Réaliserdesanalyses fréquentielles, sanscompromis,avec unoscilloscopenumérique

Le 18/09/2019 à 14:00

Déboguer des systèmes embarqués peut vite devenir complexe, si l'on ne regarde qu'un seul domaine, temporel ou fréquentiel, à la fois. La possibilité d'analyser les deux domaines simultanément permet d'accéder à des informations importantes. L'analyse multidomaine, à savoir la visualisation simultanée des formes d'ondes temporelles et les spectres fré-quentiels, est en effet particulièrement adaptée pour répondre à des questions telles que: comment évoluent les tensions du rail d'alimentation lors que des données sont transmises en sans-fil ? D'où viennent ces émissions RF à chaque accès à la mémoire? Combien de temps met la boucle à verrouillage de phase (PLL) à se stabiliser une fois mise sous tension?

Jusqu'à maintenant la série MDO4000C de l'américain Tektronix regroupait les seuls oscilloscopes numériques proposant une vue synchronisée du temps et de la fréquence, avec des paramètres modifiables indépendamment pour chaque domaine. Cela avait été rendu possible en intégrant un vrai analyseur de spectre,avec sa propre voie RF dédiée.

Vue simultanée et contrôles indépendants

Pour répondre aux besoins d'analyse RF avec les séries MSO 4, MSO 5 et MSO 6, Tektronix a opté pour une nouvelle approche,qui ne requiert aucune entrée indépendante, tout en offrant les mêmes capacités. Le firmware , mis à jour et disponible désormais dans les trois séries susmentionnées, propose un nouvel outil, appelé SpectrumView, qui tire profit d'une fonctionnalité matérielle déjà implémentée dans les instruments de mesure. Les oscilloscopes peuvent ainsi fournir une vue simultanée des formes d'onde analogiques ( voir figure 1, à gauche ) et des spectres fréquentiels ( voir figure 1, à droite ), le tout avec des contrôles indépendants sur chaque domaine.

Figure 1. Vues temporelle et fréquentielle d'un signal

Le nouveau firmware des oscilloscopes numériques des séries MSO 4, MSO 5 et MSO 6 de Tektronix permet de visualiser simultanément un signal dans les domaines temporel et fréquentiel, le tout avec des contrôles indépendants.

Pour des débogages plus complexes, les appareils dotés de cette mise à jour peuvent même effectuer des analyses multidomaines sur plus d'une voie, comme le montre la figure 2. Chacune des deux voies analogiques a en effet un spectre correspondant, du même code couleur, la petite barre sous chaque onde indiquant à quel instant l'analyse spectrale est réalisée. Ce moment où le spectre est capturé peut d'ailleurs être modifié, afin d'effectuer des analyses synchronisées à n'importe quel instant. Sur cet exemple, on peut voir le début d'un signal d'horloge à deux endroits différents du circuit.

Comparaison entre FFT et Spectrum View

Alors qu'un analyseur de spectre, qui est conçu pour visualiser des signaux dans le domaine fréquentiel, n'est pas forcément disponible facilement, on trouve presque toujours un oscilloscope numérique dans un laboratoire, ce qui contribue à ce que les ingénieurs ont bien plus tendance à en utiliser un. C'est pour cette raison que les oscilloscopes intègrent, depuis des décennies, des fonctions de transformée de Fourier rapide ( Fast FourierTransform ou FFT). Et la plupart des modèles modernes permettent ainsi de visualiser l'amplitude d'un signal en fonction du temps ou de la fréquence. Où est donc le problème? Regardons cela de plus près. Deux raisons expliquent qu'une FFT est difficilement utilisable. La première est que, pour une analyse fréquentielle, les paramètres d'un analyseur de spectre, tels que la fréquence centrale, la bande de fréquence balayée ( span ) et la largeur d'analyse de résolution ( Resolution Bandwidth ou RBW), permettent de définir facilement un spectre. Dans la majorité des cas, les FFT réalisées par un oscilloscope s'appuient seulement sur les paramètres traditionnels que sont la fréquence d'échantillonnage, la profondeur mémoire et la sensibilité temps/ division, ce qui ne permet pas d'obtenir facilement la vue de spectre recherchée. La deuxième raison est la suivante: les FFT utilisent le même système d'acquisition de données que celui des voies analogiques servant au domaine temporel. Cela signifie qu'étendre l'échelle du temps dans le domaine temporel diminue la résolution dans le domaine fréquentiel. Il est donc quasiment impossible, avec une FFT traditionnelle, de pouvoir disposer d'une visualisation multidomaine optimisée. Avec un modèleTDS3000, par exemple, le domaine temporel est clair, mais la résolution de la FFT est trop faible pour bien voir les détails importants ( voir figure 3,à gauche ). Ou alors, les détails de la modulation fréquentielle sont mieux visibles, mais le domaine temporel est maintenant quasiment inutilisable ( voir figure 3,à droite ).

