Lesdéfisdel'entreprise connectéevus parRockwellAutomation

Le 28/01/2019 à 14:00

Dans le contexte de la quatrième révolution indust rielle, Rockwell Automation, fabricant historique d'automatismes, ne compte pas se reposer sur ses acquis. Plutôt que d'industrie du futur, ou industrie 4.0, la firme américaine a choisi de parler de l'«entreprise connectée». Et dans cette optique, elle propose de plus en plus de solutions, matérielles bien sûr, logicielles, mais aussi en termes de conseil pour les industriels. L'édition 2018 de sonAutomation Fair était l'occasion pour Rockwell Automation de mettre en lumière de nouveaux produits et services, notamment dans le cadre des partenariats avec d'autres entreprises. Maintenance prédictive, cybersécurité ou encore réalité augmentée (AR) étaient donc au rendez-vous.

« Nous fabriquons des automatismes depuis 150 ans, rappelle Blake Moret, président et CEO de Rockwell Automation. Et l'industrie évolue peu : quand quelque chose fonctionne,on évite d'y toucher.Mais le monde de l'informatique pousse l'industrie à évoluer rapidement, vers plus d'agilité. Nous avons choisi de nous saisir de cette tendance, pour apporter aux entreprises un nouveau niveau de productivité, basé sur l'exploitation des données. » Ainsi, Rockwell Automation étend petit à petit ses activités historiques, pour proposer plus de services et de logiciels. « Beaucoup d'industriels, quelle que soit leur taille, ne savent pas par où commencer.Ils ont donc besoin d'aide », note Blake Moret.

Quels objectifs pour la transformation numérique ?

Thomas Donato, vice-président de Rockwell Automation en charge des ventes et du marketing, a présenté lors de l'Automation Fair une étude réalisée auprès de plus de 300 responsables d'entreprises industrielles à travers le monde. Le but: déterminer leurs principales motivations pour la transformation numérique et les initiatives liées aux objets connectés. Il en ressort que la plus souvent citée est l'amélioration de l'efficacité opérationnelle. Pour la région EMEA (Europe, Moyen-Orient et Afrique), cette réponse est suivie par «l'accélération de nouveaux modèles économiques» et «l'amélioration de l'efficacité générale des équipements». Le sondage interroge également les principaux obstacles à la transition numérique. Les entreprises basées en EMEA placent en première position la difficulté d'intégrer des données provenant de systèmes multiples.

Suivent le manque de capacités, en termes d'outils ou de compétences, et la question de l'interopérabilité des données. Les entreprises d'EMEA se démarquent des autres régions par l'avancement de leurs projets de transformation numérique: 35% affirment en être au stade de l'amélioration d'initiatives en cours, contre 22% en Amérique et 8% en Asie. 16% en sont encore au stade du pilote, et 7% à la préparation.

« La complexité du sujet peut être écrasante, admet FranWlodarczyk, vice-président en charge de l'architecture et des logiciels de Rockwell Automation. Nous sommes perçus comme un fabricant d'automatismes, mais nous voulons également être vus comme des consultants, pour aider les industriels dans cette démarche. Car il n'y a pas de solution unique. »Ainsi, la première étape pour une entreprise doit être de sélectionner un projet pilote, un problème à résoudre, conseille Fran Wlodarczyk.Il faut collecter les données nécessaires, tout en gardant leur contexte: savoir, par exemple, quelles machines partagent le même modèle de pompe. « Pour que les utilisateurs puissent faire confiance aux informations,il faut assurer une fondation solide, prévient le vice-président. L'extension du pilote se fera dans un second temps, une fois les bénéfices constatés ».

Face à la transformation rapide de l'industrie, Blake Moret (CEO) a indiqué que Rockwell Automation développerait ses activités de conseil aux entreprises.

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La réalité augmentée (AR) permet d'afficher des informations dans le champ de vision de l'utilisateur. Cette technologie peut apporter des avantages dans le cadre de tâches complexes.

