Les modules processeurs : conçus pour les applications industrielles

Le 01/09/2014 à 14:00

L'essentiel

Les modules processeurs ou modules COM (Computer-On-Modules) sont des unités centrales intégrées dans un module compact connectable sur une carte porteuse.

Au fil des ans, les modules ne cessent de gagner en performances, en compacité et en frugalité.

Ils sont également capables de fonctionner dans des environnements sévères afin de s'adapter à la diversité des applications industrielles.

Il existe de nombreux standards en vigueur et la bataille fait rage entre l'architecture x86 d'Intel et celle d'ARM.

Banalisés depuis pas loin d'une quinzaine d'années, les modules processeurs ou modules COM ( Computer-On-Module ) reposent sur un concept à la fois simple et ingénieux. Ce concept est basé sur le report, sur un module compact et indépendant, d'une unité centrale complète intégrant processeur, contrôleurs système, mémoire flash et mémoire principale. Ce module vient ensuite se positionner sur une carte porteuse qui, elle, intègre toutes les entrées/sorties et les fonctionnalités spécifiques à l'application visée.Par rapport à une carte unique entièrement personnalisée et dédiée à une application donnée, le concept de module processeur permet aux OEM de se décharger de l'implantation de l'unité centrale sur la carte, implantation qui s'avère de plus en plus complexe compte tenu delasophistica-tion croissante des nouvelles générations de processeurs et qui impose donc un savoir-faire spécifique, notamment en termes de techniques de routage de signaux à très haute fréquence et de CEM. L'intégrateur se focalisera donc sur le développement de la carte porteuse qui accueillera le module COM qu'il aura choisi et qu'il concevra de manière à répondre au mieux à son application. Avec ce que cela peut engendrer en termes de gain de temps de développement et de mise sur le marché du produit final. L'intérêt des intégrateurs à adopter les modules COM est par conséquent d'autant plus fort que les volumes engagés concernent des petites et moyennes séries (jusqu'à 10000 pièces par an) qui ne justifient pas financièrement parlant de se lancer dans le développement de cartes uniques personnalisées. Ce qui cible en particulier les applications telles que l'industriel, le médical, le test et mesure, l'affichage professionnel, les points de vente, etc. « Les OEM ont besoin de blocs de base qui leur permettent une grande liberté de conception et leur apportent la compacité d'une solution entièrement personnalisée, tout en minimisant les dépenses et les risques de développement ; les modules COM adoptent exactement cette approche », souligne Gerhard Szczuka, directeur marketing pour les modules COM du groupe allemand Kontron, numéro un mondial du secteur. Le concept même du module COM présente également un autre avantage de taille : sa capacité à pérenniser l'évolution du produit développé par l'intégrateur, en ayant la possibilité de troquer le module COM qu'il intègre contre un autre module au même format mais doté d'un processeur plus performant, et cela, sans revoir ni modifier le produit en question.Elégant,ingénieux et économique: avec de tels qualificatifs, il n'est pas étonnant que les modules COM rencontrent le succès. Selon Toby Colquhoun, analyste pour les modules embarqués chez IHS, « le marché des modules processeurs a connu une croissance annuelle comprise entre 10 et 15 % au cours des dix dernières années. Kontron et Congatec sont respectivement numéro un et deux mondiaux du secteur mais c'est Congatec qui réalise les meilleures ventes dans la zone Europe, Moyen-Orient,Afrique.»

