gazeuse, spectromètres de masse triples quadripôles) à Bruker. Avec un montant nettement moins important, PerkinElmer, lui, a racheté en novembre 2014 le suédois Perten Instruments Group, fabricant spécialisé dans l'instrumentation analytique pour le contrôle qualité en agroalimentaire, pour un montant d'environ 266 M$. A l'image de Perten Instruments, le danois Foss est lui aussi spécialisé sur des secteurs de l'agroalimentaire, à savoir la laiterie et l'œnologie, via des appareils dédiés.

Les fabricants doivent faire évoluer leurs modèles afin de répondre aux exigences de nouvelles applications, telles que les nouveaux matériaux (graphène, nanomatériaux) et l'imagerie infrarouge, notamment dans les domaines de la biologie et des sciences de la vie.

Analyser rapidement des liquides, solides et gaz

Intéressons-nous maintenant aux spectromètres FTIR, à leur fonctionnement et à leurs avantages/limitations. Comme on l'a évoqué précédemment, le spectre d'un composé organique représente l'une de ses propriétés physiques et est caractéristique d'une substance donnée. Pour obtenir ce spectre, cette « empreinte digitale», le principe de fonctionnement d'un spectromètre FTIR fait intervenir un interféromètre de Michelson ( voir encadré page 43 ). La modulation de la lumière par recombinaison de deux faisceaux lumineux infrarouges, transportant la même énergie mais avec des trajets optiques différents, génère un signal (un interférogramme) variant dans le temps en fonction de la différence de marche entre les faisceaux. En appliquant un algorithme mathématique (la fameuse transformée de Fourier), l'interférogramme est converti en un spectre infrarouge indiquant la distribution de l'absorption en fonction des fréquences du spectre. Dit comme cela, d'aucuns pourraient se demander ce qui fait tout l'intérêt de la spectrométrie FTIR. Christophe Jouet, chef produits chez Foss France, apporte une première réponse: «Avant l'apparition de la technologie à transformée de Fourier, la méthode utilisée était à l'époque la spectrométrie infrarouge dispersive ( elle est toujours mise en œuvre dans certaines applications, ndlr ). Elle consistait à envoyer, sur un échantillon, un faisceau infrarouge à une longueur d'onde précise, du fait d'avoir traversé un système dispersif (un réseau) ou un filtre.Même en utilisant une roue à filtres, le nombre total de filtres, donc de longueurs d'onde, restait (très) limité pour obtenir des informations plus complètes sur un composé.» Si les spectromètres FTIR ont réellement pris leur envol il y a une quinzaine d'années seulement, c'est pour une raison toute simple: « Japan Spectroscopy (Jasco), fabricant historique et leader au Japon, a lancé en 1958 le premier spectromètre infrarouge dispersif. Mais il a fallu attendre le début des ordinateurs pour être capable de mettre en œuvre le calcul d'une FFT ( transformation de Fourier rapide, ndlr ),et donc de développer les premiers spectromètres FTIR », affirme Jean-Philippe Wencker, Pdg de Jasco France.

L'un des premiers avantages de la spectrométrie FTIR est en fait double: «A partir d'un seul balayage du spectre, il est possible d'identifier, voire de doser, autant de composés différents présents dans une solution. Et une analyse ne prend qu'environ 30 s, c'est donc très rapide. Il est d'ailleurs difficile de trouver d'autres méthodes analytiques (RMN et rayons X, par exemple) qui puissent mesurer autant de paramètres et à une telle vitesse», constate Christophe Jouet (Foss France). Frédéric Despagne (ABB) voit un autre atout lié à une vitesse d'analyse élevée: «Acquérir un spectre en moins de 1 s, de par le fait que toutes les fréquences du spectre traversent au même moment l'échantillon (avantage Multiplex ou de Fellgett),permet de moyenner plusieurs interférogrammes pour éliminer le bruit aléatoire. D'où un excellent rapport signal sur bruit, sans perte de temps. »