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« Beaucoup de choses peuvent être faites à partir des données », continue-t-il.Ainsi, une information comme une chute de courant dans un moteur peut être simplement descriptive, mais également servir au diagnostic, puis à la maintenance prédictive et enfin à l'analyse au niveau de l'entreprise. Pour mettre cette chaîne en pratique, de plus en plus d'intelligence peut être implémentée à tous les niveaux, des capteurs à la gestion globale de la production. « Même les petites entreprises peuvent trouver des applications. Tout le monde ne peut pas comparer 40 lignes de production, mais chacun peut étudier le fonctionnement d'une machine et son usage par les différents opérateurs », assure Fran Wlodarczyk.

De nombreuses applications sont d'ores et déjà disponibles pour ce type de projets au sein de l'offre de Rockwell Automation, pour les différents niveaux de l'entreprise connectée: le diagnostic, qui permet de trouver la source d'un problème, la prédiction, pour prévenir d'un problème à l'avance en se basant sur l'évolution de données clés, ou l'analyse, pour comparer les performances de différentes lignes ou de différentes machines.« Nous sommes capables de prendre en charge les questions de “Big Data”, mais nous faisons aussi descendre l'analyse jusque dans nos équipements » , décrit FranWlodarczyk. Et petit à petit, les nouvelles technologies font progresser cette chaîne.Ainsi, un logiciel d'intelligence artificielle devrait voir le jour dans les prochains mois, doté d'un algorithme d'apprentissage automatique appliqué à l'analyse des équipements.

À l'occasion de l'Automation Fair, Rockwell Automation a annoncé que ces solutions logicielles sont réorganisées en une gamme unifiée, FactoryTalk InnovationSuite, en collaboration avec la société américaine PTC, éditrice notamment de la plateforme ThingWorx. Ce partenariat, démarré en juin dernier, permet désormais aux deux entreprises d'intégrer de façon transparente leurs offres respectives au sein d'une solution commune, allant du plus bas niveau des automatismes jusqu'aux outils informatiques de conception. « Nous couvrons ainsi toute la chaîne nécessaire à l'entreprise connectée », se félicite Jim Heppelmann, CEO de PTC. L'entreprise propose par exemple un logiciel de CAO capable d'optimiser en temps réel la géométrie d'une pièce en fonction de différents paramètres, comme la technique de production utilisée. Grâce à cette nouvelle intégration, les données ainsi obtenues sont directement injectables dans la chaîne numérique du process de fabrication.

PTC apporte également à FactoryTalk InnovationSuite ses solutions de réalité augmentée. Cette technologie vise, entre autres, à répondre à la problématique des départs non remplacés dans l'industrie. « Les travailleurs de la première vague d'automatisation arrivent à la retraite, et l'on manque de personnes pour les remplacer », observe Blake Moret (Rockwell Automation). « En 2025, sur les 3,5 millions de retraités,seulement 1,2 million seront remplacés », prévient Jim Heppelmann (PTC). Pour minimiser la perte de savoir-faire, la réalité augmentée permet de documenter les tâches qu'ils effectuent. Une paire de lunettes peut filmer leurs gestes, tandis qu'ils les expliquent de vive voix.

La sécurité du réseau se joue à tous les niveaux. Rockwell Automation propose désormais des équipements avec sécurité CIP intégrée, pour garantir l'intégrité des données.

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Ces informations peuvent ensuite être mises en forme de sorte à guider de nouveaux employés, équipés de lunettes de réalité augmentée. Celles-ci permettent d'afficher des informations et des instructions pas à pas dans leur champ de vision, via des vidéos par exemple. Cette application vise à simplifier certaines tâches complexes. Mais la réalité virtuelle peut aussi servir à l'amélioration des procédés de fabrication: « elle permet de recueillir des informations sur la durée de chacune des étapes à réaliser, commente Jim Heppelmann. Si certains opérateurs sont plus rapides que d'autres,on peut comprendre pourquoi,et analyser les bonnes pratiques ».

Plusieurs démonstrations de réalité augmentée étaient d'ailleurs proposées au public dans le cadre de l'Automation Fair. Face à une machine de production, chausser les lunettes permet de faire apparaître différentes informations graphiques liées à son fonctionnement, ou à la maintenance prédictive. Les lunettes affichent des modélisations 3D de pièces de la machine, comme si elles étaient visibles par transparence, ou matérialisent au sol les différentes zones de sécurité par plusieurs couleurs.

