Quelles sont les exigences en métrologie dans la norme ISO 9001:2015 ?

Le 11/09/2017 à 14:00

En permettant d'adapter les moyens de mesure au juste nécessaire et d'avoir confiance dans les résultats pour prendre des décisions pertinentes, la métrologie apporte toute sa valeur ajoutée aux industriels. Et c'est précisément là la philosophie de la nouvelle version de la norme ISO 9001: 2015.

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P our ceux à qui cela n'est pas encore évident, la mesure doit être faite pour maîtriser les processus de fabrication, afin de réaliser des produits conformes. Elle doit en effet servir à détecter une anomalie dans une production, pour réagir avant que le produit ne soit fini. La métrologie, elle, permet d'adapter les moyens de mesure au juste nécessaire, et d'avoir confiance dans les résultats pour prendre des décisions pertinentes. C'est en cela que la métrologie apporte toute sa valeur ajoutée aux industriels. Et c'est précisément là la philosophie de la nouvelle version de la norme ISO 9001: 2015, comme nous allons le voir.

Elle met en avant la métrologie comme outil de progrès, qui a sa place dans le contrôle, mais aussi dans la conception, la production et dans le management de l'entreprise. La nouvelle version ISO 9001: 2015 prend le relais de la version 2008 et sera la seule version applicable à partir du 1 er novembre 2018. La structure de cette version 2015 a été fortement revue pour laisser plus de liberté sur la documentation nécessaire et exiger de façon explicite une analyse de risques dans la gestion du système qualité. Évidemment, la fonction « métrologie » doit répondre aux exigences de la nouvelle norme et, principalement, à l'article 7.1.5 traitant des ressources pour la surveillance et la mesure.

Dans l'article 7.1.5 « Ressources pour la surveillance et la mesure » (1) , anciennement maîtrise des équipements de surveillance et de mesure, le paragraphe 7.1.5.1 « Généralités » précise que « l'organisme doit déterminer et fournir les ressources nécessaires pour assurer des résultats valides et fiables, lorsqu'une surveillance ou une mesure est utilisée pour vérifier la conformité des produits et des services aux exigences. L'organisme doit s'assurer que les ressources fournies sont : a) appropriées pour le type spécifique d'activités de surveillance et de mesure mises en œuvre ; b) maintenues pour assurer leur adéquation. L'organisme doit conserver les informations documentées appropriées démontrant l'adéquation des ressources pour la surveillance et la mesure ».

Objectif mesurable et intervalle de tolérance

Cette exigence a pour objectif de garantir la cohérence des mesures réalisées par l'organisme, afin de rendre possible leur exploitation par l'ensemble des parties intéressées et de prendre des décisions basées sur des preuves tangibles. Le périmètre concerné par les exigences spécifiées est donc élargi à l'ensemble des ressources, dans la logique de l'évolution de la norme ISO 10012: 2003, qui est citée en référence dans le tableau annexe B1 de l'ISO 9001: 2015. Les ressources ainsi que leur durée et fréquence d'utilisation sont définies à partir d'une expression et d'une analyse de besoin. Ces contraintes et exigences s'appliquent notamment au fournisseur si la prestation est sous-traitée. Il est donc nécessaire de s'assurer que l'ensemble des exigences externes (clients, réglementaires), internes (plan qualité, contraintes internes), soit défini avant l'identification des ressources (voir paragraphe 8.2).

En quoi cette exigence concerne-t-elle la métrologie ? La formulation de l'exigence se traduit généralement par un objectif mesurable et un intervalle de tolérance. La définition de l'intervalle de tolérance doit s'accompagner d'une réflexion sur le niveau de risque acceptable. Il est nécessaire d'intégrer la métrologie dans cette étape, car elle apporte la connaissance sur les ressources à mettre en œuvre et peut donc identifier des opportunités. Par exemple, l'élargissement de tolérance grâce à la maîtrise des incertitudes de mesure. D'aucuns doivent se demander quelle est la différence entre « surveillance » et « mesure » dans cette exigence. La surveillance est entendue comme un ensemble global d'opérations réalisées dans le temps. La mesure, elle, est plutôt une opération qui donne un résultat instantané.