A l'instar de Frédéric Despagne, Patrick Bernard-Moulin (Thermo Scientific France) met également en avant « la robustesse et la flexibilité de la spectrométrie FTIR. Cela se traduit notamment par la possibilité de déterminer l'identification, la composition ou les défauts dans un échantillon, ou alors par la possibilité de quantifier un échantillon moyennant des étalonnages, via des bibliothèques de spectres de référence. En plus d'être indépendante de l'opérateur,cette technique ne détruit pas le produit et ne nécessite aucune préparation.» La flexibilité se traduit également par la possibilité d'utiliser un très grand éventail d'accessoires (liste non exhaustive tirée, par exemple, d'un catalogue de Eurolabo, distributeur français des américains Harrick et Pike Technologies ainsi que du britannique Specac): cellules de compression diamant, cellules pour échantillon liquide, cuves à gaz chauffantes ou non, modules ATR ( Attenuated Total Reflectance ), accessoires de réflexion spéculaire ou diffuse, polarisateurs, etc. C'est d'ailleurs l'un des grands avantages de la spectrométrie FTIR que de pouvoir analyser aussi bien des liquides et des gaz que des solides et des produits pâteux.

La principale limite est la sensibilité

Aucune technique de mesure n'étant parfaite, la spectrométrie FTIR a quand même des inconvénients. Nous avons évoqué précédemment l'impossibilité de «voir» les molécules diatomiques homopolaires et les métaux. La principale limite concerne la sensibilité qui est «cantonnée» en général à 0,5%, ce qui exclut d'analyser des composants à l'état de traces. Comme l'absorptivité est élevée dans l'infrarouge moyen pour la plupart des espèces moléculaires –ce qui oblige déjà de travailler sur de faibles volumes d'échantillon (d'où un échantillonnage pas aussi simple qu'en proche infrarouge, parce qu'il est plus difficile de contrôler un petit chemin optique)–, l'eau peut vite devenir un interférent, sa signature dominant le spectre.Une alternative est de mettre en œuvre la technique spectroscopique Raman.

Principe de fonctionnement d'un spectromètre FTIR

Le principe de fonctionnement d'un spectromètre infrarouge à transformée de Fourier (FTIR) s'appuie sur l'envoi d'un rayonnement infrarouge sur un échantillon et la mesure des longueurs d'onde, auxquelles le matériau de l'échantillon absorbe, et les intensités de l'absorption.

Le faisceau infrarouge provenant d'une source est dirigé vers l'interféromètre de Michelson, dont le rôle est de moduler chaque longueur d'onde du faisceau à une fréquence différente. Pour cela, le faisceau lumineux est divisé en deux par une séparatrice, une partie étant dirigée sur un miroir fixe et le reste passant à travers la séparatrice vers un miroir mobile. Quand les deux faisceaux se recombinent, des interférences destructives ou constructives apparaissent en fonction de la position du miroir mobile. Le faisceau modulé est alors réfléchi des deux miroirs vers l'échantillon; c'est là que des absorptions interviennent. Le faisceau lumineux est enfin transformé en signal électrique par un détecteur. Cet interférogramme ( voir illustration,en bas à droite ), la somme de toutes les fréquences du faisceau, est donc la signature de l'intensité en fonction de la position du miroir. C'est à partir de l'interférogramme que l'on détermine le spectre infrarouge de l'échantillon grâce à un algorithme de transformée de Fourier.

