Une station française surveille une plate-forme offshore en Australie

Le 01/04/2014 à 14:00

Le savoir-faire français peut s'exporter bien au-delà des frontières hexagonales… jusqu'en Australie par exemple. C'est ce que peuvent confirmer les dirigeants de la PME Mesure et contrôle industriel (Meci), un fabricant spécialisé dans les solutions de comptage transactionnel de gaz et liquide (C ountum Group ; voir Mesures n° 861 ). Dans le cadre du projet Ichthys, le français a en effet remporté en 2013 le contrat pour la fourniture d'une station de comptage export sur une plate-forme de production offshore de gaz naturel au large des côtes australiennes. Ce projet, du nom d'un champ gazier situé à environ 820 kilomètres au sud-ouest de Darwin (ville du Nord-Ouest de l'Australie, dans les territoires du Nord), est une joint-venture entre l'entreprise Inpex, qui en est l'exploitant, le groupe français Total et les filiales australiennes de Tokyo Gas, d'Osaka Gas, de Chubu Electric Power et deToho Gas.

L'essentiel

Dans le cadre du projet Ichthys qui s'articule notamment autour d'une plateforme de production offshore de gaz naturel, Samsung Heavy Industries achoisi la PME Meci pour l'étude et la réalisation d'une station de comptage gaz.

Les spécificités au niveau du comptage transactionnel sont multiples: contraintes en termes métrologiques, de performances, d'encombrement, de redondance et de maintenance.

La solution développée par Meci s'appuie notamment sur des compteurs à ultrasons de Sick, ce qui permet par exemple d'atteindre une incertitude inférieure à 0,7%.

L'estimation la plus fréquente du volume du champ Ichthys est de 362,5 millions de milliards de mètres cubes de gaz, soit une production de 527 millions de barils de gaz condensé sur une durée supérieure à quarante ans. Le gaz extrait du champ Ichthys va d'abord subir un traitement préliminaire au sein d'une installation centrale de traitement (Central Processing Facility ou CPF ) en mer. L'objectif de cette installation est d'éliminer l'eau et les liquides bruts, y compris une grande partie du condensat. Ce dernier sera pompé vers une unité flottante de production, de stockage et de déchargement ( Floating Production, Storage and Offloading ou FPSO ), amarrée à proximité, à partir de laquelle il sera transféré dans des pétroliers (navires-citernes) pour livrer le gaz dans le monde entier.

Pour avoir une idée un peu plus précise du gigantisme des infrastructures, l'installation CPF mesurera 150 mètres par 110 mètres et pèsera 140000 tonnes, ce qui en fera la plus grande plate-forme semi-submersible du monde avec un débit de l'ordre de 2000m 3 /h d'exportation de gaz en pointe. Il faut encore ajouter les 28 lignes d'arrimage, ce qui représente plus de 25000t de chaîne d'ancrage… sans compter les 15000t supplémentaires pour arrimer l'unité FPSO. Cette dernière sera normalement capable de stocker environ 1,2 million de barils de condensat. « La plate-forme semi-submersible est construite par l'entrepreneur EPC [Engineering, Procurement and Construction,NDLR] sud-coréen Samsung Heavy Industries,aveclesous-trai-tant américain Mustang (Wood Group) pour l'ingénierie détaillée », explique Patrice Maisonneuve, spécialiste des systèmes de comptage chez Meci.

Le gaz sera ensuite transporté de la centrale de traitement CPF vers l'usine de traitement du GNL onshore , située à Blaydin Point, près de Darwin, à travers un pipeline sous-marin de plus de 885 kilomètres de longueur. Le gaz sera refroidi au-dessous de - 161°C, la température en dessous de laquelle le gaz naturel devient liquide.Le projet Ichthys aura ainsi une capacité de production initiale de 8,4 millions de tonnes de GNL par an et 1,6 million de tonnes de gaz de pétrole liquéfié (GPL) par an ainsi qu'environ 100000 barils de condensats par jour en période de pointe. Le projet global représente un investissement total de l'ordre de 30milliards de dollars et les premières livraisons de gaz sont prévues d'ici la fin de 2016.

Des contraintes multiples liées au gigantisme du projet

Au vu du gigantisme de la plate-forme et de l'unité FPSO, on peut très facilement imaginer tous les défis que peut représenter un tel projet. Et la station de comptage ne déroge évidemment pas à la règle. Parmi ses caractéristiques, on peut en effet mentionner un débit nominal réel de 8700m 3 /h, une pression de fonctionnement comprise entre 136 et 205 bar absolus et une température moyenne du gaz de + 55°C. « Le projet de comptage se distinguait également par des contraintes particulières et multiples, en termes métrologique, de performances,d'encombrement,de redondances et de maintenance », résume Patrice Maisonneuve. Une incertitude de mesure inférieure à 0,7% en volume, masse et énergie devait par exemple être garantie.

