Quelques Principes Pour Bien Mesurer Des Courants Bas Niveau

Le 01/04/2013 à 14:00

L'essentiel

Certaines applications exigent la mesure de courants du même ordre ou en dessous du niveau de bruit du banc de mesure.

Les tests de caractérisation d'un transistor à effet de champ ou d'un nanotube de carbone en font partie.

L'instrumentation et les méthodes de mesures doivent donc être soigneusement choisies.

Keithley Instruments présente les méthodes à mettre en œuvre et les pièges à éviter.

Qu'entend-on par courant bas niveau? Le terme de bas niveau est bien sûr relatif. Un courant considéré comme faible pour une application, comme par exemple 1 mA peut être fort pour un composant fonctionnant à 10 nA. Généralement, le niveau de bruit d'un instrument définit sa sensibilité, avec des mesures de courant faible se rapportant à celles effectuées au niveau de bruit d'un appareil. La tendance pour les équipements électroniques, avec les avancées dans les domaines des semi-conducteurs et des nanotechnologies, entraîne une augmentation de la demande en mesure de courant bas niveau. Les composants miniaturisés, les composants photo-voltaïques, et les nanotubes de carbone sont quelques exemples de composants fonctionnant à des niveaux de courants extrêmement faibles et tous ces composants doivent être caractérisés en mode I-V.

De nombreux instruments sont disponibles sur le marché pour de telles mesures, en fonction du composant à tester (DUT) et du niveau de courant à mesurer. L'outil le plus utilisé en production et en maintenance sur site est le multimètre numérique (DMM) qui dispose de fonctionnalités de mesure de courants, tensions, résistances et températures. La gamme de produits disponible sur le marché est très étendue, des appareils bas de gamme à 3 digits ½ en lecture jusqu'aux instruments de haute précision de table ou à monter en rack, utilisés en laboratoire. Les DMM les plus sensibles sont actuellement capables de mesurer des courants aussi bas que 10 pA.

Quand une meilleure précision doit être atteinte, d'autres types d'ampèremètres sont disponibles, des appareils les plus simples qui mesurent le flux de courant à travers une bobine par la déviation de cette bobine dans un champ magnétique, jusqu'aux nouveaux ampèremètres équipés d'un convertisseur analogique/numérique (ADC) pour mesurer la tension à travers une résistance shunt et ainsi de déterminer et afficher la valeur du courant. Cette résistance shunt a généralement une valeur faible, ce qui réduit au maximum la tension à ses bornes. Cette tension est très souvent appelée charge en tension car elle peut affecter les mesures bas niveau. D'autres ampèremètres, qui peuvent être équipés d'une résistance de contre-réaction, sont appelés picoampèremètres, uniquement utilisés pour les mesures de courant bas niveau. Plusieurs configurations existent : des modèles ultrarapides et des modèles log supportant une large gamme en courant.

Un simple ampèremètre à contre-réaction peut être modélisé avec quatre principaux paramètres (Fig.1), la résistance de source (RS ), la capacité de source (CS ), la tension de source (VS )etleniveau de bruit en tension (VBRUIT )del'ampèremètre. Il existe d'autres paramètres tels que la résistance de contreréaction (RF )etlacapacité de contre-réaction (CF )del'ampèremètre. En utilisant ce modèle et ces paramètres, le gain de bruit du circuit ampèremètre est défini, à partir de la relation suivante:

SortieVBRUIT = EntréeV BRUIT (1+RF /R S ) Comme la résistance de source décroît, le bruit en sortie augmente. Lorsque R F = R S, le niveau de bruit en sortie est multiplié par 2. Si la résistance de source est trop faible, il peut y avoir un effet négatif sur les performances en bruit du système de mesure. La résistance de source optimale est fonction de la gamme de mesure demandée pour un ampèremètre, avec une valeur minimale de 1 MO pour mesurer quelques nanoampères et une valeur minimale de 1 GO pour mesurer quelques picoampères. La capacité de source peut aussi affecter les performances en bruit d'un instrument de mesure de courant bas niveau.

La capacité de source du DUT peut affecter les performances en bruit d'un ampèremètre à contre réaction. En général, comme la capacité de source croît, le gain de bruit augmente. Si l'on remplace dans l'équation de gain de bruit la résistance de contre-réaction (RF )par l'impédance de contre-réaction (ZF ) et la résistance de source (RS )par l'impédance de source (ZS ), on obtient:

Les résolutions et les précisions requises pour les mesures de courant bas niveau dictent le choix des appareils à utiliser. Lorsque la précision est un problème moins important, un multimètre numérique est suffisant. Mais pour plus d'exigences, un électromètre de précision ou un sourcemètre peut s'avérer nécessaire. A titre d'exemple, les sourcemètres 2635A et 2636A sont prévus pour des mesures de faibles courants et offrent une résolution de 1 fA.