« La sensibilité, elle, est une spécification caractérisée par le rapport signal sur bruit et très importante d'un spectromètre FTIR,mais c'est un sujet tabou. Elle est en effet souvent exprimée dans des conditions vagues, sans préciser la façon dont le calcul de la sensibilité est fait. D'où un certain doute sur sa valeur et in fine sur la fiabilité du spectre », affirme Alexandre Michelet (PerkinElmer France).Certains fabricants,tels qu'ABB, ont par ailleurs relevé que les spectromètres FTIR de laboratoire peuvent parfois être encore relativement volumineux et occupent donc beaucoup de place sur une paillasse –les dimensions des appareils sont liées à l'espace nécessaire pour des miroirs en mouvement et donc une excellente résolution de mesure. Il faut par ailleurs garder à l'esprit que les analyses quantitatives restent une méthode corrélative, ou indirecte, qui impose un étalonnage préalable à l'analyse, et le coût d'un spectromètre FTIR peut s'avérer très élevé dans certaines applications.

La fourchette de prix s'étend en effet entre 15000 et 60000e avec accessoires, voire jusqu'à 160000e avec un microscope infrarouge couplé.Tous les fabricants s'accordent toutefois sur la baisse du prix moyen des appareils enregistrée ces dix dernières années, du fait des modèles très “ entrée de gamme” qui ont pris des parts de marché. Et les fabricants ne ménagent pas non plus leur peine pour réduire encore un peu plus les éventuels coûts de maintenance, sans compter déjà l'absence de consommables propre à la spectrométrie FTIR.

Les évolutions dont ont bénéficié ces dernières années les spectromètres FTIR de laboratoire s'inscrivent principalement dans une tendance générale de simplification de l'utilisation des appareils. C'est ainsi que certains fabricants ont amélioré le cœur même de leurs appareils. A l'instar d'ABB qui a développé une nouvelle génération d'interféromètres à double pivot couplés à des algorithmes de traitement du signal –ils ont fait l'objet de plusieurs brevets. « Le rapport signal sur bruit étant amélioré, les utilisateurs peuvent atteindre,avec un détecteur DTGS ( Deuterated Triglycine Sulfate ) standard, des limites de détection qui nécessitaient autrefois un détecteur MCT ( Mercure Cadmium Tellure ) refroidi à l'azote liquide », explique Frédéric Despagne (ABB). Autre évolution, les spectromètres FTIR du fabricant intègrent des optiques ZnSe non hygroscopiques qui garantissent, en plus d'un bon rapport signal sur bruit, l'absence de recours à une purge et d'endommager éventuellement les optiques.

« Ils deviennent presque des automates »

Parmi les autres évolutions permettant de réduire la maintenance et les coûts associés, on trouve aujourd'hui des Led (d'une durée de vie de dix ans) en lieu et place des diodes laser hélium-néon qu'il faut changer tous les trois, quatre ans. « Notre nouveau modèleTensor II, qui intègre une Led comme source infrarouge, se caractérise ainsi par un coût de possession (quasi) nul. Les diodes laser hélium-néon étaient en fait l'un des seuls consommables des spectromètres FTIR », précise Grégory Candor (Bruker Optics France). Pour Jean-Philippe Wencker (Jasco France), «siles diodes laser hélium-néon sont plus pré-cises en longueur d'onde – elles génèrent une raie atomique, quelle que soit la température ambiante –, les Led sont surtout moins chères à produire.» Pour réduire la consommation électrique d'un spectromètre FTIR, il suffirait de l'arrêter lorsque l'on ne s'en sert pas. Le souci est qu'à l'arrêt, de l'humidité risque de se créer et d'endommager les optiques. SiABB a choisi des optiques non hygroscopiques, Shimadzu a privilégié une autre solution. « L'IRAffinity-1S est en effet doté d'un compartiment étanche,muni d'une membrane hydrolytique et protégeant ainsi en permanence de l'humidité,que l'appareil soit allumé ou éteint », explique Fabien Daurangeon. « De mon point de vue, les évolutions portent aujourd'hui plus sur l'ergonomie des spectromètres FTIR que sur la partie technique. Les utilisateurs sont en effet de moins en moins experts en spectrométrie,et c'est alors au logiciel de prendre la main. Les spectromètres où il suffit d'appuyer sur un bouton pour l'analyse et qui aident l'opérateur jusqu'à l'obten-tion des résultats deviennent presque des automates », p o u r s u i t Fabien Daurangeon. « Je parlerais plus d'informations que de résultats.Le logiciel est également là pour interpréter les mesures et fournir des informations. J'ajoute que, si les grandes entreprises avaient, en leur sein, un gourou en spectrométrie infrarouge capable d'interpréter et d'expliquer les spectres, ce n'est plus le cas aujourd'hui. Ce sont, nous, les fabricants, qui possédons désormais l'expertise», insiste Patrick Bernard-Moulin (Thermo Scientific France).

