L'accréditation Cofrac est une reconnaissance des compétences des laboratoires accrédités

Le 01/02/2016 à 14:00

Les bons outils font les bons ouvriers, comme dit le pro-verbe.Etcela s'applique aussi bien à un plombier, à un mécanicien d'engins agricoles qu'à un technicien de maintenance ou àn'im-porte quel opérateur dans une usine. Parmi les outils de ces opérateurs et techniciens, on trouve forcément des moyens de mesure, que ce soit un pied à coulisse, un multimètre numérique portable, des transmetteurs de pression et de température du process, etc. Pour s'assurer qu'un instrument de mesure est toujours opérationnel, à savoir que les résultats qu'il fournit sont toujours dans des tolérances prédéfinies, le moyen le plus sûr est de l'étalonner périodiquement. « L'étalonnage est l'un des éléments clés de la mesure », rappelle Carlos Soares,directeur des services techniques et responsable qualité du laboratoire de GE Measurement & Control France.

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Les coopérations au sein de l'EA et de l'ILAC sont à la base des accords de reconnaissance mutuelle multilatéraux. ” Laurent Vinson, directeur de la section Laboratoires du Comité français d'accréditation (Cofrac)

A une époque où la place de la métrologie dans l'entreprise fait l'objet d'une prise de conscience de plus en plus forte de la part de métrologues, d'organisations telles qu'Afnor Compétences (v oir notre article page 24 ), le Collège français de métrologie (CFM), etc., en mettant en avant l'optimisation des processus de mesure au cœur de l'optimisation des procédés industriels – et non plus comme un poste de charges. Les laboratoires d'étalonnage, qu'ils soient d'ailleurs accrédités Cofrac ou raccordés, sont donc aux premières places de l'évolution de ce marché. Dans cet article, nous allons nous intéresser principalement aux laboratoires d'étalonnage Cofrac, même si certaines grandes évolutions touchent tous les laboratoires.

Pour Carlos Soares, « il y a un point essentiel à rappeler : Cofrac est une marque qui impose certaines règles à respecter. C'est un point sur lequel tous les laboratoires accrédités sont particulièrement sensibilisés, en ce qui concerne par exemple l'utilisation de la marque afin d'éviter les amalgames entre produits. » Il est donc opportun de se tourner vers le Comité français d'accrédita-tion (Cofrac) pour en savoir plus sur cette « marque ».Sur le plan institutionnel, un seul organisme d'accréditation national est désigné par pays européen –c'est donc le Cofrac pour la France. La norme ISO/CEI 17000 définit l'accréditation comme une «Attestation délivrée par une tierce partie, ayant rapport à un organisme d'évaluation de la conformité, constituant une reconnaissance formelle de la compétence de ce dernier à réaliser des activités spécifiques d'évaluation de la conformité ».

Le Cofrac garantit l'harmonisation des pratiques

Dans la pratique, cela se traduit par un contrôle de second niveau s'exerçant sur les laboratoires, les organismes d'inspection et les organismes certificateurs, afin d'attester de leur compétence pour réaliser des étalonnages, des essais ou des inspections ou pour certifier des produits, des systèmes ou des personnes. Le recours à l'accréditation est de nature volontaire, mais l'accréditation tend de plus en plus fréquemment à se développer dans le domaine règlementaire. Elle est alors exigée par les pouvoirs publics comme un préalable à un futur agrément (dans la plupart des cas) pour l'application d'une réglementation nationale ou en vue d'une notification dans le cadre d'une directive européenne.

« La démarche d'accréditation se déroule de la manière suivante : un laboratoire d'étalonnage nous soumet une demande d'accréditation. Comme il s'agit de domaines très peu normés, hormis dans le dimensionnel, la méthode développée en interne par le laboratoire pour l'étalonnage doit donc faire l'objet d'une expertise préalable.Si l'expertise donne satisfaction, nous envoyons ensuite une équipe sur place pour l'évaluation proprement dite », explique Laurent Vinson, directeur de la section Laboratoires du Comité français d'accréditation (Cofrac). Un auditeur s'attache à vérifier que l'organisation mise en place par le laboratoire répond aux exigences de la norme NF EN ISO/CEI 17025, les autres auditeurs –il y a en a autant que de portées (domaines et incertitudes de mesure) à accréditer– s'intéressent à la partie technique.

