Des Équipements Techniques Prêts À Faire Le Tour Du Monde

Le 01/11/2012 à 14:00

C'est l'événement que le monde de la voile et les passionnés d'aventure attendent toujours avec fébrilité. Le 10 novembre à 13h02, tous les regards seront braqués vers les Sables-d'olonne pour le départ du prochain vendée Globe. vingt monocoques de 60 pieds (un peu plus de 18 mètres de long) se lanceront alors dans la 7 e édition de cette course mythique, qui se déroule tous les quatre ans à la même époque. Pour les skippers engagés dans l'aventure, le défi est de taille: boucler la seule course autour du monde qui s'effectue en solitaire, sans escale, et sans assistance. Au programme, une traversée du globe d'ouest en est par les trois caps de bonne espérance, Leewin et Horn, avant la remontée finale de l'Atlantique et le retour vers les Sables-d'olonne un peu plus de 80 jours plus tard… « Les skippers qui participent au Vendée Globe sont les derniers vrais aventuriers des temps modernes », souligne Christophe Chabot, pdg de la société vendéenne Akéna vérandas. basé depuis 30 ans près de la roche-sur-Yon, le premier fabricant français de vérandas est le sponsor de l'un des monocoques engagés dans la course. A son bord, le skipper Arnaud boissières prendra le départ duvendée Globe pour la deuxième fois, après une septième place en 2008. mais au “vendée”, le classement importe relativement peu.« Ce qui compte,ce n'est pas de vouloir à tout prix arriver devant tel ou tel autre skipper.Lorsqu'on revient duVendée,on est déjà gagnant », résume Arnaud boissières.

L'essentiel

Avant de prendre le départ du prochain Vendée Globe, le monocoque Akéna Vérandas a été équipé avec un matériel informatique et une instrumentation spécifiques.

A bord d'un voilier de course, les problématiques sont nombreuses. Elles ont conduit les différents partenaires à réaliser de multiples choix techniques.

L'équipement a été choisi en fonction de sa robustesse, mais aussi de sa consommation électrique, son poids et sa plage d'utilisation en température.

L'équipement utilisé doit bien sûr être à la hauteur de l'événement.A bord,les contraintes sont multiples. Le matériel informatique et l'instrumentation sont prévus pour résister à de fortes contraintes mécaniques,mais aussi à un environnement particulièrement difficile (humidité, aspersions, variations de température, milieu salin, etc.). Pour choisir un équipement adapté,il faut donc prendre en compte de nombreux facteurs.

Sur le 60' Akéna vérandas, plusieurs partenaires techniques ont assuré la conduite du projet, et la conception de solutions souvent spécifiques. Parmi eux, X Domino, qui a développé le PC utilisé à bord et joué le rôle d'intégrateur. Si Arnaud boissières et son équipe ont décidé de faire appel à cette société, c'est en raison de son expertise en informatique embarquée, en particulier dans les environnements sévères. en partenariat avec cette entreprise,l'équipement technique du bateau a peu à peu pris forme.Il est constitué notamment d'un PC fixe léger de très faible consommation de X Domino (sur lequel le skipper fait tourner ses logiciels de navigation, routage, etc.), de deux centrales de navigation, de points d'accès et antenne Wi-Fi d'Acksys, d'une solution de mesure des efforts mécaniques basée sur des axes dynamométriques de Garos/micro Control, de caméras HD de Panasonicvidéo (elles sont imposées par le règlement pour assurer la diffusion d'images quotidiennes), de Panels PC IP67 et d'écrans de Dm marine et enfin de plusieurs terminaux portables durcis (tablettes PC ou PC portables fournis par ouest Consulting PC et PanasonicToughbook).

Le fabricant français Akéna Vérandas est engagé depuis 8 ans dans la course au large. Après une première participation au Vendée Globe en 2008-2009 avec Arnaud Boissières, il a souhaité poursuivre l'aventure dans l'édition 2012. Il consacre 1 M par an au sponsoring voile.

Benoit Stichelbaut/AkénaVérandas

Le PC fixe est l'un des éléments clés de l'installation. Il résulte de plusieurs choix techniques et de développements spécifiques. « Il est tout à fait possible de lancer des programmes très consommateurs en ressource,même sur un bateau » , indique Stéphane Desneux,responsabler&D chez X Domino. Pour cela, chaque élément du PC a été optimisé. « On ne peut pas utiliser un PC industriel standard, car il y a toujours un élément qui ne conviendra pas sur un voilier de course », poursuit Stéphane Desneux.

Plusieurs choix techniques

Parmi les aspects qui compliquent la conception de l'équipement, la nécessité de disposer d'une puissance de calcul comparable à celle d'un PC bureautique, mais avec une consommation électrique minimale, une plage de température d'utilisation étendue, des problèmes de condensation et d'humidité, ainsi que des contraintes de poids, de dimensions, et de résistance mécanique (chocs, vibrations).

