Les techniques infrarouges en font toujours plus

Le 01/05/2013 à 14:00

A ujourd'hui, les industriels disposent d'un panel de plus en large de techniques d'analyse pour le suivi à l'émission des rejets, pour la conduite de leurs procédés et pour le contrôle de la sécurité des personnes et des équipements. On trouve aussi bien la spectrométrie UV/visible, la chromatographie en phase gazeuse, les spectrométries Raman et de masse, les sondes paramagnétiques et zirconium, les spectrométries NDIR, FTIR, etc. Derrière ces deux derniers acronymes, mais on peut aussi ajouter MIR, NIR, FTNIR, se cache en fait une grande famille d'analyse spectroscopique, celle utilisant les longueurs d'onde correspondant à la gamme spectrale de l'infrarouge.

L'essentiel

Les techniques analytiques infrarouges sont certainement les méthodes les plus utilisées dans l'industrie, pour les mesures à l'émission et en process.

Selon les applications, les utilisateurs ont le choix entre les techniques NDIR et FTIR, travaillant dans le moyen et/ou le proche infrarouge.

Avec des matrices de gaz de plus en plus complexes, des niveaux de rejets toujours plus faibles et des budgets serrés, les fabricants rendent les analyseurs plus compacts et plus performants, développent des techniques totalement différentes…

« Comme un très grand nombre de composants répondent dans cette bande spectrale,sans trop d'interférents de surcroît, les techniques travaillant dans l'infrarouge sont certainement les méthodes ayant la plus grande couverture et donc les plus fréquemment mises en œuvre dans l'industrie » , rappelle Sébastien Crozet, responsable Produits Analyse chez Emerson Process Management France. C'est ce qui explique d'ailleurs aussi l'explosion du nombre de fabricants ces dernières années. « En 2005, lorsque nous avons pris la distribution en France du fabricant norvégien Neo Monitors, les concurrents se comptaient sur les doigts d'une main. Huit ans plus tard, il y a une trentaine de fabricants qui se sont engouffrés sur le marché des analyseurs TDL [ Tunable Diode Laser, NDLR] » , constate Paul Mouchot, gérant de Sistec, société qui distribue égale-mentlefabricantfinlandaisGasmetTechnologies. L'un des tout derniers arrivants dans le domaine de l'analyse infrarouge en process, et pas des moindres, est le suisse Metrohm. Le groupe vient en effet de racheter au danois Foss,fabricant spécialisé dans les instruments d'analyse pour les laboratoires en agroalimentaire principalement, son activité NIRSystems pour un montant non dévoilé. «A l'instar de notre offre traditionnelle destinée aux applications en laboratoire et en process (titration, chromatographie ionique,analyse physico-chimique de l'eau), nous proposerons dès la fin du mois de mai 2013 des analyseurs NIR de laboratoire et de process. Ces appareils sont un parfait complément à nos titreurs, systèmes Karl Fischer, pHmètres et autres instruments d'analyses primaires », explique Hervé Lacombe, directeur général de Metrohm France.

NDIR, la méthode infrarouge classique

Avant d'aborder plus en détail les techniques NDIR et FTIR, faisons un petit rappel sur les notions de proche infrarouge (NIR) et moyen infrarouge (MIR). En termes de lon-gueur d'onde, la bande spectrale correspondant à l'infrarouge s'étend de 0,7 à 1000µm, soit en nombre d'onde 14000 à 10cm -1 ,et l'on distingue une segmentation en trois parties (découpage selon l'ISO): le proche infrarouge (de 0,7 à 3µm), le moyen infrarouge (de 3 à 50 µm) et l'infrarouge lointain (de 50 à 1 000 µm). Selon la longueur d'onde, l'énergie que la lumière peut transférer pour exciter les molécules est plus ou moins importante, ce qui nous amène à la première technique d'analyse infrarouge.

Que ce soit pour le suivi des rejets à l'émission, la conduite de procédés ou même pour s'assurer de la sécurité des personnes, les techniques spectrométriques infrarouges sont le plus souvent mises en œuvre pour l'analyse des gaz dans les applications industrielles.