Keithley

SortieVbruit = EntréeV bruit (1+ZF /Z S ) Il est alors possible de calculer l'impédance de contre-réaction en fonction de la résistance et de la capacité de contre réaction, soit:

ZF = R F /[(2pfR F C F ) 2 +1] 0.5 De même, il est aussi possible de calculer l'impédance de source à partir de la relation suivante:

ZS = R S /[(2pfR S C S ) 2 +1] 0.5 Comme la capacité de source (CS )croît, l'impédance de source (ZS )décroît, et augmente le gain du bruit.

Les électromètres et les sourcemètres (SMU) sont d'autres modèles d'instruments de mesure de courant. Un électromètre est essentiellement un voltmètre avec une forte impédance d'entrée (1TO et plus) qui peut être utilisé pour mesurer de très faibles courants. Il peut être employé comme un ampèremètre pour mesurer des courants très faibles, même à des tensions très faibles ou comme un voltmètre pour effectuer des mesures de tension avec le moins d'impact possible sur le circuit en cours de mesures. Comme un ampèremètre, un électromètre peut mesurer des courants aussi faibles que le courant d'offset de l'instrument (jusqu'à 1 fA dans certains cas). Comme un voltmètre, un électromètre est capable de mesurer la tension d'une capacité à ses bornes sans la décharger significativement, et peut aussi mesurer les potentiels des cristaux piézoélectriques et des électrodes de mesure de pH haute impédance.

Le sourcemètre (SMU) (Fig. 2) est une innovation relativement récente pour effectuer des mesures de très faibles courants. Il est équipé à la fois de sources de courant et de tension de précision et de circuits de détection pour mesurer le courant et la tension. Un SMU peut simultanément générer un courant et mesurer une tension ou appliquer une tension et mesurer un courant. Idéalement, un SMU doit être équipé d'une source de tension, d'une source de courant, d'un ampèremètre, d'un voltmètre et d'un ohmmètre et il doit être aussi programmable pour être utilisée dans les équipements de tests automatiques (ATE).

Réduire le bruit

Tous ces instruments de mesure sont des appareils très efficaces pour mesurer le courant, bien que leurs sensibilités de mesure avec de très faibles courants soient principalement limitées par les sources de bruit internes et externes de l'appareil. L'unité sous test (DUT) joue aussi un peu sur le niveau de courant qui peut être détecté avec un instrument, car la résistance de source du DUT (RS )définit le niveau de courant de bruit de Johnson (IJ ), qui provient des effets thermiques sur les électrons dans un conducteur. Le bruit de Johnson qui peut être exprimé soit en termes de courant soit en termes de tension, est essentiellement la tension de bruit d'un composant divisé par sa résistance.

IJ =VJ /R S = (4kTBRS) 0.5 /R S = (4kTB/R S ) 0.5 Dans laquelle:

k = Constante de Boltzmann (1.38 x 10 -23 J/K), T =Température absolue de la source (en ºK), B = Bande du bruit (en Hz), et RS =Résistance de la source (en ohms).

La température et la bande passante du bruit affectent toutes les deux le courant de bruit de Johnson. Une réduction de l'un de ces deux paramètres entraînera une réduction du courant de bruit de Johnson.Par exemple, le refroidissement cryogénique est très souvent utilisé pour diminuer le bruit des amplificateurs et autres circuits mais cela rajoute un coût et de la complexité.

La bande passante du bruit peut être réduit e par filtrage mais cela se traduit par une diminution de la vitesse de mesure. Le courant de bruit de Johnson décroît également si la résistance de source du DUT diminue, mais ceci n'est pas souvent une option pratique ou même possible (Fig. 2).

Dans le cas idéal, le courant mesuré pour un DUT devrait être celui du générateur de courant connu. Le courant de bruit est dû à plusieurs sources de bruit indésirables, mais ce sont ces courants superposés qui peuvent rendre difficile la lecture de faibles niveaux de courant. L'une de ces sources de bruit indésirables fait partie du système de mesure lui-même: les câbles coaxiaux utilisés pour connecter les instruments entre eux ou vers le DUT. Les câbles coaxiaux peuvent générer des courants allant jusqu'à des dizaines de nanoampères, dû à l'effet triboélectrique. Ceci se produit lorsque le blindage extérieur du câble coaxial frotte contre l'isolant du câble quand le câble est plié: des électrons sont alors arrachés à l'isolant et viennent s'ajouter au courant total. Dans certaines applications, notamment en matière de recherche dans les domaines de la nanotechnologie et du semi-conducteur, le courant généré par cet effet peut dépasser la valeur du courant à mesurer sur le DUT.