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Cofrac est une marque qui impose certaines règles à respecter. C'est un point sur lequel tous les laboratoires accrédités sont particulièrement sensibilisés. ” Carlos Soares, directeur des services techniques et responsable qualité du laboratoire de GE Measurement & Control France

« L'évaluation aboutit à la rédaction d'un rapport définitif, dans lequel sont mentionnés les écarts critiques et non critiques éventuels,ainsi que les propositions d'actions correctives qu'entend mener. le laboratoire Enfin la commission technique d'accréditation, dans laquelle sont représentés des laboratoires, des grandes fédérations (les clients finaux) et des pouvoirs publics, délivre la première accréditation pour une durée de quatre ans, avec un audit de surveillance tous les douze mois, puis la renouvelle par cycle de cinq ans (audit tous les quinze mois) » , poursuit Laurent Vinson. On comprend donc aisément que le rôle principal des organismes d'accréditation est d'élaborer et de garantir l'harmonisation des pratiques.

L'harmonisation des pratiques d'accré-ditation passe notamment par la rédaction de guides d'application et d'interprétation des normes, ainsi que l'organisation d'évaluations par les pairs sur lesquelles reposent les accords de reconnaissance multilatéraux. « Les coopérations au sein de l'European co-operation for Accreditation (EA) et de l'International Laboratory Accreditation Cooperation (ILAC) sont très importantes, car elles sont à la base des accords de reconnaissance mutuelle (MLA/MRA) multilatéraux. Il s'agit d'une plus-value lorsqu'un industriel fait appel à un laboratoire accrédité : le certificat d'étalonnage Cofrac émis par ce laboratoire français est reconnu par les autres pays membres dont les organismes d'accréditation sont signataires des accords MLA/MRA d'EA et d'ILAC, c'est une sorte de passeport pour l'export.Nous serons d'ailleurs audités en juin 2016 par nos homologues européens », indique LaurentVinson.

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Un laboratoire accrédité apporte à ses clients une garantie supplémentaire sur le résultat de la vérification aux niveaux du raccordement des étalons au SI et de la compétence du laboratoire. ” François Farge, directeur Développement Laboratoires Essais Mesures du groupe Apave

Qui dit accréditation dit NF EN ISO/CEI 17025

Pour terminer ce petit tour institutionnel,qui dit accréditation dit NF EN ISO/CEI 17025. « Dans le domaine normatif, il faut toutefois différencier la norme générique NF EN ISO/CEI 17025, sur laquelle nous nous basons pour accréditer les laboratoires,des méthodes d'étalonnage utilisées par les laboratoires eux-mêmes. C'est d'ailleurs l'une des raisons qui a amené le Cofrac à éditer des guides techniques d'accréditation (GTA) pour donner des recommandations pour la mise en place d'une accréditation dans un secteur d'activité spécifique.Il s'agit également d'aider à l'harmonisation entre laboratoires et auditeurs », rappelle Laurent Vinson qui ajoute qu'un laboratoire n'est accrédité que pour une portée donnée seulement. Si un laboratoire, accrédité, ou non d'ailleurs, déroge aux règles d'utilisation de la marque Cofrac et du logo, il encourt des mises en garde et, en cas d'abus, une suspension et le rappel des certificats d'étalonnage ou constats de vérification émis, voire un retrait d'accréditation.

Concernant la norme NF EN ISO/CEI 17025, elle est entrée en révision depuis février 2015: un committee draft (CD) a été établi et diffusé à tous les organismes de normalisation mondiaux pour connaître leurs retours –près de 2600 commentaires ont été retournés, un record pour l'ISO/CASCO qui prouve que la norme est très utilisée et attendue. Les prochaines échéances sont, sauf nécessité d'un deuxième CD, la consultation DIS à partir de mars 2016, puis la consultation FDIS à partir d'octobre 2016, pour normalement une publication officielle de la norme aux alentours de mi-2017. Il ne s'agit pas d'une révolution, mais les évolutions portent sur l'approche de processus d'étalonnage, sur les exigences générales et structurelles, sur la gestion de management via un système qualité intégré.

