Des Anémomètres Vortex Au Cœur De L'usine D'incinération

Le 01/01/2013 à 14:00

Bourogne dans le Territoire de Belfort (90). Nous sommes à une petite quinzaine de kilomètres au sud de Belfort, à l'usine d'incinération du Syndicat d'études et de réalisations pour le traitement intercommunal des déchets (Sertrid)… « Nous préférons parler de centre de valorisation énergétique », précise d'emblée Nicolas Gazut, responsable d'usine au Sertrid, notre guide pour la journée. Et il ne s'agit pas que d'une question de sémantique car le monde du traitement des ordures ménagères et autres déchets industriels a bien évolué ces dernières années. L'Ecopôle de Bourogne, qui a été inauguré en 2002 sur la zone industrielle de Bourogne-Morvillars, en est un parfait exemple.

La zone couverte par le Sertrid, qui est en fait la réunion de trois collectivités (la CAB, le Sictom et la CCST; voir encadré Le Sertrid en quelques mots ), regroupe 125 communes soit 168734 habitants au recensement de 2006. « Cela représente près de 72 000 t de déchets à traiter en un an,soit environ 200 tpar jour.Ces déchets se répartissent en 60 000 t d'ordures ménagères, 4 200 t de déchets industriels banals et 6 000 t d'encombrants », explique Nicolas Gazut (Sertrid). Comme la réglementation en vigueur (transposition en droit français de la directive européenne 2000/76/CE) interdit désormais les usines d'incinération n'ayant pas mis en place une valorisation des déchets, l'usine de l'Ecopôle de Bourogne a donc été construite de telle manière à produire de l'électricité.

Afin d'être conformes à la transposition en droit français de la directive européenne 2000/76/CE, les usines d'incinération ont mis en place une valorisation des déchets. Celle du Syndicat d'études et de réalisations pour le traitement intercommunal des déchets (Sertrid) produit de l'électricité, trie le mâchefer pour revendre ferraille et aciers non ferreux, et valorise les “refiom” en mines de sel.

Sertrid

« Sur les 26,4 MW de puissance que nous avons produit au total en 2011, environ un quart sert à alimenter l'usine en électricité et le reste est revendu. Mais la valorisation ne s'arrête pas là. La combustion des déchets s'accompagne de la création de sous-produits, comme le mâchefer et les “refiom”», poursuit Nicolas Gazut (Sertrid). Le mâchefer est l'ensemble des résidus de l'incinération des ordures ménagères laissés en fond de four et se présentant sous la forme de granules de couleur grise, de mélanges de métaux, de verre, de silice, d'alumine, de calcaire, d'imbrûlés et d'eau (matériaux incombustibles des déchets). Le mâchefer représente globalement 10% du volume des ordures incinérées et 25% de leur poids; il peut être utilisé comme sous-couche dans la construction routière. Même s'il est de plus en plus difficile de valoriser le mâchefer et si la réglementation concernant ce produit a changé au 1 er juillet 2012 (1),l'usine continue à en produire plus de 15000t par an et à trier le mâchefer pour séparer et revendre la ferraille et des aciers non ferreux (aluminium, étain…) via des systèmes de déferraillage magnétique et à courant de Foucault.

Optimiser la combustion et le traitement des fumées

Les “refiom”, quant à eux, sont des résidus d'épuration des fumées des ordures ménagères, des résidus solides très colmatant et collectés après neutralisation et précipitation sous forme de sels des fumées visant à réduire la pollution vis-à-vis des gaz acides (acides chlorhydriques ou HCl, acides fluorhydriques ou HF), des poussières, des métaux lourds, des oxydes d'azote et de soufre, des dioxines et furanes résiduels. « Il existe deux moyens de se débarrasser de ce déchet le plus pollué : le stockage dans un centre d'enfouissement technique ultime (classe 1) ou l'envoi en Allemagne pour servir de matériau de comblement des mines de sel. En 2011, 100 % des “refiom” produits dans l'usine ont été valorisés en mines de sel », ajoute Nicolas Gazut (Sertrid). On comprend donc qu'un centre de valorisation énergétique ne se résume pas à un seul four d'incinération, sinon l'usine serait bien plus petite et plus facile à gérer que les deux lignes d'incinération du site, et que, comme on va le voir, les moyens de contrôle et d'analyse mis en œuvre doivent supporter des conditions assez difficiles…

L'essentiel

Avant d'être des centres de valorisation énergétique, les usines d'incinération françaises doivent respecter les niveaux de rejets imposés par la réglementation en vigueur.