Figure 2. Signal d'horloge en deux points différents d'un circuit

Quand le débogage d'un circuit électronique le demande, plusieurs voies peuvent être analysées en même temps. Les deux voies de mesure montrent, ici, le début d'un signal d'horloge à deux endroits diffèrents du circuit.

La fonction SpectrumView, elle, permet d'ajuster la résolution dans le domaine fréquentiel, en utilisant les paramètres habituels de l'analyseur de spectre, à savoir la fréquence centrale, le span et la largeur d'analyse de résolution. Puisque ces paramètres n'interfèrent pas avec l'échelle de temps, il est alors possible d'optimiser les deux vues, temporelle et fréquentielle, indépendamment, comme on peut le voir sur la figure 4. Les marqueurs sur l'écran du haut (vue temporelle) indiquent la source du spectre sur le signal temporel. La possibilité de synchroniser deux domaines est utile, par exemple, pour corréler des activités sur le signal avec des interférences électromagnétiques.

Figure 3. Compromis imposés par la FFT d'un oscilloscope numérique

Avec la vue temporelle optimisée et en utilisant une FFT conventionnelle, les détails du domaine fréquentiel sont insuffisants pour ce signal d'horloge (3a). Les inconvénients de la FFT sont ici (3b) visibles avec une meilleure résolution fréquentielle, mais un domaine temporel inutilisable.

Les inconvénients d'une FFT traditionnelle

Pour illustrer les limitations en termes de performances, que les ingénieurs doivent prendre en compte, prenons le cas d'un signal à une fréquence de 900 MHz. Nous voulons, ici, visualiser le bruit de phase à 50 kHz de la porteuse, avec une résolution de 100Hz. Le spectre devrait idéalement avoir une fréquence centrale de 900MHz, un span de 100kHz et une largeur d'analyse de résolution de 100Hz.Avec la FFT traditionnelle d'un oscilloscope, l'échelle horizontale, la fréquence d'échantillonnage et la profondeur mémoire déterminent comment la FFT fonctionne, et doivent être considérés d'une manière globale pour obtenir la vue désirée.

L'échelle horizontale détermine le temps d'acquisition total. Dans le domaine fréquentiel, cela définit la résolution : plus l'acquisition est longue, meilleure sera la résolution. Pour disposer d'une largeur d'analyse de résolution de 100Hz, on doit avoir une acquisition d'au moins 1/100 Hz, soit 10ms. En pratique, il faut au moins doubler ce temps. En théorie, la FFT s'applique à des signaux infinis dans le temps. Comme cela n'est pas possible, le début et la fin de l'acquisition introduisent des discontinuités (et donc des erreurs) dans le spectre résultant.

Figure 4. Visualisation d'un signal avec Spectrum View

Contrairement aux figures 3a et 3b, la fonction Spectrum View permet d'optimiser simultanément les vues, dans les domaines temporel et fréquentiel, d'un signal d'horloge à étalement de spectre, sur le même écran d'un MSO64.

