Bus de terrain Ethernet et IO-Link, un couple d'avenir?

Le 01/04/2014 à 14:00

L'essentiel

Les réseaux de terrain basés sur Ethernet ont fait une entrée en force dans les machines-outils, les lignes de production, etc.

Il s'agit de répondre aux exigences de communication plus rapide, de quantité d'informations accrue, d'ouverture vers la supervision et les systèmes IT.

Les échanges d'information doivent aussi se faire jusqu'aux périphériques de terrain. Si le bus AS-i a toujours sa place pour le câblage, l'interface IO-Link a fait une entrée remarquée dans ces communications.

Cela fait bien un an et demi à deux ans que certains fabricants de capteurs mettent en avant l'interface de communication IO-Link, en fait chaque fois qu'une société présente un nouveau capteur de température, transmetteur de pression, cellule optoéletronique, détecteur d'objets… Et, au-delà des capteurs et détecteurs, on découvre vite que l'offre actuellement disponible sur le marché englobe également des terminaux de distribution, des entrées/sorties et bien d'autres périphériques. Même si l'on retrouve des modèles pour les procédés,ce sont avant tout des capteurs destinés aux applications manufacturières. Comment se fait-il qu'un standard apparu sur le marché il y a environ cinq ans ait une telle visibilité aujourd'hui? Même si d'aucuns sont plus critiques en parlant d'IO-Link, il n'empêche que le secteur a connu ces dernières années une évolution de fond avec l'apparition des réseaux de terrain basés sur Ethernet.Et qu'IO-Link s'inscrit parfaitement dans cette tendance au niveau des moyens de communication dans les machines. « Il y a encore cinq à dix ans, les deux principaux marchés étaient Profibus et DeviceNet.Mais depuis cette époque, ce sont les réseaux de type Profinet et Ethernet/IP qui ont pris la main dans les automates.Les manufacturiers recherchent des machines qui fonctionnent de plus en plus vite, à des vitesses tendant vers le temps réel », constate Didier Folin, responsable produits chez Türck Banner France. Par exemple, les protocoles de communication EtherCAT et PowerLink sont vraiment axés vers les applications de régulation et de contrôle de mouvement ( motion control ), les autres standards comme Profinet et EtherNet/IP étant plus généralistes.

La quantité de données échangée par des capteurs de vision, comme la plate-forme VeriSens de Baumer, impose de plus en plus l'utilisation de réseaux de terrain, et en particulier des bus basés sur Ethernet…

Baumer

« Pourquoi existe-t-il autant de protocoles de communication différents ? s'interroge Alain Labrosse, directeur de Baumer France. En fait, derrière chacune de ces dénominations, il y a un fabricant d'automates qui a développé un protocole pour connecter capteurs, actionneurs et autres périphériques.» C'est ainsi également que les différentes zones géographiques dans le monde voient la prédominance de tel ou tel autre réseau de terrain, selon la position de leader de tel ou tel autre fabricant. « Nous retrouvons Profinet,soutenu par Siemens,en Europe,EtherNet/ IP sur le marché américain grâce à Rockwell Automation et Omron, et CC-Link en Asie via Mitsubishi. La situation évolue toutefois puisqu'EtherNet/IP se développe aussi aujourd'hui en Europe », explique Frédéric Moulin, chef produits chez Festo France.

Dans les applications manufacturières, à savoir les machines-outils, les lignes de production, etc., l'échange des informations est au cœur de ces installations, seulement entre les périphériques de terrain et l'automate ainsi qu'entre la machine et les couches supérieures comme la supervision et le système MES. Pour relier tous ces composants, les réseaux de terrain basés sur Ethernet prennent aujourd'hui une place prépondérante.

