«Il faut redonner envie d'industrie!»

Le 09/07/2019 à 14:00
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Mesures. Comment évolue, selon vous, la place des femmes dans l'industrie?

Christel Heydemann. Il y a une prise de conscience de la question de la mixité de la part des entreprises. Par conséquent, de plus en plus de choses sont faites pour accompagner l'évolution en ce sens. La situation n'est toutefois pas la même dans tous les métiers, ni dans toutes les branches de l'industrie. En effet, on trouve plus de femmes dans le marketing, la vente ou la com-munication, car, dans les a priori collectifs,ces métiers sont perçus comme plus féminins. Historiquement, l'industrie textile, par exemple, compte aussi plus de femmes. Mais elles occupent majoritairement des postes d'opératrices ou de techniciennes. Si l'on monte dans la hiérarchie, ou dans la technicité des métiers, on retrouve majoritairement des hommes. Les femmes se lancent toujours moins que les hommes dans des formations d'ingénieurs, alors qu'il existe des opportunités de carrières for-midables, qui leur sont de plus en plus ouvertes.

Mesures. Comment peut-on rendre ces métiers attractifs?

Christel Heydemann. Il faut redonner envie d'industrie! Dans l'inconscient collectif, on a beaucoup d'images négatives, on pense encore à Germinal [le roman d'Émile Zola,NDLR].Les médias parlent beaucoup des plans sociaux et des licenciements, mais pas assez des réussites, des industries qui exportent, qui innovent… L'industrie connaît pourtant une vraie révolution technologique dans tous les domaines,et l'image que l'on se fait de métiers pénibles n'est plus vraie.Il faut donc le faire savoir pour inciter les femmes. On constate, dans notre organisation, que les sites industriels plus automatisés sont plus proches de la parité que ceux qui impliquent un travail plus manuel ou ont une image moins moderne.Avec la transformation numérique, de nouveaux métiers apparaissent, dans le domaine des logiciels ou de la robotique, par exemple. Tout cela est mal connu.

Son parcours

Diplômée de l'École polytechnique et de l'École nationale des ponts et chaussées, Christel Heydemann rejoint Alcatel en 1999, qui deviendra ensuite Alcatel-Lucent. Elle y occupe plusieurs postes et intègre le comité de direction, puis le comité exécutif. Son parcours lui vaut, en 2012, d'être nommée parmi les «Young Global Leaders» à Davos et les «Rising Talents» du Women's Forum. Sa carrière se poursuit chez Schneider Electric à partir de 2014, où elle entre en tant que vice-présidente en charge des alliances stratégiques. En avril 2017, elle prend la place de présidente directrice générale de Schneider Electric France et rejoint le comité exécutif. Depuis 2018, elle est également présidente du Gimelec, le groupement des entreprises de la filière électro-numérique française.

Il faut montrer qu'il existe dans l'industrie des parcours très diversifiés.

Christel Heydemann, p-dg de Schneider Electric France

Mesures. Quelles sont les actions de Schneider Electric pour cela?

Christel Heydemann. Nous travaillons beaucoup avec l'association Elles bougent, avec qui des collaboratrices de Schneider Electric vont dans les collèges et les lycées pour parler de leur métier aux jeunes, et ainsi montrer qu'il existe dans l'industrie des parcours très diversifiés. C'est vrai pour les ingénieures, mais aussi pour les personnes qui démarrent avec peu de bagage académique et se forment tout au long de leur carrière. En mars de cette année, à l'occasion de la Semaine de l'industrie, nous avons accueilli 120 lycéennes de filières scientifiques de l'Eure, accompagnées d'Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Économie et des Finances. L'objectif était de leur faire découvrir les métiers de l'industrie, et les nouvelles technologies qui y sont associées. Nous prenons part également à différents réseaux visant à mettre en avant les talents féminins dans les entreprises.

Mesures. Et au sein des entreprises, comment peut-on favoriser ensuite l'égalité femmes-hommes? Christel Heydemann. On justifie parfois le manque de promotions accordées aux femmes en disant qu'elles ne sont pas assez nombreuses, mais c'est une mauvaise excuse. Il ne faut pas attendre qu'elles se portent volontaires d'elles-mêmes: nous faisons donc en sorte de les former, afin qu'elles aient conscience des biais qui les empêchent parfois de se porter candidates, et pour leur donner confiance. Favoriser la mixité passe aussi par la formation des hommes, notamment les managers. C'est l'objet de la campagne de solidarité pour l'égalité des sexes HeForShe de l'ONU Femmes, à laquelle nous souscrivons. Il y a beaucoup d'a priori de leur part, de crainte de l'inconnu. En parler assez simplement et mettre en avant les exemples qui fonctionnent permet de faire avancer le sujet. Nous sommes convaincues que la diversité au sens large est une vraie source d'efficacité pour le travail en équipe, et pour la prise de décision. Elle permet de combiner des façons de penser différentes, ce qui est très important.Tout cela prend du temps, et il n'existe pas de recette simple à appliquer!

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