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Les laboratoires non accrédités affichent une plus grande flexibilité et adaptabilité par rapport aux exigences industrielles. ” Francis Richard, directeur technique du groupe Trescal

La reconnaissance par un tiers, gage de qualité

Compte tenu des exigences imposées pour l'obtention et le maintien d'une accréditation Cofrac, on pourrait se demander pour quelles raisons des laboratoires d'étalonnage s'engagent dans une telle démarche. « Un laboratoire accrédité apporte à ses clients une garantie supplémentaire sur le résultat de la vérification à deux niveaux : le raccordement des étalons au SI (Système international des unités, ndlr ), qui assure la traçabilité des étalons, et la compétence du laboratoire et sa capacité à mettre en œuvre les méthodes du Cofrac », résume François Farge, directeur Développement Laboratoires Essais Mesures du groupe Apave. Si la certification ISO 9000 assure qu'une entreprise produit ce que l'elle doit produire, dans le cas de l'accréditation, on a en plus un expert envoyé pour s'assurer que l'entreprise sait faire (évaluation des compétences).

« L'important pour un laboratoire d'étalonnage est de prouver ses compétences via des accréditations,des compétences reconnues par un tiers. Dans le cas d'un laboratoire non Cofrac, si les équipements sont raccordés à la chaîne d'étalonnage nationale,d'une manière ininterrompue, le client n'a toutefois pas la garantie de la compétence et du calcul des incertitudes de mesure (EMT) du laboratoire » , affirme Marianne Hattener, responsable Marketing Life Cycle Management chez Endress+Hauser France. « Contrairement à un laboratoire raccordé (et non accrédité), leurs clients n'ont pas besoin d'auditer ledit laboratoire car l'accréditation Cofrac le fait à leur place », ajoute Laurent Drougard, directeur général d'A+ Métrologie (groupeApave). D'autant que les clients n'ont pas forcément les compétences ou le temps nécessaire pour mener à bien ces audits…

Au vu de ce que l'on vient de dire, entre deux laboratoires d'étalonnage, l'un raccordé et l'autre accrédité, d'aucuns s'interrogent certainement sur la raison de recourir à un laboratoire raccordé. Une première réponse est apportée par Francis Richard, directeur technique du groupe Trescal: « La norme NF EN ISO/ CEI 17025 constitue le document de référence pour l'ensemble des laboratoires accrédités ou non. Ces derniers affichent une plus grande flexibilité et adaptabilité par rapport aux exigences industrielles,à savoir la conformité aux référentiels propres à certaines industries, aux normes d'autres pays, aux programmes de grands donneurs d'ordre qui ne sont pas forcément entièrement compatibles ou couverts par les portées d'accréditation. Dans ce cadre, nous sommes ainsi amenés, sous des délais très courts, à mettre en oeuvre et à réaliser des prestations par rapport à des spécifica-tionspouvant s'avérer de niveau très variable, concerner certaines grandeurs dérivées ou des technologies sophistiquées dans des domaines tels que la radionavigation, la radiocommunication, les radars.»

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« En France, l'usage est de réserver les étalonnages Cofrac aux mesures conventionnelles concernant les appareils les plus performants et/ou les plus critiques pour l'industriel, ce qui se traduit à son niveau par la recherche des meilleures incertitudes, pour les domaines de mesure concernés », constate pour sa part Francis Richard. Et Marianne Hattener (Endress+Hauser France) de renchérir: « C'est une question de sécurité : les clients achètent des prestations accréditées pour des instruments de mesure critiques au niveau du process, des appareils utilisés comme étalons en interne (mesures comparatives) et, souvent, lors d'une facturation de gré à gré entre deux entreprises (hors métrologie légale) ».

Un marché qui a évolué en quinze ans

Les clients achètent des prestations accréditées pour des instruments critiques au niveau du process, des appareils utilisés comme étalons en interne et lors d'une facturation de gréàgré. ” Marianne Hattener, responsable Marketing Life Cycle Management chez Endress+Hauser France

Au-delà de la confiance qu'instaure l'accréditation auprès des industriels ainsi qu'en interne, Dominique Coignard, directeur Qualité et métrologie du groupe Emitech, identifie d'autres avantages : « On peut notamment citer la possibilité d'être référencé comme laboratoire sous-traitant dans l'industrie, de proposer aux clients une garantie de pérennité conférée par la reconnaissance officielle de la compétence technique et de maintenir les compétences techniques des équipes grâce aux audits réalisés tous les quinze mois.» Carlos Soares (GE Measurement & Control France) ajoute d'ailleurs que « l'accréditation nous a aussi permis d'améliorer l'orga-nisation du laboratoire et les compétences des personnes, afin de garantir la fiabilité et la répétabilité des résultats notamment.» Pour Laurent Delage, directeur général de Manumesure (groupe Chauvin Arnoux), « si le premier levier de l'accréditation est une reconnaissance par ses pairs, il existe un deuxième levier : il s'agit de l'indépendance du laboratoire, d'où le haut niveau de confiance. Comme les prestations d'étalonnage sont faites selon l'état de l'art reconnu internationalement (accords MLA/MRA), c'est par ailleurs un atout à l'exportation ».

