Cinq Détecteurs Pid Passés Au Crible

Le 01/04/2013 à 14:00

L'essentiel

Parmi les barrières techniques de sécurité, les détecteurs PID portables servent à prévenir en temps réel les opérateurs de la présence de polluants chimiques.

Avec le soutien de l'Exera, l'Ineris a mené une campagne d'essais sur ces appareils pour évaluer leurs performances métrologiques en laboratoire et sur un site industriel.

Les résultats ont notamment mis en évidence qu'ils sont faciles à mettre en œuvre au quotidien, mais de préférence par des utilisateurs compétents, que les facteurs de réponse sont globalement acceptables…

Tout un chacun a encore en mémoire l'incident qui est survenu le 21 janvier 2013 sur le site rouennais du groupe Lubrizol, et tout particulièrement les centaines de milliers de personnes habitant ou travaillant dans les bassins normand et parisien. Le site de production d'additifs pour lubrifiants et pour peintures a en effet connu une fuite de mercaptan, ou méthanéthiol, un gaz utilisé pour rendre odorant le gaz de ville inodore (odeur caractéristique de putréfaction) et qui entre également dans la fabrication de produits phytosanitaires, d'antioxydants, etc. Si ce gaz n'est pas toxique à de faibles concentrations - il peut quand même provoquer une irritation des yeux, des muqueuses respiratoires et de la peau - , le mercaptan est toutefois classé officiellement comme“toxique par inhalation” et “dangereux pour l'environnement”.

L'incident de Lubrizol, qui n'a heureusement pas fait de victimes, n'est qu'un nouvel exemple des risques pouvant survenir sur un site industriel, et donc de l'intérêt pour le personnel intervenant dans ces usines, mais aussi dans n'importe quelle entreprise où l'on manipule ou l'on est en présence de produits dangereux, de disposer des équipements de protection et de détection fiables. Dans le cadre d'une démarche de prévention et de maîtrise des risques au sein des Installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris), avec le soutien de l'association des Exploitants d'équipements de mesure, de régulation et d'automatismes (Exera) et du ministère chargé de l'écologie, a mené une campagne d'évaluation des performances des détecteurs à photo-ionisation (PID).

Dans le cadre d'une démarche de prévention et de maîtrise des risques au sein des ICPE, l'Ineris, avec le soutien de l'Exera et du ministère de tutelle, a mené une campagne d'évaluation des performances des détecteurs PID, en laboratoire, avec un banc de génération de vapeurs développé pour l'occasion par l'Ineris, et sur un site chimique industriel français.

Ineris

Ces appareils portables décèlent en temps réel la présence de polluants chimiques et notamment les composés organiques volatiles (COV), dans l'air et à en mesurer la “concentration”. Ils constituent ainsi une barrière technique de sécurité, principalement à des fins d'hygiène et de sécurité dans les lieux de travail (mesurer les niveaux de pollution autour d'une installation). Ils peuvent également être mis en œuvre pour réduire les émissions industrielles au titre de la réglementation des ICPE. Les applications principales des détecteurs PID portatifs, identifiées par l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS), sont d'ailleurs la protection du personnel (capteur intégré dans un appareil de détection multigaz, par exemple), la recherche de fuites sur installation, l'aide à l'établissement d'une stratégie de prélèvement ou à la validation d'un équipement de protection collective. Les détecteurs PID sont toutefois plus des indicateurs que des analyseurs, dont les mesures permettent de déclencher une procédure d'échantillonnage en cas de dépassement de seuil. Comme il n'y a ni réel cadre réglementaire, ni méthode de référence pour la concentration des COV et de chaque composé organique (dangerosité différente), des questions peuvent se poser sur les paramètres d'influence.

La campagne d'essais a été menée en 2010 et 2011, selon un protocole précis établi un an auparavant par la commission technique Analyseurs industriels et détection de sécurité de l'Exera composée des entreprises Areva, Lubrizol,Total etVeolia, de l'Ineris et l'INRS. Ce protocole, qui est inspiré d'une évaluation déjà faite par l'INRS, a consisté en des tests obtenus en laboratoire, via un banc d'essai spécialement conçu à cet effet par l'Ineris, et des tests réalisés sur un site chimique industriel. L'objectif de la campagne d'essais était de comparer les performances métrologiques de détecteurs PID dans des conditions de laboratoire et de terrain identiques pour chaque appareil. Ce sont cinq appareils qui ont été évalués, de marque différente et prévus pour une utilisation en atmosphère explosive.

