Les systèmes d'entrées/sorties modulaires

Le 26/04/2017 à 13:30

Les entrées/sorties embarquent de l'intelligence : les modules peuvent par exemple faire remonter une alarme en fonction de conditions prédéfinies.

L ment des informations. Cette mutat e développement de l'Ethernet modifie les réseaux industriels. En conséquence, la gestion des automatismes est de plus en plus décentralisée. « La logique modulaire prend de plus en plus d'importance dans la conception des installations aujourd'hui », note Jérôme Poncharal, architecte solution pour les automatismes et logiciels chez Rockwell Automation. Il existe deux philosophies en termes d'entrées/sorties: on peut les centraliser dans une armoire, ou les installer au plus près des capteurs et actionneurs afin de constituer des îlots. Mais le volume des données collectées étant croissant, « les usines utiliseront de moins en moins d'automates avec entrées/ sorties, prévoit Jérôme Poncharal . L'automate va devenir un concentrateur, connecté à des îlots d'entrées/sorties dans tout l'atelier. » « Dès qu'il y a de la distance entre le processeur et les capteurs, on décentralise les entrées et les sorties à la périphérie », observe Pierre Etcheberry, chef produit pour les périphériques décentralisés chez Siemens. Il suffit alors d'un câble réseau pour relier le module d'entrées/sorties à l'automate chargé du traitement des informations. « Au lieu d'utiliser 20 fils pour 10 entrées,on n'aura que 2 fils à connec-ter pour faire transiter les informations codées de plusieurs capteurs », précise Maxence Prouvost, responsable marketing des solutions machines chez Schneider Electric. « De plus,cela permet de s'affranchir de l'atténuation des signaux,s'ils sont de faible intensité, continue Pierre Etcheberry (Siemens). Aujourd'hui, ce mode de fonctionnement est généralisé, on le trouve partout dans le secteur manufacturier, pour tout type d'applications. » On trouvera ainsi en entrée des capteurs «Tout ou Rien » (TOR) ou analogiques pour mesurer une température, une pression ou une masse. En sortie du processeur, tout est possible: un voyant, un automate, un démarreur de moteur, un disjoncteur, ou encore des électrovannes.

« Actuellement, 90 % de nos architectures intègrent des entrées/sorties modulaires », confirme Jérôme Poncharal (RockwellAutomation). Cela permet aux entreprises d'optimiser le coût de leur réseau, en l'adaptant au plus juste à leurs besoins. « Il faut pour cela des modules adaptables à la densité de points à desservir », poursuit-il. Les modules peuvent être basés sur des bus conventionnels, comme CANopen ou Modbus. Mais il est de plus en plus fréquent que les usines aient déjà une infrastructure réseau Ethernet importante. « Il devient donc très simple de rajouter un îlot à partir de modules d'entrées/sorties, sans câbler directement l'automate », affirme Jérôme Poncharal. Inutile de faire cheminer des faisceaux de câbles supplémentaires à travers l'atelier: l'installation est simplifiée et le risque d'erreur, réduit. Il existe également des systèmes d'entrées/sorties sans fil: « Ces systèmes sont le plus souvent utilisés dans les industries de pétrole et gaz,le traitement des eaux ou les transports, précise Thomas Hilz, en charge des solutions d'entrées/sorties industrielles chez Moxa .Ils prennent de plus en plus d'importance dans les télécommunications également, pour la surveillance à distance de stations de base par exemple. » Dans certains cas, la connexion sans fil est aussi utilisée comme solution de secours en cas de perte de la connexion câblée.

Ethernet remplace les bus de terrain

Ethernet supporte tous les types d'applications. De plus, un bus de terrain comme Profibus n'offre qu'un débit de 12 MBaud. « Avec Ethernet, le débit peut être quasiment multiplié par 10 », indique Pierre Etcheberry (Siemens). La structure du réseau, linéaire avec les bus classiques, est plus souple avec Ethernet. Le protocole permet en effet de mettre en place un réseau en étoile ou en anneau. Il suffit d'un commutateur pour installer un nouveau départ. « La grosse différence est que les autres protocoles fonctionnent sur le modèle maître-esclave », détaille Maxence Prouvost (Schneider Electric). L'esclave doit alors se mettre à jour à intervalles réguliers et envoyer ses informations sur le réseau. Les maîtres se chargent de les récupérer.Avec Ethernet, les communications sont bidirectionnelles. « Plus la technologie réseau avance, plus elle ouvre des perspectives de dissociation entre l'intelligence et la partie capteurs et actionneurs, analyse Jérôme Poncharal (RockwellAutomation). Cette tendance est comparable avec ce que l'on a observé avec la virtualisation informatique. Le réseau permet la mise en place d'architectures distribuées et performantes. La vitesse étant auparavant un frein, l'efficacité impliquait obligatoirement la proximité ».