Rockwell Automation

« Chaque industrie a par ailleurs ses propres standards, comme le secteur de l'automobile, des véhicules agricoles et des engins de chantier avec le CANopen », poursuit Alain Labrosse. Pour Patrick Brassier, responsable marketing Contrôle industriel chez Siemens France, « les communications de terrain pour les automates du manufacturier nécessitent des exigences de sécurité, en plus de ceux du temps réel, à savoir des temps de cycle déterministes.» . Ce que confirme notamment Didier Novat, responsable produits Systèmes de sécurité chez Sick France: « La sécurité via les réseaux de terrain est un secteur qui commence à être intéressant.» Et, depuis quelques années, Ethernet joue également un rôle important au niveau des couches supérieures pour la communication avec la supervision et les MES ( Manufacturing Execution Systems ).

Soutenir la quantité accrue d'information échangée

Pour garantir la disponibilité des fonctionnalités et les atouts d'une industrie connectée, l'Industrie 4.0 puisque c'est le concept à la mode, depuis la supervision et le MES jusqu'aux couches les plus basses d'un réseau de terrain, il semble évident qu'Ethernet doive s'étendre à travers l'ensemble de l'architecture. D'autant que, parallèlement à cette tendance, le nombre de points de mesures mis en place sur les lignes de production et dans les machines s'est encore accru. Et, depuis plusieurs années et avec les développements récents, il y a de plus en plus d'intelligence embarquée dans les capteurs. Ce sont les fameux smart sensors . Résultat : la quantité d'informations qui doit être remontée depuis le terrain a fortement augmenté, une situation où les réseaux de terrain basés sur Ethernet, avec notamment des performances supérieures aux traditionnels bus, ont trouvé un « terrain de jeu » idéal.

Mais, là où le bât blesse, ce sont sur les derniers mètres, en fait au niveau de la connexion des automates aux capteurs, actionneurs et autres périphériques de terrain. « Si toute la chaîne repose jusque-là sur Ethernet, pourquoi pas aussi les capteurs et les actionneurs ? Il est relativement aisé d'ajouter un connecteur de bus de terrain dans un moteur ou un actionneur. Mais la question se pose pour les capteurs parce que les notions de coût de revient et de fonctionnalités entrent alors en jeu », expliqueThierry Lecœur, responsable marketing «Electronique industrielle» chez Phoenix Contact France.

Pour Patrick Brassier (Siemens France), «vouloir doter un capteurTOR,dont le coût est de quelques dizaines d'euros seulement,d'une connectique Profibus ou Profinet revient à quadrupler le prix par rapport à une version avec une connectique AS-i.Dans le cas d'un variateur de vitesse, le surcoût est déjà intégré.» Et il ne faut pas non plus oublier un aspect très concret: «Les dimensions d'un connecteur Profibus sont dix fois plus grandes que celles de certains petits capteurs», ajoute David Ecobichon, responsable «produitsDétectiondeprésenceetInstrumentation industrielle» chez Sick France.

A l'instar des capteurs de distance DX35 de Sick, l'interface de communication IO-Link se démocratise dans les capteurs et les actionneurs. Certains fabricants la proposent même désormais en standard. Mais tous les industriels ne se sont pas encore convertis à cette interface relativement récente…

Sick

C'est pour pallier ces inconvénients, entre autres,que l'interface de communication IO-Link a vu le jour il y a environ une dizaine d'années pour simplifier la connectique et assurer les échanges d'informations entre les capteurs et actionneurs et les systèmes de contrôle-commande. « On parle souvent d'IO-Link comme d'un bus de terrain. Attention à la confusion ! lance Edil Alvarez, chef produits chez ifm electronic France. Le rôle d'IO-Link est de transporter une information d'un capteur ou d'un actionneur sur l'entrée d'un automate. C'est une communication point-à-point équivalente à une sortie 4-20 mA ou 0-10V.» Une sorte de «sortie analogique intelligente»… C'est d'ailleurs un élément que tous nos interlocuteurs ont d'emblée rappelé.