Il existe plusieurs outils de surveillance à disposition des métrologues. On trouve les outils statistiques de suivi ISO/TR 10017 [28], ainsi que les comparaisons (ISO 5725 [29], ISO 13528 [30]…), les outils de capabilité tels que MSA (2) , CNOMO (3) et la norme NF ISO 22514-7 « Méthodes statistiques dans la gestion de processus – aptitude et performance – aptitude des processus de mesure ». Et n'oublions pas les outils standard de qualité (tableaux de bord, indicateurs de délai de réalisation et de taux de non-conformité, audit). Dans le cadre des audits, par exemple, les points suivants seront notamment vérifiés : l'adéquation des ressources fournies en fonction des ressources nécessaires, la pérennité et la robustesse de l'organisation et des solutions.

Surveiller les processus de mesure

La norme fait également mention de « ressources maintenues », mais qu'entend-on par-là ? Le maintien dans le temps des ressources ne se limite pas à l'étalonnage périodique. Les périodicités d'étalonnage sont en effet bien souvent trop grandes pour réellement cou-vrir un risque, qu'il soit financier, fonctionnel ou sanitaire, suite à une non-conformité. Il faut plutôt se poser la question des surveillances existantes qui garantissent la confiance dans le résultat de mesure : redondance, mesure régulière d'une pièce de référence, mesure d'une valeur attendue, etc. Le document du Collège français de métrologie (CFM) intitulé « Surveillance des processus de mesure » propose d'ailleurs une classification des types de surveillance.

Par exemple, le moyen utilisé en fin de production pour garantir la conformité des pièces produites est déjà sous une surveillance implicite, car il mesure une valeur attendue. Si le résultat n'est pas conforme à l'attente, deux possibilités se présentent : soit le moyen est déréglé, soit la production dérive. Dans les deux cas, l'alerte est donnée, et l'investigation sur le problème peut être lancée. La surveillance a donc joué son rôle. On pourrait penser au cas où le moyen dérive en même temps et de la même quantité que la production, mais en sens inverse de celle-ci. Mais, en formulant cette hypothèse, on se rend rapidement compte de l'aspect improbable d'une telle situation. Ce type de surveillance en dynamique est bien plus performant qu'un étalonnage annuel qui intervient nécessairement trop tard.

L'exigence mentionnée dans le paragraphe 7.1.5.1 a pour objectif de garantir la cohérence des mesures réalisées par l'organisme, afin de rendre possible leur exploitation par l'ensemble des parties intéressées et de prendre des décisions basées sur des preuves tangibles.

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Intéressons-nous maintenant à une autre exigence. Le paragraphe 7.1.5.2 « Traçabilité de la mesure » explique que, « lorsque la traçabilité de la mesure est une exigence ou lorsqu'elle est considérée par l'organisme comme un élément essentiel visant à donner confiance dans la validité des résultats de mesure, l'équipement de mesure doit être : a) étalonné et/ ou vérifié à intervalles spécifiés, ou avant l'utilisation, par rapport à des étalons de mesure pouvant être reliés à des étalons de mesure internationaux ou nationaux. Lorsque ces étalons n'existent pas, la référence utilisée pour l'étalonnage ou la vérification doit être conservée sous forme d'information documentée ; b) identifié afin de pouvoir déterminer la validité de son étalonnage ; c) protégé contre les réglages, les dommages ou les détériorations susceptibles d'invalider l'étalonnage et les résultats de mesure ultérieurs. Lorsqu'un équipement de mesure s'avère inadapté à l'usage prévu, l'organisme doit déterminer si la validité des résultats de mesure antérieurs a été compromise et mener l'action appropriée, si nécessaire ».

La traçabilité de la mesure

L'objectif de cette exigence est en fait d'assurer l'uniformité internationale des mesures et leur traçabilité au Système international d'unités (SI). Cette traçabilité est la condition indispensable à la cohérence des mesures entre entreprises au niveau d'un pays ou, plus généralement, au niveau international et permet leur comparaison. Selon le VIM (définition reconnue par l'ISO 9000: 2015), la traçabilité métrologique est la propriété d'un résultat de mesure, selon laquelle ce résultat peut être relié à une référence par l'intermédiaire d'une chaîne ininterrompue et documentée d'étalonnages, dont chacun contribue à l'incertitude. L'identification des équipements de mesure est un élément-clé permanent qui permet de remplir l'exigence de traçabilité de manière individuelle sur chaque équipement. La maîtrise du réglage de l'équipement est censée garantir la pérennité de la traçabilité.