Mais les lunettes ne sont pas la seule façon d'accéder à la réalité augmentée: une tablette numérique ou un smart-phone permettent également de superposer ce type d'informations à une machine en fonctionnement. Quelques exemples de réalité virtuelle (VR) étaient également présentés. Ici, il n'est plus question d'ajouter des informations au champ de vision, mais d'immerger l'utilisateur dans un environnement entièrement numérique. Cela peut être utile à des fins de formation, ou encore, pour les fabricants de machines, en guise de démonstrateurs.

La sécurité est bien sûr un enjeu important lorsque l'on évoque l'usine connectée. Ce sujet avait donc également une place de choix à l'Automation Fair. « Les équipements industriels n'ont pas été conçus pour être connectés »,rappelle Nadav Zafrir, cofondateur et CEO de l'israélienTeam8, entreprise spécialisée en cybersécurité. Des attaques contre des cibles industrielles ces dernières années ont démontré cette vulnérabilité et ses conséquences. Mais même sans être conçues spécifiquement contre des sites industriels, des cyberattaques peuvent avoir des conséquences concrètes, dès lors que les équipements sont interconnectés. « C'est une situation complexe, d'autant qu'il n'existe pas de langage commun, reprend Nadav Zafrir. Cette “tour de Babel” est pour nous le cœur du problème ».

Assurer l'interopérabilité

Pour faciliter la connexion des industries, il est important de garantir l'interopérabilité entre les différents équipements et logiciels. Blake Moret, CEO de Rockwell Automation, a rappelé l'intérêt de l'entreprise pour cette démarche, et son engagement au sein des groupes de travail autour de la norme OPC (Open Platform Communications): « nous avons toujours adopté les standards ouverts », affirme-t-il.

En août dernier, Rockwell Automation rejoignait d'autres industriels dans le cadre de la création d'une solution de communication pour les applications en temps réel entre les capteurs et le cloud, basée sur le protocole OPC Unified Architecture (UA) et les normes TSN ( Time-Sensitive Networking ). « Celles-ci permettent de contrôler l'attribu-tion de bande passante,et la façon dont les systèmes se connectent, explique David Vasko, responsable des technologies avancées et du développement stratégique de Rockwell Automation. Mais nous ne pouvons pas tout faire nous-mêmes,et être en compétition avec d'autres groupes ne nous empêche pas de travailler ensemble. » En novembre, la firme annonçait son engagement dans un groupe de travail sur OPC UA visant à adapter la norme aux équipements de terrain. L'une des priorités mises en avant par Rockwell Automation est de mettre en place un standard présentant des qualités compatibles avec le protocole EtherNet/IP, afin d'assurer l'interopérabilité sans modification des réseaux existants.

Face à cette situation, Claroty, une startup américaine issue deTeam8, propose d'analyser le réseau industriel afin de détecter toute activité anormale. « Nous avons inspecté plus de 100 protocoles de communication industriels pour fournir une base à ce type d'analyse, explique Nadav Zafrir. Notre partenariat avec Rockwell Automation nous a permis de démontrer qu'il était possible de faire cela de façon passive, sans déconnecter les équipements de production. » Ainsi, la solution de Claroty établit automatiquement une cartographie du réseau, équipement par équipement. Celle-ci permet d'identifier les vulnérabilités liées par exemple aux firmwares ou aux pare-feu et de repérer les communications habituelles. « Lorsque l'on comprend tout cela, il est possible d'émettre une alerte dès qu'une communication anormale est détectée », explique Jay Holmstrom, directeur des ventes de Claroty.

Les usines connectées devront établir une continuité allant des capteurs aux services logiciels hébergés dans le cloud.

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La sécurité se joue également au niveau des automatismes. Rockwell Automation le montre avec de nouveaux automates dotés de la sécurité CIP ( Common Industrial Protocol ) intégrée. Un démonstrateur présent lors de l'Automation Fair met en évidence les risques d'une faille de sécurité: le mouvement d'une machine peut facilement être déréglé si elle reçoit de mauvaises infor-mations, comme des paquets altérés. Avec la sécurité CIP, deux équipements connectés se reconnaissent via un certificat d'authentification, évitant ainsi le contact avec un tiers non autorisé. Ce système vérifie également l'intégrité des informations échangées. Enfin, il permet de crypter les communications. Ce standard assure l'interopérabilité des communications entre équipements de fabricants différents. Des mises à jour de firmwares devraient permettrel'implé-mentation de cette technologie sur les automates et modules de communication Allen-Bradley existants.