IO-Link pour les communications de bas niveaux

La spécification IO-Link, prise en charge par le consortium éponyme (IEC 61131-9), définit une connexion point-à-point d'un maître vers un esclave, selon une topologie de type étoile. Cela signifie que chaque maître peut ainsi être relié à plusieurs esclaves. Les données issues des capteurs et actionneurs sont transmises au maître de façon déterministe. Il faut toutefois attendre plusieurs cycles si l'on veut que l'ensemble des informations, y compris celles de diagnostic, lui parviennent. C'est ensuite le système de contrôle-commande qui interroge le maître pour obtenir les données nécessaires. On distingue quatre types de données numériques: les données de process et l'état des valeurs (données cycliques), les données sur l'appareil et les événements (données acycliques).

Dans la version 1.1 de la spécification IO-Link, il existe par ailleurs trois modes de communication, correspondant à trois vitesses de transmission des données: Com 1 à 4,8kBaud, Com 2 et Com 3 à respectivement 38,4 et 230,4kBaud. Précisons qu'une interface IO-Link se présente sous la forme d'un connecteur M12 à 3 fils, pour l'alimentation (0V sur la broche 3 et 24V sur la broche 1) et la ligne de commutation et de communication (broche 4). Les connecteurs de maîtres IO-Link peuvent utiliser deux fils supplémentaires.Tout est donc rassemblé sur un même et unique connecteur standardisé, via la modulation en fréquence du signal numérique sur celui analogique.

« Cette conception rend les capteurs IO-Link polyvalents : ils peuvent ainsi se connecter sur une entrée IO-Link ou sur une entrée TOR standard, sans toutefois disposer des fonctionnalités propres à IO-Link dans le deuxième cas », explique EdilAlvarez. En plus de la simplicité de mise en œuvre, les utilisateurs apprécient un autre intérêt, à savoir un coût moindre d'une solution IO-Link. « Par exemple, un maître IO-Link est beaucoup moins cher qu'une carte d'entrée réseau pour automate », indique Frédéric Moulin (Festo France). « Chaque référence matérielle dispose de son identification propre, à savoir un IODD [ IO Device Description , utilisable dans un outil FDT/DTM, comme PACTware, via un interpréteur ad hoc pour accéder aux informations, NDLR] » , poursuit Laurent Maréchal, responsable technique et projets RFID chez Balluff France.

L'un des atouts d'IO-Link est la très grande simplicité des opérations de paramétrage et, plus généralement, de mise en œuvre des capteurs. Non seulement ils n'ont plus besoin d'être paramétrés en local, mais aussi il est possible de charger en une fraction de seconde la configuration d'un capteur défectueux donné dans un nouveau, par exemple. C'est ce que permet la Memory Plug d'ifm electronic.

ifm electronic

Le secteur du packaging a une longueur d'avance

On aborde ici un atout essentiel d'IO-Link qui est une liaison bidirectionnelle. Non seulement l'interface permet de remonter bien plus d'informations (valeurs de process et diagnostic) qu'une interface analogique traditionnelle, mais aussi elle simplifie grandement les étapes de paramétrage et,plus généralement, de mise en œuvre des capteurs et actionneurs. « En plus de remonter les informations des couches basses vers le réseau,la supervision et le MES, le capteur n'a plus besoin d'être paramétré en local. C'est notamment un gain de temps appréciable pour les utilisateurs car il ne faut plus que deux, trois minutes via IO-Link contre une vingtaine de minutes via les boutons du capteur » , constate Laurent Maréchal. Mêmes les capteurs simples peuvent être concernés. Auparavant, les opérateurs suivaient la notice d'utilisation pour régler le capteur en tournant le potentiomètre d'un demi-tour. Mais cela reste assez subjectif, ce qui amenait à des demi-tours différents selon la personne qui intervient. Avec IO-Link, la programmation est la même pour tous les capteurs et quel que soit l'opérateur, et in fine la maintenance est réduite.