Emerson Process Management

La spectrométrie infrarouge non dispersive ( Non-Dispersive Infrared ou NDIR) met en œuvre une source infrarouge associée à des filtres et un chopper afin de disposer d'un faisceau lumineux dans une bande spectrale relativement étroite. « La longueur d'onde de ce pic est sélectionnée de telle manière à correspondre à l'absorption maximale du composé à analyser, et ce avec le moins d'interférents possible.Pour obtenir une bonne sélectrivité, on utilise des filtres interférentiels ou des détecteurs GFC [ Gas Filter Correlation, NDR] , ces derniers contenant en forte concentration le gaz à rechercher et servant également de référence », indique Stéphane Mabecque, responsable de produits pour l'analyse des gaz et la débitmétrie chez Sick France. Le faisceau monochromatique traverse ensuite l'échantillon, jusqu'à un détecteur qui va convertir l'intensité lumineuse reçue en signal électrique.

L'intensité lumineuse notée I suit alors la loi logarithmique de Beer-Lambert: I = I e a l 0 où I0 est l'intensité lumineuse sans échantillon, a est le coefficient d'absorption et l est la longueur du trajet optique. Une fois partiellement linéarisée, la courbe devient une simple formule mathématique qui permet de remonter à la valeur de concentration du gaz. « Excepté les analyseurs où elle se résume à un facteur, la linéarisation a posteriori d'une partie du signal permet d'atteindre une rangeabilité dynamique de 1: 20,voire 1: 25,pour les modèles les plus performants.Avec la méthode brevetée IntrinzX développée en 2008 pour nos analyseurs, le signal est intrinsèquement linéaire sur trois décades, d'où une plus grande dynamique et une meilleure stabilité », explique Sébastien Crozet (Emerson Process Management France). La méthode utilise en fait deux mouvements différents de chopper, à deux fréquences distinctes (120 et 150Hz). La seule complexité avec la loi de BeerLambert réside surtout dans la correction des interférents, à savoir la soustraction de l'absorbance des interférents à celle mesurée. Tout ce qui est vu comme absorbé au niveau du détecteur ne vient pas obligatoirement du gaz. « Mis à part ce point, la loi Beer-Lambert est simple à comprendre, et la méthode NDIR peut être facilement modifiable pour s'adapter aux mesures de composés traditionnels à l'émission et en process (SO2 ,CO, NO, H 2 O), ce qui est fait depuis trois décennies », poursuit Stéphane Mabecque (Sick France). Il s'agit bien souvent des mêmes gaz, mais à des concentrations plus fortes en process qu'à l'émission (plusieurs centaines de ppm contre quelques ppm).Au niveau des analyseurs, cela se traduit principalement par des cellules de mesure avec un chemin optique plus court pour les modèles de process.

Malgré ou parce que les analyseurs de gaz infrarouges reposent sur des méthodes de mesure parfois complexes, les fabricants font des efforts particuliers sur la prise en main et l'utilisation de leurs appareils.

Environnement SA

Rappelons que l'absorption du faisceau infrarouge dépend de la concentration du composé mais aussi de la longueur du chemin optique. Dans le cas de l'analyse de traces, ce qui est plutôt réservé aux applications à l'émission, une voie pour améliorer la résolution des mesures est d'allonger les cellules de mesure… « Dans tous les cas, cependant, l'utilisateur doit connaître le gaz à analyser et son étendue de mesure. La concentration recherchée est-elle de 5 ppm ou de 5 % ? Cela peut avoir une conséquence importante s'il faut mesurer une concentration de CO de 5 ppm, par exemple, dans une matrice avec 20 % de CO2 » , insiste Eric Notin, responsableAnalyse au sein de la division Industry Automation and Drive Technologies IA&DT de Siemens France.