De nombreux standards en vigueur

Bien que plusieurs fabricants proposent des modules processeurs dans des formats propriétaires, les modules COM sont de plus en plus régis par des standards, qu'ils soient officiels (validés par des organismes de standardisation) ou officieux (non validés par des organismes de standardisation mais appuyés par plusieurs fabricants de modules COM). Ces standards, qui précisent les dimensions des modules COM en question, le type de connecteurs les reliant à la carte porteuse de même que la position de ces connecteurs, ainsi que la répartition des signaux sur les broches des connecteurs, permettent de garantir aux intégrateurs qu'un approvisionnement multisource est disponible avec une interchangeabilité des modules d'un même format auprès de plusieurs fournisseurs.Plus ancien standard lancé sur le marché, c'était au tout début des années 2000,le module ETX affiche des dimensions de 95x114mm, intègrequatreconnecteurs de 100 contacts chacun et supporte les bus ISA, PCI, USB, VGA, LVDS, IDE, Ethernet, audio,etmême SATA bien qu'il faille ajouter dans ce dernier cas un connecteur optionnel. Bien qu'ancien, ce standard atoujours ses adeptes et reste très répandu sur le marché, d'autant qu'une extension de ce format,bap-tisée XTX, lui apermis de passer aux liaisons série àhaut débit (PCI Express, SATA, USB2.0, ExpressCard), chose dont ne peut s'acquitter le format ETX. Mais s'ils résistent bien, les modules ETX et XTX doivent composer avec la déferlante des modules processeurs COM Express qui ont vu le jour au beau milieu des années 2000. L'histoire commence en 2004,lors du salon Embedded World, lorsque Kontron et Intel ont dévoilé ensemble un nouveau type de modules processeurs basés sur la technologie PCI Express. Un an plus tard,le comité de standardisation PICMG ratifie ce standard sous le nom de COM Express Basic. D'un format de 95x125mm et doté d'un ou deux connecteurs de 220 broches (et sept configurations de brochage), ce standard supporte une multitude d'interfaces d'entrées/sorties, peut accueillir plusieurs types de processeurs et figure au catalogue de principaux ténors des modules COM (voir tableau page 42) .Avec l'arrivée des processeurs de faible encombrement et à consommation réduite tels que l'Atom d'Intel, les modules COM Express ont rapidement vu leurs dimensions également fondre comme neige au soleil pour donner naissance à de nouveaux standards, également initiés par Kontron qui, décidément, joue de tout son poids sur ce marché pour imposer sa technologie auprès des organismes de standardisation, et par là même, auprès de ses concurrents. Ainsi, en 2010, le PICMG a-t-il ratifié le format COM Express Compact (format de 95x95mm, un ou deux connecteurs de 220 broches, sept configurations de brochage) en se basant sur les modules processeurs « microETXexpress » de l'allemand sortis dès 2006. Le PICMG a fait de même en 2012 avec le format COM Express Mini plus qu'inspiré des modules «nanoETXexpress» que Kontron avait commercialisés à partir de 2007. Le COM Express Mini fixe un facteur de forme ultracompact de type carte de crédit (55x84mm) et un connecteur unique de 220 contacts et avec deux configurations de brochage.

Dauphin de son compatriote Kontron sur le marché des modules COM, l'allemand Congatec aœuvré pour imposer le standard Qseven sur le marché des modules processeurs basse consommation très compacts équipés des dernières générations de processeurs àcœur x86 d'Intel. Mais grâce àl'arrivée de la déclinaison Qseven 2.0, ce standard s'ouvre également depuis peu àl'écosystème ARM.

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Déjà initiateur des standards de modules processeurs ETX, COM Express Basic, COM Express Compact et COM Express Mini, tous architecturés autour des cœurs x86 d'Intel, l'allemand Kontron, numéro un mondial des modules COM, est également à l'origine de la spécification SMARC (Smart Mobility ARChitecture) qui permet aux modules compacts à ultrabasse consommation d'énergie équipés de processeurs à cœur(s) ARM de disposer enfin d'un standard. Mais Intel a récemment contre-attaqué sur les modules SMARC…

Kontron

Bataille autour des architectures x86 d'Intel et ARM

En termes de processeurs, les modules COM ont composé dès le départ avec les modèles à architecture x86 d'Intel, plus enclin à s'adapter aux exigences de l'embarqué tant en termes de tenue en température que de pérennité. D'ailleurs, les standards que nous avons évoqués plus haut dans ces lignes (ETX, XTX, COM Express Basic, Compact et Mini) ont tous été développés autour de cette architecture, ce qui s'avère parfaitement logique dans la mesure où le concept de module COM consiste,rappelons-le,àinté-grer une unité centrale complète sur une carte. Mais même si l'architecture x86 reste largement dominante, force est de constater que d'autres technologies de processeurs tentent d'émerger comme l'architecture Power des processeurs multicoeurs QorIQ de Freescale Semiconductor. Mais c'est surtout au niveau des architectures ARM que l'effervescence est la plus importante. « Les nouveaux processeurs ARM haut de gamme,tels que ceux équipant les smartphones et tablettes modernes, impressionnent les développeurs grâce à leurs performances et leurs faibles besoins énergétiques. Ces caractéristiques permettent aux fabricants de terminaux industriels, de machines et de systèmes durcis disponibles à long terme d'implémenter des solutions qu'ils ne pouvaient offrir ni avec les cœurs ARM moins complexes,ni avec les architectures x86 plus puissantes, explique Gerhard Szczuka de Kontron. En conséquence, le vide qui s'était creusé a été rapidement comblé grâce à des processeurs à cœur(s) ARM dotés de performances graphiques et de puissance de calcul relativement importantes, mais dont la puissance consommée en watts s'exprime avec un seul chiffre.» Plusieurs études, en particulier celles d'IMS Research ou deVDC, prévoient que la croissance annuelle du marché des modules COM basés sur les architectures ARM flirte avec les 25% à l'horizon 2016 et que leur part atteindra 60 % du marché des modules COM à cette échéance. Compte tenu du fort intérêt suscité par les cœurs Cortex A8 et A9 à architecture ARM intégrés dans de nombreux modules processeurs, il devenait urgent de développer un standard spécifique à cette architecture. En effet, les standards ETX ainsi que les différentes déclinaisons du COM Express, développés autour de l'architecture x86 d'Intel, sont moins bien adaptés à la technologie ARM, et cela pour plusieurs raisons. Tout d'abord à cause de différences de spécifications d'alimentation des composants et de différences encore plus marquées au niveau des interfaces et de leurs fonctionnalités optimisées pour les très basses consommations dans le cas ARM.

