Efficacité Énergétique : La Production Sous Surveillance

Le 01/02/2015 à 14:00

L'augmentation du coût de l'énergie, les contraintes légales et les processus d'améliorationcontinue sont autant de raisons pour les entreprises de mettre en place une démarche d'efficacité énergétique. Mais selon les contrats et les variations de la production, le coût de la consommation d'énergie pour un industriel peut fluctuer de façon importante. Les factures peuvent être complexes à appréhender: il arrive que certaines entreprises payent des pénalités sans même le savoir, en dépassant les seuils fixés avec leurs fournisseurs. Difficile dans ces conditions de mener une politique d'optimisation énergétique efficace.

Des systèmes de mesure et d'information adéquats peuvent changer la donne. De nombreuses solutions logicielles donnent une vue claire des différents postes de consommation dans une usine, qu'il s'agisse d'électricité, de gaz, d'air comprimé, d'eau, de froid ou de chaleur. Ils peuvent aider à la prise de décision. À court terme grâce à l'envoi d'alarmes en cas de consommation trop élevée, par exemple. Mais également à plus long terme, en analysant l'évolution des consommations selon de nombreux paramètres, pour débusquer les éventuels problèmes et économies potentielles à réaliser. Ces logiciels existent selon plusieurs formules. Certains logiciels sont indépendants et dédiés uniquement à l'analyse des consommations d'énergie. « Depuis peu, il existe dans les usines des personnes chargées de l'efficacité énergétique, observe Olivier Vallée, architecte solution chez Rockwell Automation. Ils ont besoin de rapports avec les informations sur l'énergie, et pas autre chose : ni le niveau de qualité, ni les performances des machines. Donc les logiciels spécialisés leur conviennent parfaitement.»

L'essentiel

L'efficacité d'un logiciel dépend de la bonne implantation des points de mesure dans l'usine.

Les logiciels sont en général évolutifs: il est possible de commencer simplement puis d'ajouter des données ou de nouvelles fonctions.

Croiser les données avec celles d'autres logiciels permet d'obtenir des indicateurs plus riches.

Certains logiciels sont fournis pré-installé sur un PC industriel et commercialisés avec un automate pour les échanges de données avec les équipements de terrain.

B&R Automation

Mais il est possible d'interfacer les logiciels spécialisés avec d'autres silos de données, pour corréler les informations et faire émerger de nouveaux indicateurs.De nombreuses solutions d'efficacité énergétique se présentent d'ailleurs sous forme de modules d'un système plus large, contenant des briques dédiées à la supervision ou à des fonctions de MES.

Les fournisseurs d'automatismes sont très présents sur ce marché. Car l'efficacité de ces logiciels dépend en grande partie de la collecte des données en amont. « Il faut utiliser des automates pour aller chercher les données à la source, sur les capteurs, et faire remonter les informations sur le réseau, explique Olivier Vallée (Rockwell Automation). Nous sommes donc capables de proposer une architecture globale.» De nombreux éditeurs de solutions d'efficacité énergétique proposent également leurs services pour aider les industriels à mettre en place leur démarche.Cela commence par faire l'inventaire des systèmes de mesure existants, pour établir un plan de mesures. Les données doivent être pertinentes et en quantité suffisante,avec des compteurs bien répartis. « Nous faisons des visites des sites pour regarder les compteurs existants, raconte Eric Balcon, responsable du centre de service en efficacité énergétique chez Siemens. Souvent,les clients pensent n'avoir aucune information, alors que des compteurs existent mais ne sont pas utilisés.»

Comme avec un logiciel, un MES ou un système SCADA, les interfaces graphiques sont personnalisables à partir des données utiles à chacun des utilisateurs. Aux tableaux, courbes et graphiques peuvent ainsi s'ajouter des représentations des machines de l'usine.

Schneider Electric

L'efficacité dans le « cloud »

Certains éditeurs proposent leur logiciel en mode SaaS, hébergés dans le cloud.

Ce choix facilite le déploiement, et la comparaison de différents sites entre eux. Mais certaines entreprises préfèrent garder leurs données en interne. Pour Gérard Badard (Meta Productique), «les deux solutions se valent,mais à l'avenir le mode cloud va se développer.»

Siemens, lui, propose une solution alternative, avec l'hébergement de Simatics dans ses propres datacenters.

Les systèmes de mesure déjà en place ne sont pas toujours exploitables: « Certains compteurs, datant de la construction de l'usine et installés dans une armoire ou un atelier, ne correspondent pas à une machine ou une zone en particulier, observe Gérard Badard,directeur de Meta Productique, qui développe et intègre des solutions de performance industrielle. Une machine peut être alimentée par plusieurs armoires, dont certaines ne sont pas équipées de compteur.Dans ce cas,les compteurs existants ne servent à rien.»

