C'est par une belle journée de février que Mesures a été invité à découvrir la plate-forme de transfert technologique Canoe (Composites en Aquitaine, nanostructures organiques) et à rencontrer l'équipe de l'un de ses deux sites bordelais ( voir encadré page 38 ). « Canoe a été créée en 2009 à l'initiative du Conseil régional d'Aquitaine qui souhaitait la mise en place d'une plateforme dédiée aux composites à destination des PME/PMI et des grands groupes de la région (industries aéronautique, du transport,de l'énergie et de l'éolien), afin de redonner de la visibilité à cette thématique pourtant bien implantée depuis de nombreuses années sur le terri-toire régional », rappelle Simon Jestin, ingénieur d'étude au sein de Canoe.Lerayonne-ment de la plate-forme ne se limite pourtant pas à l'Aquitaine puisqu'elle travaille également pour des entreprises situées dans toute la France, en Europe, en Amérique du Nord et même en Asie.

A côté des applications classiques rencontrées dans le domaine de l'aéronautique, les équipes de Canoe ont également l'occasion de travailler sur des conceptions beaucoup plus originales. « Comme des pales d'éolienne ou d'hydrolienne,la baume du trimaran de course classe Multi50 Arkema - Région Aquitaine, ou encore, à plus petite échelle, des produits de design et pour la mode », indique-t-il. Les activités de Canoe s'articulent autour de différentes technologies, permettant de balayer tout le cycle de vie des composites, de l'élaboration à la destruction ou au recyclage. Il y a d'abord le département «Composites et matériaux avancés » qui formule des matières plastiques (ajout d'additifs,de charges carbonées pour la conduction électrique de polymères pour les hautes températures…) et des compounds à base de fibres naturelles. « Ce sont les sites de Lacq et de Pau qui sont en charge de la formulation, la mise en œuvre de ces matériaux étant réalisée sur l'un des deux sites de Pessac, sous forme de fils ou de plaques par exemple », poursuit Simon Jestin. Canoe dispose aussi pour cela d'installations sécurisées et dédiées à la manipulation de poudres fines conçues sur le modèle des salles blanches.

La matière première ainsi formulée est ensuite mise en œuvre par le département «Filage», qui la transforme en kilomètres de fils. Le département dispose pour cela de deux méthodes de filage: la technologie traditionnelle par voie fondue où la matière en fusion est passée sous pression dans une extrudeuse des matériaux plastiques et la technologie par voie liquide. Dans ce cas, une solution de polymères formulés est coagulée dans un non-solvant afin d'obtenir les fils. Pour cette méthode, la plate-forme collabore avec le Centre de recherche Paul Pascal (CRPP ; UPR CNRS [Unité propre de recherche du Centre national de la recherche scientifique] 8641).

Les fils ainsi obtenus sont ensuite utilisés tels quels ou combinés à d'autres fils. « Les opérations d'imprégnation et d'enrobage nous permettent par exemple d'ajouter une gaine polymère à chaque fibre ou groupe de fibres afin d'éviter l'abrasion des fils lors du tissage ou encore de rendre“tissables”des fils qui ne le sont pas », expliqueThibaut Savart, ingénieur d'étude au sein de la plate-forme Canoe. Les fibres utilisées sont aussi variées que le carbone, le verre, le lin vierge, le basalte, etc., et l'enrobage est réalisé à partir d'un polymère thermoplastique. « Nous savons aussi fabriquer ces fameuses bandes de 6 mm de large,plus communément appelées tapes ,utilisées le plus souvent en aéronautique pour fabriquer des pièces de grande taille, même si nous ne disposons pas d'un moyen de dépose automatisée par robot », ajoute-t-il.

En complément des activités «Composites et matériaux avancés» et «Filage», un troisième département se développe au sein de Canoe. Il s'agit du département «Couches minces» qui dispose des technologies de dépôt en voie liquide par spray ultrasonique, de traitement plasma atmosphérique pour nettoyer et/ou modifier l'état de surface des substrats, de séchage infrarouge (IR) et recuit UV, etc.

