Maintenance, Contrôle,Formation:laréalité Augmentée Au Service De L'industrie

Le 01/03/2015 à 14:00

Dans l'industrie, les formes sont bien adaptées à la reconnaissance d'image. En cas de formes plus difficiles, des développements spécifiques peuvent être nécessaires pour compléter les algorithmes classiques.

Robocortex

L 'industrie intègre petit à petit les technologies numériques,et s'achemine vers ce que l'on qualifie d'industrie 4.0, avec des usines entièrement connectées. Parmi les nombreuses briques de l'usine numérique figure la réalité augmentée: une technologie encore en développement, mais qui commence à trouver sa place dans l'industrie. Elle consiste à superposer des informations numériques à la réalité, par l'intermédiaire d'un écran,de lunettes,ou encore d'un système de projection.

« Les premiers concepts de réalité augmentée datent des années 1960 », rappelle Grégory Maubon, consultant en réalité augmentéeetvice-pré-sident de l'association RA'pro, qui rassemble des professionnels et vise à promouvoir cette technologie. « Elle s'est d'abord développée dans le cadre de la recherche, de la médecine ou des applications militaires.»

Puis, au-delà de ces secteurs de niche, les applications ont été d'abord commerciales: cette technologie permet par exemple d'afficher le modèle 3D d'un objet en taille réelle à partir d'un simple catalogue, ou de montrer les différentes configurations possibles d'un produit, comme l'équipement d'une voiture. Mais aujourd'hui, l'industrie peut également y trouver un intérêt : la réalité augmentée peut servir à former, mais aussi à guider un opérateur lors de contrôles qualité, de procédures de maintenance, en logistique ou même en production.

La documentation toujours sous les yeux

« Pour faire de la réalité augmentée, il faut assez de puissance embarquée pour analyser des images et y surimposer un modèle 3D en temps réel », continue Grégory Maubon. Aujourd'hui, les tablettes industrielles affichent des performantes suffisantes pour cela. Dans de nombreuses industries, il s'agit encore de projets pilotes, mais la réalité augmentée répond à de réels besoins.

« Il s'agit simplement d'une nouvelle interface , résume Thomas Jouhanneau, consultant technique et responsable du développement des activités chez Metaio, fournisseur de solutions de réalité augmentée. Les possibilités sont donc vastes.C'est en maintenance et formation que la demande est la plus forte.L'affichage de documentation est utile pour des personnes qui n'ont pas l'habitude de faire certaines tâches. Cela permet d'augmenter la flexibilité en facilitant les changements de postes.»

Sogeti High Tech a réalisé pour GRT Gaz une solution de réalité augmentée. La modélisation de la grille d'interconnexion du réseau de distribution de gaz permet d'établir en amont un mode opératoire et de guider l'opérateur sur le terrain.

Capgemini Consulting-1

« Lors d'une intervention de maintenance, le technicien n'a parfois qu'une vague idée du modèle de machine auquel il va être confronté », ajoute Grégory Maubon (RA'pro). La réalité augmentée peut alors lui faciliter la tâche en affichant pas à pas le scénario des opérations à effectuer. « Les fabricants de machines commencent à s'intéresser au sujet, observeThomas Jouhanneau. Les machines-outils sont souvent complexes : permettre d'afficher la documentation en direct sur la machine réelle peut être un plus.» Ce même principe peut s'appliquer à la formation des opérateurs: « Le côté ludique permet de capter l'intérêt, estime Manuel Asselot, directeur commercial de l'éditeur Robocortex. L'interactivité apporte une meilleure expérience utilisateur, qui donne envie de se former.»

En production, guider en réalité augmentée les opérateurs à travers les différentes étapes à réaliser peut entraîner un gain de productivité. « Une opération dont on n'a pas l'habitude peut devenir plus naturelle et intuitive, estime Fabrice Malaingre, en charge de l'unité 3D interactive de Theoris, intégrateur de solutions de réalité augmentée. On ne se substitue pas au savoir-faire des personnes que l'on aide. Mais la réalité augmentée évite d'avoir à se référer en permanence à une fiche d'instructions, notamment lorsque les caractéristiques du produit fabriqué changent souvent. C'est le cas dans l'aéronautique, par exemple.»

La réalité virtuelle aide aussi l'industrie

Région des Pays de la Loire - Vigouroux-Perspective-1

Il ne faut pas confondre la réalité augmentée et la réalité virtuelle. Avec cette dernière, l'usager est entièrement immergé dans un environnement virtuel.

Au contraire de la réalité augmentée, la réalité virtuelle n'est donc pas un outil de terrain, mais s'utilise généralement dans des lieux dédiés: les «caves», des pièces aux murs recouverts d'écrans projetant une image en relief. Une personne dotée de lunettes 3D peut être entièrement immergée dans la scène, et même interagir avec les objets représentés grâce à des capteurs permettant de détecter ses mouvements.