La situation actuelle ne reflète toutefois pas le marché qui existait il y a encore une quinzaine d'années. «A cette époque, de nombreux grands groupes disposaient de leur propre laboratoire d'étalonnage. D'où la cohabitation de quelques PME d'étalonnage avec les laboratoires nationaux,tels que le LNE (Laboratoire national de métrologie et d'essais, ndlr) pour les sujets pointus. Le marché s'est ensuite externalisé assez tard, car la métrologie était alors vue comme un centre de coût.On a donc été le témoin de l'émergence de plus grandes sociétés d'étalonnage, et d'une forte croissance de notre chiffre d'affaires à partir de 2000. Aujourd'hui, ce sont surtout les entreprises intermédiaires qui externalisent à leur tour », explique Laurent Drougard (A+ Métrologie).

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Le marché s'est externalisé assez tard, car la métrologie était vue comme un centre de coût. On a donc été le témoin de l'émergence de plus grandes sociétés d'étalonnage à partir de 2000. ” Laurent Drougard, directeur général d'A+ Métrologie (groupe Apave)

Marianne Hattener (Endress+Hauser France) poursuit : « L'externalisation a explosé avec la mise en place de la norme NF EN ISO 9000,où il était notamment question d'étalonnage accrédité,d'où aussi le fait que la métrologie était vue comme un coût.Il est par contre assez difficile de mesurer la taille actuelle du marché français. On peut dire que le marché total de l'étalonnage est plutôt en progression depuis des années, de l'ordre de + 10 % par an en moyenne, compte tenu des chiffres d'Endress+Hauser aussi.A noter que les prestations accréditées sont stables, voire en légère progression de par un nombre d'instruments de mesure plus important sur le marché ». Ce que confirme également Carlos Soares (GE Measurement & Control France): « Nous avons vu notre activité progresser de 5 à 10 % par an parce que les industriels certifiés NF EN ISO 9000 veulent des gages de qualité pour la vérification et la traçabilité de leurs appareils de mesure ». Même son de cloche du côté de Dominique Coignard (Emitech) qui prend pour exemple, lui aussi, sa société: « Nous réalisons des prestations métrologiques (pistolets de décharge électrostatique) pour des clients externes depuis 2007. Notre chiffre d'affaires progresse de 15 à 20 % chaque année,une progression encore accentuée depuis notre accréditation en juillet 2014.Les raisons sont diverses : la fidélisation des clients et la communication avec les clients (identification de la demande, information des éventuels dysfonctionnements…). Mais il est vrai que nous sommes entrés sur la pointe des pieds sur ce marché, avec une portée d'accréditation relativement restreinte, pour l'instant.» Ces croissances à deux chiffres ne doivent néanmoins pas occulter que les étalonnages accrédités ne représentent qu'une fraction plus ou moins grande de toutes les prestations d'étalonnage (moins de 5% pour un laboratoire interrogé, environ 20 % chez un autre, plus de 30% chez un troisième).

Réduire le temps d'immobilisation

Depuis ces quinze dernières années, et le début du mouvement d'externalisation, de nouvelles demandes de la part des industriels se sont faites jour. A commencer par la réduction continue de la durée d'immobilisation des moyens de mesure. « Comme de plus en plus de ces derniers sont installés au plus près des machines de production, les industriels nous demandent d'intervenir plus souvent chez eux.L'objectif est d'immobiliser le moins longtemps possible leurs équipements,juste le temps de l'étalonnage. Les prestations accréditées sur site représentent plus du quadruple des prestations accréditées en laboratoire », explique Laurent Delage (Manumesure). La demande est d'intervenir au plus près, voire d'étalonner la boucle de mesure entière (jusqu'à la visualisation et la supervision). En contrepartie, les incertitudes de mesure sont moins bonnes, il faut prendre en compte le coût de transport, les risques d'incident lors de l'intervention, etc.