Des détecteurs dédiés et multigaz

Pour tous, le principe de fonctionnement est le même, à savoir l'ionisation des gaz sous l'effet d'un rayonnement émis par une lampe UV à une longueur d'onde précise. Les appareils sont équipés d'un système d'aspiration et d'une lampe standard de 10,6 électron-volt (eV) afin d'ioniser tous les composés dont l'énergie d'ionisation est inférieure à 10,6 eV. Deux d'entre eux sont des détecteurs multigaz embarquant également des cellules catalytiques (explosimétrie) ou électrochimiques (toximétrie, oxygène…), tandis que les trois autres sont des détecteurs dédiés.

La campagne ayant consisté en des tests en laboratoire et sur un site industriel, intéressons-nous d'abord aux premiers essais. L'évaluation des performances en laboratoire a nécessité la réalisation d'un banc d'essai ( voir encadré L'Ineris a développé spécialement un banc de génération de vapeurs ) permettant la génération d'atmosphères polluées en vapeurs organiques dans des conditions maîtrisées de concentration (écarts inférieurs à 4% de la concentration générée sur toute la durée de l'essai et pour l'ensemble des composés testés), de température (+20 + 2°C) et d'humidité relative (50 + 10% HR). Les tests ont porté sur l'évaluation des performances suivantes: les courbes et facteurs de réponse - le facteur de réponse est le rapport de la concentration du polluant recherché sur celle affichée par l'appareil en équivalent isobutylène - , le temps de réponse suite à l'exposition à un “cocktail” pendant trois heures, la dérive lorsque le détecteur est placé dans une atmosphère polluée, les capacités de détection à faible concentration.

Les détecteurs à photo-ionisation (PID) constituent une barrière technique de sécurité, principalement à des fins d'hygiène et de sécurité dans les lieux de travail. Ils peuvent également être mis en œuvre pour réduire les émissions industrielles au titre de la réglementation des Installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE).

MSA-Gallet

D'autres aspects ont également été contrôlés, comme les effets des conditions ambiantes (température, humidité relative, pression et forte exposition), avec une matrice à deux températures (+20 et +30°C) et trois humidités relatives (20, 50 et 70%), ainsi que la maintenance, les temps de charge et l'autonomie des batteries. Pour la maintenance, une opération a été déroulée pour voir l'influence sur les paramètres,à trois concentrations données.A noter que l'opération de maintenance est différente selon l'appareil: il peut s'agir d'une poudre d'alumine pour la lampe, d'une solution alcoolique avec séchage, de remplacer la lampe.

Les résultats de la campagne d'essais ont mis en avant que les détecteurs PID portables sont des appareils compacts et faciles à mettre en œuvre pour une utilisation quotidienne et pouvant fournir rapidement une indication. En cas de dépassement de seuil, les mesures permettent alors de déclencher une procédure d'échantillonnage pour analyse.

BW Technologies

En ce qui concerne les gaz utilisés, l'isobutylène (C4 H 8 )aété défini comme gaz de référence d'étalonnage des détecteurs PID, à une concentration de 100 ppm + 2%. Les vapeurs ont été générées à partir d'une solution liquide de qualité analyse, dont la concentration a été suivie tout au long de la campagne au moyen d'un analyseur à ionisation de flamme (FID). La liste des substances testées a été établie par les membres de la commission technique de l'Exera, selon leur représentativité dans le milieu industriel et la prise en compte de demandes spécifiques du ministère. Les cinq substances, qui sont également facilement utilisables sur le terrain, sont l'acétate d'éthyle, la butanone, l'isopropanol, le tétrachloroéthylène et le toluène, auxquelles se sont ajoutés l'acrylonitrile, le benzène, le chlorure de vinyle et le méthanol. Les quatre derniers composés ont en fait été utilisés dans des essais particuliers de par leurs propriétés physico-chimiques. Le chlorure de vinyle et le benzène sont en effet détectables par une lampe UV d'énergie d'ionisation de 10,6eV mais présentent une valeur moyenne d'exposition sur une durée maximum de huit heures (VME) très basse (1ppm); le méthanol et l'acrylonitrile ne sont pas censés être détectés au regard de leur potentiel d'ionisation, respectivement de 10,85 et 10,91 eV, supérieur à l'énergie d'ionisation de la lampe.

Ion Science RAE Systems

Les temps de réponse et de récupération peuvent être très variables d'un appareil à l'autre et/ou d'une substance à l'autre. Si les appareils dédiés affichent des temps ne dépassant pas 5 secondes, les détecteurs PID multigaz présentent des temps plus importants, jusqu'à 30 voire 40 secondes.