L'intérêt de ce système est de simuler des situations réelles, à des fins de formation, par exemple, mais également de conception. Ainsi, la réalité virtuelle peut aider à optimiser l'ergonomie d'une machine. «Un ouvrier peut tester le modèle 3D en taille réelle d'un poste de travail,et dire à l'ingénieur si les mouvements requis sont mauvais pour le dos,si certains éléments sont trop éloignés,trop haut ou trop bas», précise Sophie Levionnois, directrice du Technocampus Smart Factory à Bouguenais, en Loire-Atlantique, qui héberge depuis novembre 2014 un centre de réalité virtuelle.

Ce centre, comme d'autres en France, loue ses équipements aux industriels de la région. «Il suffit d'un modèle 3D pour utiliser la réalité virtuelle,mais il est possible d'aller plus loin,de l'animer,d'ajouter un scénario, continue Sophie Levionnois. La réalité virtuelle est encore peu connue,mais elle répond à une vraie demande pour les industriels,et devrait donc se développer.»

Pour le contrôle qualité, la réalité augmentée aide à vérifier si un produit fabriqué correspond à la maquette numérique.Y a-t-il des défauts ? Des pièces manquantes ? Cette méthode évite le recours à un scanner 3D, en permettant de visualiser rapidement les différences. Elle peut s'employer de façon fixe, avec une caméra installée sur un bras de mesure et les images traitées sur un ordinateur, mais également par un opérateur mobile, avec une tablette PC.

Une nouvelle brique du système d'information

En créant des interfaces avec le reste du système d'information, les applications de réalité augmentée automatisent la remontée d'informations, assurent que les rapports de maintenance sont conformes, ou intègrent des photos ou commentaires. Des informations qui pourront être exploitées par exemple par un logiciel MES ou ERP.

Cela implique un gros travail sur l'ensemble du système d'information. « Il faut dématérialiser toutes les récoltes de données pour assurer l'interconnexion de tous les systèmes, estime Philippe Ravix, directeur innovation de Sogeti HighTech, société de services d'ingénierie et de conseil. La toile d'araignée numérique s'étend, nous allons vers l'usine 4.0, la réalité virtuelle est un maillon de cette chaîne.»

L'information est en effet un élément capital des applications de réalité augmentée. C'est au client de les fournir, selon ce qu'il souhaite visualiser: documentation technique, modèles 3D… « Il n'y a pas de standards pour cela, précise Lionel Joussemet, directeur de l'éditeur de solutions Diotasoft. Chez un même client, les fiches d'instructions à intégrer peuvent être de nature différente selon les opérateurs.» Pour remédier à cette diversité, Diotasoft a développé un système de connecteurs et convertisseurs de fichier, afin de transformer des fiches existantes en modèles exploitables pour la réalité augmentée.

« Les modes opératoires sont le plus souvent formulés de façon écrite, sur papier ou numérisés, indique Manuel Asselot (Robocortex). Mais il peut aussi s'agir d'éléments 3D ou d'instructions interactives.» Lorsque les clients n'ont pas les données à utiliser sous une forme numérique exploitable, leur numérisation et leur mise en forme peuvent constituer la partie la plus longue du projet. Elle s'effectue en collaboration entre le service des méthodes et les développeurs du logiciel. « Sur certains projets, 70 % du temps est consacré à la modélisation des process métier », précise Philippe Ravix (Sogeti HighTech).

Quel support matériel ?

Optinvent-2

La tablette PC est actuellement le support le plus simple pour utiliser la réalité augmentée. Mais elle encombre les mains de l'opérateur. Pour y remédier, un simple support pour tablette peut parfois faire l'affaire. Mais il existe des technologies différentes.

Il est possible de projeter les images numériques directement sur la machine, ou tout autre support sur lequel travaille l'opérateur. Diotasoft propose des boîtiers standardisés pour mettre en place cette solution, incluant une caméra, un projecteur et un système de calcul embarqué.

Des lunettes de réalité augmentée existent également sur le marché, mais ne sont pas toujours adaptées aux applications industrielles. Les développeurs de solutions assurent en général la compatibilité avec ces systèmes, mais préviennent de leurs limites actuelles: problèmes de luminosité, de robustesse, de capacité de calcul, de latence ou d'autonomie.

Laster ou Optinvent proposent tout de même des lunettes adaptées aux applications industrielles. Elles affichent les informations directement dans le champ de vision de l'opérateur. «Il faut une bonne puissance de calcul, une qualité optique et un affichage à une distance adaptée,pour ne pas fatiguer la vue», détaille Thierry Penet, responsable du développement des activités chez Laster. «80% de notre activité consiste à développer du matériel sur mesure.Nous avons par exemple intégré des lunettes de réalité virtuelle à un casque de soudeur.»