Figure 2 : le courant de bruit de Johnson est fonction de nombreux facteurs y compris la résistance de source de l'unité sous test (DUT). Ce courant décroît si la résistance de source du DUT diminue.

Figure 1 : un simple ampèremètre à contre-réaction peut être modélisé avec quatre principaux paramètres, la résistance de source (RS ), la capacité de source (CS ), la tension de source (VS )etleniveau de bruit en tension (VBRUIT )del'ampèremètre. Il existe d'autres paramètres tels que la résistance de contre-réaction (RF ) et la capacité de contre-réaction (CF ) de l'ampèremètre.

L'effet triboélectrique peut être réduit en utilisant un câble faible bruit, avec un isolant interne en polyéthylène revêtu de graphite sous le blindage externe. Le graphite réduit la friction et offre un passage aux électrons déplacés pour regagner leur emplacement d'origine, ce qui élimine le mouvement aléatoire d'électrons et leurs contributions au courant de bruit. Il est possible de diminuer ce courant dû aux effets triboélectriques en réduisant la longueur des câbles autant que possible. Le montage doit être isolé de toute vibration afin de minimiser les mouvements indésirables des câbles du montage, en les plaçant sur des matériaux absorbant les vibrations, tels que de la mousse en caoutchouc. Il est aussi possible de réduire les mouvements des câbles en les fixant sur une surface stable, comme l'est le banc de test.

L'effet piézoélectrique est une autre source d'erreur sur les mesures de courant bas niveau, courant généré par les contraintes mécaniques sur les matériaux isolants. L'effet varie selon le matériau bien que certains utilisés communément dans les systèmes électroniques, comme les diélectriques en polytétrafluoroéthylène (PTFE), peuvent produire un courant relativement important à certains niveaux de contraintes et de vibrations. Les matériaux en céramique sont moins affectés par les effets piézoélectriques et génèrent des courants plus faibles. Pour réduire les courants dus à cet effet, il est essentiel de réduire les contraintes mécaniques sur les isolants et de construire n'importe quel système de mesure de courant bas niveau en utilisant des matériaux aux propriétés piézoélectriques minimales.

Les isolants peuvent aussi dégrader la précision de mesure de courant bas niveau à cause de l'absorption diélectrique. Ce phénomène apparaît lorsqu'une tension relativement élevée aux bornes d'un isolant provoque une accumulation de charges positives et négatives dans l'isolant. Lorsque la tension est coupée, l'isolant libère les charges séparées sous forme d'un courant décroissant, qui s'ajoute à la valeur totale de courant mesurée au cours du test. Le temps de décroissance pour dissiper complètement le courant dû à l'absorption diélectrique peut aller de quelques minutes à quelques heures. Cet effet peut être réduit en appliquant seulement de faibles tensions sur les isolants utilisés pour des mesures de courant bas niveau. Les isolants peuvent aussi contribuer à dégrader la précision de mesure de courant bas niveau, en raison de la présence de sels, de moisissures, d'huile ou même d'empreintes de doigts sur la surface de l'isolant. Les effets de la contamination peuvent également affecter les cartes de circuits imprimés dans un support de test ou dans le montage quand, par exemple, trop de décapant est utilisé lors de l'opération de soudure. Sur un isolant, une contamination agit pour former une pile à courant faible, générant des courants de bruit qui peuvent être de l'ordre de quelques nanoampères, ou de l'ordre des courants de bruit causés par l'effet triboélectrique. Pour réduire au maximum les erreurs de mesure dues à la contamination de l'isolant, l'opérateur doit porter des gants quand il manipule les isolants ou simplement éviter de les toucher. L'utilisation de soudure doit être réduite au minimum et les emplacements doivent être nettoyés avec un solvant adéquat, comme l'alcool isopropylique. Il faut ensuite utiliser des cotons-tiges à chaque nettoyage et ils ne doivent jamais être réutilisés ni trempés dans la solution de nettoyage après utilisation.

Il est essentiel d'effectuer les mesures de courant bas niveau en l'absence de champs magnétiques, car ces champs peuvent créer des courants. Un champ magnétique dont l'intensité varie en fonction du temps peut provoquer la circulation d'un courant dans les conducteurs proches, de même que lors du déplacement d'un conducteur dans un champ magnétique. Ces deux situations doivent être évitées pour conserver la précision des mesures de courant bas niveau, et chaque instrument ou système doit être correctement protégé des champs magnétiques pour éliminer les mauvaises mesures.