Les terminaux mobiles permettent d'afficher en direct des informations liées à la production, adaptées à la fonction de l'utilisateur.

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Avec ses partenaires, Rockwell Automation s'attaque donc de front aux nombreuses problématiques en jeu. « Nous sommes à un moment important pour l'industrie, estime Blake Moret . La plupart des pays ont reconnu l'importance économique de l'amélioration de l'industrie. Il faut donc se demander comment faire advenir l'entreprise connectée, et en faire un facteur de croissance. » Mais sans oublier l'humain: « Il est nécessaire de faire en sorte que les utilisateurs soient à l'aise avec la technologie », conclut-il.

Trois questions à David Vasko, responsable des technologies avancées et du développement stratégique de Rockwell Automation

Mesures.Comment tirer profit des données dans le cadre de l'entreprise connectée?

David Vasko. Il faut tout d'abord faire remonter les données depuis les capteurs vers un endroit où elles pourront être utilisées. Cela reste un défi pour certaines usines dont les équipements sont anciens et hétérogènes. Les solutions logicielles Kepware, de PTC, sont un exemple de la façon dont il est possible d'intégrer des machines anciennes à l'écosystème. Elles proposent notamment des drivers adaptés aux équipements industriels. Ensuite, la façon dont les données sont traitées et présentées est importante. Pour aider à la prise de décision, elles doivent être claires.

Il faut par exemple être capable de mettre en évidence facilement les dysfonctionnements importants d'une ligne de production. Cela peut être fait pour un centre de contrôle comme dans un atelier, en adaptant les données présentées à la fonction de l'utilisateur. De nombreuses applications sont possibles. La maintenance prédictive, par exemple, est un sujet important, car c'est l'une des premières façons d'obtenir des bénéfices. Les temps d'arrêt imprévus coûtent très cher. Mais les technologies développées à cet effet apporteront également d'autres avantages. Le développement de l'apprentissage automatique, par exemple, permet d'aller vers une maintenance prescriptive, en comprenant mieux les corrélations entre les différents procédés de fabrication et l'usure des machines.

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Mesures.En quoi Rockwell Automation peut-il aider les entreprises dans cette démarche?

David Vasko. Nous allons continuer tout ce que nous faisons dans le domaine du matériel comme du logiciel, mais nous allons également nous focaliser de plus en plus sur le conseil. Le but est d'aider nos clients à créer plus de valeur, car beaucoup ne savent pas par où commencer et ont besoin d'aide. Nous recommandons d'identifier d'abord un problème à résoudre dans le cadre d'un petit projet. La maintenance prédictive est souvent une porte d'entrée.

L'infrastructure mise en place pour résoudre ce premier problème servira ensuite à s'attaquer au suivant. C'est une démarche d'amélioration continue. Les cultures des milieux de l'informatique et des automatismes sont très différentes, nous devons donc nous adresser aux deux. Il faut apprendre aux automaticiens à se connecter vers le réseau informatique, mais ça n'est pas suffisant; il faut aussi faire l'inverse, entraîner les informaticiens à apprendre à se connecter aux automatismes. Nous recommandons aussi aux gérants d'être ouverts aux idées des travailleurs!

Mesures.Quelles seront les prochaines tendances pour l'usine connectée?

David Vasko. La flexibilité va devenir un sujet important, afin de proposer aux clients des produits personnalisés, comme c'est le cas dans l'industrie automobile.

Je pense que nous verrons également de grandes évolutions dans les façons de travailler. L'intelligence artificielle devrait gagner du terrain dans le cadre de la compréhension du fonctionnement des machines.

Des techniciens pourront se faire aider à distance par des experts en portant un casque adapté. Il y aura probablement moins de personnes dans les ateliers, mais de plus en plus qui travailleront à distance. Dans ce cadre, la technologie blockchain aura un rôle important à jouer, pour garantir la confiance entre les différentes parties prenantes de ces nouvelles organisations.

Je pense que les jeunes générations seront très favorables à l'usage de toutes ces technologies. Propos recueillis par Antoine Cappelle

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