Et Christophe Szymaniak, chef de produit AS-i et bus de terrain chez ifm electronic France, de renchérir: « Les utilisateurs cherchent à avoir les temps de maintenance les plus courts possibles,comme par exemple pour changer des capteurs. Si, jusque-là, la connectique tenait la route, c'est maintenant au niveau de la programmation où il n'y a plus rien à faire. Après le secteur agroalimentaire, c'est désormais l'automobile qui affiche clairement la volonté d'y aller ». « C'est en effet un point très important, car il est bien plus simple de paramétrer un capteur IO-Link comparé à des capteurs analogiques raccordés à un automate via le logiciel de programmation classique de ce dernier », ajoute Frédéric Moulin (Festo France). Signalons d'ailleurs qu'ifm electronic a développé la Memory Plug . Ce tout petit boîtier Plug & Play , connecté à l'interface IO-Link d'un capteur, permet de lire, de sauvegarder les données de paramétrage et de les injecter sans erreur à un nouveau capteur installé, dans le cas de l'échange d'un appareil défectueux ou de la copie de réglages identiques à une multitude de capteurs. Et toutes ces étapes se font d'une manière totalement automatique, dès la connexion au capteur.

La spécification IO-Link, prise en charge par le consortium éponyme (IEC 61131-9), définit une connexion point-à-point d'un maître vers un esclave, selon une topologie de type étoile. Les données issues des capteurs et actionneurs sont transmises au maître de façon déterministe. C'est ensuite le système de contrôle-commande qui interroge le maître pour obtenir les données nécessaires.

Tous ces avantages expliquent en (grande) partie l'explosion de produits compatibles IO-Link disponibles sur le marché. « Nous proposons d'ores et déjà un peu moins de 200 capteurs IO-Link, principalement en pression, température, débit. Mais les utilisateurs ne le savent assez souvent pas car le prix d'un modèle IO-Link est le même que celui d'un capteur standard », précise Edil Alvarez (ifm electronic France). « On entend parler d'IO-Link depuis quatre, cinq ans, et, à sa sortie, il n'y avait pas de grandes attentes de la part des industriels.Ce sont en fait les clients finaux qui ont évolué : si un industriel du packaging, par exemple, avait avant un seul design de conditionnement défini, il en a aujourd'hui plusieurs pour mieux attirer l'œil du consommateur, pour que son produit soit le plus vendeur », constate David Ecobichon (Sick France).Au lieu de modifier «à la main» tous les composants de la machine, dont les capteurs, IO-Link facilite grandement l'installation, assure la qualité de l'acquisition du signal et des informations et un pilotage à distance.

« Le secteur du packaging a d'ores et déjà pris une longueur d'avance,les biens de consommation ( packaging , agroalimentaire, boissons, pharmaceutique et cosmétiques) évoluant très vite, mais l'automobile y arrivera, avec un impact très fort, même si cela prend plus de temps. Et le monde de l'instrumentation et la logistique sont demandeurs de cette évolution. Les clients nous interrogent de plus en plus souvent et cela a pris une autre dimension. Même si cette progression ne se traduit pas encore dans les ventes », poursuit-t-il. Patrick Brassier (Siemens France) cite une autre application: « Dans le domaine de l'efficacité énergétique, on se sert traditionnellement de petites Led comme indicateurs pour surveiller la consommation d'un moteur. En les rendant communicantes grâce à IO-Link, il est possible de remonter directement des informations de consommation très fines (départ-moteur par départ-moteur, par exemple) au niveau de l'armoire de distribution d'une ligne de production.»

Avec sa communication intégrée basée sur Ethernet, le protocole Profinet répond à un large éventail de besoins, de l'assignation de paramètres à fort volume de données jusqu'à la transmission des signaux d'entrées/ sorties synchrones. La communication s'effectue sur le même câble dans toutes les applications, allant de simples tâches de contrôle à des applications de contrôle de mouvement très exigeantes.

N'oublions pas le bus de terrain AS-i !