Un appareil seul ne saurait couvrir toutes les applications possibles et imaginables. Pour analyser aussi bien des liquides et des gaz que des solides et des produits pâteux, les utilisateurs ont à leur disposition un très large éventail d'accessoires : cellules de compression diamant, cuves à gaz chauffantes ou non, modules ATR, accessoires de réflexion spéculaire ou diffuse, etc.

Parmi les autres avantages proposés par un spectromètre FTIR comparé à d'autres méthodes analytiques, on trouve la rapidité des analyses et la possibilité d'identifier autant de composés différents présents dans une solution en un seul balayage.

Quand on parle d'ergonomie, cela revêt plusieurs facettes.Tous les fabricants ont ainsi porté leur attention sur les fonctions et les outils facilitant la vie des utilisateurs : l'analyse de type multi-composants dans les mélanges, des capacités étendues d'autodiagnostic (bon fonctionnement de la source, accessoire opérationnel, etc.), l'intégration des contraintes réglementaires (en pharmaceutique par exemple)… « Parmi les améliorations apportées à notre logiciel Spectra Manager II, des templates permettent à l'opérateur de personnaliser l'interface utilisateur, en définissant par exemple des vues différentes du logiciel selon la personne.On trouve également des fonctions de zoom pour observer des zones précises », indique Jean-Philippe Wencker (Jasco France). Pour Grégory Candor (Bruker Optics France), « plus on va vers les applications de routine, plus les exigences ergonomiques sont prépondérantes au détriment des aspects techniques. Pour certains utilisateurs même, la différence entre deux spectromètres FTIR se fait sur l'ergonomie, sur une prise en main facile. Nous privilégions ainsi la même interface d'une génération d'appareils à l'autre, la présence d'une interface de communication sans fil pour un contrôle via une tablette numérique.»

Les accessoires ATR sont les plus demandés

Alexandre Michelet (PerkinElmer France), lui, identifie un deuxième axe de développement: « En plus des développements vers une interface ultra-simplifiée, nous travaillons également sur les accessoires. L'amélioration des cellules à flux optimisé pour les liquides (en transmission) permet par exemple de réduire les volumes morts et le temps de rinçage. Dans le domaine des couplages, la microscopie/imagerie infrarouge se développe en environnement (mesure de micropolluants, de polymères), en biomédical, en criminologie. » Des sociétés comme Bruker etThermo Scientific vont même plus loin. « Si nous proposions jusque-là le couplage d'un microscope à un modèle Tensor ou Vertex, nous avons introduit cette année le Lumos qui est un microscope infrarouge intégrant un interféromètre de Michelson», annonce Grégory Candor (Bruker Optics France). Un tel microscope infrarouge est donc autonome et performant –il est optimisé pour l'imagerie– et occupe également moins de place sur une paillasse. Bruker avait déjà franchi une étape importante en termes de réduction des dimensions des appareils, avec le modèle Alpha lancé en 2007 et destiné aussi à sortir des laboratoires. On peut également rencontrer d'autres types de couplages, tels que la rhéologie, la ther-mogravimétrie, la spectrométrie de masse, etc.

Certains fabricants se sont spécialisés sur des marchés bien particuliers. A l'instar de Foss dont l'offre de spectromètres infrarouges à transformée de Fourier sont utilisés dans le secteur laitier ou en œnologie.