Principales nouveautés du salon Embedded World 2014

Comme chaque année, l'édition 2014 d'Embedded World, grand-messe de l'industrie de l'embarqué qui s'est déroulée du 25 au 27 février dernier à Nuremberg (Allemagne), a réservé son lot de nouveautés en matière de modules processeurs. Parmi les produits dont le lancement a été dévoilé à cette occasion, nous noterons une tendance de fond: la contre-offensive des processeurs de dernière génération d'Intel qui investissent les modules COM SMARC ( Smart Mobility ARChitecture ) compacts à ultrabasse consommation développés à l'origine autour des processeurs à cœur ARM, et dont le standard a été avalisé il y a peu par le SGET. Parmi les modules SMARC basés sur l'architecture x86 d'Intel, nous retiendrons notamment celui d'Adlink équipé du nouveau processeur Intel Quark1000. Décliné dans un format Short de 82x50mm, le modèle du taïwanais référencé LEC-X1000 dont la sortie est imminente est le premier module COM Intel dont la consommation est de l'ordre de seulement 2 à 3W, un domaine jusqu'ici couvert par les processeurs ARM. Hormis l'Intel Quark SoX X1000 cadencé à 400MHz, le module processeur en question embarque 2Go de mémoire DDR3 sur carte, 2 voies PCIe Gen2, une interface Ethernet, des périphériques USB 2.0 ainsi que d'autres interfaces d'entrées/sorties. Il supporte par ailleurs les systèmes d'exploitation WindRiver Linux 5 et VxWorks. Pour répondre aux besoins des applications embarquées, les modules seront déclinés en versions à plage de température de fonctionnement standard et étendue. Kontron, le numéro un mondial des cartes COM, était bien sûr de la partie avec le premier module SMARC équipé du processeur Atom E3800 d'Intel (surtout connu jusqu'ici sous le nom de code Bay Trail).

Egalement au format Short (82x50mm), le SMARC-sXBTI de l'allemand héberge aussi 8Go de mémoire Ram et peut accueillir 64Go de mémoire sur un disque SSD. Il est par ailleurs équipé de multiples interfaces: 3 interfaces UART pour les signaux GPS ou ceux provenant de caméra via l'interface MIPI CSI ( Camera Serial Interface ), des interfaces vidéo LVDS et HDMI 1.4 pour la gestion d'écrans de définition maximale 2560x1600 pixels couleur (WQXGA), un port USB3.0, deux ports USB2.0, un port Gigabit Ethernet, deux interfaces SDIO et deux interfaces PCI Express.

Le Smarc-sXBTI est capable de fonctionner entre - 40 et +85°C (plage de température étendue). Ce faisant, Kontron étoffe sa gamme SMARC comprenant déjà des modèles à base de processeurs i.MX6 Freescale Semiconductor à cœur(s) ARM Cortex-A9, Sitara de Texas Instruments à cœur(s) ARM Cortex A8 et Tegra 3 de Nvidia à cœur(s) ARM Cortex A9.

Cette offensive d'Intel et de ses cœurs x86 sur les cartes processeurs SMARC fait suite à la récente initiative du géant américain de créer une entité entièrement dédiée à l'Internet des objets (IoT, Internet of Things ), un débouché auquel les processeurs Atom E3800 et Quark 1000 sont dédiés.

D'ailleurs, l'Atom E3800 s'embarque également sur l'autre grand standard de modules processeurs ultracompact basse consommation, à savoir le Qseven. Ainsi, Congatec a-t-il profité du salon pour dévoiler un tel module processeur référencé congaQA3. Embarquant jusqu'au modèle Atom E3800 quadricœur, le module Qseven de l'allemand, dont l'enveloppe thermique descend à 5W, héberge également des processeurs graphiques à haute performance Intel Gen7, la technologie AES-NI pour un cryptage des données AES pris en charge par le hardware, ainsi que de nombreuses entrées/sorties parmi lesquelles USB3.0, DisplayPort, PCI Express et deux interfaces LVDS 24 bits.