Pour minimiser ces discontinuités, l'acquisition doit être comprise dans une «fenêtre» de la FFT. La plupart des fenêtres rencontrées ont une forme gaussienne. En d'autres termes, le spectre doit être piloté par la partie centrale de la fenêtre d'acquisition. Chaque fenêtre a une constante associée; pour notre exemple, on utilisera une fenêtre de type Blackman-Harris avec un facteur de 1,90. Il faudra donc une acquisition d'une durée de 19 ms (10msx1,9).

La fréquence d'échantillonnage, elle, détermine la fréquence maximale dans le spectre, selon l'équation Fmax =Féch /2. Pour un signal à 900MHz, nous avons besoin au minimum d'une fréquence d'échantillonnage de 1,8Géch/s. En utilisant un oscilloscope de la série MSO 5, on échantillonnera donc à 3,125Géch/s –c'est la première fréquence d'échantillonnage disponible au-dessus de 1,8Géch/s. Maintenant, nous pouvons déterminer la longueur d'enregistrement: c'est simplement le temps d'acquisition multiplié par la fréquence d'échantillonnage. Dans notre cas, cela donne 19msx3,125Géch/s, soit 59,375 Mpoints de profondeur mémoire.

Les limites des oscilloscopes des générations précédentes

En fonction de l'oscilloscope, cette longueur d'enregistrement peut ne pas être suffisante, et, même si c'est le cas, beaucoup de modèles limitent la mémoire maximale de la FFT à cause de la demande de calcul requise trop importante. Par exemple, beaucoup d'oscilloscopes des générations précédentes ne disposaient que d'une mémoire maximale de 2 Mpoints pour la FFT. Si l'on voulait visualiser le signal à 900MHz (qui requiert une fréquence d'échantillonnage élevée), on aurait été forcé d'acquérir environ 1/30 du temps désiré, ce qui aurait réduit d'un facteur 30 la résolution dans le domaine fréquentiel.

Comme cet exemple l'illustre, paramétrer correctement la vue souhaitée requiert une bonne analyse des interactions complexes entre l'échelle horizontale, la fréquence d'échantillonnage et la longueur d'enregistre-ment. De plus, le fait d'avoir une profondeur mémoire finie impose des compromis non voulus, et observer des signaux hautes fréquences avec une bonne résolution dans le domaine fréquentiel requiert des acquisitions de données extrêmement longues, qui ne sont souvent pas disponibles, ou alors avec des temps d'acquisition très longs et à des prix trop importants. Même si certains packages d'analyse spectrale tentent de pallier ces compromis, les utilisateurs rencontrent les limitations décrites précédemment avec toutes les FFT proposées dans les oscilloscopes numériques.

Une nouvelle architecture originale

Permettre aux utilisateurs d'effectuer des analyses fréquentielles sans avoir à se soucier des inconvénients des FFT est donc l'un des objectifs de la fonction Spectrum View. Pour savoir comment elle fonctionne, il est important de comprendre que les oscilloscopes numériques utilisent leurs convertisseurs analogique-numérique (CAN) aux fréquences d'échantillonnage les plus élevées. Les échantillons issus du CAN sont ensuite envoyés à un décimateur qui va conserver un échantillon tous les N échantillons. À la vitesse de balayage maximale, tous les échantillons sont conservés. À une vitesse de balayage plus lente, nous supposons que l'utilisateur regarde des signaux plus lents, et seule une fraction des échantillons issus du CAN est conservée. Pour résumer, le but du décimateur est de conserver une durée d'enregistrement aussi courte que possible, tout en permettant une fréquence d'échantillonnage suffisante pour visualiser les signaux souhaités dans le domaine temporel.

Avec les séries MSO 4, MSO 5 et MSO 6, derrière chaque entrée FlexChannel se trouve un CAN de résolution de 12 bits dans un circuit spécifique (Asic) appelé TEK049 ( voir figure 5 ). Chaque CAN envoie, cette fois, les données numérisées vers deux chemins: l'un mène toujours au décimateur matériel, qui détermine à quelle fréquence les échantillons sont stockés, l'autre mène à un abaisseur de fréquence numérique ( Digital Down-Converter ou DDC), également implémenté de manière matérielle. Cette approche permet ainsi des contrôles indépendants sur les acquisitions fréquentielles et temporelles, et donc une optimisation de la forme d'onde et du spectre d'un signal, ainsi qu'une bien meilleure utilisation de la longue (mais finie) durée d'enregistrement disponible sur ces oscilloscopes.