Revenons aux accessoires. « Nous avons développé une version de notre analyseur de vin WineScan dotée de la mesure de SO 2 libre ou total. Il s'agit d'un module réalisant une sorte de distillation (méthode de Franz Paul) puis la mesure sur une phase gazeuse, en plus de la mesure dans la cellule pour liquide », rappelle Christophe Jouet (Foss France). Quant àABB, la société a développé une cellule de gaz thermostatée, dont la conception commune assure un transfert facile des applications du laboratoire vers le process. « La gamme d'accessoires la plus deman-dée par les utilisateurs est désormais les modules ATR. Nos derniers modèles introduits en diamant monolithique type 2 sont plus performants. En transmettant jusqu'à 30 % d'énergie supplémentaire,soit dix fois plus que les gammes précédentes, ces nouveaux acces-soires ATR améliorent encore un peu plus le rapport signal sur bruit et apporte aussi un gain de temps (un facteur deux) » , affirme Jean-Philippe Wencker (Jasco France) qui rappelle qu'une entité de Jasco fabrique des accessoires.

Quelques questions à se poser…

l Quelle est la nature de l'échantillon à analyser (liquide, solide, poudre ou gaz), ce qui déterminera le choix de l'accessoire (ATR, réflexion…)? l S'il s'agit d'une identification ou d'une quantification, d'une analyse de routine ou de R&D? l Quelles sont les performances analytiques que l'utilisateur veut obtenir (sensibilité, limite de détection, conditions environnementales telles que les variations d'humidité, de température…)? l Quelles sont les fonctionnalités simplifiant l'utilisation et sa robustesse, en contrôle qualité, ou quelles sont les caractéristiques techniques avancées (résolution spectrale, sous vide) et les services (compétences de l'ingénieur commercial, du support), en recherche? l Est-ce que l'environnement est réglementé, ce qui imposera la validation de l'appareil et de tous les accessoires utilisés?

Mais la liste des nouveaux accessoires ATR ne s'arrête pas là, loin de là. Jasco, toujours lui,a ajouté à son catalogue des modules travaillant dans l'infrarouge très lointain jusqu'à 50cm -1 ,cequi était hors de prix auparavant. Thermo Scientific a introduit deux accessoires ATR en cristal diamant couvrant une gamme spectrale jusqu'à l'infrarouge lointain. Et l'on trouve également des sondes ATR associées à des fibres optiques permettant des mesures et des suivis in situ. « Si les accessoires ATR sont devenus si prisés, c'est qu'il s'agit de la technique d'analyse la plus rapide : il suffit de poser une goutte de liquide ou un échantillon solide – l'échantillon est pressé par le module – et la mesure peut se faire. Il n'y a aucune préparation. Il faut toutefois savoir que ce n'est pas la technique la plus sensible », indique Jean-Philippe Wencker (Jasco France).

Ne pas oublier le savoir-faire des fabricants

Pour ne pas pénaliser les spectromètres FTIR, les fabricants se sont par ailleurs attachés à faire en sorte que l'utilisation d'accessoires soit la plus simple possible pour les opérateurs. Il n'y a ainsi, par exemple, aucun alignement optique à refaire (donc aucune intervention non plus), après un changement de gamme spectrale ou même d'accessoires. « Les évolutions encore à venir sont plutôt en termes d'applications, avec une calibration plus universelle, à savoir adaptée à un plus grand nombre de produits, des kits prêts à l'emploi, de nouveaux paramètres, etc.», constate Christophe Jouet (Foss France). Assez curieusement, la maturité de la technique fait que les utilisateurs ont de plus en plus besoin de support analytique. Et Grégory Candor (Bruker Optics France) de conclure: « Il ne faut pas non plus oublier les compétences et le savoir-faire des équipes de vente et de support des fabricants. Dans la division Bruker Optics, nous sommes en France une quinzaine de personnes spécialisées en spectroscopies infrarouge et Raman, alors que chez nos concurrents, les équipes sont plus multitechniques.»

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