Parfois, en revanche, des équipements sont de bonnes sources d'information, sans que l'entreprise n'en soit consciente. Eric Balcon (Siemens) parle de compteurs cachés: «Des moteurs ou variateurs peuvent permettre de récupérer des informations sans nécessiter l'installation d'un compteur supplémentaire.» Le matériel récent est en général nativement communiquant, mais il n'est pas majoritaire dans les ,usines.Selon la situation spécifique de chaque site, le fournisseur peut proposer de rajouter des compteurs: un budget conséquent.

Si l'investissement est trop lourd, il faut établir les objectifs prioritaires et n'installer dans un premier temps qu'un nombre de capteurs limités. La plupart des logiciels d'efficacité énergétiques sont facilement évolutifs: il est possible ultérieurement d'y ajouter de nouvelles sources de données et de nouvelles fonctions de calcul.

Une fois les capteurs et modules d'acquisition connectés, les données sont traitées par le logiciel. La fréquence d'échantillonnage dépend de la finesse des analyses souhaitées ou des temps de cycle de production. Il est généralement suffisant de remonter des données au maximum toutes les 10 à 15 minutes environ. Mais « pour la gestion de l'énergie, ce n'est pas grave d'avoir 24 heures de décalage sur la donnée » ,indique Luc de Crémoux directeur marketing Energy & Sustainability Services chez Schneider Electric.

Les données sont ensuite réparties entre les utilisateurs, selon leurs besoins spécifiques. Les indicateurs se présentent sous la forme de tableaux de bord, paramétrables de la même façon que les interfaces des MES ou des superviseurs. Les logiciels intègrent de plus en plus des interfaces web, pour consulter les données à partir d'un navigateur, notamment depuis un terminal mobile.

Quelques logiciels d'efficacité énergétique

l APROL EnMon (B&R Automation)

Solution de monitoring énergétique prête à l'emploi, pré-installée sur PC industriel avec configurations matérielle et logicielle.

l Corporate Energy Management (Wonderware)

Module basé sur la plate-forme Wonderware, il peut être utilisé seul ou conjointement avec les solutions ERP, MES ou SCADA du même éditeur.

l Energy VisuConso (ABB)

Solution préprogrammée fournie avec un automate, dédiée à la gestion de l'énergie des bâtiments, y compris industriels.

l Energymetrix

(Rockwell Automation)

Spécialisé sur l'énergie, ses fonctions et interfaces préparamétrées permettant une installation et une prise en main rapides.

l KM Report (Méta Productique)

MES dédié à la performance industrielle, basé sur le logiciel de business intelligence MyReport.

l Simatics (Siemens)

Logiciel généraliste pour la gestion des automatismes, il propose plusieurs modules dédiés à l'énergie, comme B.data ou Energy Analytics.

l StruXureWare (Schneider Electric)

Logiciel généraliste, son module Energy operation peut être utilisé conjointement avec les autres logiciels du catalogue. Il est évolutif et disponible en mode SaaS.

l Smart SIME (TEEO)

Outil de décision et de gouvernance dans le cadre d'une démarche d'amélioration continue, disponible en mode SaaS.

l VantagePoint (Rockwell Automation)

Logiciel généraliste, il peut être employé pour l'énergie. Il collecte des données sur tout support, les met en forme et les contextualise.

l Vertelis Hyperview (Socomec)

Il consolide les données collectées par les équipements de mesure et de comptage, basé sur des technologies ouvertes et une interface web.

Il est disponible en SaaS.

Avec ces informations, tout est possible, des fonctions les plus basiques, telles que le suivi de la consommation, aux plus élaborées, comme l'indication à tout moment des options les plus avantageuses pour la production. Si une usine est dotée de plusieurs groupes de réfrigération de taille différente, lesquels faut-il activer pour répondre aux besoins immédiats tout en minimisant la consommation? Un logiciel avec les fonctions adéquates peut donner la réponse,mais ne prend pas lui-même la décision d'arrêter ou de démarrer une machine. La plupart des industriels utilisent dans un premier temps les fonctions prédéfinies, communes à la plupart des logiciels: elles couvrent la majorité des besoins, mais en cas de problématique spécifique, il est possible de programmer de nouvelles fonctions.

Le premier usage consiste généralement à analyser des historiques, afin de comparer les consommations entre les semaines, les mois ou les années. « Pour faire des analyses correctes, il faut mettre en place un référentiel de données », explique Gérard Badard (Meta Productique). L'information intéressante est l'écart entre une consommation de référence et la consommation réelle, plutôt que les valeurs absolues. L'analyse peut se faire à partir d'une consommation théorique, de l'historique des consommations ou d'un objectif à atteindre.

Beaucoup de logiciels d'efficacité énergétique font partie d'une suite plus large : il est alors possible de corréler les informations sur l'énergie à celles en rapport avec la production, pour obtenir des indicateurs plus complets.