Pour illustrer ce procédé, considérons de nouveau le signal à 900MHz du scénario précédent, mais avec un abaisseur de fréquence numérique matériel ajouté dans le processus d'acquisition de données. Le temps d'acquisition total détermine toujours la résolution dans le domaine fréquentiel. Nous avons également toujours besoin d'appliquer une fenêtre de FFT et d'acquérir les données durant 19 ms. Dans l'Asic TEK049, le CAN envoie les données numérisées, dans le domaine temporel, vers le décimateur pour créer une vue temporelle, mais il envoie également les données vers l'abaisseur de fréquence numérique. Comme on peut s'y attendre, ce dernier a une grande influence sur la fréquence d'échantillonnage requise : il déplace en effet la fréquence centrale, qui nous intéresse, de 900MHz à 0Hz. Maintenant, le span de 100 kHz s'étend donc de - 50 à 50kHz. Pour échantillonner correctement un signal de 50kHz, nous avons seulement besoin d'une fréquence d'échantillonnage de 125kéch/s. On remarque donc que, grâce à l'abaisseur de fréquence numérique, le taux d'échantillonnage requis n'est plus fonction de la fréquence centrale, mais du span .

Vers une analyse encore plus performante

Quant au temps d'enregistrement, il est toujours régi par la même équation que précédemment, c'est-à-dire 19ms x125kéch/s, soit 2375 points. Les données sont stockées en phase et en quadrature de phase (paires I/Q) et une synchronisation précise est maintenue entre les données temporelles et les paires I/Q. Souvenez-vous, dans le cas d'une FFT traditionnelle, la durée d'enregistrement nécessaire était de 59 375 Mpoints ; l'abaisseur de fréquence numérique requiert uniquement 2375 points.

Maintenant, nous pouvons réaliser une FFT sur les 2375 paires I/Q, pour obtenir le spectre désiré, cette réduction significative du nombre de points nécessaires s'accompagne d'avantages importants: le taux de rafraîchissement est grandement amélioré; des durées d'enregistrement beaucoup plus longues peuvent être effectuées, d'où une bien meilleure résolution fréquentielle; et la vue fréquentielle recherchée peut être capturée sans changer la vue dans le domaine temporel.

Ce sont les abaisseurs de fréquence numériques (Digital Down-Converters ou DDC) implémentés dans le circuit spécifique (Asic) TEK049 qui permettent les contrôles indépendants et une acquisition simultanée des formes d'onde, dans le domaine temporel, et des spectres fréquentiels, avec les oscilloscopes MSO 4, MSO 5 et MSO 6.

Une analyse et un débogage efficaces des systèmes embarqués commencent et finissent par une vue détaillée des signaux concernés. Les ingénieurs savaient depuis longtemps qu'il est impossible de déterminer si un système ne fonctionne pas correctement sans des informations précises et synchronisées dans les domaines temporel et fréquentiel. Mais ces mêmes ingénieurs étaient jusque-là contraints par les limitations des FFT disponibles dans les oscilloscopes numériques classiques.

La nouvelle architecture développée pour les modèles de dernière généra-tion de Tektronix permet de nombreuses avancées: l'usage des contrôles d'analyse de spectre (fréquence centrale, span et largeur d'analyse de résolution); l'optimisation indépendante de l'affichage des domaines fréquentiel et temporel; la visualisation d'un signal dans les deux domaines sans diviser le chemin du signal ; la disponibilité d'événements corrélés de manière précise entre les deux domaines; l'amélioration significative de la résolution dans le domaine fréquentiel; et l'amélioration du taux de rafraîchissement de l'affichage du spectre.

Lee Morgan, Technical Marketing Manager Tektronix Article adapté par Cédric Lardière

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