Les systèmes modulaires, au contraire des blocs, permettent de faire évoluer le volume d'entrées/sorties.

Ainsi, l'Ethernet remplace petit à petit les bus de terrain plus anciens. « Historiquement, nous utilisions les bus de terrain Profibus, rappelle Pierre Etcheberry (Siemens). Aujourd'hui, nous utilisons Profinet, via l'Ethernet industriel. Les performances sont supérieures, pour un coût identique,voire moindre.Et Ethernet est plus facile à intégrer. » Si les premières solutions de ce type datent d'une dizaine d'années, Pierre Etcheberry estime la massification des ventes à environ cinq ans.Alors que l'Ethernet était à l'origine réservé à la supervision et aux parcs informatiques, « désormais, même les automatismes peuvent l'utiliser, ajoute Maxence Prouvost (Schneider Electric). Les entrées/sorties émettent des informations pour un automate, mais aussi pour un superviseur. Il y a une convergence. » L'information est ainsi disponible plus rapidement et plus simplement : il n'est plus nécessaire d'employer des tables d'échange pour convertir l'information à destination de la supervision. De plus, des données comme les flux vidéo ou le son sont également plus simples à mettre en œuvre. Cela favorise le développement de la robotisation.

Aujourd'hui, peu de nouveaux projets se basent sur des bus de terrain classiques. Bien sûr, cette technologie reste largement présente dans les usines. « Ethernet n'est pas encore la technologie dominante, et le parc existant doit continuer à vivre, rappelle Jérôme Poncharal (Rockwell Automation). C'est une grosse contrainte pour les constructeurs : il faut assurer une continuité d'exploitation par rapport à ces technologies, loin d'être obsolètes. » « Les bus de terrain permettent de mettre à jour d'anciennes installations, pour obtenir plus de données d'un équipement, ajoute Thomas Hilz (Moxa). Le but des industriels est avant tout l'efficacité des équipements, beaucoup font donc de la maintenance prédictive,y compris avec des équipements anciens. » Les réseaux Foundation Fieldbus, Profibus ou encore DeviceNet ont été conçus et configurés pour des applications précises. Ils ont donc des caractéristiques intéressantes pour les industriels, mais l'interopérabilité nécessitait des compétences spécifiques. Désormais, il est possible de se former uniquement à Ethernet. « L'usine du futur (Suite de la page 37) a besoin de systèmes plus ouverts, estime Maxence Prouvost (Schneider Electric). Ethernet est apparu comme le bus de terrain le plus simple et le moins coûteux pour cela. » Il permet de connecter des systèmes provenant de différents fabricants. « Cela fournit une ouverture pour des choses que l'on ne sait pas faire nous-mêmes », commente-t-il.

Qu'elles soient centralisées ou déportées, les entrées/sorties peuvent reposer sur les mêmes types de modules. « Beaucoup de nos clients installent des modules décentralisés comme borniers à proximité de l'automate. En effet, cela offre plus de souplesse en termes de raccordement au niveau de l'armoire »,continue Jérôme Poncharal (Rockwell Automation). Installer des entrées/sorties modulaires, en coffret ou en armoire, permet de prévoir les futures évolutions du système. À l'inverse, les entrées/sorties sous forme de blocs ne sont, elles, pas évolutives. Mais elles présentent l'avantage de proposer une connectique rapide à installer, limitant les risques d'erreur. Les blocs s'utilisent lorsqu'un point de regroupement est finalisé.