Les capteurs et systèmes d'analyse des fumées mis en place doivent être capables de supporter des environnements difficiles, d'où l'emploi de la technologie Vortex pour la mesure de la vitesse d'écoulement d'air, par exemple.

Ces mesures se doivent d'être fiables et opérationnelles sur de longues périodes car elles interviennent également dans l'optimisation des procédés.

Dès leur arrivée àl'en-trée du site, les ordures ménagères sont pesées dans les camions bennes, via un pont-bascule, et soumis à un détecteur de sources radioactives, puis vidées directement dans la fosse au niveau du quai de réception ( voir Principe de fonctionnement de l'usine ). Un opérateur prend ensuite la main. « Le rôle du pontier est très important : en contrôlant un pont roulant muni d'un grappin à partir d'un pupitre situé en salle de contrôle, d'où il a une vue directe du contenu de la fosse, il doit y mélanger les déchets et y construire un mur de déchets bien vertical afin d'optimiser le volume de la fosse, même s'il est de 3 500 m 3 soit 3 000 t de déchets,et de s'assurer du bon chargement des fours via des trémies », explique Nicolas Gazut (Sertrid).

C'est à une hauteur de 15 m dans la cheminée que se trouve la plate-forme de mesure en charge de l'analyse et du contrôle des fumées rejetées. A côté de plusieurs analyseurs de gaz se trouve un capteur de vitesse d'écoulement d'air, dont le rôle est stratégique. Les mesures interviennent en effet dans le calcul des rejets et donc dans l'optimisation de la ligne d'incinération.

Photos : Cédric Lardière

Cela se traduit surtout par le mélange des différents types de déchets (plastiques, encombrants, déchets industriels banals, ou DIB, ces deux derniers types étant broyés avant mélange) afin d'obtenir le carburant le plus homogène possible et ainsi favoriser la combustion. Le mélange de déchets est introduit dans le four, sur une grille de combustion inclinée à mouvement alternatif, d'une capacité de 5,7t par heure, au moyen d'un poussoir automatique qui assure l'avancement, le retournement des déchets ainsi que l'injection d'air primaire et secondaire. Une chambre de combustion située au-dessus de la grille brûle les ordures ménagères à une température supérieure à +850°C pendant 45 minutes. Si la température descend en dessous de cette consigne définie pour une bonne combustion (maîtrise des émissions de monoxyde de carbone ou CO), un brûleur fioul d'appoint d'une puissance de 8MW entre automatiquement en fonction.

Quant aux gaz de combustion, ils sont dirigés vers une chaudière: elle permet d'obtenir de la vapeur d'eau à une température de +385°C sous une pression de 40 bar afin d'alimenter une turbine à vapeur (débit de deux fois 20t/h au maximum) entraînant un alternateur pour la production d'électricité (circuit fermé avec un aérocondenseur et une bâche à condensats pour le retour vers la chaudière). Le groupe turboalternateur est commun aux deux lignes d'incinération. A la sortie du four, les mâchefers tombent dans un cendrier rempli d'eau pour abaisser leur température et limiter la quantité de poussières. Après leur extraction du bac, ils sont transportés par tapis roulant dans un bâtiment spécial pour être stockés au maximum douze mois.

Une mesure de vitesse d'air stratégique

En sortie de l'échangeur, la température des fumées n'est plus “que” de +200°C, au lieu de +850°C, ce qui autorise leur traitement en vue d'un rejet “propre”. « Un premier traitement est fait dans la chambre de combustion pour les oxydes d'azote (NOX )par injection d'urée. Un réacteur, ou tour de neutralisation,situé en sortie de la chaudière,a ensuite le rôle de piéger les gaz acides (HCl, SO 2 )par l'injection de lait de chaux en partie supérieure [on parle de procédé de type semi-humide, NDR] . Le processus se poursuit avec l'injection de coke de lignite pour compléter le traitement des dioxines et des métaux lourds,et avec la présence d'un filtre composé de 1 664 manches pour éliminer les poussières », explique Nicolas Gazut (Sertrid).Toutes les particules récupérées sous le filtre à manches et le réacteur, et qui constituent en fait les “refiom”, sont stockées dans un silo dédié. Un ventilateur de tirage assure enfin l'évacuation des fumées par une cheminée d'une hauteur de 39m réglementaire, de telle sorte que le panache, composé d'eau et de CO2 essentiellement, à une température supérieure à +140°C, ait une forme et une hauteur données pour une dispersion optimisée.