L'entreprise doit mettre en place un processus en cas de détection d'un équipement inadapté (équipement de mesure inapproprié ou non conforme). Ce processus doit permettre d'empêcher l'utilisation de l'équipement, d'évaluer les conséquences de la diffusion de résultats potentiellement non valides (analyse de risques) et d'identifier les éventuelles actions à mettre en œuvre. Attention, cependant, la traçabilité des moyens de mesure est une condition nécessaire mais pas suffisante pour assurer la traçabilité du processus de mesure. Car c'est bien le résultat final, à savoir le processus de mesure, qui doit être raccordé. Il est donc nécessaire de savoir comment est utilisé le moyen pour assurer la traçabilité. La métrologie ne s'arrête pas à la gestion des moyens de mesure.

La gestion des moyens est une activité communément affectée à un service centralisé, à savoir la métrologie. Dans ce cas de figure, c'est à elle qu'il revient de remplir les exigences de ce paragraphe (notamment le point b). Il est également possible que cette activité soit remplie directement par les services concernés et non pas centralisée. Cette stratégie a certains avantages, comme la gestion au plus proche de l'utilisation et du besoin, l'économie de personnel, mais aussi des inconvénients (visibilité globale moins bonne, stratégies de gestion disparates, compétences métro-logiques moins pointues, fonction souvent moins bien suivie). La responsabilité de l'organisation de la métrologie et, notamment dans ce paragraphe, la traçabilité des moyens doivent être identifiées afin de s'assurer que les exigences soient bien remplies (voir NF EN ISO 10012 paragraphe 5.1).

Intervalle d'étalonnage et/ou de vérification ?

Faut-il étalonner et/ou vérifier les équipements à intervalles spécifiés, communément appelés périodicités ? L'étalonnage à intervalles spécifiés n'est pas obligatoire. Il suffit en effet de s'assurer que l'équipement a été au mini-mum étalonné/vérifié juste avant son utilisation (par exemple, utilisation suite à la mise en sommeil d'un équi-pement). Un étalonnage/vérification initial de l'équipement est toutefois obligatoire. Si des intervalles sont spécifiés, ils doivent être justifiés. Mais alors, comment choisir l'intervalle d'étalonnage et/ou de vérification ? Dès la mise en place initiale des normes ISO 9000, l'objectif des opérations d'étalonnage/vérification périodique a été de garantir la traçabilité métrologique aux étalons nationaux ou internationaux et d'identifier des défauts de mesurage (biais, dérive, instabilités…) ayant potentiellement altéré les mesures réalisées antérieurement.

Il est vrai que l'étalonnage peut intervenir beaucoup trop tard – son exploitation permet de confirmer, ou non, la validité des mesures antérieures – et il n'apporte pas de garantie pour l'avenir. Par ailleurs, il est important de préciser que l'étalonnage ne concerne que le moyen de mesure et ne valide pas le processus de mesure complet. C'est ainsi que des organismes tels que l'Organisation internationale de métrologie légale (OIML), le National Conference of Standards Laboratories International (NCSLi) aux États-Unis et le Bureau de normalisation de l'aéronautique et de l'espace (BNAE) en France, dès 1996, ont publié des guides permettant d'aborder plus rationnellement la problématique, avec, en particulier, des méthodes de base qui font encore référence aujourd'hui. Il s'agit du suivi de dérive et de dispersion dans le temps, du temps d'utilisation, de l'ajustement en escalier, des contrôles intermédiaires (boîte noire), des approches statistiques (familles, séries de fabrication, etc.).

C Le Collège français de métrologie (CFM) a édité un ouvrage intitulé « Audit de la fonction métrologie, comment s'y préparer ? » et qui permettra aux métrologues de disposer d'informations encore plus complètes sur le sujet.

CFM-Afnor

Un peu plus tard, l'International Laboratory Accreditation Cooperation (ILAC) et le NCSLi, au travers des documents G24 pour le premier et RP1 pour le second, ont identifié des méthodologies très complètes. En France, le fasci-cule FD X 07-014 et la méthode Opperet du CFM décrivent plusieurs solutions pour des applications concrètes dans certains domaines. Le fascicule FD X 07-014, en particulier, propose une méthode facilement utilisable et performante pour les calibres (piges, tampons, cales et, de façon générale, tout étalon pour lequel la dérive est modélisable). Dans ce cas particulier, l'étalonnage/vérification « périodique » peut être défini de façon fiable grâce à des analyses statistiques de dérive. Quant à la méthode Opperet, elle est basée sur une analyse de la criticité des éléments liés à un processus de mesure (risque de dérive, capabilité de l'instrument et du processus de mesure, facteurs aggravants, coût). La méthode propose neuf points de réflexion qu'il convient de noter et pondérer.