Toutes ces louanges pourraient faire croire qu'IO-Link est devenu la solution universelle pour les communications au niveau des couches basses. Mais, parmi les limitations d'IO-Link, on peut citer la longueur de câble maximale autorisée (jusqu'à 20m), la vitesse de transmission bien inférieure à celle offerte par un réseau de terrain, l'implémentation directe de fonctions de sécurité ou encore l'absence de certains types de produits, même si l'on peut alors recourir à des passerelles. La spécification IO-Link mentionne par exemple un câblage sans précaution particulière, la tresse de blindage des bus devenant facultative. Dans une armoire, cela ne pose normalement pas de soucis, mais ailleurs un blindage et une mise en commun de la tresse permettent de s'affranchir des problèmes liés à des chemins de câbles non isolés de ceux de la puissance. « Il n'est pas possible de tout faire,comme par exemple de garantir une durée de cycle de quelques millisecondes. Si le réseau est chargé, ce temps peut plutôt atteindre 100 ms, ce qui convient à de nombreuses applications (sauf le triage ou le soufflage) », explique Frédéric Moulin (Festo France). Antoine Lavaux, responsable produit pour la gamme Codeurs chez Sick France soulève un autre inconvénient: « Même si la structure d'IO-Link est la même entre les capteurs de deux marques différentes, la mise à disposition de certaines fonction-nalités ou informations peut dépendre du savoirfaire du fabricant.»

Les capteurs ne sont pas les seuls à devoir être connectés à un automate. Les terminaux de distribution comme la plate-forme d'automatisation CPX de Festo intègrent également une interface IO-Link et supportent un large éventail de protocoles de communication (Profibus, EtherNet/IP, EtherCAT, Modbus TCP, CC-Link…)

Festo

Mais il ne faudrait d'abord pas enterrer trop vite l'Actuator Sensor Interface (AS-Interface ouAS-i; EN 50295 et CEI 62026-2). Il s'agit d'un bus de terrain ouvert créé en 1990 et qui assure la transmission des signaux TOR et analogiques au niveau des machines. Ce système de câblage joue également le rôle d'interface universelle entre le niveau de commande et les capteurs et actionneurs simples. Il se compose de trois éléments essentiels: un maître, une alimentation spéciale et des stations connectées appelées esclaves. Le maître AS-i gère de manière autonome les échanges de données avec les esclaves (jusqu'à 62), via une scrutation cyclique de 5ms typique. Il assure également la surveillance du réseau, son diagnostic et la liaison avec le niveau supérieur (l'automate). L'alimentation spéciale permet, elle, la transmission simultanée des données et de l'énergie sur un seul câble jusqu'à une distance de 100m (600m avec répéteurs et modules d'extension). Dernière caractéristique de l'AS-i, la connectique est une prise dite vampire qui permet de ploguer les auxiliaires d'entrées/sorties sans aucun outil directement sur le câble plat profilé de couleur jaune, d'où le nom de bus jaune. « Le bus de terrain AS-i a révolutionné l'interface des périphériques et l'accès aux informations sur les capteurs simples. L'IO-Link, lui, est ensuite allé bien plus loin », rappelle David Ecobichon (Sick France).

Selon le groupe de travail du Groupement des industries de l'équipement électrique, du contrôle-commande et des services associés (Gimélec), il n'y a pas de recul du nombre d'équipements installés par an en France… mais il n'y a pas forcément de croissance non plus. L'AS-i a rapidement été positionné comme un bus low cost : un chipset AS-i coûte dix fois moins cher qu'un esclave Profinet, sans compter la gestion des services et le gros travail de développement. Et n'oublions pas la belle croissance actuelle de l'AS-i Safety pour les fins de course, les arrêts d'urgence, les barrières. Festo a par exemple lancé beaucoup de nouveaux produits début 2000, même si le fabricant privilégie maintenant IO-Link.

Codeurs et caméras privilégient les réseaux de terrain

Pour ifm electronic, le marché évolue même bien dans certains secteurs de marché, mais moins bien dans d'autres. « Nous enregistrons une progression (bien) supérieure à celle du marché en général, surtout dans un contexte économique difficile. Nous continuons donc à promouvoir et à développer l'AS-i contrairement à d'autres acteurs », ajoute Christophe Szymaniak (ifm electronic France). Evidemment, le bus AS-i atteint quand même certaines limites, comparé surtout aux réseaux de terrain basés sur Ethernet mais aussi à IO-Link (les passerelles sont par exemple plus complexes).