Sans compter qu'à l'origine du projet Ichthys, il ne devait pas y avoir de comptage, le gaz étant directement envoyé pour y être traité à nouveau. « Mais d'autres champs gaziers devant s'y greffer, la donne a changé afin de permettre la répartition des royalties. Au départ, il avait été question d'importer la solution de Total, qui est d'ailleurs le garant métrologique de ce banc. Finalement, après une préconisation auprès du groupe français, Samsung Heavy Industries a lancé un appel d'offres en avril 2012, ce qui s'est notamment caractérisé par une longue période de clarification via par exemple 300 questions », explique Patrice Maisonneuve. Et c'est ainsi que la PME située à Issoudun dans l'Indre a remporté le contrat d'un montant de 2,35 millions de dollars pour l'étude et la réalisation d'un ensemble de comptage du gaz à haute pression et à forte teneur en dioxyde de carbone (CO2 ).

Quels ont donc été les choix retenus par Meci? La solution de mesure s'articule en fait autour d'un débitmètre à ultrasons Flowsic 600 Quatro de l'allemand Sick et de deux calculateurs de débit multilignes CDN16 du français, associés à un applicatif adapté aux besoins du site offshore et permettant de gérer l'ensemble des équipements de la station (voir schéma page 35) . On dénombre au total quatre rampes de comptage équipées des Flowsic 600 Quatro avec un diamètre nominal (DN) de 300mm, deux transmetteurs de pression et deux transmetteurs de température par rampe de comptage ainsi que deux chromatographes en phase gazeuse installés sur le collecteur d'entrée pour l'analyse des composants majeurs.

« Le type des transmetteurs de pression et de température – des modèles de l'américain Emerson Process Management – également fabricant du chromatographe en phase gazeuse nous avait été imposé », précise Patrice Maisonneuve. L'un des points essentiels de la solution de comptage transactionnel réside dans les débitmètres Flowsic 600 Quatro qui interviennent à plusieurs niveaux. « Il existe deux méthodes de mesure différentes pour ce type de comptage : les organes déprimogènes (technologie mature) et les ultrasons que l'on retrouve désormais dans tous les gros systèmes. Et, à ma connaissance,Sick était à l'époque le seul fabricant sur le marché à proposer un débitmètre tel que le Flowsic 600 Quatro » , rappelle-t-il.

Associé aux calculateurs CDN16, un superviseur de comptage permet la gestion à distance, depuis une salle de contrôle via un réseau Ethernet et un site Internet. Il est possible de visualiser des menus d'exploitation personnalisés, de programmer les données nécessaires sur le site et de réaliser des opérations de maintenance localement ou à distance.

Meci

Le système de mesure à ultrasons Quatro permet de disposer de deux compteurs volumétriques indépendants, et en redondance, au niveau d'une seule et même manchette. Le premier avantage, essentiel dans l'application qui nous intéresse ici, est le gain significatif en termes d'encombrement et de poids, ce qui permet par ailleurs une réduction des coûts. « Comme il n'y avait plus de place disponible sur le site pour accueillir la station de comptage transactionnel (elle n'avait pas été prévue au tout début du projet),sans compter que toutes les mesures devaient être vérifiées ou en redondance, il aurait fallu tout casser pour ajouter un système en configuration en Z comme on peut en trouver dans les installations sur la terre ferme », explique Patrice Maisonneuve. Comme il était impensable de tout casser, la conception des deux éléments de mesure dans un même corps des Flowsic 600 Quatro a permis de réduire la taille générale de la station de comptage en diminuant la longueur de la tuyauterie et le nombre de vannes et en induisant une faible perte de charge.

Compacité, précision et redondance avec les débitmètres

De par le principe de mesure basé sur un trajet direct des ondes ultrasonores, les signaux ne sont pas réfléchis sur les parois internes du corps de l'appareil; ils ne sont donc pas influencés par les éventuels phénomènes de dépôts et/ou de contamination qui peuvent se manifester. « Et les débitmètres de Sick intègrent des fonctionnalités d'autodiagnostic qui permettent d'identifier et de signaler la présence de bulles ou de particules dans la conduite, ce que ne peut faire un organe déprimogène, et plus généralement tout problème dans le comportement du compteur lui-même », poursuit-il. Les opérations d'entretien et de maintenance, en particulier pour les applications avec des gaz secs, humides et/ou corrosifs bénéficient également de ces caractéristiques, comme des transducteurs à ultrasons scellés, du câblage dissimulé…