Le processeur qui équipe le PC fixe de l'Akéna vérandas a été choisi en fonction de ces impératifs.L'objectif était double: obtenir une puissance de traitement maximale et minimiser la consommation électrique (afin de limiter le nombre de batteries nécessaires, et donc le poids embarqué à bord du voilier). Le choix s'est porté sur le processeur à double cœur IntelAtom D525 cadencé à 1,8GHz.Parmi ses atouts,une consommation qui s'élève à peine à 13W à pleine charge.Ainsi le système complet ne consomme au final que 22 W (soit toujours moins de 2A sous 12v).

Autre paramètre à considérer, l'aspect thermique. « La problématique d'un PC industriel est la dissipation de la chaleur issue de l'ensemble des composants, et notamment du processeur », souligne Stéphane Desneux. en assurant une dissipation thermique optimale, il est possible d'accroître la durée de vie et la fiabilité des composants, et de limiter les pannes. on obtient également des performances plus stables dans le temps, notamment avec les mémoires de masse, qui sont sensibles à la température. C'est donc en grande partie grâce à ses performances thermiques que le PC peut être utilisé dans un environnement difficile. « Il y avait en plus deux contraintes majeures à respecter : un fonctionnement en espace confiné, et un taux d'humidité élevé », ajoute l'intégrateur. Ce dernier aurait pu envisager l'emploi d'un PC Fanless (sans ventilation). en étant complètement fermé,le boîtier peut être facilement étanche. mais, « le problème de cette solution réside dans la température interne moyenne de fonctionnement du PC, qui est toujours très élevée.Si le matériel est installé dans un endroit confiné, cela devient rapidement problématique », explique Stéphane Desneux.A 22°C de température ambiance, la température interne d'une solution Fanless est souvent supérieure à 45°C et celle du CPU proche de 60°C. La plage d'utilisation en température est donc relativement réduite (de l'ordre de 0-40°C avec une charge de CPU moyenne), et les composants sont exposés à des températures élevées. Plutôt qu'utiliser ce type d'équipement, X Domino a choisi de doter son PC d'un mécanisme de refroidissement spécifique. Le boîtier est équipé de radiateurs surdimensionnés en aluminium (plus léger que le cuivre). Par ailleurs, la circulation de l'air dans le boîtier a été optimisée à l'aide de trois entrées d'air (dont deux protégées contre les aspersions), un brasseur d'air externe et un extracteur. Plusieurs essais ont ainsi été réalisés. Ils ont montré qu'avec un tel équipement utilisé à 100% de charge, la température du CPU était supérieure de 18°C à la température ambiante.« La température de protection du CPU étant de 85 °C, on en déduit aisément que le PC peut être utilisé dans une plage étendue allant de 0 à 60 °C. Nos tests ont montré que des pics sont même admissibles jusqu'à 65 °C pendant de courtes durées », précise Stéphane Desneux. Si les ventilateurs sont hors service,il est possible de fonctionner en Fanless, capot ouvert, jusqu'à une température ambiante de 45°C. Parailleurs,un vernis isolant a été badigeonné sur les cartes électroniques pour les protéger de l'humidité. Le fonctionnement est ainsi assuré jusqu'à un taux d'humidité de 85%. Autre contrainte, la nécessité de limiter l'impact des chocs et des vibrations pour ne pas dégrader la durée de vie des composants. Les mémoires de masse sont ainsi montées sur des plots antivibratoires ( silent bloc ). Leur support est lui aussi monté de la même manière, mais avec des amortisseurs répondant à des fréquences différentes. enfin le boîtier du PC se distingue par sa légèreté (1,4 kg) et son faible encombrement (230x140x105mm).

Le monocoque Akéna Vérandas mesure un peu plus de 18 m de long et pèse 8 500 kg. Lors de la navigation, de nombreuses contraintes s'exercent sur le mât (qui mesure plus de 28 m de hauteur). Ces efforts sont mesurés par plusieurs axes dynamométriques.

Benoit Stichelbaut/AkénaVérandas

Au final, la solution est adaptée aux contraintes de la navigation, mais l'intégrateur a déjà prévu de l'utiliser également dans d'autres types d'applications embarquées en environnement difficile. De plus son agencement interne autorise l'ajout de nombreuses options: plusieurs disques durs en redondance (architecture rAID), des interfaces supplémentaires (CAn, FireWire, etc.). Abord d'Akénavérandas, le PC est connecté à différents équipements: GPS, centrales de navigation,pilote automatique,etc.Il est également relié à un réseau ethernet sans fil. L'application radio a été confiée à un autre partenaire technique, la société Acksys, qui propose entre autres toute une gamme de solutions sans fil industrielles utilisables dans les environnements difficiles. Le voilier a ainsi été équipé avec un point d'accès Wi-Fi industriel et une antenne déportée à l'extérieur. Le réseau permet au skipper de se déplacer sur le bateau tout en conservant sur son terminal portable les informations dont il a besoin (cartographie, données provenant des capteurs, etc.). bien sûr il a fallu, ici aussi, choisir une solution robuste et tenir compte des contraintes spécifiques de l'application. Le point d'accès se présente ainsi dans un boîtier étanche en aluminium. Il se distingue en outre par sa faible consommation électrique (à peine 4W).