« Lorsque l'on n'a besoin que d'un faible volume d'entrées/sorties, dont le nombre ne va pas évoluer, les blocs allègent le coût de l'ins-tallation, précise Jérôme Poncharal. Il n'y a plus besoin d'armoire ni d'alimentation, le travail d'intégration est simplifié. » Ce type d'installations peut se trouver par exemple dans l'automobile ou sur des chaînes de convoyage, où il peut exister des sections répétitives et figées. Les blocs sont souvent utilisés également pour la conception de machines. « En termes de maintenance, certaines entreprises préfèrent remplacer un bloc entier en cas de défaillance, lorsque l'origine de la panne n'est pas certaine, observe Maxence Prouvost (Schneider Electric). Cela coûte plus cher que de remplacer uniquement un module,mais cela peut permettre de gagner du temps et de relancer la production plus rapidement ». Les fabricants de machines profitent également des systèmes d'entrées/sorties modulaires. « Cela permet de garder le même programme dans l'automate, mais de simplifier l'ajout de fonctions via de nouveaux modules », note Maxence Prouvost. Les systèmes modulaires permettent en plus de déporter l'intelligence de la machine vers les entrées/sorties, grâce à de petits contrôleurs, ou directement sur les modules. « Nos modules intelligents embarquent des fonctions logiques,permettant par exemple de leur faire envoyer un SMS ou de déclencher une alarme sous certaines condi-tions, indiqueThomas Hilz (Moxa). Cela ne nécessite aucun composant additionnel,juste une simple configuration. » L'intelligence n'est donc plus nécessairement centralisée dans un automate. Cela constitue un autre levier de flexibilité. « De plus en plus,on utilise des armoires plus compactes,et l'on répartit l'intelligence le long de la ligne de production », continue Maxence Prouvost (Schneider Electric).

Ethernet prend de plus en plus de place dans les usines. Mais les fabricants continuent de faire vivre les bus de terrain plus anciens.

« Nous proposons maintenant des cartes de pesage, illustre Pierre Etcheberry (Siemens). Le traitement du signal est effectué directement dans la carte. Cela permet d'alléger le processeur qui peut allouer ses ressources à d'autres tâches, comme l'envoi d'informations vers un système supérieur. » Divers modules spécialisés permettent ainsi de délocaliser des tâches spécifiques, comme l'analyse de vibrations. « Ces modules au format d'entrées/sorties permettent d'obtenir des informations sur la consommation de chaque élément , ajoute Pierre Etcheberry. On calcule les tensions, les courants et les phases,pour les renvoyer vers un automate ou les faire remonter dans des bases de données ou sur des applications, en cloud par exemple, dans une démarche de big data. » Les modules intelligents se substituent à une grosse intelligence centrale, chargée de traiter de nombreuses entrées/sorties. Un fabricant de machines modulaires peut alors assembler plus facilement ces différentes fonctions. Et le client peut ne choisir que certaines fonctions, sans que cela oblige le constructeur à en revoir la conception.

Capteurs intelligents

Une autre évolution consiste à utiliser les modules d'entrées/sorties distribués comme passerelles. « Une fois le module connecté pour communiquer avec l'automate, on va permettre à d'autres applications d'y accéder, explique Jérôme Poncharal (RockwellAutomation). Ce ne sont pas les mêmes métiers : l'automate sert à la conduite de procédé, et l'information supplémentaire peut être utilisée pour d'autres applications, comme la maintenance préventive. » Les utilisateurs peuvent ainsi être informés, via un terminal ou tout autre outil d'exploitation,sur l'évolution de paramètres au fil du temps, comme l'encrassement d'une cellule optique communiquée par IO-Link. Ce mode de fonctionnement en tant que passerelle devrait prendre de l'importance à l'avenir, avec l'intégration de plus en plus courante de l'intelligence dans les capteurs et actionneurs eux-mêmes. « Les capteurs produiront de l'information, mais ne seront pas connectés directement. Ils passeront plutôt par des modules d'entrées/sorties. Les protocoles Hart et IO-Link sont de plus en plus utilisés pour consulter des capteurs sans passer par un automate », poursuit Jérôme Poncharal.

Pour choisir le système le mieux adapté à une application, la première question à considérer est la flexibilité des en-trées/sorties: faudra-t-il ajouter à l'avenir des capteurs ou des actionneurs? Dans ce cas, c'est bien vers un système modulaire qu'il faut se tourner. « Il faut savoir si les entrées/sorties seront installées le long d'une ligne de fabrication importante, et la distance qu'il faudra couvrir. Et, enfin, connaître le mode de montage : en coffret ou directement sur une machine, note Pierre Etcheberry (Siemens). Tout est possible, pour tous les process, tant que le client exprime un besoin précis. » Pour des machines très simples, mieux vaut privilégier les entrées/sorties standard (TOR, analogiques) aux bus de terrain. Les bus peuvent intervenir par exemple dans les cas où il faut relier plusieurs systèmes entre eux. Br

Les données en sécurité

« Le nombre de capteurs et de systèmes connectés augmente énormément, les données doivent être transférées vers des applications en cloud,puis en revenir, observe Thomas Hilz, en charge des solutions d'entrées/sorties industrielles chez Moxa. Dans ce contexte,la sécurité est de plus en plus importante. » À partir du moment où un réseau se connecte à l'extérieur, il faut s'assurer de sa sécurité. Ainsi, faire remonter des données vers un environnement PC ouvre une brèche dans le réseau industriel.