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Les industriels nous demandent d'intervenir plus souvent chez eux. L'objectif est d'immobiliser le moins longtemps possible leurs équipements, juste le temps nécessaire pour réaliser les étalonnages. ” Laurent Delage, directeur général de Manumesure (groupe Chauvin Arnoux)

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Notre chiffre d'affaires progresse de 15 à 20 % chaque année, une progression encore accentuée depuis notre accréditation (pistolets de décharge électrostatique) en juillet 2014. ” Dominique Coignard, directeur Qualité et métrologie du groupe Emitech

Mais il est quand même très rare qu'un seul appareil de mesure doive être étalonné sur site, et bien souvent il s'agit d'appareils critiques, ce qui justifie amplement les coûts. Les deux types de prestations (sur site et en laboratoire) coexistent et ont leur raison d'être. C'est pourquoi Endress+Hauser va étoffer son offre d'étalonnage sur site cette année. « En termes de prestations, la durée d'immobilisation est un critère majeur, mais, dans le cas de prestations Cofrac ou équivalentes, la qualité de la portée d'accréditation est un prérequis, comme bien sûr le niveau de prix, sur un marché devenant hyper concurrentiel », ajoute Francis Richard (Trescal). Des laboratoires comme ceux du groupeApave mettent en place une stratégie supplémentaire et complémentaire. « L'une de nos forces est d'avoir développé un maillage territorial sans égal » , affirme François Farge (Apave).

Un seul et unique interlocuteur

L'autre grande demande de la part des grands donneurs d'ordres, qui n'est d'ailleurs pas limitée à la métrologie, est la suivante: « Les industriels cherchent un seul et unique interlocuteur pour faire baisser les coûts », insisteAlainVallet,responsable technique du laboratoire de GE Measurement & Control France. Cette économie d'échelle se traduit par exemple par des appels d'offres généralisés, au niveau d'un groupe et non plus site par site. Du côté des laboratoires d'étalonnage, « la tendance en métrologie étant à l'externalisation, on rencontre de moins en moins de spécialistes dans les entreprises, et nous devons donc proposer un service complet : la gestion de parc d'instruments, la vérification et l'étalonnage des moyens,leur maintenance,la formation, le support et l'expertise pour tout ce qui concerne la maîtrise des processus de mesure et pouvant conduire jusqu'à la fourniture d'équipements », constate Francis Richard (Trescal). « Nous accompagnons aujourd'hui nos clients le plus tôt possible dans l'analyse de leurs besoins », renchérit même Laurent Delage (Manumesure).

Les laboratoires d'étalonnage investissent donc, en plus des équipements de mesure et des étalons, dans des outils informatiques capables de gérer les actifs ( asset management ) et les aspects de logistique, par exemple. « Globaliser les appels d'offres nous impose par ailleurs d'être capables d'intervenir sur tous les domaines physiques et de rendre les collaborateurs plus polyvalents et plus mobiles aussi », ajoute François Farge (Apave). C'est dans cette tendance que s'inscrivent l'obtention en 2012 de l'accréditation Cofrac en pression du laboratoire de GE Measurement & Control France situé à Labège (Haute-Garonne), l'obtention en juillet 2014 de l'accréditation Cofrac Etalonnage dans les domaines Temps-Fréquence et Electricité-Magnétisme chez Emitech et l'obtention de l'accréditation en tant que production de matériau de référence (solutions tampon de pH) par Manumesure. Signalons aussi la création en 2014 d'un département Audit, Conseil, Formation chez A+ Métrologie, les rachats de PB Mesures (2007) et de la Société générale de métrologie (SGM; 2014) par Endress+Hauser, qui a également inauguré un laboratoire accrédité en débitmétrie liquide en 2014, ainsi que la succession de rachats menés parTrescal (les américains General Calibration et Quality Systems Laboratory, l'espagnol Laboratorio MCI, le brésilien MEC Q et le canadien Primo Instrument, juste ces douze derniers mois).