C'est là, dans la cheminée, à une quinzaine de mètres de haut,que se situe la plate-forme de mesure en charge de l'analyse et du contrôle des fumées rejetées à l'extérieur. On trouve un système d'analyse en continu par FID Graphite 52M, un FTIR multigaz MIR FT et un système d'acquisition de données SAM 32 du français Environnement SA, le système de surveillance des poussières OPASTOP du français Fives Pillard, des sondes d'oxygène du japonaisYokogawa et de l'helvético-suédois ABB, etc. « Des analyses sont faites en continu dans les cheminées : des mesures de concentration en SO2 ,H 2 0, NOx, NH3, CO2 ,O 2 ,CO, HCl, COT, HF, poussières dans les fumées, des mesures de température et de débit, et également, dans l'eau des chaudières, des contrôles de conductivité de pH, de DEHA [N,Ndiéthylhydroxylamine, NDR] , de silice et de phosphates », rappelle Nicolas Gazut (Sertrid). Et, au milieu de ces “gros” analyseurs, sont installés des capteurs de vitesse d'écoulement d'air… « Ces transmetteurs ont un rôle stratégique.Les valeurs de vitesse d'écoulement d'air, ou de débit calculé, ont une importance très grande sur les mesures de gaz.Elles interviennent également dans le calcul des rejets et donc dans l'optimisation de la ligne d'incinération » , explique Nicolas Gazut (Sertrid). Par exemple, la réglementation impose l'obtention de valeurs moyennées sur 30min et 24h et le déclenchement d'une alarme en cas de vitesse d'écoulement d'air dans la cheminée trop faible.Au vu des implications qu'une mauvaise mesure ou l'indisponibilité d'un transmetteur pourrait entraîner pour l'usine, n'importe quel capteur de vitesse d'écoulement d'air ne pouvait pas convenir.

Principe de fonctionnement de la ligne d'incinération

Dès leur arrivée à l'entrée du site, les ordures ménagères sont pesées, soumis à un détecteur de sources radioactives et vidées directement dans la fosse au niveau des quais de réception. Un pontier prend ensuite la main et le contrôle d'un pont roulant muni d'un grappin à partir d'un pupitre situé en salle de contrôle, pour optimiser le volume de la fosse et s'assurer du bon chargement des fours, via des trémies, avec un mélange de déchets le plus homogène (plastiques, encombrants, déchets industriels banals, ou DIB…) afin de favoriser la combustion. Les déchets sont ensuite introduits dans un four à grille au moyen d'un poussoir automatique. Une chambre de combustion située au-dessus de la grille brûle les ordures ménagères à une température supérieure à +850 °C pendant 45 minutes. Quant aux gaz de combustion, ils sont dirigés vers une chaudière qui génère de la vapeur d'eau pour alimenter un groupe turboalternateur et produire de l'électricité. A la sortie du four, les mâchefers tombent dans un cendrier rempli d'eau et transportés par tapis roulant dans un bâtiment spécial pour être stockés. En sortie de l'échangeur, les fumées, dont la température n'est plus que de +200 °C, subissent différents traitements : injection d'urée dans la chambre de combustion pour les oxydes d'azote (NOX ), injection de lait de chaux dans un réacteur, ou tour de neutralisation, pour piéger les gaz acides (HCl, SO2 ), injection de coke de lignite pour compléter le traitement des dioxines et des métaux lourds, passage dans un filtre à manches pour éliminer les poussières. Toutes les particules récupérées sous le filtre à manches et le réacteur, et qui constituent en fait les “refiom”, sont stockées dans un silo dédié. Un ventilateur de tirage assure enfin l'évacuation des fumées, dont la température reste supérieure à +140 °C, par une cheminée.

Le Sertrid en quelques mots

Le syndicat mixte dénommé Syndicat d'études et de réalisations pour le traitement intercommunal des déchets (Sertrid) est, en application du Code général des collectivités territoriales, la réunion de la Communauté de l'agglomération belfortaine (CAB), du Syndicat intercommunal de collecte et de traitement des ordures ménagères (Sictom) de la zone sous-vosgienne et de la Communauté de communes du sud territoire (CCST).