« Les entrées/sorties elles-mêmes sont liées à l'automate,les données ne sont pas chiffrées à ce niveau », précise Pierre Etcheberry, chef produit pour les périphériques décentralisés chez Siemens. De plus, les automatismes ont besoin de rapidité, ce qui s'accorde mal avec le cryptage. « Mais, pour les couches supérieures,il faut protéger l'information, continue Pierre Etcheberry.

Pour cela,on sépare les réseaux de façon étanche.Cette démarche est facilitée par l'Ethernet. » Des commutateurs permettent de mettre en place des pare-feu ou des réseaux privés virtuels (VPN). L'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) conseille les bonnes pratiques à ce sujet.

Pour les boutons d'arrêt d'urgence ou les barrières immatérielles de sécurité, un niveau de fiabilité compatible avec les normes de sécurité est requis. « À partir du niveau SIL 3,PL e ou catégorie 4,il faut passer sur du matériel spécifique », précise Jérôme Poncharal, architecte solution pour les automatismes et logiciels chez Rockwell Automation. Les fabricants proposent donc des gammes d'entrées/ sorties dédiées aux applications de sécurité. Celles-ci se différencient généralement des autres par leur couleur: chaque fabricant a son code, mais, sur le terrain, cela permet d'identifier immédiatement leur fonction.

Les contraintes environnementales sont un critère de choix important : les modules prévus pour être installés hors d'une armoire sont étanches.

Ethernet apporte de la flexibilité au réseau. Ce protocole permet de mettre en place des topologies en étoile ou en anneau.

Dans ce cas, faut-il tout intégrer en armoire, ou exporter des entrées/sorties au plus près des actionneurs? Si l'on fait le choix de les déporter, quelle sera la taille des îlots? « C'est généralement ce critère qui est décisif pour le choix de la gamme d'entrées/sorties », précise Jérôme Poncharal (Rockwell Automation). Les contraintes environnementales sont également à prendre en compte : il existe des modèles étanches, des cartes tropicalisées en cas d'hygrométrie élevée, des plages de température plus ou moins étendues, ou encore des modèles dédiés aux atmosphères explosibles.

En plus des produits eux-mêmes, les fabricants peuvent également fournir des conseils face à ces questions. « Des experts accompagnent nos clients dans leur démarche d'ingénierie », indique Maxence Prouvost (Schneider Electric). « Il faut aussi voir au-delà du coût d'achat initial, prévient Jérôme Poncharal (Rockwell Automation). Il faut peser le cycle de vie, et pas juste le coût d'achat initial. Un choix est toujours lourd d'impact, il faut donc se poser les bonnes questions pour savoir si un produit est adapté à la stratégie de l'entreprise, par exemple en termes d'évolutivité. » Il est aussi important d'envisager les pannes et les conséquences d'un défaut. Certains fabricants proposent des modules échangeables à chaud: « Cela permet de ne pas couper l'outil de production, explique Pierre Etcheberry (Siemens). Des fonctions de diagnostic peuvent également accélérer la résolution des problèmes éventuels ».

« À l'avenir, les blocs d'entrées/sorties pourraient disparaître, dans la mesure où le dispositif final sera communicant, imagine Jérôme Poncharal (Rockwell Automation). Actuellement, le coût d'un capteur communicant est encore trop élevé.Les protocoles Hart et IO-Link ont donc encore de beaux jours devant eux. » De plus, les réseaux Ethernet industriels sont loin de la saturation: le trafic de données peut encore croître. « L'automate reste actuellement le concentrateur des entrées/sorties,mais n'est pas toujours adapté pour les fonctions d'analyse », continue Jérôme Poncharal. Ainsi, les services dédiés à l'analyse de données se multiplient, notamment chez les fabricants d'automatismes. À l'avenir, tout est donc imaginable en termes d'Internet des objets industriels.

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