Les compteurs à ultrasons offrent par ailleurs un autre avantage indéniable par rapport aux organes déprimogènes. Ils sont en effet plus précis que ces derniers, avec une incertitude de mesure de l'ordre de 0,2%, ce qui permet,en choisissant les transmetteurs de pression et de température ainsi que les chromatographes en phase gazeuse les plus précis du marché, d'atteindre une incertitude de mesure globale inférieure à 0,7% pour le calcul du volume corrigé de la masse et de l'énergie. « Nous avons démontré que la valeur de 0,7 % serait effective, alors que, normalement, l'incertitude de mesure demandée est de 1 %. En fait, il faut garder à l'esprit que, compte tenu des volumes de gaz en jeu, la moindre amélioration sur l'incertitude de mesure peut se traduire par des millions de dollars en plus pour l'exploitant. Le système de comptage équivaut à la caisse enregistreuse », insiste Patrice Maisonneuve.

Cet aspect critique pour l'exploitant Inpex explique également l'exigence d'une conformité totale aux principaux standards métrologiques ISO ( International Organization for Standardization ) et OIML ( International Organization of Legal Metrology ), la certification pour zone avec atmosphère explosible IECEx et le choix d'une architecture redondante à tous les étages –seule la supervision n'est pas doublée. « Il est impératif qu'aucune défaillance du matériel n'affecte la capacité de l'utilisateur à fournir et à mesurer correctement les quantités de gaz exportées, la redondance du système de comptage venant sécuriser les mesures de volume. C'est ce que l'on appelle le Pay and Check », explique Patrice Maisonneuve.

Un contrôle à (longue) distance pour une grande réactivité

La configuration Pay and Check , ou «mesure et contrôle»,consiste en fait dans la redondance de tous les instruments de mesure et dans l'utilisation des deux calculateurs de débit multilignes CDN16 afin de déterminer un même paramètre avec des instruments de mesure différents et ainsi de vérifier la cohérence entre les deux valeurs (absence d'écart, de dérive, etc.). Cette configuration redondante,dans laquelle le système s'autocontrôle en permanence (la vitesse du son obtenue avec un débitmètre Flowsic 600 Quatro est comparée aux valeurs fournies par les chromatographes en phase gazeuse, pour ne citer qu'un seul exemple), garantit alors une disponibilité de la station de comptage supérieure à 98% du temps.

La solution retenue par Meci s'articule autour d'un débitmètre à ultrasons Flowsic 600 Quatro de l'allemand Sick et de deux calculateurs de débit multilignes CDN16, associés à un applicatif adapté aux besoins du site offshore et permettant de gérer l'ensemble des équipements de la station (transmetteurs de pression, transmetteurs de température, chromatographes en phase gazeuse).

Associé aux calculateurs CDN16, un superviseur de comptage moderne permet la gestion à distance depuis une salle de contrôle via un réseau Ethernet et un site Internet. Il est possible de visualiser des menus d'exploitation personnalisés, de programmer les données nécessaires sur le site, de réaliser des opérations de maintenance locale ou à distance (via un site web embarqué avec des vues d'écran personnalisées). « Du moment que l'exploitant nous donne accès à son réseau, nous pouvons voir ce qui se passe exactement au niveau de la station et interroger depuis Issoudun calculateurs de débit,débitmètres et chromatographes en phase gazeuse », affirme Patrice Maisonneuve. La PME ne sera ainsi pas obligée d'envoyer des personnes sur le site offshore pour la maintenance et ce suivi à distance en temps réel (collecte des données, réglage des seuils, envoi automatique d'alertes, archivage et consultation d'historique, caractérisation du fluide…) permettra également une grande réactivité.

Evidemment, une telle solution de télé-exploitation ne peut pas fonctionner correctement sans fonctionnalités de cybersécurité. « Si une protection de cybersécurité était auparavant seulement évoquée sans être installée (depuis cinq, six ans), il faut faire ensorte que quiconque n'est pas autorisé à pénétrer dans le système de comptage ne puisse le faire. Nous avions prévu douze jours de tests, ici à Issoudun, pour vérifier les aspects de cybersécurité, protection assurée par des commutateurs Ethernet », précise d'ailleurs Patrice Maisonneuve. Une fois tous les tests et autres contrôles faits, la station de comptage fiscal devait ensuite être livrée au premier trimestre 2014, sachant que la plate-forme ne sera mise en service que dans plus d'un an. D'ores et déjà, Meci se réjouit d'avoir remporté ce contrat et d'avoir collaboré avec Samsung Heavy Industries dans le cadre d'un projet de référence dans le domaine des plates-formes offshore .

Source : Inpex (www.inpex.com.au/projects/ ichthys-project/project-overview.aspx).

Copy link
Powered by Social Snap