Canoe (Composites en Aquitaine, nanostructures organiques) est une plate-forme dédiée aux composites à destination des PME/PMI et des grands groupes de la région. Ses activités s'articulent autour de différentes technologies, permettant de balayer tout le cycle de vie des composites, de l'élaboration à la destruction ou au recyclage.

Canoe

Des activités de recherche, de production et de formation

« Nous sommes les seuls en Europe à proposer à des entreprises la production de petites séries selon ces technologies pour leur R&D, les autres acteurs disposant d'équipements fonctionnant en continu », indique Loïc Bailly, ingénieur d'études au sein de la plate-forme. « Et Canoe est la seule plate-forme intervenant depuis la formulation chimique jusqu'à la réalisation finale,sans oublier les techniques de caractérisation et de CND [contrôle non destructif, NDLR], ce qui permet aussi de contrôler notre formulation. En ayant la maîtrise sur toutes les étapes, nous pouvons ainsi conseiller les industriels qui ne savent pas comment commencer un projet », poursuit Thibaut Savart.

La plate-forme Canoe, qui a vu son effectif multiplié par six en cinq ans (soit près d'une vingtaine de personnes au lieu de trois à ses débuts en 2009), tire son financement de trois sources de revenus principales. Il y a les prestations d'études et/ou de fourniture de matériaux, les prestations de formations individuelles ou collectives sur les techniques et la mise en œuvre des composites. A côté de ces deux premières activités, les équipes de Canoe participent également à des projets de R&D collaboratifs régionaux, nationaux et européens, tels que, entre autres, Nawhicel-2 pour le développement d'une nouvelle génération de colles et de composites élastomères à base de cellulose pour les marchés du transport et des énergies renouvelables, Carboprec pour la conception de précurseurs économiques issus de lignine et de cellulose, Effiwind et Isocel deux programmes sur les énergies renouvelables montés dans le cadre du programme Investissements d'Avenir financés par l'Ademe et la Région Aquitaine…

Investir dans trois techniques d'analyse thermique différentes

On comprend aisément que ces activités de recherche, de production à petite intermédiaire et de formation ne peuvent se faire sans des moyens de test et d'analyse dignes de ce nom. Au sein du département «Caractérisation et Contrôle/Evaluation non destructif (CND/END)», les équipes ont à leur disposition un parc d'appareils pour les essais mécaniques standard (traction, flexion, compression, tests rhéologiques, chocs…) à l'ambiante et en température.A côté des appareils de caractérisation des matériaux, le visiteur peut aussi voir en œuvre des moyens de CND par ultrasons avec ou sans contact ou par thermographie infrarouge, des systèmes de détection de défauts (fissures, inclusions, porosités, etc.), des appareils de caractérisation HDT/Vicat (caractérisation de la température de fléchissement sous charge et du point de ramollissementVicat), un microscope électronique à balayage (MEB), des appareils d'analyse thermique, sans oublier des balances, des pHmètres…

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Simon Jestin, ingénieur d'étude au sein de Canoe (à droite) : « Lorsque nous devions réaliser des analyses thermiques pour la caractérisation des matériaux, nous faisions en fait appel au coup par coup à différents laboratoires académiques ou non. » Mickaël Herbert, ingénieur commercial Analyse thermique chez Mettler-Toledo France : « Nous avons en fait parié sur la plate-forme pour qu'elle devienne un référent dans ce domaine des composites. »

Cédric Lardière

« Lorsque nous devions réaliser des analyses thermiques pour la caractérisation des matériaux, nous faisions en fait appel au coup par coup à différents laboratoires académiques ou non, via des relations contractuelles. C'était le cas jusqu'au mois de septembre 2013. Mais, compte tenu du nombre d'échantillons à analyser mais aussi de notre souhait et de celui de nos clients externes de maîtriser la confidentialité des données, nous avons décidé d'investir dans une solution d'analyse thermique. L'activité de Canoe étant en forte croissance,il fallait également éviter d'accumuler les retards », rappelle Simon Jestin. Le choix s'est porté sur le fabricant helvético-américain Mettler-Toledo, et plus particulièrement sur trois appareils différents, à savoir l'un pour l'analyse mécanique dynamique (DMA), un deuxième pour la calorimétrie différentielle à balayage (DSC) et un troisième pour la thermogravimétrie (TGA). La solution globale s'appuie sur deux logiciels qui tournent sur des ordinateurs Apple (une première pour Mettler-Toledo): l'un est dédié à la technique la plus sollicitée, la DSC, et l'autre pour les deux autres appareils.