IO-Link interface n'est pas non plus exempte d'inconvénients qui peuvent expliquer les commentaires plutôt négatifs de certains fabricants. « Montrez-moi des clients qui mettent en œuvre IO-Link dans leurs machines. C'est vrai que tout le monde est prêt mais cela reste très, très confidentiel. Je ne vois pas d'effet IO-Link avant trois à cinq ans », avance David Zeller, ingénieur d'applications pour la gamme Codeurs et télémètres laser chez Sick France. Ce que confirme Didier Folin (Türck Banner France): « Il y a de nombreux développements chez nous mais très peu de demandes de la part des clients, essentiellement dans l'automobile. Pourtant, IO-Link a des atouts et nous en parlons à nos commerciaux. Mais les industriels doivent l'accepter.» Le démarrage timide d'IO-Link vient également de l'amalgame souvent fait par les utilisateurs.Le concept IO-Link a été promu comme un bus de terrain,ce qu'il n'est pas.Les industriels ne voyaient pas l'intérêt de passer à un autre bus. La situation a changé avec l'apparition des smart sensors et le changement de communication grâce à l'intelligence.

Comme on vient de le voir, l'interface IO-Link et le bus AS-i sont des solutions (très) intéressantes pour les capteurs et actionneurs «simples», dont la quantité d'informations échangée reste relativement peu importante. « Plus le besoin d'information accessible croît, plus la mise en œuvre de réseaux de terrain,et notamment ceux basés sur Ethernet, se justifie. Ils montrent en effet tous leurs atouts,soit au niveau du contrôle soit au niveau de l'exploitation », constate Jérôme Poncharal, solutions architect chez Rockwell Automation France. Parmi les capteurs qui peuvent se connecter directement à un ré-seau de terrain, on peut par exemple citer les capteurs de vision. « Les advanced sensors ,ou capteurs évolués, destinés à contrôler une distance, à réaliser une mesure ou encore des images sont passés d'une connexion RS-232/485 à une interface Ethernet », précise Alain Labrosse (Baumer France).

Les industriels présents dans le domaine manufacturier, fabricants de machines et utilisateurs finaux, recherchent des équipements qui fonctionnent de plus en plus vite, à des vitesses tendant vers le temps réel. D'où l'émergence des réseaux de terrain basés sur Ethernet (ici, des modules électroniques BL67 IP67 de Türck Bnanner) qui offrent performances, sécurité, pérennité, etc.

Türck Banner

Lescodeurs,enparticulierles modèles abso-lus multitours, sont les parangons des capteurs connectés directement à un bus de terrain. « En plus de transmettre une très grande quantité d'informations, les codeurs sont souvent associés à des temps de cycle très courts de la machine sur laquelle ils sont installés. Les capteurs ne doivent en aucun cas limiter les performances de la machine, d'où d'ailleurs le passage de Profibus aux protocoles Ethernet pour des raisons de performances/vitesses », ajoute-il. Rappelons qu'il y a encore quelques années, les codeurs étaient connectés via des liaisons parallèles qui disparaissent au profit des bus de terrain.

Mais, compte tenu de la variété des protocoles de communication disponibles sur le marché (CANopen, Profibus et Profinet, DeviceNet, EtherNet/IP, EtherCAT, PowerLink…), les fabricants de capteurs, d'actionneurs et d'autres composants sont confrontés à l'obligation de proposer le plus grand nombre de standards, y compris AS-i et IO-Link, pour ne pas se couper d'une partie du marché. « N'étant pas un fabricant d'automates, nous nous devons de nous adapter aux demandes du marché. Mais cela impose des investissements très importants,comme par exemple dans le multiprotocole », insiste Didier Folin (Türck Banner France). Le fabricant Baumer, lui, a choisi une conception «modulaire» pour ses codeurs. La partie capteur est en fait séparée de la carte électronique correspondant à chaque protocole de communication.