Le moteur d'une application de réalité augmentée est la reconnaissance d'image, ou tracking . Il s'agit de reconnaître l'objet observé avec suffisamment de précision pour y superposer au bon endroit les informations nécessaires. Le degré de précision varie bien sûr selon les applications. « Sur des systèmes d'aide à l'assemblage ou au contrôle qualité pour la fabrication d'avions ou de voitures, par exemple, les conséquences sont importantes en cas d'information erronée, mal placée ou manquante », explique Fabrice Malaingre (Theoris).

Démarrer un projet de réalité augmentée commence par identifier son besoin, et l'exposer aux consultants ou fournisseurs de solutions. La plupart du temps, les solutions sont développées spécifiquement pour répondre au besoin du client. « Il est en général difficile de trouver chez un éditeur une solution capable de répondre directement aux besoins du client, observe Fabrice Malaingre (Theoris). Quand c'est le cas, nous renvoyons le client vers l'éditeur, sinon nous mettons en place des solutions personnalisées, à partir de briques existantes, et des développements spécifiques en cas besoin.» Mais certains acteurs veulent proposer une solution générique. C'est le cas de Diotasoft avec Diotaplayer, avec lequel l'utilisateur peut modifier les interfaces ou scénarios de sa solution sans passer par l'éditeur. Chez Robocortex également, l'objectif est d'évoluer vers une base standardisée, à la façon de ce qui existe par exemple pour les ERP. « Nous voulons proposer la synthèse de l'ensemble des besoins », explique ManuelAsselot. L'entreprise propose déjà le logiciel AugmentedPro en plusieurs versions, spécialisées pour la maintenance, la production ou la formation.

L'essentiel

P La réalité augmentée est une technologie encore émergente dans l'industrie, mais qui a déjà des applications concrètes.

P Elle peut servir à la maintenance, la production, le contrôle qualité ou la formation.

P La réalité augmentée nécessite d'avoir des informations numériques exploitables, comme des instructions de montage ou des modèles 3D.

P La réalisation de ces applications doit impliquer les opérateurs, afin d'éviter les problèmes d'ergonomie ou de surcharge d'informations.

Les applications de réalité augmentée fonctionnent avec les principaux systèmes d'exploitation employés surles tablettes PC, comme IOS, Windows ou Android.

Metaio

Pour une entreprise ayant en interne des compétences de développement, Metaio propose gratuitement un kit de développement d'applications de réalité augmentée. « Mais la plupart des clients n'ont qu'une vague idée de ce qu'ils voudraient faire. Ils nous décrivent leur besoin,et nous leur expliquons ce qui est possible,ce qui serait intéressant, mais également quelles sont les limites de cette technologie », explique Thomas Jouhanneau (Metaio). Pour un premier aperçu, Metaio propose la démo gratuite Metaio Creator, qui permet de mettre en place facilement des applications basiques de réalité augmentée, pour mieux comprendre cette technologie et ses possibilités. La direction informatique est parfois à l'origine des projets de réalité augmentée. « Mais il faut avoir conscience qu'il y aura beaucoup d'acteurs autour de la table », prévient Fabrice Malaingre (Theoris). En effet, l'utilisateur final doit être au centre du projet. « Il faut vraiment apporter quelque chose qui lui facilite le travail, sans être gênant, insiste Grégory Maubon (RA'pro). Avec des lunettes, on est directement dans le champ de vision de la personne, il ne faut pas le surcharger d'informations,c'est une question d'ergonomie.» Il faut donc dès le départ impliquer les acteurs de terrain.

Les méthodes de reconnaissance d'image

l Les marqueurs: des cibles 2D servent de référentiels à la caméra. Mais pour des applications industrielles, il peut être compliqué d'installer ces cibles partout. La précision de cette méthode dépend de la visibilité du marqueur, qui peut varier avec l'angle de la caméra.

l La cartographie et la localisation simultanées (SLAM): elle reconnaît les arêtes et les endroits les plus contrastés et les utilise comme référentiels: ce nuage de points change de position avec les mouvements de la caméra. Cette méthode est la plus robuste, mais peut poser un problème de dérive, l'image virtuelle se décalant de l'image réelle.

l Le modèle 3D: on indique au logiciel où se trouve l'objet au départ, puis l'algorithme repère certains des points de l'objet d'après une maquette numérique. Cette méthode est la plus précise, mais il arrive que l'objet soit perdu si la caméra bouge trop.

l Méthode mixte: plusieurs de ces approches peuvent être combinées. C'est la stratégie adoptée par Diotasoft qui combine la robustesse du SLAM et la précision de la méthode basée sur un modèle 3D.

« Nous n'en sommes qu'au début de la réalité augmentée, cela ressemble encore àdelascience-fic-tion. C'est une technologie très intéressante, qui offre de nombreuses possibilités, mais il faut garder les pieds sur terre, se concentrer sur une possibilité, et l'adapter à l'utilisateur de terrain », conclut Grégory Maubon.

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