Des bandes spectrales encore plus fines avec les lasers

Depuis quelques années, nombre de solutions sont apparues sur le marché en intégrant non plus une source classique mais une diode laser pour l'émission du faisceau infrarouge. Dès les années 1980, des sociétés comme Neo Monitors ont cherché à industrialiser la méthode laser afin d'obtenir des intervalles de longueurs d'onde encore plus faibles, la largeur de raie d'une diode laser étant de l'ordre de 10 -4 cm -1 .Les premiers appareils industrialisés sont apparus au milieu des années 1990. Mais ce n'était encore que les prémices… Aujourd'hui, ce ne sont pas moins d'une trentaine de fabricants qui proposent des analyseurs utilisant un laser comme source. « Les atouts de ces analyseurs ? Ils peuvent être plus robustes, présenter des niveaux de détection bien plus bas pour certains constituants, analysables ou non par la méthode FTIR… ce qui requiert d'optimiser la méthode à l'application et au budget du client », explique Serge Aflalo, directeur commercial et marketing d'Environnement SA.

Parmi les autres avantages, on peut citer la stabilité de mesure, l'absence de réétalon-nage,lecoût moindre des lasers par rapport aux sources infrarouges traditionnelles, etc. Les fabricants intègrent en fait des diodes laser utilisées dans le domaine des télécom-munications,diodes produites à des millions d'exemplaires d'où des prix fortement ré-duits.A contrario, les fabricants d'analyseurs n'ont pas une grande latitude en termes de longueurs d'onde disponibles –ces spécifications sont en effet définies par les fabricants des diodes. Jusqu'à très récemment, les diodes laser ajustables utilisées fonctionnaient uniquement dans le proche infra-rouge. Si les “harmoniques” de rang 2 et 3 des raies d'absorption du moyen infrarouge se situent dans le proche infrarouge, les pics d'absorption correspondants sont néanmoins de l'ordre de cent fois plus faibles qu'en moyen infrarouge. Ce qui peut poser quelques problèmes, même si les analyseurs TDL se distinguent par des seuils de détection très bas.

La spectrométrie infrarouge non dispersive (NDIR), utilisant des sources classiques ou des lasers pour une résolution spectrale encore plus fine, permet de déterminer “simplement” la concentration d'un gaz ou deux, grâce à la loi logarithmique de Beer-Lambert.

Sick

Apparue plus tard dans l'industrie, la spectrométrie infrarouge à transformée de Fourier (FTIR) apporte de nombreux avantages, tant en termes de performances analytiques qu'en nombre de gaz mesurés simultanément.

Sistec

L'un des points communs des appareils développés récemment réside dans leur compacité. Il y a en effet de moins en moins de place à proximité des process, une place qui coûte chère de surcroît.

ABB

A l'instar de la méthode NDIR, un analyseur de gaz TDL ne permet de mesurer la concentration que d'un ou deux gaz, en jouant sur les valeurs de courant de température de la diode laser. Ce qui fait dire à certains fabricants que les analyseurs à TDL ne requièrent pas forcément de compétences très poussées… sauf si l'on cherche à atteindre de très bonnes performances en analyse de gaz (prise en compte des interférences, développement de nouveaux gaz). C'est donc certainement pour se démarquer et conserver une longueur d'avance sur leurs concurrents que des sociétés travaillent sur l'intégration de lasers à cascade quantique ( Quantum Cascade Laser ou QCL). « Depuis quatre, cinq ans, le marché connaît une grande excitation car les lasers à cascade quantique ont le bon goût d'émettre dans le moyen infrarouge, et non pas dans le proche infrarouge, constate Vincent Meckler,ingénieur commercial chez Sistec. Nous avons d'ailleurs installé en 2012, pour la première fois en France, un prototype d'analyseur QCL de Neo Monitors.»