Les modules ARM ont enfin leurs standards

C'est pour répondre à cette exigence de standardisation tenant compte des spécificités des architecturesARM et de la tendance vers des facteurs de forme toujours plus réduits, que le standard SMARC ( Smart Mobility ARChitecture ) a été ratifié par le SGET (Standardization Group for EmbeddedTechnologies), un groupement créé en 2012 à l'initiative d'Advantech, Congatec, Data Modul, Kontron, MSC et Seco. Là encore, Kontron a su imposer sa technologie puisque ce standard est directement issu des modules ULP-COM ( Ultra Low Power - Computer-On-Module ) que l'allemand avait commercialisés dès 2012. Le standard SMARC prévoit deux facteurs de forme : un format Short de 82x50mm pour des conceptions à basse consommation extrêmement compactes, et un format Full Size de 82 x 80 mm pour d'éventuels futurs SoC ( System-on-Chip , sys-tèmes sur puce) de haute capacité ayant besoin de plus de place et exigeant un refroidissement plus important. Les appareils mobiles sont les débouchés visés en premier lieu, mais de nombreuses applications fixes peuvent également tirer profit de ces modules à petits facteurs de forme et à haute efficacité énergétique. Initialement développé autour de l'architecture x86 à basse consommation, le standard Qseven (format de 70x70mm et connecteur unique MXM de 230 contacts), que l'on doit cette fois-ci à Congatec, s'ouvre également aux architec-tures ARM depuis quelque temps. Mais la version 1.20 de Qseven lancée fin 2010-début 2011 n'étant pas optimisée pour ARM, une deuxième mouture baptisée Qseven 2.0 et prenant véritablement en compte les spécificités de l'architectureARM sans avoir recours à divers ajustements préalables, a été validée par le SGET. Elle se distingue également par un facteur de forme de 40x70mm, encore plus compact que le format Qseven initial (70x70mm), d'où le nom de µQseven.

Principaux fournisseurs de modules processeurs

Tous les fabricants listés dans ce tableau proposent dans leurs catalogues respectifs des modules COM capables de composer avec des températures de fonctionnement allant de - 20 à + 70 °C, voire de - 40 à + 85 °C. Ce qui les rend compatibles avec de nombreuses applications industrielles.

Le standard Rugged COM Express ou Vita 59 RCE, développé conjointement par les comités Vita et PICMG et récemment publié, permet de spécifier des modules COM Express aptes à résister à des environnements particulièrement sévères. La société Men Mikro Elektronik est la première à proposer des modules processeurs conformes à ce standard. Un premier module emploie une architecture x86 d'Intel alors qu'un second est basé sur une architecture ARM.

DR

La contre-attaque d'Intel

A l'inverse, le tout jeune format SMARC ne semble déjà plus réservé aux seuls processeurs à architecture ARM. C'est en tout cas ce qui ressort de la dernière édition du salon Embedded Word qui s'est tenu fin février à Nuremberg qui a été le théâtre de plusieurs annonces de modules processeurs au format SMARC intégrant les Atom E3800 et Quark1000 d'Intel dédiés à l'Internet des objets et étendant ainsi le champ d'applications des modèles COM à architecture x86 (voir encadré page 41) . Enfin, notons que le module COM Express se durcit avec la publication récente d'un nouveau standard développé conjointement par les comitésVita et PICMG. Nommé Rugged COM Express, ou Vita 59 RCE, ce standard définit en particulier les conditions extrêmes auxquelles les modules en question doivent résister en termes de résistance aux chocs (50g), aux vibrations (5g) et aux perturbations électromagnétiques et de tenue en température (-40 à +125°C),des conditions notamment requises dans les applications ferroviaires (EN 50155). Cela s'opère au prix d'un facteur de forme un peu plus conséquent de 105x105mm contre 95x95 pour le COM Express Compact. Premier acteur présent sur ce marché,l'allemand Men Mikro Elektronik, qui a beaucoup œuvré pour la mise en place du standard Rugged COM Express, a dévoilé deux modèles s'y conformant lors du récent salon Embedded World. Le premier référencé CB70C, embarque le processeur Core i7d'Intel dans des versions comportant un à quatre cœurs x86.Le second modèle de Men nommé CC10C accueille quant à lui le processeur i.MX6 de Freescale et marque ainsi l'entrée de Men dans l'écosystème ARM.

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