Cela représente 125 communes, soit 168734 habitants en 2006. Inaugurée le 15 mars 2002 sur la zone industrielle de Bourogne-Morvillars près de Belfort (90), l'usine d'incinération du Sertrid fonctionne avec deux quais de transfert situés à Danjoutin (avec trois compacteurs d'une capacité de 150 t par jour) et à Etueffont (avec une fosse de déchargement et un compacteur de 60 t par jour). Ces deux sites annexes assurent le regroupement en deux points de collecte et la densification des ordures ménagères dans des camions bennes de 10 t, au lieu de transporter tous les déchets non compactés jusqu'à l'Ecopôle de Bourogne.

Encore quelques chiffres: le Sertrid emploie 44 personnes, dont 10 réparties en cinq équipes de quart, 72000 t de déchets sont traités par an, soit environ 200 t par jour…

Le Sertrid a fait appel au savoir-faire de la société TH Industrie, représentant exclusif du fabricant allemand Höntzsch notamment, pour la définition et l'installation des anémomètres à poste fixe. « Compte tenu de la nature des fumées et des conditions de service (température supérieure à + 140 °C en sortie de cheminée), la technologie retenue pour les anémomètres a été l'effet Vortex, avec des sondes en Hastelloy. Il y aurait éventuellement eu une alternative basée sur un capteur à tube de Pitot moyenné, mais les risques de colmatage auraient été trop grands et la maintenance aurait été bien plus lourde », explique Francis-Claude Héraut, gérant de TH Industrie. Même avec toutes ces précautions, il arrive toutefois qu'un décollement de la cellule Vortex apparaisse, d'où une dérive éventuelle.

En matière de maintenance, signalons que l'anémomètre, à l'instar des autres appareils contrôlant les rejets gazeux ou ayant une incidence directe sur la combustion, est vérifié tous les semestres via des mesures contradictoires par un organisme agréé, en l'occurrence l'entreprise Socotec, pour valider la cohérence des valeurs, et que l'usine a suffisamment de sondes anémométriques en stock pour assurer la continuité de service même pendant les étalonnages annuels. Il ne faut pas oublier que le site fonctionne 24h/24, 365 jours par an. S'il est étalonné avec transmetteur dans l'étendue de mesure comprise entre 0 et 30m/s, l'anémomètre à effet Vortex de Höntzsch peut mesurer des vitesses d'écoulement d'air de 0,5 à 40m/s et des débits normés de 0 à 50000m 3 /h… si le montage est très bien réalisé.

Nicolas Gazut (à droite), responsable d'usine au Sertrid à Francis-Claude Héraut (à gauche), gérant de TH Industrie

Cédric Lardière

Mesures envoyées aux analyseurs et à un automate

La sonde doit en effet se trouver au centre de la cheminée, sachant que le diamètre intérieur de cette dernière est de 1100mm, et à une hauteur égale à dix fois minimum du diamètre de la cheminée. La sonde doit se situer à un endroit représentatif de l'écoulement d'air, compte tenu évidemment d'un compromis avec ce qui est permis par l'infrastructure. Il fallait par ailleurs prendre en compte le fait de devoir envoyer les mesures de vitesse d'écoulement d'air aux analyseurs situés à proximité, dans un petit local spécial, et en même temps à un automate distant pour la supervision. « Le transmetteur dispose d'une sortie 0-10V pour la transmission aux analyseurs et d'une sortie 4-20 mA pour l'automate, ce qui oblige d'avoir une alimentation », ajoute Francis-Claude Héraut (TH Industrie).

Des analyses sont faites en continu dans les cheminées : des mesures de concentration en SO2 ,H 2 0, NOx, NH3, CO2 ,O 2 ,CO, HC l ,COT, HF, poussières dans les fumées, des mesures de température et de débit, également, dans l'eau des chaudières, des contrôles de conductivité de pH, de DEHA, de silice et de phosphates.

Comme on l'a évoqué précédemment, les informations sur la vitesse d'écoulement d'air interviennent également à différentes étapes de la ligne d'incinération. « Pouvoir disposer de mesures fiables 24h/24 permet d'optimiser l'injection d'air dans le four (pour maintenir une combustion la plus complète possible, à savoir avec une concentration minimale en CO),les quantités de réactifs dans les traitements des fumées, etc.» , avance Nicolas Gazut (Sertrid). En optimisant au plus juste son fonctionnement, le centre de valorisation énergétique du Sertrid est ainsi en mesure de respecter les niveaux de rejets imposés par les réglementations, de s'adapter aux pics d'arrivée de déchets et/ou à ses besoins énergétiques…

(1) L'arrêté du 18 novembre 2011 est relatif au recyclage en technique routière des mâchefers d'incinération de déchets non dangereux.

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