Industrialisation d'autres techniques basées sur le laser

D'autres acteurs, en particulier de jeunes sociétés françaises, ont pris le problème de l'analyse des gaz dans l'industrie sous un angle totalement différent. Prenons le fabricant aixois AP2E et sa technologie OFCEAS, pour Optical Feedback Cavity Enhanced Absorption Spectroscopy ( voir Mesures n° 829 ). Cette technologie issue des travaux du Laboratoire de spectrométrie physique (LSP) de l'université Joseph Fourier (UJF) de Grenoble en Isère est une variante améliorée de la spectroscopie d'absorption par mesure du temps de vie des photons piégés dans une cavité optique haute finesse ( Cavity Ring Down Spectroscopy ou CRDS). « La longueur du chemin optique et donc la sensibilité de nos analyseurs sont multipliées par un facteur 1 000 comparé aux techniques infrarouges traditionnelles.Je présente souvent l'OFCEAS comme un moyen permettant de zoomer sur des bandes spectrales extrêmement fines, même dans des matrices très complexes », explique Frédéric Lembert, PDG de la société aixoise. Avec des limites de détection inférieures au ppb pour certains gaz, la traque de concentrations extrêmement faibles devient ainsi accessible. Et les utilisateurs lèvent également tout doute (lié par exemple au chevauchement de réponses spectrales) sur la présence réelle de gaz et de leur quantité exacte. Ils disposent alors d'outils leur permettant d'optimiser leurs procédés (d'où une première économie),par la même occasion de réduire les composés non voulus et/ou nocifs et, in fine, d'abaisser “naturellement” leurs émissions de gaz (une seconde économie). Si Frédéric Lembert reconnaît que la technologie OFCEAS ne peut pas répondre à tous les process industriels (il faut là encore connaître les gaz à mesurer),le principal handicap reste la méconnaissance des utilisateurs. «Avec des technologies bien différentes des méthodes NDIR et FTIR, il faut évangéliser les utilisateurs, dépasser leurs a priori en leur montrant que la mesure directe de H2 [dihydrogène, NDLR] dans le chlore, par exemple, est possible », poursuit-il.

En plus des techniques d'analyse NDIR et laser, les industriels ont à leur disposition un troisième type de méthode. Comme on l'a mentionné auparavant en parlant de la technique NDIR, de par son principe de fonctionnement, il n'est pas possible d'analyser plus de deux gaz en général avec un analyseur. Etant confrontés au développement de matrices plus complexes et au renforcement des contraintes en termes réglementaires et de sécurité, les industriels recherchent des solutions “multigaz” leur permettant de contrôler et de suivre simultanément des dizaines de composés… sans grever leur budget. La solution qui a fait son apparition il y a une quinzaine d'années sur les sites industriels est la spectrométrie infrarouge par transformée de Fourier, la fameuse FTIR. Si les premiers modèles de process ne sont pas apparus plus tôt (la technique est utilisée depuis des décennies en laboratoire), c'est que les fabricants ont dû lever quelques limitations.

Analyser des dizaines de gaz avec un seul analyseur FTIR

Un analyseur de gaz FTIR se compose de trois principaux éléments: une source lumineuse, un interféromètre de Michelson, qui est le dispositif permettant de générer les interférences, et un détecteur associé à une électronique et des algorithmes de traitement de signal. L'information ainsi obtenue n'est plus une valeur d'absorption à une longueur d'onde bien précise comme avec la technique NDIR, mais un spectre d'absorption sur une grande plage spectrale. Le besoin de puissance de calcul pour décomposer le spectre explique en partie le passage décalé, par rapport au NDIR, de la technique FTIR du laboratoire au terrain. Il a également fallu développer des interféromètres pour pouvoir être intégrés dans des appareils installés dans des environnements moins propres que celui d'un laboratoire. «ABB s'est intéressé dès 1993 à l'industrialisation de technologie de laboratoire pour les mesures à l'émission, avec un interféromètre de Michelson pouvant supporter les contraintes en termes de vibrations, de chocs, etc. d'un process. Les premiers modèles étaient toutefois installés dans des camions mobiles,leur design volumineux provenant de l'assemblage de différents modules plus que de la définition d'un système cohérent » , rappelle Cyrille Nolot, directeur commercial et marketing de l'activitéAnalyse et instrumentation d'ABB France. Un certain nombre d'analyseurs de gaz FTIR sont aujourd'hui disponibles sur le marché, répondant à un très large éventail d'applications. « Les spectrométries en moyen et proche infrarouge basées sur la transformée de Fourier (FTIR et FTNIR) sont mises en œuvre dans les raffineries pour déterminer en ligne l'indice d'octane pendant les mélanges des essences, par exemple, en chimie de spécialité, pour la détection de fuites dans le cadre de la protection du personnel… L'explosion de la demande dans les sciences de la vie (pharmaceutique, cosmétique…) est liée à la mise en place des PAT [ Process AnalyticalTechnologies, NDLR] ,la FDA (1) incitant en effet au développement de solutions en ligne », poursuit Frédéric Despagne, responsable marché pour les sciences de la vie et la chimie de spécialité chez ABB France.