Pour répondre à la demande d'interlocuteurs uniques, certains laboratoires privilégient une autre voie, à savoir le regroupement avec d'autres laboratoires, indépendants ou adossés à un fabricant d'instruments de mesure, dotés de moyens de mesure complémentaires. «Tous les laboratoires accrédités doivent participer à des campagnes d'intercomparaison, donc nous sommes tous confrères.Mais c'est vrai que disposer d'un laboratoire Cofrac est un plus dans le groupe Chauvin Arnoux », précise Laurent Delage (Manumesure). L'un des avantages, pour un industriel, de faire appel au laboratoire accrédité adossé à un constructeur réside dans les possibilités de réparation et de maintenance plus poussées proposées. « En tant que fabricant,nous avons un accès au cœur même de nos appareils (ingénierie, SAV, pièces détachées…), ce qui permet de les ajuster et de les réparer quand cela est nécessaire, contrairement aux autres laboratoires.Nous voulons assurer le meilleur service possible aux entreprises qui achètent nos produits», expliqueAlainVallet (GE Measurement & Control France). Ce que confirme Marianne Hattener (Endress+Hauser France) en précisant que « le conseil apporté aux clients est une grande différence, un conseil sur l'optimisation d'un procédé, par exemple».

La formation est essentielle

Si un accès plus difficile aux instruments de mesure est regretté par certains laboratoires, d'autres ont formulé des difficultés portant sur le recrutement de profils techniques. « C'est un vrai sujet pour les sociétés de services et les laboratoires.Nous parvenons encore à atitrer de jeunes diplômés,mais la situation est un peu tendue en termes de recrutement de personnel spécialisé ou expérimenté. C'est notamment pour cela que nous avons créé en 2011 le Trescal Institute. Il s'agit d'un centre de formation destiné à intégrer les nouveaux embauchés et d'accompagner le développement des compétences de nos collaborateurs tout au long de leur carrière», constate Francis Richard (Trescal). « Même si la question ne s'est pas clairement posée,nous nous efforçons dans un premier temps de recruter parmi les équipes de nos laboratoires d'essais,ou alors ensuite des jeunes diplômés d'écoles spécialisées, que nous formons progressivement », explique Dominique Coignard (Emitech).

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En tant que fabricant,nous avons un accès au cœur même de nos appareils, ce qui permet de les ajuster et de les réparer quand cela est nécessaire, contrairement aux autres laboratoires. ” Alain Vallet, responsable technique du laboratoire de GE Measurement & Control France

« Il est vrai que recruter des profils de type Bac+2 en mesures physiques et licence en métrologie est assez difficile par manque de jeunes diplômés. Nous travaillons ainsi avec des écoles pour faire venir les jeunes», concède lui aussi Laurent Drougard (A+ Métrologie). Confronté au même problème, Endress+Hauser a décidé lui de mettre en place une formation inter-entreprises de niveau Bac+2 en maintenance, en partenariat avec le Greta. « L'objectif est de former des personnes à nos propres besoins,sachant qu'il nous fallait auparavant six mois à un an pour recruter un technicien, ce qui était inacceptable », rappelle Marianne Hattener (Endress+Hauser France). Par ailleurs, si le Cofrac est considéré comme l'un des organismes les plus exigeants parmi les organismes mondiaux, le revers de la médaille est la durée très longue, comparée aux contraintes industrielles, pour obtenir une accréditation. Dans certains pays européens, l'accréditation est accordée plus rapidement (parfois trois mois, au lieu de neuf à douze mois à partir du dépôt de dossier en France), quitte à avoir des incertitudes de mesure élargies, puis le laboratoire en question voit son travail contrôlé au cours de la période qui suit. Pour Laurent Vinson (Cofrac), « le temps de développement du schéma d'accréditation peut être long pour les nouveaux domaines.Et il est vrai que le processus d'accréditation est différent d'un pays à l'autre de par la taille différente des pays européens et du nombre de laboratoires accrédités ou candidats à l'accréditation».

Enfin il faut bien parler de la critique récurrente des utilisateurs sur le coût des prestations accréditées. « Les industriels se posent beaucoup de questions, mais il ne faut pas oublier que notre métier nécessite des investissements très importants en matériels chers et en personnels compétents et formés, ce qui explique le coût toujours élevé des prestations. Les métrologues doivent donc faire dela pédagogie », insiste Laurent Delage (Manumesure). Et c'est une remise en question permanente pour les laboratoires afin d'être toujours à la pointe des technologies et des exigences de leurs clients. A l'image d'Emitech: « Nous allons étendre prochainement notre portée d'accréditation dans nos domaines de compétence Temps-Fréquence et Electromagnétisme.Mais d'autres projets sont à l'étude en CEM et dans d'autres domaines », annonce Dominique Coignard.

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