Rockwell Automation

L'usage des outils mobiles s'installe petit à petit dans l'industrie. Les logiciels d'efficacité énergétique sont souvent compatibles avec ces pratiques : accessibles via une interface web, ils peuvent être consultés depuis un simple navigateur Internet.

Siemens

Pour cela, les logiciels intègrent des fonctions venues du domaine de l'informatique décisionnelle –ou business intelligence – , bien adaptées aux problématiques d'efficacité énergétique: en prenant en compte la dimension économique, elles évaluent l'impact des actions possibles. Faut-il investir dans un nouveau compresseur? Installer des variateurs de vitesse sur les moteurs de certaines pompes? Le logiciel peut évaluer le temps de retour sur investissement de ces différentes mesures: « On modélise des stratégies énergétiques, plus ou moins spécifiques selon le process du client », explique Grégory Guiheneuf, directeur marketing chez l'éditeur Wonderware France.

Ces comparaisons permettent de mettre en évidence le talon énergétique d'une usine, sa consommation hors production. « Cette valeur atteint parfois 50 % de la consommation normale » , observe Éric Balcon (Siemens). Des capteurs bien répartis peuvent alors mettre en évidence l'origine des pertes,par exemple le réseau d'air comprimé. « Les compresseurs sont très énergivores » , note Olivier Vallée (Rockwell Automation), des fuites sur ce réseau gonflent la facture d'énergie.

Les économies ne nécessitent pas toujours des changements de matériel: le logiciel d'efficacité énergétique peut montrer l'impact de petites consommations, comme les disjoncteurs. Les mettre en veille lorsqu'on ne les utilise pas représente une économie significative à l'échelle de l'usine. Mais la mise en veille d'un appareil pour une heure n'est pas forcément avantageuse: le logiciel aide à prendre ce genre de décisions. Il peut également montrer l'impact énergétique de pratiques différentes entre deux lignes de production. Et si une entreprise ne dispose pas en interne d'experts capables d'identifier les actions à mener, certains fournisseurs de solutions logicielles assument cette tâche et proposent leurs conseils après analyse des données de l'usine.

La part du coût de l'électricité, de l'eau ou du gaz dans la fabrication d'un produit est facile à calculer. « Il ne faut pas avoir des silos de données,mais être capable de les croiser, plaide Luc de Crémoux (Schneider Electric). La consommation d'énergie peut être croisée avec une quantité de produit,ce qui permet de comparer différents sites entre eux.La consommation brute ne veut rien dire.» La répartition de la production peut être plus facilement planifiée en fonction des heures pleines ou heures creuses. De plus, certaines entreprises jonglent entre les fournisseurs d'énergie: cette pratique sera encore facilitée par la déréglementation des tarifs de l'électricité à la fin de l'année: ce paramètre de plus pourra être pris en compte dans les modélisations des logiciels.

Audit énergétique obligatoire

Avant le 5 décembre prochain, un audit énergétique devra être obligatoirement réalisé par les entreprises de plus de 250 salariés, et celles qui réalisent un chiffre d'affaires hors taxe annuel de plus de 50 millions d'euros ou un total de bilan de plus de 43 millions d'euros.

Toutefois, celles qui bénéficient de la certification ISO 50001 ne sont pas soumises à cette obligation. Cette norme oblige en effet à un contrôle continu des consommations d'énergie, et fournit des méthodologies de management énergétique et d'amélioration continue.

La tendance à l'interconnexion permet l'intégration aux autres applications. S'interfacer par exemple avec l'ERP de l'entreprise permet d'aller plus loin dans la comptabilité analytique. « La gestion en amont de l'énergie aide à négocier avec les fournisseurs,qui aiment avoir une idée précise de la consommation prévue » , estime Eric Balcon (Siemens).

Ces systèmes ont encore d'autres applications, comme la maintenance prévisionnelle: la surconsommation d'électricité par une machine peut traduire un problème technique, comme l'encrassement d'un filtre sur une centrale de traitement d'air. Ou encore le smart grid : « Certaines entreprises revendent sur le réseau l'énergie qu'elles n'utilisent pas », explique Grégory Guiheneuf (Wonderware). Intégrer ce marché de «l'effacement» est simplifié par l'utilisation d'un logiciel d'efficacité énergétique.

« Il y a 4 ou 5 ans, à l'arrivée de ces logiciels, les éditeurs ont laissé penser qu'il s'agissait d'une solution magique », regrette Luc de Crémoux (Schneider). Si les possibilités offertes sont larges, il ne faut pas oublier que « la solution suppose que l'on s'en serve, les économies ne se font pas d'elles-mêmes.» En amont du projet, comme pour l'exploitation des rapports générés, « il faut compter sur la partie humaine, l'expertise des techniciens qui connaissent les machines de l'usine.»

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