Etapes essentielles pour l'obtention de bonnes mesures, le prélèvement et l'échantillonnage du gaz sont loin d'être évidents. Il faut par exemple éviter les points froids, sources de condensation. Certaines techniques de mesure nécessitent toutefois beaucoup moins de préparatifs, facilitant ainsi la vie des opérateurs.

AP2E

Du côté des principaux avantages, les analyseurs FTIR affichent une très faible résolution spectrale, bien que supérieure à celle des appareils de laboratoire. « On peut ainsi sélectionner d'une manière beaucoup plus précise les raies d'absorption, et le faire sur plusieurs longueurs d'onde à la fois. La mesure de niveaux de détection toujours plus faibles imposés par la réglementation à l'émission (1 ppm pour le HF, par exemple) ne pose ainsi pas de problèmes en FTIR », explique Stéphane Mabecque (Sick France). Un autre atout réside dans la capacité de mesurer simultanément un nombre élevé de gaz: une dizaine jusqu'à une cinquantaine voire plus, selon la complexité de la matrice. « Il serait possible d'analyser en même temps une dizaine de gaz avec d'autres techniques infrarouges, mais se posera alors le problème de la taille des systèmes.Du simple fait déjà de la multiplication des cellules de mesure… », constate Serge Aflalo (Environnement SA). Revers de la médaille, si un analyseur multigaz tombe en panne, c'est la mesure des dix ou quinze gaz qui devient alors indisponible.

Dernier grand avantage de la technique FTIR, le système de prélèvement et d'échantillonnage est plus simple qu'en NDIR. On entre en effet à chaud dans la cellule de mesure d'un analyseur FTIR (prélèvement et acheminement par lignes chauffées), alors que l'on doit passer par une étape de refroidissement juste avant l'entrée d'un analyseur NDIR.

Toutes les techniques infrarouges ont leur place

La spectrométrie FTIR a forcément quelques autres limitations, à commencer par l'utilisation de bibliothèques de spectres théoriques permettant l'identification et la détermination des concentrations. La création de ces spectres de référence peut devenir un handicap pour les composés exotiques ou très rares… même, si dans la plage spectrale du proche infrarouge, il est possible de faire des choses très difficiles, une fois l'instrument réglé et optimisé. « Ce que j'appelle “de la chimie sans la chimie”est une tendance lourde surtout dans le process. Si l'on se projette dans dix ou vingt ans,les industriels mettront en place des sondes proche infrarouge à différents endroits de leurs procédés, pour s'affranchir des analyses de contrôle qualité en laboratoire », avance même Hervé Lacombe (Metrohm France).

N'oublions pas non plus que la spectrométrie FTIR n'est pas une méthode normalisée de référence, mais seulement une méthode équivalente dont on a quand même prouvé l'équivalence. Dernière limitation, et pas des moindres, un analyseur FTIR est une solution plus chère à l'achat qu'un modèle basé sur la technique NDIR, même si une différence de prix d'un rapport de 1 à 10 peut se justifier par des niveaux de performances métrologiques bien distincts.Pour Eric Notin (Siemens France), « le prix d'un analyseur infrarouge dépend surtout du nombre de composés que l'utilisateur cherche à mesurer.» Ce qui fait dire à tous les fabricants et fournisseurs qu'il ne s'agit pas de la solution universelle pour l'analyse des gaz à l'émission et en process. «Toutes les techniques infrarouges, à l'image du FTIR, ont et auront toujours leur place dans les applications industrielles. Par exemple, vouloir mettre en œuvre un analyseur FTIR dans une chaufferie urbaine pour suivre trois paramètres liés à la combustion n'aura jamais aucun intérêt », explique Serge Aflalo (Environnement SA).