Bénéficier des atouts d'Ethernet à tous les étages

« Avec le basculement vers les réseaux basés sur Ethernet, la tendance est très clairement d'augmenter les performances, de démultiplier la gestion et le traitement des données, etc. L'intégration de serveurs web dans les équipements assure également une prise en main à distance, les utilisateurs pouvant ainsi constater un défaut depuis leur bureau et dépêcher quelqu'un pour intervention. Pour nous,fabricants, il est désormais possible d'apporter un conseil en direct, sans se déplacer », explique Laurent Maréchal (Balluff France). David Zeller (Sick France) ajoute qu' « un serveur web intégré assure également le paramétrage des capteurs directement via un PC, sans outils spécifiques ni contrainte de version du système d'exploitation ni modification de câblage.»

Comme le programme est embarqué dans le capteur lui-même, dès que l'on connecte le capteur, on a accès à l'ensemble de ses paramètres via une page internet, en lançant simplement l'exécution d'un navigateur internet (du moment que l'on connaît l'adresse IP). « C'est une avancée significative pour les fabricants de machines.Et je vois un autre avantage : la possibilité de récupérer notamment l'information sur la température directement dans le codeur permet de surveiller aussi la machine. Il faut être clair, l'utilisateur final ne voit pas tous ces aspects et ce sont plutôt nous,fabricants,qui sommes moteurs sur le marché », indique mêmeAntoine Lavaux (Sick France).

On parle ici de possibilités offertes par les moyens de communication actuels, moyens que tout un chacun utilise déjà peu ou prou au quotidien. Est-ce que, plus généralement, les industriels peuvent mettre en œuvre des équipements Ethernet disponibles pour l' Information Technology (IT) dans leurs applications manufacturières ? « Si le client est consciencieux, il ne choisira pas les commutateurs péri-informatiques que l'on peut facilement trouver sur le marché. Ils ne disposent pas d'alimentation redondante,ils ne peuvent pas véhiculer les protocoles industriels, et ils ne répondent pas aux exigences de disponibilité et de performances », préciseThierry Lecœur (Phoenix Contact France). Du point de vue de la standardisation, le choix le plus pertinent est évidemment Ethernet, mais il existe des différences entre les réseaux de terrain basés sur Ethernet. Si tous les protocoles s'appuient sur la couche physique de la norme IEEE, certains relèvent également de la norme IEEE pour la pile Ethernet, contrairement à certains autres dont la couche a été modifiée pour répondre à des choix technologiques.

Pour Jérôme Poncharal (Rockwell Automation France), « l'ouverture du monde industriel vers le monde de l'IT garantit une intégration aisée d'une machine dans l'infrastructure globale de l'entreprise.En particulier pour les applications mobiles qui font qu'Ethernet est au cœur de notre quotidien. Dans l'industrie, ces applications permettent de connaître l'état des approvisionnements et la qualité de production en quasi-temps réel,d'afficher le taux de pannes d'une ligne de production donnée sur un smartphone pour le comparer à ceux des autres lignes.Nous nous structurons pour proposer des services (conseil, audits, surveillance à distance des paramètres d'un réseau, etc.) pour le déploiement d'infrastructures, l'accompagnement concernant la mise en œuvre des machines et leur intégration dans l'infrastructure.» Il s'agit souvent d'une vraie démarche de partenariat entre le fabricant d'automates et son client, ce qui est par ailleurs gage de pérennité des solutions. «Tous les industriels recherchent la pérennité sur des périodes de 15 à 20 ans. C'est ce qui explique d'ailleurs qu'il n'existe pas de date d'arrêt pour Profibus. La technologie Ethernet continue toutefois à évoluer dans le monde informatique, comme le protocole IPv6, mais tout n'est pas forcément pris en compte dans l'industrie », ajoute Patrick Brassier (Siemens France).

Les industriels ne sont pas encore suffisamment bien conscients de la cybercriminalité. Mais les différents acteurs travaillent sur le sujet de la sécurité et des solutions existent déjà (ici, un commutateur Ethernet de Phoenix Contact). Il ne faut toutefois pas oublier que la mise à jour d'un PC de supervision fonctionnant sous Windows équivaut à un redémarrage, ce que ne peuvent se permettre les industriels.