Autre développement réalisé spécifiquement : une solution mesurant les contraintes qui s'exercent sur le mât et le gréement. Le voilier a ainsi été instrumenté avec des jauges et des axes dynamométriques afin de connaître les efforts auxquels il est soumis. L'intérêt est simple: éviter les usures prématurées ainsi que les efforts trop intenses qui pourraient conduire à un démâtage. « En disposant de ces mesures, le skipper peut être informé en temps réel des contraintes relevées en différents points du voilier. Il peut ainsi vérifier que les éléments de la structure sont bien utilisés conformément à leurs tolérances respectives, et être alerté en cas de surcharge ou de risque de rupture », précise Stéphane Desneux. en théorie, le skipper pourrait aussi s'appuyer sur ces mesures pour accroître les performances du voilier durant la course. Il lui faudrait tout d'abord réaliser des essais en mer pour connaître les contraintes associées aux paramètres de navigation optimaux, puis chercher às'appro-cher de ces réglages durant la course, afin d'optimiser la navigation. Quatre axes dynamométriques (fournis par la société Garos) sont aujourd'hui installés à bord. Avec un boîtier IP67 en acier inoxydable, ils répondent bien sûr aux mêmes impératifs de robustesse que les autres équipements embarqués. Les deux premiers mesurent les contraintes sur les outriggers (les bout-dehors latéraux qui “sortent” de part et d'autre du voilier et reprennent les haubans reliés au mât). Ils ont été intégrés à l'extrémité des deux tirants, dans la coque du bateau. Deux autres sont installés sur les poulies des bastaques (les deux câbles situés à l'arrière). Les jauges sont montées en pont complet avec quatre résistances. L'ensemble a été conçu pour résister à des contraintes particulièrement élevées. « Les axes dynamométriques d'outrigger ont été prévus pour une charge nominale de 20 000 daN,soit près de 20 tonnes,et une charge maximale admissible de 30 tonnes », précise Stéphane Desneux. La plage de mesure,quant à elle,s'étend jusqu'à 37500 dan.

En vue du prochain Vendée Globe, l'Akéna Vérandas a été équipé avec des moyens informatiques et une instrumentation spécifiques. Plusieurs développements sur mesure ont dû être réalisés.

DR

Mesurer les contraintes

Les quatre capteurs délivrent des signaux analogiques qui sont ensuite convertis par des modules de numérisation (fournis par microControl). Ces derniers se chargent de la conversion, et transfèrent les signaux numérisés en 16 bits à un calculateur sous Linux développé par X Domino. « Plutôt qu'occuper le PC fixe avec la solution d'acquisition et de calcul des contraintes,nous avons préféré utiliser un calculateur dédié à cette application. Celui-ci s'appuie sur une architecture ARM. Il récupère les informations,convertit les signaux numériques en grandeurs physiques (à une fréquence d'échantillonnage de 10 Hz), leur applique différents traitements et réalise les calculs nécessaires », explique Stéphane Desneux. Certaines données sont en effet mesurées de façon indirecte. C'est le cas par exemple de la force exercée sur une bastaque, qui est calculée en fonction de la contrainte exercée sur l'un des axes de poulie.

Le calculateur est lui aussi adapté aux contraintes de l'application. Il se présente sous la forme d'un boîtier polycarbonate étanche (IP67) et pèse moins d'un kilogramme. D'autre part, sa consommation est très faible (moins de 4W sous 12v DC). entre les modules de numérisation et le calculateur,le signal numérique transite à travers un bus CAn. Un standard industriel simple et éprouvé qui a été choisi notamment pour sa fiabilité. De plus le signal est numérisé le plus tôt possible dans la chaîne de traitement (à proximité des capteurs) afin de limiter les pertes en ligne dues aux câbles analogiques. en termes de câblage, l'installation est donc relativement simple. L'étape de la numérisation aurait certes pu être traitée au sein du capteur, mais « il était préférable de choisir des modules étanches plutôt qu'intégrer une carte électronique dans l'axe dynamométrique existant », poursuit l'intégrateur. De plus, grâce à une couche protocolaire normalisée et ouverte, il est relativement facile de trouver sur le marché des modules CAn adaptés à l'application. Les données délivrées par le calculateur sont ensuite transférées par les différents réseaux (ethernet Wi-Fi et CAn). Le skipper peut ainsi visualiser les résultats (valeurs de forces relevées, données statistiques, etc.) sur le PC fixe ou sur l'un des terminaux portables. Précisons en outre que le calculateur est associé à un datalogger, qui se charge de l'enregistrement et de l'horodatage des différentes données : valeurs de contraintes relevées, localisation GPS, conditions de vent, dérive, etc.Ainsi équipé, le skipper obtient toutes les informations nécessaires à sa navigation. Pour le reste… il n'y a qu'à attendre le 10 novembre prochain.

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