De toute façon, les systèmes d'analyse de gaz doivent intégrer d'autres technologies que les méthodes infrarouges, comme des sondes zirconium et paramagnétiques, des détecteurs à ionisation de flamme (FID), des techniques spectrométriques UV ou de chimiluminescence, afin de pouvoir mesurer le dioxygène (O 2 ), les composés organiques volatiles (COV), etc. Il y a toutefois un bémol : comme chaque technique à un prélèvement et échantillonnage propre, cela multiplie les contraintes. La possibilité de pouvoir réduire la taille des baies d'analyse grâce à un spectromètre FTIR n'est toutefois pas anodine lorsque la place disponible à proximité des cheminées et des process se fait rare. Sans compter la réduction des coûts d'installation s'il n'y a qu'un seul piquage…

Viser la simplicité d'utilisation

Pour les utilisateurs, deux grandes tendances se font jour,que résume ici Frédéric Despagne (ABB France): « nos axes de développement portent sur l'amélioration des performances analytiques pures, à savoir les algorithmes de traitement de signal, un interféromètre à double pivot, et non plus à simple pivot, pour concentrer plus de lumière, les détecteurs DTGS standard non refroidis pour travailler en moyen infrarouge, etc., ainsi que sur une utilisation simplifiée des appareils.»

Les améliorations apportées aux analyseurs de gaz infrarouges portent notamment sur la connectivité aux systèmes de contrôle-commande, l'intégration de serveurs web…

Siemens

Cela se traduit, entre autres, par la communication directe avec un système de contrôle-commande via des interfaces Modbus ou Ethernet, l'amélioration des informations de diagnostic afin de détecter très rapidement un problème (une sonde bouchée, un mauvais contrôle de la température du process…).

Plus généralement, il s'agit de réduire toutes les contraintes liées à la maintenance (échantillonnage simplifié, espacement des intervalles d'étalonnage…) des appareils car, par exemple, dans des industries comme la pharmaceutique, remplacer une source laser impose de respecter une procédure d'intervention lourde. « Cela peut passer par l'accroissement de la durée de vie des sources infrarouges. Mais les clients demandent par ailleurs des temps de réponse plus faibles, ce que facilitent les solutions in situ via la réduction significative du temps de transfert des échantillons », indique Eric Notin (Siemens France).

Toujours dans l'optique de faciliter la prise en main par les utilisateurs, les fabricants portent leur attention sur l'interface opérateur de leurs analyseurs de gaz. Rappelons à toutes fins utiles que les opérateurs ne sont pas des spécialistes des techniques analytiques d'où l'apparition de serveurs web intégrés, par exemple. « Le s possesseurs de nos analyseurs X-Stream XE peuvent en toute sécurité, grâce à une adresse IP propre et un mot de passe, visualiser en grand toutes les informations (mesures, étalonnage,événements,diagnostic),être avertis d'un problème d'étalonnage par SMS ou e-mail. Cela permet de rendre plus convivial et plus compréhensible toutes les fonctionnalités des analyseurs », souligne Sébastien Crozet (Emerson Process Management France).

Compte tenu de tout ce que l'on vient de voir, et sachant que les procédés vont continuer à se complexifier et les réglementations à se renforcer, certains fabricants réfléchissent à des solutions“hybrides”qui bénéficieraient des atouts des techniques infrarouges. « Le Saint-Graal serait de développer un analyseur avec un laser dont on pourrait faire varier la longueur d'onde comme en spectrométrie FTIR, émet Paul Mouchot (Sistec). Mais cela reste une utopie, car la puissance de calcul nécessaire pour obtenir cette finesse serait immense.»

(1) La Food and Drug Administration (FDA) est l'Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux, qui a entre autres le mandat d'autoriser la commercialisation des médicaments sur le territoire des Etats-Unis.

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