« Nous étions déjà utilisateurs d'appareils de Mettler-Toledo, mais pas dans le domaine de l'analyse thermique, ce qui a nécessité d'acquérir les connaissances préalables pour ces analyseurs », indique Simon Jestin. Le principe de mesure de l'analyseur DMA 1 repose sur une analyse mécanique dynamique durant laquelle l'échantillon est soumis à une force oscillante (une déformation) et l'on mesure l'amplitude du déplacement résultant à différentes températures, via un capteur LVDT ( Linear Variable Differential Transformer ) avec une résolution moyenne de 2 nm sur toute la plage de mesure de ±1 mm. « Il s'agit par exemple d'identifier des transitions vitreuses, le passage d'un état rigide à un état mou, de garantir le respect de certaines normes en aéronautique », précise Mickaël Herbert, ingénieur commercial Analyse thermique chez Mettler-Toledo France.

Le deuxième appareil, à savoir la DSC 1, met en œuvre la technique maîtresse en analyse thermique: elle mesure en effet les échanges thermiques entre l'échantillon et une référence, en fonction de la température ou du temps. Les différences de flux de chaleur résultent des quantités de chaleur absorbées et libérées par l'échantillon en raison d'effets thermiques tels que la fusion, la cristallisation, les réactions chimiques, les transformations polymorphiques, l'évaporation, etc. « Quant à l'analyseur de thermogravimétrie TGA 1, sa microbalance et son four horizontal intégrés assurent la dégradation du matériau, la mesure des variations de masse en fonction de la température et donc la quantification des différents composants (taux de fibres, de charges, de polymères…) », poursuit-il. Cela permet de valider la com-position et la stabilité thermique du maté-riau,ou encore de réaliser la rétro-ingénierie d'un échantillon inconnu.

Mise en place d'un véritable partenariat

Parmi les raisons qui ont abouti pour Canoe à retenir Mettler-Toledo, il est important de rappeler l'impératif de répondre à la forte croissance de l'activité de la plate-forme. D'où notamment l'investissement dans trois techniques de mesure différentes (en plus également des exigences d'analyse imposées par les matériaux étudiés et fabriqués par Canoe) et l'ajout d'un passeur d'échantillons à 34 positions pour les appareils DSC 1 et TGA 1, ce qui permet de s'affranchir d'opérations fastidieuses et de bénéficier de gains de temps significatifs… « Le fait que Mettler-Toledo France nous ait proposé de mettre en place un véritable partenariat sur une période de trois ans, au-delà de la simple commercialisation des appareils, a pesé dans notre décision », rappelle d'ailleurs Jean-Marie Morvan, responsable du département «Caractérisation et CND/ END» de Canoe. Pour les équipes de la plateforme, ce partenariat a permis d'avoir accès à un support technique et de développer leurs compétences ; pour le fabricant, il s'agissait d'accompagner préférentiellement les équipes de Canoe dans ces technologies d'analyse thermique.

“ Le fait que Mettler-Toledo France nous ait proposé de mettre en place un véritable partenariat sur une période de trois ans, au-delà de la simple commercialisation des appareils, a pesé dans notredécision. ” Jean-Marie Morvan, responsable du département «Caractérisation et CND/ END» de Canoe

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Canoe

« Nous avons en fait parié sur la plate-forme Canoe pour qu'elle devienne un référent dans ce domaine des composites et également capitaliser sur les applications de ce secteur en forte croissance. Il s'agit de montrer notre implication sur ce marché,un marché cible pour Mettler-Toledo, au travers notamment de l'accompagnement proposé aux utilisateurs, d'une promotion des analyses thermiques », explique Mickaël Herbert (Mettler-Toledo France). Les deux partenaires organiseront d'ailleurs un séminaire au sein des bâtiments de Canoe à Pessac au mois de juin sur le thème. A l'image de la montée en puissance de la plate-forme ces dernières années, le pari de Mettler-Toledo semble être gagné d'avance…