Des laboratoires et des prestataires de services mettent en œuvre également leur expertise et des outils dédiés basés sur : les objectifs de performance des processus de mesure impliquant les moyens de mesure et la contribution de ces derniers ; les conditions d'utilisation (environnement stable et protégé, milieu difficile, mouvements fréquents, etc.) ; l'exploitation des résultats d'étalonnage/vérification du moyen concerné ; des analyses statistiques relatives au comportement de modèles, séries d'équipements déterminés, etc. ; des actions de maintenance préventive systématiques ou conditionnelles et de surveillance mises en œuvre. Au-delà de l'équipement, les surveillances concernent les processus de mesure, comme décrit dans le document (voir également le guide « Surveillance des processus de mesure »), et complètent utilement les opérations d'étalonnage ou de vérification, en lien permanent avec la mise en place d'actions de maintenance préventive (anticipation de remplacement de composants suite à détection d'une dérive anormale par exemple).

A « intervalles spécifiés ou avant utilisation »

Les surveillances doivent être judicieusement choisies pour permettre de maîtriser, au minimum, les mesures critiques. L'étalonnage ne peut pas mettre en évidence tous les défauts de l'instrument, notamment des dérives au sens du VIM paragraphe 4.21 (variation continue ou incrémentale dans le temps), car les incertitudes d'étalonnage sont supérieures aux variations d'erreur observées et qu'il n'est donc pas possible de savoir s'il s'agit d'une dérive ou si la variation observée n'est en fait que le fruit des incertitudes de mesure, des dysfonctionnements dus à des événements ponctuels (choc, mauvaise utilisation, claquage d'un composant). Et, par conséquent, l'étalonnage ne peut pas garantir à 100 % une validité des résultats, quel que soit l'intervalle choisi, d'où la nécessité de compléter l'étalonnage/vérification, dont la périodicité sera déterminée avec pertinence par les méthodes évoquées plus haut, par des surveillances simples et efficaces.

La version 2015 de l'ISO 9001 redonne du sens à l'étalonnage/vérification qui doit être réalisé(e) à « intervalles spéci-fiés ou avant utilisation », exigence spécifiée au paragraphe 7.1.5.2, afin de garantir la traçabilité des mesures, mais aussi de faire une évaluation du moyen par un spécialiste. L'étalonnage peut également faire l'objet d'une opération ponctuelle lorsqu'un doute a déjà été identifié par une surveillance (paragraphe 7.1.5.1). Déterminer les périodicités (intervalles) d'étalonnage et de vérification est donc le fruit d'une réflexion, pas toujours simple, qui peut s'appuyer sur des guides, tel qu'évoqués plus haut. Une fois ces intervalles déterminés, il est nécessaire de mettre en place des processus de surveillance, qui seront des détecteurs d'alerte de dérive. Enfin, il ne faut pas oublier qu'une périodicité n'est pas fixée une fois pour toutes, mais qu'elle doit être réévaluée lors de chaque nouvel étalonnage.

Certains se demandent si tous les moyens doivent être étalonnés/vérifiés. La réponse est non. Seuls les moyens permettant de vérifier la conformité des produits ou des services sont soumis à cette exigence. Comme le rappelle la norme NF EN ISO 10012, « l'organisme doit spécifier quels sont les processus de mesure et les équipements de mesure qui sont soumis aux dispositions de la présente norme ». Un des rôles de la métrologie est de définir, en collaboration avec les différents intervenants de l'entreprise, ces besoins en fonction des contraintes. Les autres moyens (non soumis à l'étalonnage/ vérification) seront identifiés comme de simples indicateurs, car ils n'ont pas d'impact important sur la production.

En conclusion, la fonction métrologie doit répondre aux exigences de la norme et principalement de l'article 7.1.5 traitant des ressources pour la surveillance et la mesure. Mais d'autres articles sont également concernés : l'article 7.2 traitant des compétences ; les articles 4.4 et 6.1 où la notion de risque est abordée ; les articles 8.1, 8.2, 8.4 et 8.5 concernant l'opérationnel ; et enfin les articles 9.1 (surveillance, mesure, analyse et évaluation) et 9.3 (revue de direction) sont aussi à prendre en considération.

(1) Extrait reproduit avec l'autorisation de l'Association française de normalisation (Afnor). (2) Measurement System Analysis (MSA) est un outil d'analyse des systèmes de mesures. (3) Le Comité de normalisation des moyens de production (CNOMO) est un comité créé par les groupes PSA Peugeot-Citroën et Renault, qui élabore des documents normatifs, le plus souvent en complément des normes existantes.

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