Phoenix Contact

Une intégration et une sécurité encore plus poussées

Les efforts des fabricants au niveau des possibilités d'intégration ne s'arrêtent pas là. « Le besoin d'accroître les performances et de simplifier la maintenance des machines et des lignes de production a débouché sur la nécessité de développer des architectures d'automatisme toujours plus intégrées et in fine des architectures basées sur un seul et unique réseau, depuis l'automate jusqu'aux capteurs. PowerLink, qui reste le backbone de l'architecture, s'étend également maintenant aux technologies complémentaires, à savoir la sécurité (que nous intégrons déjà grâce aux performances de PowerLink), la vision, les robots, etc. Je parlerais même de “fusion technologique”», explique Olivier Rambaldelli, responsable marketing chez B&R Automation France.

Question sécurité, de nombreux événements de cyberattaques et autres opérations malveillantes se sont produites depuis l'attaque de systèmes de contrôle d'infrastructures de production iraniennes par le ver informatique Stuxnet en 2010. « Les industriels ne sont pas encore suffisamment bien conscients de la cybercriminalité. Des personnes d'Europe de l'Est par exemple rançonnent les exploitants de site en leur extorquant 10 000 euros pour continuer à produire sans risques », décrit Thierry Lecœur (Phoenix Contact France). Il ne faut pas oublier que la mise à jour d'un PC de supervision fonctionnant sous Windows équivaut à un redémarrage, ce qui n'arrive que trop rarement parce que les industriels ne peuvent pas se permettre d'arrêter leur production…

« Il y a une prise de conscience de la part des industriels pour la mise en sécurité des sites critiques,dans les secteurs de l'énergie,du pétrole, de la GTC/GTB, signale néanmoins Jérôme Poncharal (Rockwell Automation France) . La norme ISA/IEC 62443 sur la cybersécurité des installations industrielles s'intéresse à la gestion de la sécurité (pro-duits, politique utilisateur…).» « La loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019 aborde également la politique de cybersécurité afin d'établir des niveaux de protection contre les hackers », ajoute Thierry Lecœur (Phoenix Contact France).

La mise en œuvre de communications de nouvelle génération (à l'image du contrôleur modulaire Smatic S7-1200 de Siemens) peut apporter des avantages insoupçonnés. Dans le domaine de l'efficacité énergétique, en rendant communicantes, grâce à IO-Link, les traditionnelles petites Led utilisées jusque-là comme indicateurs, il est possible de remonter directement des informations de consommation très fines au niveau d'une ligne de production.

Siemens

« Pour mettre en œuvre les nouvelles directives machines, sans dégrader les performances générales ou la flexibilité de l'outil de production à cause du nombre accru de données, de nombreux constructeurs de machines se tournent de plus en plus vers des solutions de sécurité intégrée à l'automatisme. Dans nos architectures PowerLink, la transmission des données liées à la sécurité s'effectue via le protocole standard openSafety certifié SIL 3 », explique Olivier Rambaldelli (B&R Automation France). Il existe sur le marché d'autres protocoles de réseaux sécurisés, comme Profinet, et les différents acteurs travaillent actuellement sur le sujet (nous reviendrons sur ce sujet dans un prochain numéro). Il s'agit d'économies substantielles pour les fabricants de machines, notamment au niveau du câblage car ce dernier doit être multiplié pour réaliser la partie liée à la sécurité.

«Toutes les solutions ne descendent pas jusqu'aux capteurs,très peu de capteurs disponibles sur le marché étant dotés d'une interface de sécurité. Il faut chercher les raisons du côté des contraintes industrielles : intégration de chacun des protocoles mis en œuvre pour une interface directe,passerelle d'échange, etc. La situation va évoluer dans le futur avec la montée en puissance du CIP Safety », constate Didier Novat (Sick France). A l'image de nombreux acteurs, la société allemande a investi beaucoup dans le développement de contrôleurs de sécurité, ce qui s'est notamment concrétisé par la solution Flex Soft, entre les gros automates et les solutions matérielles à base de relais, pour répondre aux exigences de petites machines.

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