Industrial Scientific

Mesures d'émissions diffuses et canalisées sur site

A la suite de la campagne d'évaluation réalisée en laboratoire, l'Ineris a mené avec les mêmes détecteurs, excepté pour l'un d'entre eux qui a dû être changé, une nouvelle série d'essais comparatifs d'une durée de deux jours sur un site chimique représentatif de la situation courante en France.Au préalable de la campagne sur site, tous les détecteurs PID portables ont fait l'objet d'une préparation initiale. Des essais préliminaires ont en effet été effectués en laboratoire afin de vérifier leur état de fonctionnement et de procéder ainsi à un éventuel étalonnage selon deux concentrations différentes d'isobutylène.

Une fois cette étape réalisée, la première partie des essais sur le terrain a pu commencer: la mesure d'émissions diffuses de COV dans une unité de production chimique implantée à l'air libre. Les cinq appareils ont été fixés sur un chariot roulant, à une hauteur de 1,2 m du sol. Le chariot a ensuite été déplacé dans les unités pendant une durée d'une heure et trente minutes et des relevés ont été réalisés à proximité d'une vingtaine de sources d'émissions fugitives potentielles (garnitures de pompes et d'agitateurs, brides, vannes, etc.). Les conditions au moment des tests étaient une température de l'ordre de +15°C et un temps pluvieux. Les appareils n'ont détecté aucune présence de COV dans les installations; des mesures ont également été faites simultanément au même emplacement dans un local analyseur. La deuxième partie des essais sur site a consisté en des mesures d'émissions canalisées de COV en sortie d'extraction d'un laveur à eau. Pour cela, l'extrémité de la ligne d'échantillonnage a été mise à l'air tandis que des dérivations ont permis le raccordement des appareils à tester. Un flacon tampon a été placé sur la ligne pour piéger les condensats. De cette manière, les cinq détecteurs PID ont donc été évalués simultanément dans des conditions environnementales et opératoires identiques (en phase de procédé filtration/séchage/strippage). Signalons que, pour toutes les mesures comparatives sur site, les appareils ont été vérifiés (et si besoin étalonnés) à l'aide d'une bouteille d'air synthétique, pour le zéro, et d'une bouteille d'isobutylène, pour la sensibilité, avant et après chaque série d'essais.

Des résultats jugés globalement satisfaisants

Quel bilan l'Exera et l'Ineris ont-ils pu tirer de l'évaluation des performances métrologiques des cinq détecteurs PID disponibles sur le marché, lors de cette campagne d'essais comparatifs? Les résultats des tests en laboratoire ont mis en évidence quatre points principaux.Tout d'abord, les facteurs de réponse mesurés sont globalement comparables à ceux fournis par les fabricants. En moyenne, des écarts de l'ordre de 20% sont toutefois constatés, ce qui reste acceptable au regard des incertitudes relatives à la méthode de génération et d'analyse des gaz d'essai, ainsi qu'à la méthode de détermination des facteurs de réponse. Les temps de réponse et de récupération peuvent, quant à eux, être très variables d'un appareil à l'autre et/ou d'une substance à l'autre. Les détecteurs PID dédiés affichent des temps ne dépassant pas 5 secondes, et ce, quelle que soit la substance à laquelle ils ont été exposés. En revanche, les détecteurs PID multigaz présentent des temps plus importants, jusqu'à 30 voire 40 secondes, et pouvant varier significativement d'une substance à une autre.

Troisième point, la réponse des détecteurs testés n'a pas été influencée par une exposition à une atmosphère polluée par des vapeurs de solvants. Par contre, le temps de retour à zéro après une forte exposition à un mélange a parfois été très significativement allongé, jusqu'à plus de deux heures pour l'un des modèles. Cela peut alors s'accompagner d'un risque de surestimation des mesures.Comme des phénomènes d'adsorption au niveau du matériau des cannes de prélèvement, de la pompe à membrane, la purge de l'ensemble doit être plus longue. Enfin, les variations des conditions ambiantes,telles que la température, l'humidité relative et la pression, ont influencé la réponse des détecteurs PID. Elle est globalement réduite quand la température ou l'humidité augmente, et l'influence de l'humidité est d'autant plus marquée que la température est élevée. En ce qui concerne, le temps de maintenance, qui s'étale entre 15 et 75 min, il n'y a pas d'incidence sur la réponse des détecteurs PID… même s'il est préférable d'en avoir connaissance lors de l'achat. Le constat est identique pour le temps de charge et l'autonomie de la batterie. Les autonomies sont à peu près équivalentes entre les valeurs spécifiées et mesurées, sachant que certaines sont plus favorables (8 à 18 heures) et d'autres beaucoup moins (27 ou 39 heures).