Figure 3: les deux voies d'un sourcemètre peuvent être employées pour évaluer les caractéristiques I-V des transistors à effet de champ (FET) et autres semi-conducteurs.

Un instrument utilisé pour les mesures de courant bas niveau doit afficher une lecture de courant nulle à son accès en circuit ouvert. Malheureusement, c'est très rarement le cas en raison d'un faible courant connu appelé courant d'offset d'entrée. Il est dû aux courants de polarisation des composants actifs utilisés dans l'appareil de mesure ainsi qu'aux courants de fuite à travers les isolants présents dans l'instrument ou dans le montage. La plupart des fabricants d'instrumentation spécifient les courants d'offset d'entrée dans les documents techniques de leurs produits, ceci, dans le but de comparer les performances. Ce courant d'offset doit être pris en compte pour toute mesure de courant bas niveau.A cause du courant d'offset d'entrée, tout courant mesuré par un instrument (Im )est en réalité la somme du courant de la source (IS )etducourant d'offset (IOFFSET ), d'où la relation suivante:

IM = I S + I OFFSET Le courant d'offset est déterminé en plaçant un bouchon sur le connecteur d'entrée et en sélectionnant la gamme de mesure de courant la plus basse disponible sur l'instrument. La mesure retournée par l'appareil, après stabilisation, doit être inférieure à la spécification mentionnée sur les documents techniques de l'instrument. Sur certains appareils, une fonctionnalité de suppression de courant est disponible et peut partiellement annuler le courant d'offset d'entrée.

Une autre façon de soustraire le courant d'offset du courant mesuré est d'utiliser une fonction disponible sur certains instruments comme les ampèremètres. Cette fonction met en mémoire la lecture du courant d'offset résiduel qui est en train d'être mesuré, l'accès de mesure étant en circuit ouvert; cette lecture est alors considérée comme un zéro pour les mesures suivantes.

La caractérisation des transistors à effet de champ (FET) et des nanotubes de carbone (CNT) font partie des quelques exemples types exigeant des mesures de faibles courants. Les tests classiques de FET nécessitent la mesure des caractéristiques du composant en source commune. Même à des niveaux de courants très faibles, le courant de drain peut être mesuré avec un montage simple en utilisant un sourcemètre à deux voies (Fig. 3). Dans cet exemple, un SourceMeter 2600A de Keithley Instruments équipé de deux voies a été utilisé car il offre la possibilité de générer un courant ou une tension et d'effectuer la mesure en même temps. Pour la caractérisation, le transistor FET est installé sur un support de test qui assure une bonne connexion à la terre et de polarisation. L'une des voies du sourcemètre génère un balayage de la tension de grille (VGS )appliquée au FET alors que l'autre voie génère le balayage de la tension de drain (VDS ), tout en mesurant le courant de drain du composant (ID ). Ce simple test permet de mesurer des courants de drain de 10nA ou moins.

Des matériaux électroniques comme les wafers photovoltaïques et les nanotubes de carbone (CNT) sont caractérisés typiquement en termes de densité de courant : quelle est la quantité de courant qu'ils peuvent générer pour une surface donnée de matériau. Les chercheurs de l'Université nationale de Séoul en Corée du sud, par exemple, ont utilisé l'électromètre modèle 6517 de Keithley pour évaluer les nanotubes de carbone multicloisonnés (MWNT), qui sont fabriqués sur un substrat de CNT à arc de décharge. Les études ont montré des densités de courant de 10 -4 /cm 2 qui ont pu être mesurées pour des champs électriques appliqués de 5V/µm et moins. L'analyse pratique des caractéristiques I-V des électroniques utilisant les CNT peut être effectuée d'une façon similaire à celle des FET avec deux SMU pour générer le balayage des tensions de grille et de drain pendant que le courant de drain est mesuré et en tracé en fonction de la tension de grille (2) .

Les résolutions et les précisions requises pour les mesures de courant bas niveau dictent le choix des appareils à utiliser. Lorsque la précision est un problème moins important, un DMM est suffisant. Mais pour plus d'exigences, un électromètre de précision ou un sourcemètre peut s'avérer nécessaire. A titre d'exemple, les sourcemètres 2635A et 2636A sont prévus pour des mesures de faibles courants et offrent une résolution de 1fA.

Références 1. Low Level Measurements Handbook, sixth edition , Keithley Instruments, Cleveland, OH.

2. Joeoong Hahn, Jae-EunYoo, Jaeik Han, Hyok Bo Kwon, and Jung Sang Suh,“ Field emission from the film of the finely dispersed arc discharge black core material ”, Carbon,Vol. 43, 2005, pp. 937-943.

Copy link
Powered by Social Snap