L'Ineris a développé un banc de génération de vapeurs

A l'occasion de la campagne d'évaluation des performances des détecteurs PID en laboratoire, l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris) a conçu, réalisé et validé un banc d'essai permettant la génération d'atmosphères polluées en vapeurs organiques dans des conditions maîtrisées de concentration, de température et d'humidité relative. La génération de vapeurs a été réalisée à partir d'une méthode volumétrique dynamique par injection liquide.

Le principe repose sur l'injection, via une microseringue, d'un débit connu et répétable d'un solvant dans un flux d'air sec, ainsi que sur une dilution et une humidification du mélange. L'Ineris a d'ailleurs pu compter sur le soutien du laboratoire IP/ATER de l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS) pour la conception et la validation du banc de génération de vapeurs (caractérisation de la justesse, de l'homogénéité et de la stabilité du mélange généré). Les mesures des concentrations réalisées à l'occasion de la validation ont été faites avec un chromatographe en phase gazeuse transportable de l'INRS et un analyseur infrarouge à transformée de Fourier de l'Ineris. Les résultats obtenus ont montré une très bonne stabilité de la génération de vapeurs, avec des écarts de concentration inférieurs à 4% de la celle générée sur toute la durée d'un essai et pour l'ensemble des composés testés. Comme des écarts jusqu'à 20% entre concentrations recherchés et réalisée ont parfois été constatés avec certaines substances, un analyseur indépendant des détecteurs PID testés a été ajouté pour suivre en continu la concentration dans l'enceinte d'essais, la concentration ainsi mesurée ayant alors servi de référence.

Les essais ont mis en lumière que les variations des conditions ambiantes (température, humidité relative et pression) influencent la réponse des détecteurs PID. Elle est globalement réduite quand la température ou l'humidité augmente, et l'influence de l'humidité est d'autant plus marquée que la température est élevée.

Photovac/Inficon

Des mesures à ne pas mettre entre toutes les mains

Le bilan est un peu plus contrasté en ce qui concerne l'utilisation des détecteurs PID sur le terrain, avec même de sacrées surprises! Deux des cinq appareils testés ont par exemple présenté un défaut d'étanchéité en présence de la pluie, défaut qui a amené à une perte totale de fonction. Après séchage, nettoyage et étalonnage, un a de nouveau fonctionné mais l'autre est demeuré inutilisable, le compartiment de la lampe étant resté humide rendant la lampe inutilisable. Il faut d'ailleurs souligner que le détecteur pour lequel la lampe ne fonctionnait plus affichait toujours une valeur et non pas un message d'erreur informant l'utilisateur d'une lecture erronée. Seconde observation, trois des détecteurs PID ont donné des réponses concordantes dans les mêmes conditions de mesure d'émissions canalisées, sachant que l'un des appareils a néanmoins sous-évalué systématiquement les concentrations dépassant 300 ppm. L'une des pistes pour tenter d'expliquer ces différences est la non-connaissance du volume exact et de la méthode utilisée par les fabricants pour l'étalonnage.

Si les détecteurs PID sont des appareils faciles à mettre en œuvre, les opérateurs ne doivent surtout pas prendre pour argent comptant les mesures fournies et ils doivent avoir un œil critique pour bien interpréter les informations.

Dräger

De manière plus générale, les détecteurs PID sont donc des appareils compacts et faciles à mettre en œuvre pour une utilisation quotidienne et pouvant fournir rapidement une indication. Il faut néanmoins signaler que l'utilisation du module de paramétrage interne et des logiciels pour réglage des alarmes et de la concentration du gaz d'étalonnage s'est avérée peu intuitive pour certains des détecteurs testés. Certains dysfonctionnements observés ont mis en évidence que des précautions d'usage sont à prévoir et à respecter. Il faut donc bien garder à l'esprit que ces appareils demandent à être mis en œuvre par des utilisateurs avertis. Les détecteurs PID n'étant pas sélectifs et étant sensibles aux conditions environnementales, les opérateurs ne doivent pas prendre pour argent comptant les mesures ; ils doivent avoir un œil critique pour bien interpréter les informations. Il est aussi important de souligner que les PID ont nécessité un nombre important d'étalonnage tout au long de la campagne d'essais sur une période d'environ trois mois, ainsi qu'à l'occasion des mesures sur site. Une vérification des appareils avant chaque utilisation, par un utilisateur averti et formé, est donc recommandée pour éviter toute dérive de leur zéro et/ou de la réponse des appareils, une polymérisation au niveau de la cellule de mesure, de la durée de vie des lampes qui dépend également de l'énergie utilisée, etc.

A propos de l'Exera et de l'Ineris,vous pouvez retrouver d'autres articles concernant de précédentes campagnes d'essais sur les détecteurs de flamme, d'hydrogène,de chlore,etc.,dans la rubrique Archives de notre site Internet www.mesures.com.

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